RECOURS EN ANNULATION
POUR : Monsieur Pierre-Yves LAMBERT, domicilié rue du Sonnet, 23 à 1080 Bruxelles.
requérant
A Messieurs les Premier Président et Président et à Mesdames et Messieurs les Conseillers composant le Conseil dEtat de Belgique.
Mesdames, Messieurs,
Le requérant a lhonneur de solliciter la réformation de la décision du Collège juridictionnel du 12 décembre 2000 et lannulation, par voie de conséquence, des élections communales de Molenbeek-Saint-Jean du 8 octobre 2000.
Que le présent recours se fonde sur les éléments de fait et de droit suivants :
§ 1er Recevabilité du recours :
1. Le requérant invoque, à lappui de sa réclamation, lirrégularité de la liste des électeurs et plus particulièrement le fait que des personnes pouvant prétendre à la nationalité belge ny ont pas été reprises alors même quen raison de la date à laquelle elles ont introduit une déclaration de nationalité, elles devaient être, par le fait de la loi, considérées comme belges.
2. Lirrégularité ainsi constatée est incontestablement de nature à pouvoir modifier la répartition des sièges sur les différentes listes et ce compte tenu du nombre de personnes ayant, de la sorte, été privées irrégulièrement du droit de vote. Selon une enquête auprès des administrations communales et du Parquet parue dans Le Soir du 4 août 2000 " A Schaerbeek, sur les 1.200 dossiers envoyés par la commune, une trentaine de nouveaux électeurs seulement ! Chiffres à peu près identiques à Molenbeek (une trentaine sur 950 dossiers) et Saint-Gilles (une trentaine sur 390). " Il faut rappeler ici que le collège des électeurs de Molenbeek-Saint-Jean comptait 37.092 personnes pour 41 sièges à répartir. A Schaerbeek, il comptait 54.262 personnes, pour 47 sièges à répartir.
3. Conformément à larrêt du Conseil dEtat n°23.150 du 22 avril 1983, des irrégularités touchant à la liste des électeurs peuvent utilement être invoquées à lappui du recours en annulation des élections et ce même si le contentieux relatif aux listes des électeurs relève, avant les opérations délections, de la compétence du Collège échevinal en première instance et de la Cour dAppel en degré dappel (avec une cassation possible).
§ 2 Bien-fondé du recours
1. La liste des électeurs doit, en application de larticle 1er de la loi électorale communale du 4 août 1932, reprendre lensemble des Belges résidant sur la commune et âgés de 18 ans au moins.
En lespèce et de par leffet de la loi du 1er mars 2000 modifiant le code de la nationalité, les étrangers ayant demandé, par déclaration, dacquérir la nationalité belge dès le mois de mai 2000 pouvaient nécessairement prétendre à loctroi de ladite nationalité à la date du 31 juillet 2000 puisque dune part les communes concernées devaient immédiatement transmettre lesdites demandes au Parquet et que celui-ci devait, dans les plus brefs délais, adresser à la Commune un accusé de réception de la demande ce qui, à défaut dun avis défavorable du Parquet dans le mois, ouvrait un droit automatique à la nationalité impliquant linscription de la déclaration de nationalité dans les registres ad hoc de la Commune.
A une question orale posée le 7 novembre 2000 au sujet des délais non respectés par le conseiller communal Denis GRIMBERGHS, léchevin schaerbeekois Bernard CLERFAYT a donné quelques éclaircissements quant aux pratiques discutables du parquet: " Le Parquet envoie à la commune les accusés de réception de 15 jours en 15 jours dans le désordre sans tenir compte de leur ordre dintroduction. Des gens qui ont introduit un dossier en mai ne font pas nécessairement lobjet dun accusé de réception en juillet. Cest larbitraire avec lequel le Parquet traite les dossiers et nous les renvoie à la commune. (...) Le délai moyen dans lequel le Parquet renvoie le dossier à la commune est de lordre dun mois et demi. La commune traite les inscriptions environ dans la quinzaine, ce qui nest pas un délai excessif. Si lavis est favorable, nous transcrivons dans les huit jours. ". Daprès ladministration communale de Molenbeek (propos reproduits dans Le Soir du 8 août), " Le 25 mai, inquiets de ne pas recevoir de premiers accusés de réception, nous avons téléphoné au parquet (...). On nous a répondu qu'on n'avait pas encore ouvert les cartons. ". Dans un cas non isolé, médiatisé par la Ligue des Droits de lHomme, le dossier a été introduit le 18 mai et laccusé de réception du parquet est parvenu à la commune le 1er septembre, soit quinze semaines plus tard.
Les délais anormalement longs, excédant plusieurs mois, mis par le parquet à introduire les accusés de réception constituent manifestement une voie de fait qui ne pouvait légalement mettre en échec loctroi de la nationalité belge aux personnes intéressées.
Il est en effet déraisonnable et contraire à lesprit même de la loi que de permettre au Parquet dintroduire des accusés de réception plusieurs mois après que la demande dacquisition de la nationalité belge par déclaration leur ait été adressée, puisque ladite loi prévoit que le même parquet dispose dun délai dun mois pour rendre son avis.
2. La loi du 1er mars 2000 dispose que le dossier est envoyé au Parquet " immédiatement " après que la déclaration a été faite par lintéressé. Elle prévoit, par ailleurs, quà la réception du dossier, le Parquet est tenu dapposer un accusé de réception " sans délai ".
a). " Immédiatement " signifie " à linstant même " (Petit Robert, v° immédiatement).
" Sans délai " signifie, quant à lui, "tout de suite, sur le champ" (Petit Robert, v° délai).
b). Ces termes sont clairs et ne donnent, dès lors, lieu à aucune interprétation (Cass., 13 février 1992, Judit, v° Interprétation et texte clair ; Civ. Nivelles, 15 mai 1990, Rev. trim. dr. fam., 1992, p. 159).
c) A une question parlementaire posée sur ce point, en séance plénière du jeudi 29 juin 2000, Monsieur le Ministre de la Justice a déclaré que " ( ) les termes immédiatement et sans délai utilisés à plusieurs reprises dans les articles 12bis, 15 et 21 du Code de la nationalité belge, reflètent la volonté du législateur de voir les obligations incombant à lofficier de létat civil et au procureur du Roi accomplies sans aucun retard " .
Il a dailleurs précisé très clairement " En ce qui concerne l'obligation du parquet d'accuser réception de la demande, la loi précise que les principes généraux doivent s'appliquer pour la computation des délais.
Le mot "immédiatement" indique la volonté du législateur de voir les dossiers très rapidement.
Conformément à l'article 24bis du Code de la nationalité belge du 9 mai 2000, les directives adoptées par le Collège des Procureurs Généraux furent communiquées aux procureurs. Leur attention fut attirée sur le fait que l'enquête de personnalité ne s'applique plus, ce qui permet de réduire les délais. En outre, l'avis rendu par les parquets devient l'élément clé et ne peut plus devenir l'occasion de retards. "
PAR CES MOTIFS,
Et tous autres à faire valoir, sil échet, en prosécution de cause ou à déduire, produire ou suppléer, même doffice,
Le requérant Vous prie, Mesdames, Messieurs, de recevoir son recours et, y faisant droit, dannuler les élections communales qui se sont déroulées le 8 octobre 2000 à Molenbeek-Saint-Jean.
Fait à Bruxelles, le 21 décembre 2000.
Le requérant,
Pierre-Yves LAMBERT