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La participation politique des allochtones en Belgique
Elus d'origine non-européenne en Belgique
Elections 2004

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Des Marocains à l’assaut des parlements belges

Quel est le pays, après le Maroc, où les Marocains participent de manière active à la vie politique ? Sans trop chercher, on dira que c’est la Belgique dont, grâce à une longue politique d’intégration (avec des hauts, beaucoup de bas), les institutions législatives accueillent des dizaines d’élus marocains notamment dans les communes et les parlements régionaux. La palme revient, depuis quelque temps, à Bruxelles où l’on ne trouve pratiquement pas de commune (sur 19 que compte la capitale) où ne siègent pas des Belges d’origine marocaine. A l’approche des élections régionales du 13 juin 2004, d’autres dizaines de Marocains partent à l’assaut des parlements régionaux sur diverses listes de partis politiques. Un vrai phénomène dont "Libé", via un dossier spécial, essaie de saisir tenants et aboutissants.

Pourquoi des candidats d’origine marocaine ? Quel est leur apport ? A qui s’adressent-ils ? Qui vote pour eux et pourquoi ? Les partis belges les "recrutent-ils" pour d’autres raisons non déclarées ? Un ensemble de questions auxquelles nous avons essayé de trouver des réponses en allant à la rencontre de ces Marocaines et Marocains qui ont décidé d’investir le champ politique e champ politique belge depuis longtemps "par le bas", aujourd’hui "par le haut"…


Lire dossier en articles annexes

Mohammed BOUDARHAM
(Envoyé spécial à Bruxelles)

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Les Marocains à l’assaut des parlements belges

L’intégration par la politique

Hamza Fassi-Fihri est, excusez du peu !, président national des jeunes CDH (Centre démocrate humaniste, ex-parti chrétien). Il se présente à la fois aux élections régionales à Bruxelles et aux européennes qui se tiendront le 13 juin prochain. Souâd Razzouk, elle, a choisi les couleurs du Mouvement Réformateur (M.R, parti du ministre Louis Michel). Et ce ne sont guère des exceptions. Des dizaines de belgo-marocains entreprennent la même aventure sous la bannière d’autres partis politiques à Bruxelles, mais aussi en Wallonie et en Flandre.

Dans cette dernière, Anissa Temsamani, première marocaine à accéder au gouvernement fédéral (Mandat de secrétaire d’Etat "avorté" après trois mois d’exercice), semble vouloir oublier cette déconvenue et brigue un mandat de députée au parlement flamand sous la houlette du SPA (parti socialiste flamand).

Sur les devantures de plusieurs commerces et cafés, notamment à Bruxelles, ce sont les affiches de ces candidats qui assaillent les passants. Et il n’est plus "bizarre" de voir se côtoyer sur une même vitre des candidats marocains de tous les partis à côté d’"africanos", d’autres maghrébins et des Belges de souche.

Au P.S, naturellement ! Pour la course au parlement de la région Bruxelles-Capitale, la liste du Parti socialiste est celle, sans conteste, à recueillir le plus de candidatures marocaines. Sur 88 candidats en effet (dont 16 suppléants), on ne retrouve pas moins de 22 Maghrébins dont 18 Marocains. Parmi ces derniers figurent des "poids lourds" de la trempe d’Ahmed El Ktibi, Sfia Bouarfa (qu’on soupçonne de beaucoup de maturité politique), l’"inévitable" Rachid Madrane, Mohamed Azzouzi et Jamal Ikazban. Sans oublier des jeunes comme Amina Derbaki ou Moustapha Budchich, enfant terrible qui a fait ses armes, entre autres, en tant que permanent du mouvement anti-fasciste.

Les socialistes bruxellois aspirent à dépasser leur exploit des communales de 2000 quand ils sont parvenus à arracher 13 des 47 sièges que compte la commune de la Ville de Bruxelles (l’une des 19 que compte la capitale). Mais, là, il s’agit du parlement et la tâche s’annonce plus ardue.

A l’origine, la naturalisation. L’arrivée des Marocains dans les sphères de décision politique (communale, régionale et fédérale), ne date pas d’hier, mais pas de longtemps non plus.

Si des Marocains ont pu se faire élire depuis la fin des années 1980, on assiste là à un vrai phénomène, une particularité belge qui se confirme dès les élections de 1994. Le ton est donné, pour de bon, en octobre 2000 quand les communales porteront aux affaires 72 élus d’origine marocaine à Bruxelles et 13 en Flandre. Aucun en Wallonie.

