Suffrage Universel (Bruxelles), n°1, mai 1998

Les "immigrés" dans la vie politique belge : ça bouge dans tous les sens...

Les Wallons sont sympas...

... et les Flamands aussi !

Quelques questions à poser au gouvernement concernant les procédures d'acquisition de la nationalité belge...

Main trop tard offerte...

Démocratie "à la belge"

Vers la mise en place de conseils de district élus ?

Un membre présumé du G.I.A. (presque) naturalisé belge


citations: Pierre-Yves LAMBERT, Les "immigrés" dans la vie politique belge : ça bouge dans tous les sens..., in: Suffrage Universel (Bruxelles), n°1, mai 1998

Les "immigrés" dans la vie politique belge : ça bouge dans tous les sens...

Virage à droite

Vendredi 13 mars, Mostafa OUEZEKHTI, député régional bruxellois ECOLO, est passé au Parti Réformateur Libéral (droite libérale francophone) "parce que c'est un challenge". Le " challenge ", c'est l'opération de renouvellement de la droite pour conquérir le pouvoir côté francophone... Autre motif donné par l'intéressé: " ECOLO n'a pas tenu compte qu'avant mon élection je gagnais trois fois plus en tant que banquier", et malgré cela ce parti continuait à exiger le reversement de la moitié de ses indemnités parlementaires. Pauvre OUEZEKHTI !

A présent, il milite surtout pour l'assouplissement des règles de naturalisation et pour le droit de vote des... Belges résidant à l'étranger, et reste plus discret sur le droit de vote des "non Européens", dont le PRL ne veut pas entendre parler.

Il faut dire que, même quand il était membre d'ECOLO, conseillé d'un côté par l'islamiste d'origine... belgo-belge Yahya MICHAUX, d'un autre par son "ami personnel" l'ambassadeur du Maroc à Bruxelles, OUEZEKHTI était plus préoccupé par les projets d'élection d'un organe gestionnaire du culte musulman que par la participation politique des musulmans non belges. Question de priorités. Jusqu'à la "petite phrase" du premier ministre DEHAENE au lendemain de la cérémonie d'adieu à Loubna BEN AISSA. Il devenait à ce moment indispensable de surfer sur la vague médiatique ainsi suscitée par le premier ministre...

transfert

L'hebdomadaire satirique " Père Ubu " titrait récemment en première page "Ouezekhti le harki !", ironisant ensuite sur la technique très entrepreneuriale du débauchage utilisée par le président du PRL.

Ce qui gêne surtout dans cette affaire, précisément, c'est la désagréable impression d'avoir assisté à un transfert de footballeur, à un débauchage de cadre, l'objet du transfert développant devant les médias un discours aseptisé, vague et quasi "apolitique" pour justifier son changement d'équipe. On comprend en fait difficilement pourquoi Monsieur OUEZEKHTI avait fait le choix de "militer" à ECOLO au départ, et pourquoi ce parti a choisi de faire de lui son atout ethnico-médiatique (autrement dit son " Arabe de service ") lors des élections régionales de 1995 et après.

Pour notre "banquier" (il dirigeait une petite agence à Molenbeek), le choix fut éminemment rationnel: "J'avais fait une étude de marché des programmes politiques en 1991 et Ecolo me permet de m'épanouir sans contraintes" (Le Soir 8/6/95). En bon gestionnaire de sa carrière, de son image et surtout de son portefeuille, OUEZEKHTI effectue probablement de temps à autres une nouvelle "étude de marché", et la plus récente lui a indiqué la voie à suivre...

pénurie de candidats

Quant à ECOLO, il est important de rappeler que ce parti ne compte (hors années électorales) qu'un nombre dérisoire de membres, moins de deux mille, dont moins de trois cents en région bruxelloise, ce malgré son poids électoral qui en fait un partenaire de coalitions dans plusieurs communes, et un partenaire potentiel aux niveaux régionaux, communautaires et fédéral. Parmi ces membres, très peu sont issus des communautés issues de l'immigration, tant "européenne" que "non européenne".

