Polémique sur le "stemblok ethnique" et la réforme du mode de scrutin régional bruxellois - éléments de débat
Le fax dont il est (e.a.) question (format pdf)
Pierre-Yves Lambert
mardi 11 décembre 2001 23:59
Quelle est l'instance Ecolo qui a approuvé un tel amendement ? (Nagy-Moureaux)
J'ai hésité à retransmettre ce fax scanné qu'un vent favorable a amené dans mon courrier, mais je trouve qu'il y a tout de même un sérieux problème à Ecolo si les parlementaires peuvent s'amuser à faire ce genre de choses sans en référer à des instances ad hoc. Ou alors c'est une initiative du SF [secrétariat fédéral, la plus haute instance d'Ecolo] ou du BCF [Bureau du Conseil de Fédération, autre instance importante d'Ecolo] ? Les membres d'Ecolo à qui j'ai posé la question ne se souviennent pas d'avoir jamais voté une motion dans ce sens en tout cas...
Je sais, je ne suis plus membre Ecolo, ça ne me regarde
donc plus, mais d'un autre côté je trouve que le fax
témoigne d'un état d'esprit déplorable, voire
inquiétant car basé sur une évaluation erronnée
des dernières
élections. La crainte exprimée
d'un "stemblok ethnique spontané" témoigne
d'un mépris profond pour les électeurs "ethniques",
qu'Alain Adriaens prend apparemment pour des imbéciles (les
imbéciles seraient plutôt ceux qui ont mis sur les
listes certains candidats qui avaient plutôt leur place à
Tyteca, comme Aycha El Abbouti ou Samira Lahlou). Par contre, il ne
mentionne aucunement un autre phénomène, avéré
à chaque élection sur les listes Ecolo, du "vote
femmes", par lequel de nombreuses électrices votent pour
toutes les femmes de la liste.
Ce mépris, il se retrouve d'ailleurs dans la façon dont certains candidats ont été "sélectionnés" sur les listes pour les "colorer" (comme El Arnouki à Schaerbeek en 1994, ou un autre candidat à Ganshoren en 2000, et je pourrais en citer pas mal d'autres), mais aussi dans l'intention manifeste de draguer certains votes. Alors, qui a joué cette carte du "vote ethnique", les électeurs ou les partis ??
Il ne faudra pas s'étonner après s'il y a un retour de boomerang: avant même que je sois au courant de cette histoire, plusieurs élus Ecolo et PS, ainsi que d'autres militants d'origine marocaine, m'avaient interpellé à ce sujet en me demandant pourquoi je n'avais pas encore réagi, ils étaient tous choqués de cette suspicion malveillante.
Je ne suis aucunement défavorable a priori à une modification de la loi électorale, mais ça doit se faire pour toutes les assemblées élues alors, et pas dans cet esprit-là.
Il y a à mon avis deux possibilités intéressantes
à creuser, si Ecolo décide de se pencher sur une telle
réforme, le système néerlandais ou le système
danois, dans les deux on ne peut voter que pour un seul
candidat.
Pays-Bas
1. on ne peut voter que pour un seul
candidat, donc ni pour la liste ni pour plus d'un candidat
2. pour
être élu alors qu'on n'est pas en ordre utile, il faut
avoir obtenu 25% des voix qu'il faudrait pour obtenir un siège
(sauf au Sénat et dans les petites communes avec moins de 19
conseillers, où il faut 50%, et au Parlement Européen,
où il faut 10%)
Danemark
1. les promoteurs de la
liste décident si c'est une liste "prioritisée",
où pour dépasser l'ordre initial un candidat doit
obtenir un minimum de voix, donc pas seulement dépasser son
prédécesseur d'une voix, ou une liste "égale",
où les candidats sont élus dans l'ordre suivant leur
nombre de voix
2. on peut voter soit pour la liste soit pour un
seul candidat, si on met plus d'une croix le bulletin est nul
3.
plusieurs listes peuvent conclure une alliance (comme
l'apparentement), p.ex. si la liste A a eu 109 voix pour 5 élus
alors qu'il n'en fallait que 100, les 9 voix "en trop"
aident une liste B à avoir suffisamment pour
compléter
ce qui lui est nécessaire pour avoir un siège en
plus
Pierre-Yves Lambert
samedi 15 décembre 2001 15:48
Réponse au mail de PY Lambert
Quand on fait de la politique on connaît la phrase "En
tirant une phrase de son contexte, on peut faire condamner n'importe
qui..." Quand on est victime soi-même de ce procédé
douteux, on peut s'indigner. Mais quand on voit d'où vient la
manoeuvre, on est plutôt réconforté et on prend
la plume (ou le clavier) pour expliciter des choses complexes rendues
incompréhensibles par le simplisme (ou la volonté
maligne) de certains.
Depuis quelques années, des
responsables politiques de partis traditionnels, surtout situés
sur la droite de l'échiquier politique, défendaient
l'idée de la suppression de l'effet dévolutif de la
case de tête en mettant en avant que cela permettrait à
l'électeur de faire élire son mandataire préféré.
ECOLO m'a chargé d'analyser les réelles motivations
et les conséquences de cette option et, il y a 3 ou 4 ans,
j'ai rédigé une longue note, qui fut approuvée
en SF et qui disait en résumé ceci:
La suppression
de l'effet dévolutif de la case de tête provoquera une
accentuation terrible de la politique spectacle. Les polls internes
au partis n'auront plus aucun sens et seuls les "faiseurs de
voix" pourront être élus. Pour être élu,
il faudra avoir de la notoriété et être "sortant,
riche (les dépenses électorales ne sont limitées
que 40 jours avant les élections) ou connu pour des raisons
extérieures à la politique (les chanteurs de variété,
les vedettes sportives et les journalistes TV sont en bonne
situation). Le stem blok est aussi un moyen de se faire élire
(on y reviendra...).