Aujourd’hui, plusieurs Marocains occupent le poste d’échevins (adjoints du maire chargés de divers départements). Pour beaucoup, ils sont chargés de départements "sensibles" comme l’intégration, l’emploi ou le logement. Sensibles ? De mauvaises langues rétorquent qu’il s’agit plutôt de "patates chaudes"…

A l’origine de cette intégration politique, il faudra remonter à la fin des années 1980 avec les vagues successives de naturalisations.

Selon Nouria Ouali, sociologue à l’Université Libre de Bruxelles, depuis 1984 et jusqu’en 2001, la nationalité belge a été accordée à 491.180 étrangers dont 131.700 Marocains d’origine. Soit 27% du total, ce qui fait actuellement que les Marocains soient une majorité parmi les rangs des naturalisés en Belgique. Nationalité équivaut évidemment à carte d’électeur, possibilité de se porter candidat et surtout de dire son mot. Les dés sont lancés…

"Guerre" de programmes. C’est une véritable avalanche de "promesses" mais tout ramène à quelques points communs et de grandes problématiques notamment en région bruxelloise. La lutte contre le chômage vient en tête. D’aucuns rajoutent une "louche" en insistant sur de "vrais" emplois et des revenus "décents". Vient ensuite l’éternel problème du logement et de la rénovation des quartiers populaires. Avec plus d’espaces d’épanouissement. Une majorité d’électeurs potentiels, interrogés par "Libé" haussent les épaules ou sourcillent en guise de réponse. Toutefois, quelques partis en général, et des élus en particulier, prennent la peine de venir s’expliquer sur leur bilan et dire, parfois de manière frappante de franchise, les limites du possible et du faisable.

Les problèmes pré-cités ne concernent pas uniquement que les citoyens d’origine marocaine. Mais ces derniers semblent toutefois être les plus "pénalisés". Il suffit d’évoquer des "zones" comme Molenbeek ou Schaerbeek à Bruxelles ou alors des "concentrations" de Marocains à Anvers en Flandre.

Il suffit aussi de jeter un coup d’œil sur les statistiques de l’interruption du cursus scolaire ou sur celles, plus "foudroyantes", quand on évoque les populations carcérales.

Mosaïque de profil. Les candidats marocains sur les diverses listes pour les régionales du 13 juin constituent une véritable mosaïque. On y retrouve pratiquement toutes les générations, femmes et hommes, débutants et chevronnés en politique… Beaucoup ont déjà à leur actif une première expérience communale. Une grande partie provient du tissu associatif, ces centaines d’associations parfois très actives sur le terrain ou alors, pour beaucoup également, de simples sigles "bouffeurs" de subsides. On y retrouve aussi de "vieux" militants de partis côtoyant ceux et celles se trouvant là comme par hasard. Et cela n’épargne aucun parti. Même pas le "sérieux" P.S qui a recruté une jeune femme, au parcours très hypothétique et P.S depuis seulement quelques semaines, pour la faire figurer sur sa liste bruxelloise…

Tout le tableau n’est pas noir. Loin s’en faut. Le "métier" est de plus en plus investi par des intellectuels, des personnes occupant de lourdes responsabilités dans le public et le privé.

Toutefois, cela n’empêche pas que pointe, ici ou là, une question qui "démange" plus d’un : pourquoi tous les partis courent-ils après les candidatures marocaines ? "Auparavant, on louait des bras, là, on loue des voix !", nous affirme un vieux connaisseur de la scène politique bruxelloise. Et à un autre, qui n’a pas non plus la langue dans la poche, de renchérir : "Bientôt et à ce rythme, on risquerait même d’en avoir sur les listes du Vlaams Blok si ce n’est déjà pas le cas"…

(Dossier réalisé avec le soutien de la Fondation Roi Baudouin)

Mohammed BOUDARHAM

http://www.liberation.press.ma/default.asp?id=10860

Eclairage: 6 en 1, un " casse-tête " électoral belge…

Les électeurs belges devront, ce 13 juin, trancher quant à la composition de plusieurs parlements. Pour les non-connaisseurs, il s’agit d’un vrai "casse-tête". A y aller doucement, on serait capable d’en démêler les fils. Ainsi, les Bruxellois devront élire 89 députés (72 francophones et 17 néerlandophones).

En Wallonie, ce sera pour désigner 75 élus. Parlements wallon et bruxellois formeront le parlement de la Communauté française (Tous les élus wallons en plus de 19 élus francophones de Bruxelles). Cela nous fait déjà trois parlements et l’on en atteint cinq avec le parlement de la région flamande (118 élus en Flandre et 6 à Bruxelles) et le parlement de la communauté germanophone (25 élus pour 70.000 habitants).