Certains responsables et élus bruxellois du parti, dont nous ne citerons pas les noms ici par charité, s'improvisèrent donc, surtout en 1993-94, "chasseurs de têtes maghrébines" dans la perspective des élections communales de novembre 1994. Parce que ça n'aurait pas été " politiquement correct " de présenter des listes ne reflétant pas un minimum le caractère multiculturel des communes bruxelloises.

C'est ainsi que plusieurs personnes furent approchées officieusement comme l'ex-collaboratrice du Commissariat Royal à la Politique des Immigrés Talbia BELHOUARI (membre du PS), l'ex-médiatrice schaerbeekoise Sfia BOUARFA, ou l'architecte Sadok BOUDOUKANE (du " Centre Laïc Arabo-Musulman"). Dans ces trois cas, l'opération échoua, soit en raison du refus de l'intéressé(e), soit à cause des réticences des groupes locaux d'ECOLO, notamment à Schaerbeek.

Dans d'autres cas, des personnes non membres du parti, ou d'adhésion très récente, furent insérés sur les listes aux communales: Abdellah DOUGNA à Saint-Gilles, Amidou SI M'HAMMED à Anderlecht, Fatiha MHAMDI à Forest. Enfin, des candidats "de remplissage" furent insérés, parfois en dernière minute, à des places non éligibles, notamment à Schaerbeek (Mohamed EL ARNOUKI et Samira BEN TALEB) et à Molenbeek (cinq ou six candidats, dont la sœur de OUEZEKHTI !).

Seuls Abdellah DOUGNA (en tête de liste faute d'autre candidat à cette place !) et, à la surprise d'ECOLO-Schaerbeek, Mohamed EL ARNOUKI (23ème sur la liste, pour quatre ou cinq sièges escomptés), furent élus parmi ces candidats, aux côtés de membres plus anciens (mais pas beaucoup) du parti comme Aziz BEN OTMANE (ex-PS) à Ixelles, Mariem BOUSELMATI à Molenbeek ou Jaouad MANTRACH (ex-PS) à Saint-Josse. Amidou SI M'HAMMED, non élu, rejoignit le PS quelques mois après les communales. Avant les élections, il avait d'ailleurs déjà été approché non seulement par André DROUART (ECOLO), mais également par Eric TOMAS (PS) et par Michel LEMAIRE (PSC, démocrate-chrétien), et n'avait accepté l'offre d'ECOLO que tardivement.

Stratégie bien calculée

Mostafa OUEZEKHTI, qui avait rejoint le parti vers 1992-93, se réservait pour les élections régionales car il était acquis, dès le départ, qu'un Maghrébin devrait figurer en place éligible. Il resta donc seul en lice, début 1995, pour le "poll" (assemblée qui détermine les candidats et leur place sur la liste) des régionales, face à Abdellah DOUGNA. Ce dernier ne fut pas choisi car beaucoup considérèrent qu'il eût été incorrect pour la tête de liste à Saint-Gilles aux communales de quitter son mandat six mois plus tard pour un mandat régional, le cumul étant radicalement banni à ECOLO. Par ailleurs, OUEZEKHTI fut très activement soutenu par quelques éminences vertes bruxelloises dont les Anderlechtois André DROUART, Philippe DEBRY (conseillers régionaux) et Christos DOULKERIDIS (alors secrétaire régional).

La notoriété médiatique de OUEZEKHTI en tant que président du club de football Atlas, ses qualités indéniables de relations publiques et son look de représentant de commerce à sourire "pepsodent" jouèrent bien sûr également un rôle important dans son choix par l'assemblée générale, face au terne travailleur social qu'était DOUGNA...

Ce dernier, dégoûté, quitta ECOLO peu après et s'engagea aux côtés du regroupement électoral des communistes et des trotskystes, "Gauches Unies", avec lequel il essuya un nouvel échec. Depuis lors, il a apparemment limité son activité militante au niveau syndical (il est délégué SETCA-FGTB).

virage à droite (suite)

L'unique élue social-chrétienne francophone d'origine marocaine, Fatima BENSIF, conseillère communale à Fléron, près de Liège (Wallonie), a quant à elle rejoint le Mouvement des Citoyens pour le Changement (MCC), nouveau mouvement politique social-chrétien créé avec pour ambition de contribuer à la formation d'un "pôle des droites" à l'italienne, mais crédité d'un score microscopique dans les sondages.