ECOLO opta donc contre la suppression de
l'effet dévolutif et lors des négociations de juin 99,
seul contre tous les autres, obtint le compromis que seulement 50% de
l'effet dévolutif serait supprimé. Plusieurs
modifications des lois électorales furent donc rapidement
votées en début de législature...
Ce fut
lors de élections communales d'octobre 2001 que le principe
fut appliqué pour la première fois et les effets
pervers prévus par ECOLO se virent confirmés. En
particulier, le "stem blok" est réapparu dans le
fait de quelques-uns, plus malins que les autres (mais aujourd'hui
tous savent comment cela marche). En particulier, un Prince ucclois
appliqua la méthode... et rendit sa commune ingouvernable
pendant près de 6 mois (et ce n'est pas fini...)
Même
les chauds partisans de la suppression de l'effet dévolutif
réalisèrent qu'ils avaient joué avec le feu et
qu'il faillait corriger le tir. Le fax parvenu dans les mains de
PY.L.(tiens tiens...) est un argumentaire destiné à
motiver nos partenaires au niveau fédéral d'introduire
une correction par la limitation du nombre de vote préférentiels.
Elle vient d'être adoptée en séance plénière
du sénat, preuve que nous avons convaincu.
Pour ce qui
est du stem blok, comme son étymologie l'indique, c'est une
technique inventée par les candidats néerlandophones
présents sur les listes majoritairement francophones en région
bruxelloise, C'est une manoeuvre habile de votes de préférences
groupés pour une série de candidats membres d'un groupe
minoritaire présents sur une même liste. Cette technique
agissait auparavant à la marge; avec la suppression de l'effet
dévolutif elle devient redoutable et antidémocratique.
Elle est donc à empêcher, et ce quel que soit le groupe
qui l'utilise (ou qui en profite involontairement...), C'est donc
vrai aussi pour les votes systématiques pour les groupes
minoritaires a priori sympathiques que sont les femmes ou les
personnes d'origine étrangère. La phrase exacte qui se
trouve dans mon texte: "Il en résulte qu'un stem blok
bien préparé (oui spontané comme les votes sur
base de patronymes révélateurs d'une origine ethnique
particulière) peut faire passer un groupe de candidats liés
entre eux" (et non pas "stem blok ethnique" comme l'on
dit un peu rapidement et faussement certains) est donc la traduction
exacte de ce qui précède. Je n'ai rien à en
enlever.
Pour ce qui est des insultes de PY.L., je dirai
simplement que l'utilisation spontanée de la technique n'est
pas preuve d'imbécillité et si elle est réfléchie
c'est plutôt une preuve d'intelligence... Cet individu qui,
dans la même phrase, ose m'accuser de mépris profond
pour les électeurs ethniques et lie le nom de candidats
d'origine maghrébine à des institutions psychiatriques,
révèle clairement qui méprise et qui respecte
(si un "vent favorable" amenait la prose de Lambert aux
personnes calomniées, une action en justice ne me paraîtrait
pas déplacée).
Je continuera donc, avec des
arguments de raison, à me battre contre des dispositions
électorales que je considère comme très
dangereuses. La démocratie est trop fragile pour qu'on joue
avec ses mécanismes délicats sans y réfléchir
sérieusement, même si dans un premier temps cela semble
avantager un groupe qui vous est proche.
Je remercie ceux des
destinataires de ce que je considère comme un torchon
électronique qui m'ont déjà témoigné
de leur confiance et je salue cordialement les autres.*
Alain
Adriaens
* le pc d'A.A. ayant bégayé, il existe une autre version de cette phrase: "Je remercie ceux des destinataires du torchon électronique de PYL qui m'ont déjà témoigné de leur confiance et salue cordialement les autres." (envoyé à 11:55)
réponse de Pierre-Yves Lambert (16/12/2001)
1. La phrase exacte qui figure dans le texte initial d'Alain Adriaens est la suivante:
"Il en résulte qu'un stemblok bien préparé (ou spontané dans le cas de votes sur base de patronymes révélateurs d'une origine ethnique particulière) peut faire passer un paquet de candidats liés entre eux."
Dans sa réponse, il précise que "je dirai simplement que l'utilisation spontanée de la technique n'est pas preuve d'imbécillité et si elle est réfléchie c'est plutôt une preuve d'intelligence... ".
2. A. Adriaens écrit dans sa réponse que "Pour être élu, il faudra avoir de la notoriété et être sortant, riche (les dépenses électorales ne sont limitées que 40 jours avant les élections) ou connu pour des raisons extérieures à la politique (les chanteurs de variété, les vedettes sportives et les journalistes TV sont en bonne situation)."
Cet argument est parfaitement spécieux: encore une fois, si des partis choisissent de mettre sur leur liste des chanteurs de variété, des vedettes sportives ou des journalistes TV (moi, je ne mettrai quand même pas dans le même sac Josy Dubié et Frédérique Ries, mais je ne suis pas Alain Adriaens...), des politiciens véreux ou des mafieux (comme cela s'est fréquemment passé en Italie, et comme cela se passera avec Chirac en 2002), c'est leur choix. Si un parti considère que cela n'est pas souhaitable, il n'y a aucunement besoin de modifier le système électoral à moins de vouloir, dans un accès de fureur purificatrice aux relents nauséabonds, forcer tout le monde à adopter son point de vue sous peine d'être mis hors-la-loi. Si Alain Adriaens ne souhaite pas que des candidats riches et/ou connus pour des motifs extrapolitiques figurent sur la même liste que lui, de peur peut-être de ne pas pouvoir exercer un quatrième mandat (!) de député régional bruxellois (alors qu'Ecolo limite théoriquement à deux le nombre de mandats successifs dans une même assemblée), c'est son droit le plus strict. Et si les autres membres de son parti en décident autrement, c'est aussi son droit de ne plus souhaiter figurer sur ladite liste, voire de rejoindre un autre parti, une version belge du M.E.I. des khmers verts waechteriens par exemple.