Le parlement flamand forme d’office, avec autant de membres, le parlement de la communauté néerlandophone. Et de 6 !

Bref ! A Bruxelles, un électeur flamand votera à la fois pour le parlement flamand et pour le parlement de la Région de Bruxelles. Il votera donc deux fois. En communauté germanophone, l’électeur votera trois fois. On vous en épargne les détails…

Evidemment, la "facture" se "corse" quand on sait que les Belges, à l’instar des autres Européens de l’U.E, voteront pour désigner leurs représentants au Parlement de l’Europe.

Un électeur belge, en isoloir et âme et conscience, aura à choisir une liste. Il vote pour cette dernière (un parti), mais aussi pour un ou plusieurs candidats, selon affinités.

Etre tête de liste, deuxième ou trentième n’est donc pas synonyme de "siège garanti" ou pas. Pour les régionales, tout comme pour les fédérales, l’électeur choisit candidats effectifs et suppléants. Finalité: en cas d’empêchement d’un élu effectif, pour diverses raisons, il est automatiquement replacé par un élu suppléant qui aura réalisé le meilleur score. A titre d’illustration, un élu écolo "empêché" d’aller au bout de son mandat, ne sera pas forcément remplacé par un suppléant du même parti.

Les élections régionales belges, comme les européennes, se tiennent tous les cinq ans. Les fédérales tous les 4 ans et les communales tous les six ans.

C’est la deuxième fois que la Belgique organise un scrutin régional. Avant 1999, députés et sénateurs du parlement fédéral composaient automatiquement des parlements régionaux.

M.BD

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Polémique. Le " vote ethnique "…

Pour plusieurs sociologues et politologues, les élections en Belgique en général et à Bruxelles en particulier, sont l’occasion d’une véritable chasse aux candidatures "allochtones". Le but serait de se garantir le maximum des voix d’une communauté immigrée. Autrement dit, mettre un Marocain d’origine sur une liste "A" pourrait être synonyme de milliers de voix belgo-marocaines. De précieux suffrages quand on sait surtout qu’une liste doit recueillir au moins 5% des voix exprimées dans l’arrondissement électoral en question (Bruxelles=1 arrondissement).
Autrement dit encore, "amadouer" un candidat d’origine marocaine ne serait pas forcément motivé par ses propres compétences, qualités et parcours.

Ce sont des assertions qui ne sont nullement dénuées de sens. Selon des statistiques non officielles, la seule ville de Bruxelles abriterait 120.000 Marocains dont 80.000 naturalisés belges et dont, enfin, 70.000 électeurs. De quoi faire "saliver" plusieurs partis politiques qui semblent se prêter à cœur joie au "gonflement" de leurs listes avec des candidatures "allochtones".

En fait, toujours à Bruxelles (étant l’exemple le plus frappant), arracher moins de 10.000 voix équivaut à un siège et un mandat de cinq ans.

Cette notion de "vote ethnique" est toutefois l’objet de "tirs groupés" de la part d’autres politiques et sociologues. Et d’abord le fait que l’on ne saurait parler de " blocs monolithiques " au sujet des communautés immigrées. "Il ne faut pas se voiler la face", nous déclare un candidat d’origine marocaine qui parle "malheureusement" de la persistance de "clivages tribaux" au sein de la communauté marocaine par exemple. Cela veut dire clairement qu’un candidat marocain originaire de Fès n’aura pas toutes les chances pour arracher les votes de Marocains originaires du Rif…

S’ajoute à cela une "désemparante" inculture politique et une sorte d’"amnésie" qui amène certains Marocains à se porter candidats sur les listes de ceux qui étaient encore hier parmi les pires ennemis des communautés immigrées. L’un de nos interlocuteurs désigne ainsi, et clairement, les ex-libéraux (actuels M.R) parmi les rangs de qui se trouvait un certain J. Gol (initiateur de l’une des lois les plus assassines et qui portait son nom).

Un autre candidat, A. El Ktibi (P.S), nous tient un discours tout à fait différent. "L’immigration et ses différentes étapes ne facilitent pas les choses", dit-il pour expliquer qu’un jeune de la troisième génération n’a pas forcément le même "angle" que son grand-père arrivé directement de la campagne pour les charbonnages du Nord dans les années 1960. C’est d’un changement de mentalités qu’il faudra désormais parler et tenir compte. Changement valable aussi bien pour les " cibles " que pour les partis politiques.

"Vote ethnique" ? A. El Ktibi proteste : "Notre action politique ne s’adresse pas uniquement aux Marocains et quand nous nous présentons, nous le faisons d’abord en tant que citoyens belges". "On peut avoir une sensibilité particulière aux problèmes des Marocains car nous sommes les plus habilités à en saisir le fond et la gravité, mais notre but est d’apporter des réponses quels que soient les problèmes", conclut-il.