Elue sur une liste de cartel PRL-PSC dans cette commune, elle s'était notamment distinguée en votant, par discipline de groupe, en faveur de l'adoption d'une taxe communale sur les antennes paraboliques, au grand dam des téléspectateurs d'origine maghrébine et turque. Pour mémoire, les quatre conseillers schaerbeekois (FDF, PS et Ecolo) d'origine marocaine (ZEGUENDI, BOUARFA et EL ARNOUKI) ou albanaise (SULEJMANI) avaient également voté une telle taxe quelques mois plus tôt. Aux électeurs de juger...

 

La participation politique des allochtones en Belgique

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citations: Pierre-Yves LAMBERT, Les Wallons sont sympas... et les Flamands aussi !, in: Suffrage Universel (Bruxelles), n°1, mai 1998

LES WALLONS SONT SYMPAS...

Samedi 14 mars, le ministre-président du gouvernement régional wallon Robert COLLIGNON (PS) lançait un pavé dans la mare en proposant, étant donné le blocage sur ce sujet au niveau fédéral belge en raison des réticences flamandes, de procéder aux modifications constitutionnelles et législatives appropriées pour rendre au moins possible le droit de vote et d'éligibilité de tous en Wallonie, y compris aux élections régionales qui, en Belgique, ont un caractère législatif.

Le constitutionnaliste Francis DELPERREE, notamment auteur d'un excellent "Que sais-je" sur les droits politiques des étrangers, a quant à lui estimé qu'une telle proposition était certes généreuse mais non souhaitable. Il s'agirait selon lui d'une matière qui doit rester fédérale, et la régionalisation serait irréalisable sur le plan technique. Certains articles constitutionnels devraient en effet être modifiés pour la mettre en pratique alors qu'ils ne sont pas soumis à révision. Ce qui reporterait une telle réforme après les prochaines législatives en juin 1999, alors que les prochaines communales auront lieu en novembre 2000.

D'autres responsables politiques francophones ont par ailleurs estimé qu'une régionalisation du mode de scrutin communal conduirait à de graves problèmes dans les communes francophones situées en région flamande (périphérie bruxelloise et Fourons).

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citations: Pierre-Yves LAMBERT, Les Wallons sont sympas... et les Flamands aussi !, in: Suffrage Universel (Bruxelles), n°1, mai 1998

... ET LES FLAMANDS AUSSI !

Les deux premiers débats (bilingues français-néerlandais) avec des partis flamands organisés les 6 et 20 mars à Forest par la Fédération des Organisations Démocratiques Marocaines, présidée par Abdeslam SARIE, ont attiré chacun une quinzaine de personnes, la plupart d'origine marocaine et majoritairement "francophones". D'autres doivent encore être organisés avec le SP, Agalev et le VLD, puis avec les partis francophones.

Le premier débat fut assez consensuel, la Volksunie (national-démocrates flamands) étant favorable au droit de vote, mais non d'éligibilité, sans distinction entre ressortissants de l'Union Européenne (UE) et non UE. Néanmoins, il faut souligner que ce parti n'a plus qu'un député régional bruxellois (sur 75), et aucun conseiller communal dans les dix-neuf communes bruxelloises, ce qui freinera probablement les velléités d'adhésion de Bruxellois d'origine marocaine ou autre.

Le CVP avait quant à lui envoyé Brigitte GROUWELS, ministre des affaires bruxelloises du gouvernement flamand, qui est à la fois compétent pour la région flamande et la communauté flamande, y compris à Bruxelles. Notoirement opposée au droit de vote des non-UE, elle avait déclaré il y a quelques mois au quotidien " De Standaard " qu'une telle mesure serait "un suicide politique collectif pour les Flamands de Bruxelles" parce que les "allochtones" (personnes d'ascendance non belge) voteraient pour des partis francophones et minoriseraient ainsi encore plus la représentation politique flamande à Bruxelles (15% des voix en 1995).

Le débat a donc essentiellement tourné autour des obstacles à la naturalisation, et elle s'est engagée à plaider auprès des instances de son parti pour lever ceux-ci. Ont notamment été cités: suppression du questionnaire sur la "volonté d'intégration", très librement interprété par les policiers communaux qui en sont chargés, et abandon de l'exigence d'un extrait d'acte de naissance délivré par la commune de naissance pour les Marocains, alors que les Turcs peuvent l'obtenir auprès de leur consulat.