3. Dans le même état d'esprit, A.A. écrit "si un "vent favorable" amenait la prose de Lambert aux personnes calomniées, une action en justice ne me paraîtrait pas déplacée". Je crois que la menace se passe de commentaires (de même que "quand on voit d'où vient la manoeuvre", une allusion qu'A.A. est probablement le seul à comprendre). Sur le fond, d'autres se sont cassés les dents à ce petit jeu: la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme est très claire quant à l'étendue des écrits ou propos qui peuvent être tenus à l'encontre de politiciens, personnes publiques qui peuvent légitimement faire l'objet d'appréciations polémiques. Estimer que des politiciens ont plus leur place dans un établissement de soins psychiatriques que dans une assemblée relève de la liberté d'appréciation que tout citoyen a le droit d'exprimer dans une société démocratique. Il semble que le modèle de société qui a les préférences d'Alain Adriaens est différent, j'espère que les instances décisionnelles d'Ecolo n'ont pas la même vision des choses et auront le courage de le faire savoir à l'intéressé.
4. "Cet individu qui, dans la même phrase, ose m'accuser de mépris profond pour les électeurs ethniques et lie le nom de candidats d'origine maghrébine à des institutions psychiatriques, révèle clairement qui méprise et qui respecte"
Aycha El Abbouti et Samira Lahlou ne sont pas des "candidats d'origine maghrébine", mais des conseillères communales élues sur des listes Ecolo, respectivement à Bruxelles-Ville et Saint-Gilles, qui ont choisi de siéger comme indépendantes quelques mois après leur élection. Dans les deux cas, elles étaient des candidates soit d'adhésion récente à Ecolo soit "d'ouverture" (non membre), placées bien au-delà de la dernière place "utile" (13ème et 20ème). La première a, selon les versions, quitté le groupe Ecolo ou été exclue par celui-ci, notamment parce qu'elle s'entêtait à ne pas comprendre pourquoi il fallait maintenir un "cordon sanitaire" à l'égard du Vlaams Blok, et qu'elle mettait ses actes en conformité avec ses opinions à ce sujet. La seconde avait notamment mis en demeure Ecolo de se prononcer en faveur de l'"intégrité territoiriale du Maroc", contre les "séparatistes" du Polisario. Dans les deux cas, les positions d'Ecolo sur ces questions étaient connues de longue date, elles n'ont pas changé depuis des années, ce qui me semble une attitude louable en l'occurrence. C'est évidemment le droit d'Alain Adriaens de respecter les positions de deux ex-élues de son parti, surtout ce genre de positions-là...
5. Pour le reste, j'adhère sans réserve aucune au message envoyé par Dirk Jacobs (e.a. chercheur universitaire et secrétaire politique d'Agalev-Bruxelles-Ville, voir son site, bien qu'il ait la modestie de ne pas le signaler lui-même) suite à la réponse d'Alain Adriaens. La traduction de ce texte figure ci-dessous.
dimanche 16 décembre 2001 18:13
beste Alain,
cher Alain,
Met alle respect, maar ik begrijp helemaal niet dat je durft
spreken over het 'antidemocratische karakter' van het feit dat
bepaalde groepen - al dan niet minderheidsgroepen - een collectieve
voorkeur uitspreken voor bepaalde kandidaten.
Respectueusement,
je ne comprends pas du tout comment on ose parler du "caractère
antidémocratique" du fait que des groupes spécifiques
- minoritaires ou pas - expriment une préférence
collective pour certains candidats.
Dus de 'stem vrouw' campagnes die georganiseerd worden om meer
vrouwen als politieke vertegenwoordigers te krijgen, zijn die
antidemocratisch? Volgens uw logica dus wel.
Donc, les
campagnes "votez femme", qui sont organisées pour
obtenir plus de femmes dans la représentation politique,
sont-elles antidémocratiques ? Selon votre logique, oui.
Ik constateer ook dat de Vlamingen voor u niet a priori sympathiek
als minderheidsgroep zijn, waarvan akte.
Je constate également
que les Flamands ne sont pas pour vous a priori sympathiques en tant
que groupe minoritaire, dont acte.
Waarom zou het verkeerd zijn dat te Brussel vrouwen,
nederlandstaligen, allochtonen, homo's, (etc., etc). een strategie
(zouden) ontwikkelen om hun politieke vertegenwoordiging veilig te
stellen?
Pourquoi serait-ce mal qu'à Bruxelles des
femmes, des néerlandophones, des allochtones, des homos (etc.
etc.) développe(rai)ent une stratégie pour assurer leur
représentation politique ?
Blijkbaar worden soms strategieën gehanteerd omdat men nu
vindt niet goed of onvoldoende vertegenwoordigd te zijn. Een andere
reden is dat men het belangrijk vindt dat de diversiteit van de
samenleving een zekere weerspiegeling kent onder de politieke
vertegenwoordigers. En sinds wanneer en waarom moeten groepen mensen
verweten worden dat ze aan politiek doen en bepaalde kandidaten
verkozen willen zien?