C’est pour dire qu’électeurs belges (de souche ) et marocains recherchent désormais compétences et qualités surtout après un premier mandat régional où la majorité des élus marocains n’a pas brillé par une véritable et constructive action parlementaire. Et à d’autres langues de se délier à propos de parlementaires au bilan quasi nul…

Pour ajouter un autre argument fustigeant ceux qui continuent à parler de "vote ethnique", un autre politique nous répondra sous forme de question : "Pourquoi n’allez-vous pas demander aux Marocains de Molenbeek leur ralliement en majorité derrière un Philippe Moureau (figure de proue P.S, NDLR) ?!!!".

M.BD

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Portrait: Ahmed El Ktibi, 29ème sur la liste…

Il a le verbe facile et ne s’égare jamais trop pour trouver le mot qui convient pour clarifier un propos ou tourner le couteau dans la plaie. Il s’appelle Ahmed El Ktibi, candidat d’origine marocaine aux élections régionales du 13 juin 2004 (Parlement de Bruxelles).
El Ktibi est 29ème sur la liste P.S menée par Charles Picqué. Il a le mérite de faire partie de cette nouvelle vague de militants bardés de diplômes avec une longue et solide expérience dans le milieu associatif. Ce passage obligé, quand on y met du sérieux, pour mieux cerner les problèmes qu’affrontent la communauté marocaine et les citoyens en général.

Ce Casablancais qui approche de la cinquantaine est fils d’immigrés. Il débarquera en Belgique en 1974, soit une dizaine d’années après la fameuse convention de 1964 entre les deux royaumes. Il y débarque mais pour se tracer un itinéraire des plus exemplaires. Ses études d’assistant social fin des années 1970 lui permettront de mieux connaître le terrain où il continuera à évoluer des décennies plus tard.

Après, il décide d’intégrer l’université pour pouvoir aller plus loin et entame un colossal travail sur des projets d’associations de base. C’est à lui que reviendront le mérite et l’initiative de la première maison de jeunes à Saint-Gilles.

Tout cela ne l’empêche pas d’être au front quand il sera question de grandes batailles. Ce sera le cas lors de la lutte pour arracher le droit de vote notamment au sein de l’association "Objectif 82". Il se lancera par la suite dans un autre processus pour, à la fois, encourager la participation aux élections et pour relancer l’idée de favoriser la nationalité comme clé d’intégration. Tâche qui n’avait rien d’évident.

Entre-temps, El Ktibi continue de coordonner une trentaine d’associations diverses quand il n’est pas aux locaux de "Démocratie+" destinée à aider les marocains à surmonter les problèmes administratifs. Un "casse-tête" qui représente le traitement d’une moyenne de 1.000 divers dossiers par an.

En 1992, Ahmed El Ktibi est désigné pour siéger à la Commission mixte parlementaire de concertation. Cette dernière était chargée de formuler des propositions au parlement et notamment en matière de logement, de police et de formation. Lors de la législature suivante, il rempile pour siéger à la même commission, mais cette fois en guise de vice-président.

Sa première expérience électorale aura été de briguer un siège au parlement de la région de Bruxelles en 1999. Il "ratera" de près, de quelques voix. Ce ne sera pas le cas pour les communales de 2000 où il sera porté à la commune de Bruxelles-Capitale.

Le jour où "Libé" l’a rencontré à Bruxelles, El Ktibi était accompagné de M. Mohammed Boukantar, 30 ans au P.S, ex-exilé politique, élu à la même commune et suppléant attitré à la chambre (Parlement fédéral). M. Boukantar est le directeur de campagne de son "dauphin" dont il dit tout le bien du monde. Sauf que l’on finit par deviner qu’il n’y a rien d’exagéré ou de faux dans le propos. D’autres observateurs font d’ailleurs remarquer que le bonhomme est tout à fait "ministrable". Parcours et expériences plaident en sa faveur.

El Ktibi, en attendant le jour "J", est toujours écartelé entre une campagne électorale à boucler et de multiples responsabilités à remplir. Il co-dirige la Mission locale de Saint-Gilles, seconde le président du foyer Laekenois et est administrateur à l’Hôpital Brugmann.

Dans sa lettre de campagne aux "Chère concitoyenne, Cher concitoyen", il rappelle ces grands principes qui ont guidé son action : l’associatif pour le développement de la citoyenneté, la lutte contre l’exclusion et une harmonieuse cohabitation entre les Bruxellois. Au-delà de leurs différences…

M.BD

 


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