Le débat au sein des partis flamands porte surtout sur le lien, que les francophones considèrent comme un chantage, entre le droit de vote, soit des résidents UE soit de tous les résidents étrangers, et des garanties de représentation minimale (sièges réservés, comme au Liban ou en Palestine) pour les Flamands de Bruxelles. Il y a clairement un malaise parmi certains politiciens flamands progressistes quant à cette exigence de "donnant-donnant", peu compatible avec les exigences du suffrage universel, en pleine commémoration du cinquantième anniversaire de la loi sur le vote des femmes aux législatives. A cette occasion d'ailleurs, le "Comité 8 mars", qui regroupe quatre-vingts organisations féminines et féministes de tous horizons, s'est clairement prononcé pour la non discrimination entre ressortissants UE et non UE dans l'extension des droits politiques.

Pour être tenu(e) au courant des prochaines rencontres politiques organisées (en français ou avec traduction en français) par la Fédération des Organisations Démocratiques Marocaines:
téléphone 02/376.17.71 télécopie 02/343.78.83

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citations: Pierre-Yves LAMBERT, Quelques questions à poser au gouvernement concernant les procédures d'acquisition de la nationalité belge..., in: Suffrage Universel (Bruxelles), n°1, mai 1998

QUELQUES QUESTIONS A POSER AU GOUVERNEMENT CONCERNANT LES PROCEDURES D'ACQUISITION DE LA NATIONALITE BELGE...

1) Le Ministre de la Justice peut-il confirmer que certains juges flamands refusent la nationalité belge (par naturalisation ou par option) à des étrangers francophones résidant dans des communes flamandes ? N'y a-t-il pas là confusion dans leur esprit quant au concept même de nationalité belge ? Ne s'agit-il pas là d'une dérive vers l'élaboration d'une nationalité flamande ? Si, après enquête approfondie, de tels refus sont avérés, quelles sanctions le Ministre prendra-t-il envers ces magistrats ?

2) Le Ministre de la Justice pourrait-il préciser la nature exacte des condamnations judiciaires dont le Parquet peut arguer pour refuser l'acquisition de la nationalité belge (par naturalisation ou par option) ? Qu'entend-il exactement par "faits graves" ? Le Ministre pourrait-il par ailleurs diligenter une enquête afin de vérifier s'il est exact que la procédure de réhabilitation est exigée quand existent des condamnations pour des "erreurs de jeunesse" (vol avec ou sans violence) commises parfois dix ans auparavant ?

3) Les Ministres de l'Intérieur et de la Justice pourraient-ils diligenter une enquête afin de déterminer si des actes (volontaires) de malveillance, éventuellement de nature xénophobe ou raciste, ont été commis par des policiers ou employés communaux au cours de procédures d'acquisition de la nationalité (par naturalisation ou par option) ? Est-il exact que les questionnaires ad hoc envoyés par la section Etat Civil du Parquet ne sont pas toujours suivis, et que l'examen des questionnaires remplis par ces fonctionnaires révèle que des questions "complémentaires" y ont été ajoutées (ex. connaissez-vous le nom d'un peintre, d'un écrivain belge ?) ?

     Est-il exact que, dans certaines communes, un nombre important de formulaires sont renvoyés au Parquet par la police avec la mention "ne se présente pas aux convocations", alors que le bon sens et la pratique suggèrent que des convocations ayant un tel objet ont un effet d'attraction quasi magnétique en direction des commissariats sur les personnes qui les reçoivent (au contraire des convocations pour s'acquitter d'amendes par exemple) ?

     Est-il exact que, dans certaines communes, des renseignements erronés sont fournis aux personnes désireuses d'acquérir la nationalité belge, entraînant notamment des coûts plus élevés pour le requérant (qui entament par exemple une procédure de naturalisation alors qu'ils peuvent bénéficier d'une procédure d'option) ?

     Est-il exact que, dans certaines communes bruxelloises, seuls des formulaires de demande de naturalisation en néerlandais sont proposés, pour cause officielle de "rupture de stock", afin de dissuader les requérants ?