De toute évidence, il arrive que
des stratégies soient menées parce qu'on considère
ne pas être actuellement bien ou suffisamment représenté.
Une autre raison est qu'on croit important que la diversité de
la société connaisse un certain reflet dans la
représentation politique. Et depuis quand et pourquoi doit-on
reprocher à des groupes de gens de faire de la politique et de
vouloir que certains candidats soient élus ?
Natuurlijk, politici worden geacht iedereen te vertegenwoordigen
en in ieders belang te ageren. Maar in de praktijk staat men toch ook
voor een bepaalde achterban en brengt men vanuit zijn achtergrond een
aantal specifieke aandachtspunten en gevoeligheden mee.
Evidemment,
les politiciens sont tenus de représenter tout le monde et
d'agir dans l'intérêt de tous. Mais dans la pratique on
représente quand même aussi une certaine base et on
amène avec soi, de par ses origines, un certain nombre de
sujets d'intérêts et de sensibilités.
Je kan bezwaarlijk beargumenteren dat de partijen hun lijsten (en
de volgorde daarbinnen) nu evenwichtig samenstellen. En het spijt me
te moeten opmerken dat dit ook bij Ecolo een probleem is. Kijk nog
maar eens de profielen na van de topkandidaten bij de lijsten voor de
gemeenteraadsverkiezingen in het Brusselse. Die zijn niet allemaal
evenwichtig (kijk eens naar het evenwicht man/vrouw bij de eerste
tien te Brussel stad, bijvoorbeeld).
On peut difficilement
argumenter que les partis composent maintenant leurs listes (et
l'ordre de candidatures en leur sein) d'une manière
équilibrée. Et je regrette de devoir constater que ceci
constitue aussi un problème pour Ecolo. Examinons les profils
des principaux candidats sur les listes aux élections
communales en région bruxelloise. Elles ne sont pas toutes
équilibrées (l'équilibre homme/femme parmi les
dix premiers candidats de la liste à Bruxelles-Ville par
exemple).
Ik wil ook opmerken dat je best goed nadenkt wat de consequenties
zijn van het standpunt dat je inneemt, ook voor de relatie te Brussel
met de Nederlandstaligen. Als het zogenaamde 'blokstemmen' of
collectief voorkeurstemmen uit den boze is, dan betekent dit te
Brussel voor de gemeenteraadsverkiezingen, nog meer dan nu al het
geval is, het volgende:
Je veux également faire
observer que tu dois bien réfléchir aux conséquences
de la position que tu adoptes, notamment pour la relation à
Bruxelles avec les néerlandophones. Si les soi-disant "votes
en bloc" ou les votes préférentiels collectifs
sont inadmissibles, cela signifie ce qui suit à Bruxelles pour
les élections communales, plus encore que ce n'est le cas
actuellement:
Voor Nederlandstalige Brusselaars heeft het dan enkel zin om samen
met franstaligen op dezelfde lijst te staan, als er voldoende
Nederlandstaligen hoog genoeg op de lijst (op verkiesbare plaatsen)
staan. Is dit niet het geval, dan is apart opkomen de enige optie.
(Moet ik u er nog aan herinneren dat Agalev te Brussel Stad alleen
naar de verkiezingen is getrokken? Is er geen analyse gebeurd waarom
wij die beslissing toen, met pijn in het hart, hebben moeten
nemen?)
Pour les Bruxellois néerlandophones, cela a
encore seulement du sens de se présenter sur la même
liste que des francophones s'il y a suffisamment de néerlandophones
qui figurent suffisamment haut sur la liste (à des places
éligibles). Si cela n'est pas le cas, la présentation
d'une liste séparée devient la seule option. (Dois-je
encore te rappeler qu'Agalev s'est présenté seul aux
élections à Bruxelles-Ville ? N'y a-t-il pas eu
d'analyse quand aux motifs pour lesquels nous avons dû prendre
cette décision, à contrecoeur ?
Het moet mij toch ook van het hart dat ik een gevaarlijke
ondertoon in deze discussie hoor terugkomen. En ik zal niet rond de
pot draaien. Ik ga een kat een kat noemen. Het lijkt wel alsof jullie
vinden dat er plots teveel (of de 'verkeerde') allochtone verkozenen
zijn door de halvering van de lijststem. Ik vind dat schandalig.
Mogen de allochtonen alleen maar stemmen aanleveren, maar liefst zelf
niet verkozen geraken? Daar lijkt het nu op.
Je dois quand-même
aussi dire que j'entends revenir de dangereuses nuances dans cette
discussion. Je ne vais pas tourner autour du pot. Je vais appeler un
chat un chat. Il me semble bien que vous (ndt: pluriel) trouvez tout
à coup qu'il y a trop d'allochtones (ou des "mauvais")
qui ont été élus de par la diminution de moitié
du vote de liste. Je trouve cela scandaleux. Les allochtones ont-ils
seulement le droit d'apporter des voix, mais de préférence
de ne pas eux-mêmes être élus ? C'est l'impression
qui ressort.
Les immigrés de service, comme les flamands de service. Van
de PRL-FDF zou ik zo'n reflex nog enigszins kunnen begrijpen, maar
bij Ecolo stelt dit me zwaar teleur.
Les immigrés de
service, comme les flamands de service. (en français dans le
texte) De la part du PRL-FDF je pourrais encore quelque peu
comprendre un tel réflexe, mais chez Ecolo cela me déçoit
profondément.