     Si, à la suite de l'enquête qu'ils voudront bien diligenter, les Ministres de l'Intérieur et de la Justice constatent que de tels faits sont avérés, quelles sanctions seront prises à l'encontre des auteurs, de leur hiérarchie et, éventuellement, des bourgmestres qui les auront couverts ?

4) Les Ministres de la Justice et des Relations Extérieures sont-ils en mesure de confirmer la pratique, dans certains consulats ou ambassades belges, qui consiste à considérer tout document émanant d'autorités administratives locales comme potentiellement argué de faux, et à exiger la vérification sur place par des tierces personnes, désignées par lesdites représentations diplomatiques et rémunérées par les requérants ? Est-il exact, par exemple, que le tarif est de 10.000 francs belges pour une telle "vérification" d'extraits d'acte de naissance ou de certificats de mariage au Pakistan ?

     Le Ministre de la Justice pourrait-il préciser le cadre dans lequel opère la Sûreté de l'Etat en ce qui concerne les refus "pour raison de sécurité intérieure" de certaines acquisitions de nationalité ?

      Est-il exact que les demandes présentées par des enseignants de religion islamique sont fréquemment refusées pour de tels motifs, alors qu'aucune activité de nature à troubler l'ordre public, aucune participation à une  organisation terroriste ne peut être reprochée  à  ces personnes ?

     Dans quelle mesure certains refus signifiés par la Sûreté de l'Etat sont-ils influencés par les "suggestions" de représentations diplomatiques étrangères, ou de services étrangers homologues de ladite Sûreté ?

     N'y a-t-il pas confusion entre la notion d'"organisation subversive", considérée dans un sens très large, et celle d'"organisation terroriste" ? Le Ministre pourrait-il fournir à cette assemblée une liste des organisations non interdites (de droit belge ou non) dont les membres sont réputés ipso facto inéligibles pour l'acquisition de la nationalité belge ?

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Cette lettre a été envoyée à une quarantaine de député(e)s et de journalistes. Les réponses à ces questions dans le prochain numéro, Claude Eerdekens, le président de la commission des naturalisations à la Chambre, s'y est engagé par courrier !

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citations: Pierre-Yves LAMBERT, Main trop tard offerte..., Le Soft International (Kinshasa-Bruxelles), 12 décembre 1997

MAIN TROP TARD OFFERTE...

Pierre-Yves Lambert

Le huit décembre 1957 avaient lieu les premières élections de l'histoire du Congo belge, limitées aux communes de Léopoldville. Parmi les élus, Joseph KASA-VUBU, qui devint bourgmestre d'une des communes quelques mois plus tard.

Etranges élections sans partis, du moins en théorie, où seuls les hommes belges (blancs ou noirs) de plus de vingt-quatre ans avaient le droit de vote. Où les Africains élisaient leurs conseillers dans huit communes africaines et les Européens dans deux communes européennes, mais où les Africains et les Européens étaient représentés paritairement au Conseil de la Ville de Léopoldville. Même les Flamands de Bruxelles n'oseraient pas en demander autant...

Ces élections furent organisées après un demi-siècle de colonisation par la Belgique et après neuf ans de tergiversations politico-constitutionnelles autour du "Statut des Villes". Comme les Africains ("Belges de statut colonial") ne bénéficiaient pas du droit de vote auparavant, les partis belges ne s'étaient pas donné la peine d'étendre leurs structures au Congo belge, et n'ont tenté d'y créer des filiales que dans la foulée de ces élections communales (e.a. l' "Action Socialiste"). Mais comme le prédisait en 1952 le gouverneur-général Eugène JUNGERS dans son discours d'adieu, "La main trop tard offerte risque d'être refusée", et elle le fut lors des diverses consultations électorales de 1957 à 1960 qui virent l'éclosion de dizaines de partis, pour la plupart ethniques.

A l'époque, la Belgique était en retard sur la France, qui avait élargi sa citoyenneté dès 1946 aux Africains et aux autres habitants de ses territoires d'outremer. Le Congo français envoyait un député africain au Parlement de Paris depuis 1945, et son Conseil Représentatif élu, créé en 1952, s'était transformé en Assemblée Territoriale élue au suffrage universel en mars 1957, avec pouvoir de nommer un gouvernement territorial dans le cadre d'une large autonomie interne. Et Brazzaville n'était séparée de Léopoldville que par le fleuve Congo, ce qui permettait au Belge KASA-VUBU et au Français YOULOU de comparer les degrés d'ouverture politique de leurs "civilisateurs" respectifs.

Aujourd'hui, en Région bruxelloise, seuls sont représentés des partis ethniques francophones ou flamands, et les autres groupes ethniques n'ont, dans leur majorité, pas le droit de vote. D'après Monsieur DEHAENE, seuls les ressortissants de l'Union Européenne accéderont à ce droit de vote dans trois ans. Pour les autres, on en rediscutera après, avec éventuellement l'horizon 2006.

Pourquoi ? Parce que, comme le disait Monsieur KUBLA (PRL) en juillet dernier au Parlement Wallon, ils ne partagent pas "un certain nombre de valeurs", ils n'adhèrent pas à "certains principes tels que le droit de la famille, le droit des femmes et le principe de la réciprocité", et enfin parce que cela "pourrait avoir pour conséquence, dans certains cas, que des représentants de la population immigrée soient à la tête de communes bruxelloises".

Pourtant, contrairement à l'Union des Francophones dans le Brabant flamand ou aux listes de Vlaams Kartel dans certaines communes bruxelloises, dans la périphérie ou aux Fourons, les groupes ethniques issus de l'immigration ne sont aucunement structurés en vue de leur représentation politique. Même si Charles PICQUE et ses amis "bien informés" nous prédisent depuis dix ans la mise sur pied imminente d'un "parti islamique".

En 2006, il sera trop tard pour commencer à intégrer politiquement cette partie importante (30%) de la population bruxelloise, et la "main tendue" alors par opportunisme électoral risque fort d'être refusée. On assistera donc probablement à l'éclosion de listes concurrentes de celles des partis ethniques autochtones. A qui la faute? Sera-ce moins légitime que les listes "Rode Leeuwen" (socialistes flamands) à l'époque du PSB-BSP unitaire ?

De fait, il est clair qu'aucun des partis ethniques autochtones ne représente actuellement les intérêts des groupes ethniques issus de l'immigration, et il est peu probable qu'ils évolueront sur ce plan, à l'exception peut-être de certaines sections locales d'Ecolo qui commencent à refléter le caractère multiethnique de la population.

Dans ces conditions, il est souhaitable que des organisations politiques soient mises sur pied au plus tôt par les Bruxellois qui ne s'identifient ni aux "francophones" ni aux "Flamands". Il faut se préparer dès maintenant aux régionales de 1999 et aux communales de 2000. Et former des cadres politiques qui pourront défendre efficacement les intérêts de leurs électeurs.

source: paru dans L'Echo (quotidien économique belge) en décembre 1997 et dans Le Soft international (hebdomadaire congolais publié à Kinshasa et à Bruxelles) le 12 décembre 1997

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citations: Pierre-Yves LAMBERT, Démocratie "à la belge", La Wallonie (Liège), 17 février 1998

DEMOCRATIE "A LA BELGE"...

Pierre-Yves Lambert

En mars dernier, le gouvernement belge a décidé de tenter de faire passer par une loi électorale globale le droit de vote et d'éligibilité (partielle) aux élections communales et provinciales des ressortissants de l'Union Européenne. Exit donc les espoirs de voir ces droits étendus pour les prochaines élections à tous les résidents non belges, quelle que soit leur nationalité. Dont acte.

En Belgique, d'autres catégories de personnes n'ont pas non plus droit au chapitre quand il s'agit de décider de leur sort.

En prenant un exemple au hasard de l'actualité: les habitants de certaines communes qui se sont retrouvées du "mauvais" côté de la frontière linguistique quand celle-ci a été pérennisée (pour mille ans ?) par un accord entre "familles" politiques, sur base d'un recensement linguistique vieux de quinze ans. Pourquoi en effet s'embarrasser d'un vote émis par les personnes intéressées quand un instrument "objectif", un recensement en l'occurrence, permettait d'éviter certaines (mauvaises ?) surprises ?