Eigenlijk is het simpel: je moet ervan uitgaan dat iedereen die op
je lijst staat, aanvaardbaar is om te zetelen. Is dat niet het geval,
dan moet je ze niet op je lijst plaatsen, want dan lopen ze het
'risico' verkozen te worden. Ik word graag overtuigd van het
tegendeel, maar ik vrees dat u flink uw best zal moeten doen.
Au
fond, c'est simple: on doit partir du point de vue que toute personne
qui se trouve sur la liste est acceptable pour ce qui est de siéger.
Si cela n'est pas le cas, alors il ne faut pas les mettre sur la
liste, parce que sinon ils courent le "risque" d'être
élus. Je voudrais bien qu'on me convainque du contraire, mais
je crains que vous allez devoir faire un sacré effort pour ça.
met vriendelijke groet,
amicalement,
Dirk Jacobs
mardi 18 décembre 2001
réponse au 2ème mail de PY Lambert
Promis, juré, c’est la seconde et dernière fois que j’interviens dans la polémique dont question ici.
Peu de commentaires quant aux propos très vindicatifs envers ECOLO de PY Lambert. S’il juge que sa liberté est de traiter de malades mentales des élues nouvelles belges qui n’ont pas eu le temps d’intégrer les subtilités du politiquement correct ou les très lentes procédures démocratiques internes, c’est son choix. Si je ne suis pas d’accord avec les positions ou les méthodes de personnes présentes sur des listes de mon parti, je m'oppose à elles mais je ne m’autorise pas à les calomnier (même si la Cour de Justice dit que je peux le faire en toute impunité…).
Par contre, je souhaite répondre complètement à Dirk Jacobs.
La question n’est la sympathie envers tel ou tel groupe minoritaire (ou pas). Le stem blok n’est pas antidémocratique, c’est une utilisation habile de la légalité pour favorise un groupe particulier. Même si je dois me mettre à dos les 9/10èmes des lecteurs potentiels de ce message, je peux dire que beaucoup en ont usé. A ma connaissance, ont profité du stem blok, sans organisation lourde préalable (mais parfois avec quelques encouragements), les femmes (prénoms), les personnes d’origine étrangère (patronymes), les nobles (particules). L’ont utilisé, suite à la solidarité et une circulation de l’information au sein de groupes minoritaires solidaires : des néerlandophones sur des listes bilingues, des FDF sur des listes de la fédération PRL-FDF, des homosexuels, des membres de la communauté juive, des colistiers d’un prince tchèque…
Cette technique avait, jusqu’à présent, pour conséquence de faire élire l'un ou l'autre membre de ces groupes et c’était parfois une bonne chose. Ce qui a changé est que la suppression de 50% de l’effet dévolutif fait que si l’on est pas 1er ou 2ème sur la liste ou mandataire sortant et bien connu, il devient quasi impossible d’être élu sans faire partie d’un sous-groupe. C'est l'xact opposé des intentions de départ de la réforme et devient dès lors une dérive contraire à la démocratie. Le document à l’origine de ce débat avait pour seul but de mettre en évidence la guerre de chacun contre tous et inversément que cela entraîne et convaincre des sénateurs de tous partis de la pertinence de limiter le nombre de voix de préférence .
J’ajoute que la correction (partielle) souhaitée n’est pas destinée aux listes de mon parti mais a aussi pour but d’éviter, sur toutes les listes, le développement des clans, sous-groupes et autres coteries. La logique de la politique spectacle voulue par la droite (parce qu’on ne parle plus de politique, de programmes et d’idées) devient carrément suicidaire.
Pour parler de nos partis, j’ai soutenu l’ouverture d’ECOLO-XL a des candidats d’ouverture divers, dont des néerlandophones et pas seulement d’AGALEV. J’espère que cela sera encore possible dans l’avenir mais si l’on ne corrige pas les règles, je crains que la méfiance ne l’emporte sur la volonté de collaboration.
Suite à la suppression de l’effet dévolutif, plusieurs personnes furent élues sans l’avoir souhaité. Certains ont immédiatemment démissionné et d’autres assument leur mandat bon gré mal gré, sans s’y être préparé (comme ce fut le cas pour les personnes citées par PY Lambert). Cela ne redore pas, je le crains, ni l’image de la politique ni de certains groupes.
De : Didier Coeurnelle
Envoyé : mardi 18 décembre 2001 1:29
Bonjour ou bonsoir,
Je vais donner mon avis de manière relativement courte.
Sur la forme, je pense que le travail de Pierre-Yves Lambert est utile mais que le ton du premier mail était trop dur ce qui a suscité une réaction d'Alain probablement trop acerbe mais compréhensible.
En ce qui concerne la question posée par Pierre-Yves, je note qu'Alain répond précisément à la question "quelle est l'instance Ecolo qui a approuvé un tel amendement" puisqu'il cite le secrétariat fédéral et explique comment les choses se sont passées.
Sur le fond, le problème de toutes les modifications de systèmes électoraux dans les démocraties parlementaires est qu'elles visent à assurer un choix d'élus selon des modalités dont on sait (ou croit savoir) qu'elles favoriseront et/ou défavoriseront l'élection de certains.
Lors de ces modifications, ceux qui se savent ou se croient savoir potentiellement défavorisés affirment généralement que la modification de scrutin est antidémocratique ou moins démocratique alors que les autres affirment que la modification est plus démocratique ou que le système ancien était antidémocratique.
Dans certains cas, les aspects démocratiques ou antidémocratiques sont relativement clairs. Ainsi dans les systèmes avec des circonscriptions de taille très variables où par exemple, il faudra deux fois plus de voix pour faire élire un député de la ville que pour faire élire un député de la campagne.