Dans le même ordre d'idées, les habitants du Royaume de Belgique bénéficient de l'immense privilège de contribuer financièrement au fonctionnement de six cultes "reconnus". Le septième ne leur coûte rien, grâce à l'Etat belge qui a systématiquement empêché les Musulmans de s'organiser librement sans immixtion de la Sûreté de l'Etat et des ambassades étrangères.

Parmi ces six grands consommateurs de deniers publics - puisés dans les poches des contribuables -, le culte "laïc", représenté par ses archiprêtres libéraux et socialistes, est censé dépenser lesdits deniers au nom de celles et ceux qui ne se reconnaissent pas dans un des autres cultes, mais qu'on prend soin de ne pas convier à l'éventuelle élection de ces "représentants" autoproclamés. Le culte catholique romain quant à lui bénéficie dans ce partage de la présomption de "catholicité" de la quasi totalité de la population du Royaume. Ici, il n'y a même pas de recensement... et encore moins d'élections !

Il y a une vingtaine d'années, au nom de la "rationalité", l'Etat belge a décidé que le nombre d'élus et de services publics communaux était décidément beaucoup trop élevé. Ca faisait un peu désordre. Il a donc procédé à une opération de "fusion de communes", faisant par la même occasion disparaître celles dont les bourgmestres étaient communistes. Sans consulter les populations concernées bien sûr: on est en Belgique, après tout, pays où les grands accords se font entre les "familles" politiques...

Dans la commune française où je reste électeur (Béthune, Pas-de-Calais), une "défusion" a eu lieu l'an dernier suite à une consultation populaire, et de nouvelles élections municipales ont eu lieu pour les deux entités ainsi créées. Qu'en pensent les habitants de certaines ex-communes des cantons de Halle et de Vilvorde, "fusionnées" au sein d'entités unilingues sans "facilités" ?

Tous les cinq ans, les travailleurs de Belgique participent aux élections sociales dans les entreprises que les patrons n'ont pas (encore) réussi à subdiviser afin de descendre sous le seuil au dessous duquel ces élections ne sont pas obligatoires. Ils n'ont le droit de voter que pour des listes présentées par les trois organisations syndicales reconnues.

Trois organisations historiquement liées aux "familles" politiques dont il a déjà été question... Une quatrième organisation, regroupant des cadres, a dû mener une bataille juridico-politique pendant plus de vingt ans avant de se faire reconnaître le droit de présenter des listes de candidats à ces élections. Il y a quelque chose de pourri dans les racines du cerisier...

Les travailleurs des services publics, eux, font partie de la catégorie - déjà évoquée - des "recensés" pour lesquels tout vote est considéré comme superflu. Il suffit de procéder au comptage des affiliés de chacune des trois centrales reconnues pour déterminer qui "représentera" ces travailleurs vis-à-vis de leur patron. Quant aux gendarmes, n'en parlons pas: comme ils n'avaient pas le droit de s'affilier à des centrales interprofessionnelles jusqu'à la mi-avril 98, c'est l'état-major qui choisira encore ses interlocuteurs parmi les syndicats-maison jusqu'en novembre.

Une "petite phrase" d'un de nos éminents politiciens bruxellois à propos du droit de vote des non Belges aux élections communales résume bien cette conception très particulière d'une démocratie "à la belge": de toute façon, rien d'important ne se décide à l'échelon communal. Dans ce cas, comme je l'avais écrit à l'époque, pourquoi organiser des élections communales ? On pourrait tout simplement déterminer à l'avance la répartition des sièges entre les différentes "familles" politiques, avec éventuellement un quota pour les Flamands et pour les autres minorités ethniques de la capitale. Sur le modèle du "Pacte culturel"...

Et puisque le véritable pouvoir est entre les mains des entreprises "multinationales", et dans une moindre mesure de la Commission européenne, y a-t-il vraiment lieu d'encore organiser des élections régionales, fédérales ou européennes ? Soyons belges jusqu'au bout !

source: paru dans La Wallonie (quotidien socialiste liégeois) le 17 février 1998

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Vers la mise en place de conseils de district élus ?