Dans d'autres cas, les aspects démocratiques ou antidémocratiques ont fait l'objet de discussions longues et qui restent ouvertes comme par exemple en ce qui concerne la question du chois entre scrutin proportionnel et majoritaire et la fixation ou non d'un seuil d'éligibilité dans les systèmes à la proportionnelle ou comme dans le cas posé ici.
Une des questions souvent posées en Belgique est la question de savoir si l'ordre d'élection dans une liste d'un parti politique doit être fixée par le parti ou par les électeurs.
Il s'agit in fine de savoir si l'électeur va voter pour des têtes ou pour des idées sachant bien évidemment que derrière les têtes, il y a des idées et inversement.
Traditionnellement, la réponse à cette question a été plutôt "les visages" à droite et "les idées" à gauche. Ceci est lié notamment au fait que "les gauches" se battent plus pour des idées que "les droites".
Dans ce domaine, la suppression de l'effet dévolutif de la case de tête avait donc des conséquences défavorables et ceci particulièrement au niveau communal où, vu le nombre élevé de places sur les listes et le nombre réduit de personnes souhaitant être candidates, les organes décisionnels des partis ont été amenés à placer des personnes ayant une motivation politique relativement faible et/ou relativement éloignée des objectifs des mouvements concernés.
Un mécanisme qui limite l'élection de personnes peu motivées ou éloignées des objectifs du mouvement me paraît souhaitable pour des raisons multiples. Une raison importante est le fait que, en Belgique actuellement, les gens se positionnent généralement d'abord pour un parti et ensuite pour une personne même s'ils affirment que leur choix est d'abord individuel.
Ainsi, je suppose que si Eddy Merckx se présentait sur une liste Ecolo ou libérale, il obtiendrait un nombre important de voix et pourrait s'estimer sincèrement "peser" quelques (dizaines de) milliers d'électeurs. Or s'il fondait une liste MERCKX (Mouvement pour un Environnement Respectueux des Choix sans Kérosène ni Xénophobie), je suis convaincu que le nombre d'électeurs serait peu important la première élection et négligeable si ce mouvement survivait à sa première législature.
Comme je l'ai souligné plus haut, je reconnais que des contre-arguments peuvent être avancés à cette primauté du "parti" sur "les candidats". Mais traiter d'antidémocratique tout qui prône l'un ou l'autre choix me parait excessif.
Je termine en ajoutant des points que je ne développerai pas:
sauf erreur, la situation uccloise a été très (trop?) examinée dans le contexte concerné, autant sinon plus que la question de votes disons catégoriels
la question qui me semble la plus sensible en termes de démocratie et d'organisation des votes est celle de l'élection directe éventuelle du bourgmestre, une conséquence potentielle à mon avis fort préoccupante des accords gouvernementaux de 1999
les effets non désirés de votes pour des personnes s'expliquent pour une grande part par le peu d'intérêt des citoyens pour la candidature à une élection et ce peu d'intérêt est un problème sérieux
-un système dans lequel l'effet "stem blok" ne serait pas limité pourrait avoir pour effet paradoxal un accès plus limité aux listes pour des catégories de personnes et un système interdisant le "stem blok" pourrait avoir l'effet inverse
dire qu'il y a un effet "vote femmes"ou "vote ethnique" n'est pas en soi constitutif de sexisme ou de racisme; affirmer le contraire revient à considérer Ecolo, le CRISP et bien des mouvements comme des organisations sexistes et/ou racistes.
Merci de votre attention et meilleures salutations,
Didier Coeurnelle
Pierre-Yves Lambert
vendredi 21 décembre 2001
Je reproduis ci-dessous un argumentaire d'Henri Goldman, ancien co-responsable régional d'Ecolo Bruxelles et candidat Ecolo à Uccle aux dernières communales, en faveur de l'amendement Adriaens-Nagy. Et je réagis par la même occasion au texte en question, le tout est un peu long mais je crois qu'il faut poursuivre cette discussion dans la clarté.
Pierre-Yves Lambert
From: Henri Goldman To: -Stemblok Sent: Tuesday, December 18, 2001 8:54 PM Subject: Votes de préférences et "stemblok ethnique"
Une mauvaise polémique
Certains de mes amis partent
en croisade contre un amendement déposé par la
sénatrice Marie Nagy (Ecolo) qui vise à réduire
les possibilités de votes de préférence à
3 votes nominaux. Il s'agit en l'occurrence des élections
régionales, mais, bien entendu, le raisonnement tenu vaut pour
tous types d'élections. Cet amendement serait une machine de
guerre contre l'irruption, que d'aucuns jugeraient trop massive, des
"allochtones" au sein des assemblées.
Il
s'agit là d'un mauvais procès.
1. L'origine
de cet amendement n'a rien à voir avec l'objectif dénoncé.
Au départ, il s'agissait d'une demande explicite des
écologistes ucclois souhaitant qu'on évite à
l'avenir la situation de blocage qu'on connaît dans leur
commune. La loi communale contient en effet une disposition
anti-transfuges (excellente dans son objectif) postulant que le
bourgmestre, qui doit bien entendu disposer d'une majorité au
sein du conseil, doit être présenté par une
majorité du groupe issu de la liste sur laquelle il figurait.
A Uccle, deux candidats s'affrontaient, chacun pouvant se prévaloir
d'une seule des deux conditions nécessaires.
Cette
situation a été provoquée par l'organisation
d'un "stemblok" par Stéphane De Lobkowicz, champion
libéral en voix de préférences mais minoritaire
au sein de son parti, qui fit élire une majorité de ses
supporters en appelant explicitement les électeurs libéraux
à soutenir sa candidature au poste de bourgmestre.
Etait-ce
là un scandale démocratique ? Sûrement pas dans
le cas de la loi actuelle. On ne voit pas comment on pourrait
empêcher des "stemblok" de fonctionner, de façon
spontanée ou organisée, ouverte ou discrète. Les
premières suggestions des juristes d'Ecolo se limitaient à
réduire l'obligation de présentation au tiers de la
liste (à la place de la majorité) et à
l'occupation de la tête de liste.
2. Mais si le
"stemblok" a pu fonctionner, c'est notamment parce
qu'il est possible de voter pour un nombre indéterminé
de candidats d'une même liste. Or, l'épisode de
Lobkowicz est la manifestation caricaturale d'une évolution à
l'américaine : les partis se ressemblent de plus en plus, et à
l'intérieur d'une même liste, des projets concurrents
peuvent cohabiter. Dans ce cadre, le poids du vote individuel tend à
l'emporter sur le poids du vote de liste, et cette interprétation
est renforcée par l'affaiblissement du vote en case de tête.
Il ne s'agit plus de dire quelles personnes sont le plus à
même de défendre un même programme, mais de
favoriser tel ou tel groupe s'inscrivant, parfois par pur
opportunisme, dans le cadre d'une liste particulière. Dès
lors, le vote pour un nombre indéterminé de candidats,
même de la même liste, va à l'encontre du principe
"un homme, un voix". Voilà pourquoi la
proposition d'amendement défendue par Marie Nagy me semble
tout à fait justifiée d'un point de vue
démocratique.
3. On ne peut bien sûr empêcher
personne d'y voir de façon obsessionnelle je ne sais
quelle machine de guerre contre la présence prétendument
trop massive d'allochtones dans les assemblées. Il est
possible, mais absolument pas sûr, que la disposition défendue
par Marie Nagy ait ici des effets, comme d'ailleurs toute
modification de la loi électorale. Par exemple, les Ecolos
prônent l'abaissement du droit de vote de 18 à 16 ans,
ce qui renforcerait le poids des populations les plus jeunes
statistiquement, notamment celles issues de l'immigration.
4.
La question de la représentation de groupes minoritaires
stigmatisés dans les assemblées est une question
complexe où ne s'opposent pas les "allochtones" et
leurs amis d'une part, les racistes honteux de l'autre. Du côté
"belge de souche" comme du côté "allochtone",
on doit trouver dans des proportions analogues des carriéristes
ou des ambitieux qui sont prêts à mettre en place des
dispositifs sur mesure pour favoriser soit le bétonnage des
positions acquises, soit leur promotion personnelle sous le couvert
d'une juste représentation des minorités. N'étant
pas cynique, je crois qu'on trouve aussi de toutes parts des
démocrates ouverts à la pluralité de nos
sociétés qui cherchent à concilier
l'universalisme qui fait de chaque élu celui de tout le peuple
et le besoin de légitimer la démocratie auprès
de tous par une juste représentation des diverses composantes
de ce même peuple. Cette articulation dans le champ politique
du spécifique et de l'universel est un des grands enjeux d'une
démocratie toujours à perfectionner.
Je suggère
donc aux défenseurs sourcilleux des l'égalité
des droits (au rang desquels j'espère qu'on ne contestera pas
que je me compte) de ne pas gaspiller leur énergie en se
tirant des flèches dans le pied.
Henri
Goldman
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Commentaire shaitanesque
Stemblok
Contrairement à ce que d'aucuns pourraient penser en lisant trop rapidement le texte d'Henri Goldman, le prince Stéphane de Lobkowicz (un élu allochtone, de père est-européen) et ses amis, organisateurs d'un "stemblok" [appel à voter pour plusieurs candidats d'une même tendance, d'un même groupe linguistique ou sexuel figurant sur une même liste, dans le but de modifier l'ordre initial des candidats par le biais des votes préférentiels], ne figuraient pas sur la liste Ecolo mais bien sur la liste du Parti Réformateur Libéral, très à droite dans cette commune bourgeoise où le mot d'ordre était encore récemment "pas de colonisation des bougnoules dans nos logements sociaux" (dixit le président de la SUL, société uccloise de logement, un des élus pro-Lobowicz) et pour lequel siège Luc Beyer De Rycke (pro-Lobowicz), ancien membre des réseaux belges de soutien à l'OAS (avec Jean-Marie Charels, élu libéral schaerbeekois, et Paul Teichman, élu libéral ixellois et jusqu'il y a peu président des... logements sociaux ixellois).
A la suite des problèmes internes au PRL, nés des effets du stemblok (les pro-Lobkowicz étaient devenus majoritaires au sein du groupe PRL), l'aile minoritaire de ce parti au conseil communal (mais majoritaire dans la section locale du parti, et soutenue par la direction régionale et "nationale"), dirigée par Eric André (élu allochtone, de père français et de mère italienne), a formé une coalition avec d'autres partis présents au conseil communal, dont Ecolo. L'imbroglio juridique qui a suivi pendant des mois et a connu une fin manifestement contradictoire avec l'esprit de la loi tel qu'exposé par le ministre (PRL) de l'intérieur avant les élections, puisqu'un candidat bourgmestre (maire) ou échevin (adjoint au maire) doit recueillir la majorité des suffrages de la liste sur laquelle il a été élu pour se présenter, ce qui interdisait de facto à tout candidat échevin PRL tendance André de se présenter...