Mercredi 11 mars, des sénateurs des cinq partis de la majorité communale anversoise (CVP, SP, Volksunie, Agalev et VLD) ont déposé deux propositions de loi en vue d'avancer vers la décentralisation et de déterminer les compétences des conseils de district. Il s'agirait notamment de rendre possible l'élection des conseillers de district, actuellement cooptés par les conseillers communaux. Cette mesure concernerait les huit communes belges de plus de cent mille habitants (notamment Anvers, Gand, Bruxelles, Schaerbeek, Liège, Charleroi).

L'adoption de ces lois dépend d'une majorité qualifiée des deux tiers au Parlement fédéral. Le sénateur Agalev Eddy Boutmans a déclaré qu'il allait pour sa part tenter, via un amendement, de faire reconnaître le droit de vote à ces élections de conseils de district aux non Belges, y compris aux non Européens, dès que la révision de la Constitution le permettra.

Dans certaines villes néerlandaises comme Amsterdam et Rotterdam, de tels conseils de district sont déjà élus au suffrage universel sans distinction de nationalité depuis 1980, soit six ans avant l'élargissement du droit de vote et d'éligibilité pour les élections communales.

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Un membre présumé du G.I.A. (presque) naturalisé belge

Un des membres présumés du GIA arrêtés le 5 mars en Belgique, Essoussi Laaroussi, avait vu son dossier approuvé par la commission des naturalisations de la Chambre le même jour. Le ministre de la Justice, interpellé à ce sujet à la Chambre, a confirmé l'information et a précisé qu'il avait renvoyé à ladite commission la liste des candidats à la nationalité qu'elle venait d'approuver, afin de lui permettre de reconsidérer sa décision sans pénaliser les autres personnes figurant sur la liste.

C'est la première fois qu'une telle situation se produit depuis la mise en place de la nouvelle procédure en matière de naturalisation. Lors d'un procès impliquant d'autres membres supposés d'un réseau de soutien au GIA algérien, la question de la déchéance de la nationalité belge avait été évoquée à l'encontre d'un des accusés.

Plus récemment, des questions parlementaires ont été posées au ministre de l'intérieur quant aux échanges d'informations entre la gendarmerie belge et ses homologues turcs concernant des membres présumés du PKK et leurs familles. D'après les responsables de la télévision kurde Med-TV, basée en Flandre, des listes élaborées sur base de ces informations auraient été utilisées pour justifier des refus de demandes d'acquisition de la nationalité belge. Le ministre a annoncé l'ouverture d'une enquête.

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Un politicien haïtien suspecté d'être... belge


Abstentions européennes...
source : Pierre-Yves LAMBERT, Droit de vote des étrangers: au-delà des lieux communs... , in : Cahiers Marxistes (Bruxelles), n°206, juin-juillet 1997, pp.57-70

Les dix huit mille électeurs espagnols de Bruxelles ont pu élire, en décembre 1996, un "Conseil des Résidents Espagnols de Bruxelles", organe consultatif auprès du consulat. Seuls 408 d'entre eux se sont déplacés pour participer à cette élection. Pour le bimensuel espagnol de Bruxelles El Sol, "le désintérêt, le froid ou l'éloignement de l'unique bureau de vote paraissent être les causes de ce "fracaso" (Ferran TARRADELLAS, « Coordinación Asociativa toma el CRE de Bruselas, El Sol de Belgica, 12/12/1996, p.9)...

En France, 1.210.000 électeurs portugais étaient appelés à élire, en avril 1997, seize membres du Conseil des Communautés Portugaises. Ceux-ci ont finalement été élus par... 4.362 électeurs, soit un taux de participation de 0,4%. Par comparaison, "la Fête des Saints Populaires en région parisienne rassemble environ 20.000 Portugais; un match de football au Parc des Princes entre Benfica et Porto en rassemble environ 30.000 " (Rui NEUMANN, « A maioria absoluta da abstenção », Encontro das communidades portuguesas, 1-15/5/1997, p.10).

En Belgique, 991 personnes (4,5%) ont participé au vote, sur 22.561 électeurs. Le siège dévolu aux Portugais de Belgique a donc été acquis par un score de 482 voix, soit par 2% des électeurs inscrits...

La participation politique des allochtones en Belgique

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