La leçon à tirer de l'"affaire uccloise" n'est à mon avis pas que le vote multiple, susceptible de rendre possible le stemblok, a des effets pernicieux et doit donc être soit modéré soit supprimé. Il faudrait plutôt s'interroger sur les stratégies "attrape-tout" de certains partis qui veulent par exemple capter tant un électorat de droite réactionnaire qu'un électorat de centre-droit, et panache donc sa liste pour que chaque électeur puisse la soutenir en exprimant ses préférences idéologico-personnelles en son sein, de telle sorte qu'il préfère voter pour un ou des candidats de ladite liste plutôt que sur une liste concurrente, dissidente par exemple, comme ce fut le cas à Forest avec la liste IF, des dissidents PRL, ou à Jette avec la liste Licorne, des dissidents PS.
C'est d'ailleurs la tactique qui a été adoptée par les dissidents PS à Ixelles (Jean-Pierre Brouhon et Sylvie Foucart e.a., élus sortants), où Ecolo présentait une liste incluant, outre des candidats Ecolo et Agalev (comme dans 18 des 19 communes bruxelloises), des socialistes dissidents francophones et flamands, et des candidats indépendants francophones et flamands. Il est peu probable qu'une liste socialiste dissidente ait pu arriver au même résultat (2 élus), alors que les candidats de cette tendance au sein de la liste "Ecolo+" ont pu mener une campagne commune
En ce qui concerne la possibilité de voter pour plusieurs candidats sur une même liste, c'est un système qui existait depuis fort longtemps aux communales, et qui a été étendu aux législatives et aux régionales en 1995 pour uniformiser les modes de scrutin. Et si la question était de respecter le principe "un électeur, une voix", l'amendement Adriaens-Nagy n'aurait laissé la possibilité de ne choisir qu'un seul candidat sur la liste, et non trois (ou cinq, ce qui avait été envisagé comme alternative négociable).
Dans les autres pays européens où des élections se font totalement ou partiellement au scrutin proportionnel de liste, la plupart ont adopté un système à "listes fermées", c'est-à-dire sans possibilité de marquer une préférence pour un ou des candidats au sein de la liste. L'Italie, qui avait un système à "listes ouvertes" du même type que le belge, a opté voici quelques années pour un système mixte avec des sièges au FPTP ("first past the post", scrutin majoritaire uninominal à un tour où le premier arrivé est élu, même s'il n'a que 31% et le suivant 30,9%) et des sièges au scrutin proportionnel à "listes fermées". Un des arguments en faveur de la diminution, puis de la suppression, du vote préférentiel pour les "listes ouvertes" a été l'utilisation de ce système par la mafia, qui organisait des "stembloks" contre rémunération des électeurs dans le Sud de l'Italie pour s'assurer la reconnaisance de candidats qui leur étaient proches.
Les Pays-Bas et le Danemark par contre ont conservé des systèmes à "listes ouvertes", mais avec un seul vote préférentiel possible pour un candidat, sans (Pays-Bas) ou avec (Danemark) possibilité d'émettre un vote non préférentiel, pour la liste donc. Au Danemark, il n'est pas rare qu'une liste, même d'un parti d'envergure nationale, compte beaucoup moins de candidats que de sièges à pourvoir, en fonction du score espéré et de la qualité des candidats, puisque tous sont susceptibles de siéger.
Le système danois me semble le plus démocratique, puisqu'il laisse la possibilité à chaque liste de préciser, avant les élections, si elle souhaite adopter un système "à seuil" (ne sont élus hors de l'ordre préétabli que les candidats qui ont atteint un seuil minimal de votes) ou un système "égal" (les candidats sont élus dans l'ordre des voix de préférence, sans reports des voix pour la liste). Il ne devrait pas être impossible, surtout compte tenu de l'informatisation croissante des bureaux de vote (complète en région bruxelloise), d'introduire un tel système en Belgique, avec éventuellement une variante pour Ecolo, un choix de "liste fermée" sans possibilité d'exprimer ne serait-ce qu'un vote de préférence pour un candidat de la liste.
Soyons clairs, l'obsession d'Ecolo pour une prioritisation des choix des structures de parti par rapport au libre choix des électeurs, puisque c'est bien de cela qu'il est question, dénote dans son chef d'inquiétantes tendances antidémocratiques (à moins que le "centralisme démocratique" soit considéré comme une option démocratique), mais aussi hypocrites puisque dans plusieurs cas, lors des dernières élections communales en particulier (1994 et 2000), les listes Ecolo comptaient des candidats non-Ecolo, soit des néerlandophones d'Agalev, des socialistes dissidents, des communistes du PC, des trotskystes du POS, d'anciens membres des "nouveaux partis" de 1999 (le PNPB de Paul Marchal e.a.) ou des candidats "d'ouverture", non encartés, y compris des allochtones. On peut légitimement en inférer que le but recherché était bel et bien d'offrir à l'électeur une palette plus large de candidats, tant sur le plan idéologique qu'ethnique (Flamands ou allochtones).
Ce qui implique de lui donner un choix préférentiel pour un ou des candidats, mais Ecolo n'admet que dans une mesure extrêmement limitée les campagnes personnelles de ses membres. Sauf si ça rapporte électoralement: comme une élue Ecolo d'origine marocaine l'expliquait récemment dans un débat intitulé "De l'immigré à l'élu", "pendant la campagne on nous envoie prendre la parole ou coller des affiches dans les quartiers à forte proportion d'allochtones, et une fois qu'on est élus, si on a le malheur de vouloir évoquer un thème "connoté" comme le port du foulard dans l'assemblée où on siège, on nous reproche de faire du communautarisme".
Pierre-Yves Lambert