http://suffrage-universel.be/ - La participation politique des allochtones en Belgique - Candidats et élus d'origine non-européenne en Belgique

Citoyenneté, ethnicité et critères de sélection dans les logements sociaux

Extraits de "Immigration & Citoyenneté", lettre d'information de la commission immigration-citoyenneté du parti écologiste belgo-francophone Ecolo de mars à décembre 1996

(rédacteur unique: P.Y. Lambert; diffusion: 300 ex., 50% à des membres Ecolo ou Agalev, 50% à des non-membres, y compris des membres et élus du PS et du PSC )

Accès des candidats aux logements sociaux

I & C n°2 - avril 1996

Nous sommes partis d'un constat tout simple, qui semble avoir échappé aux investigations antérieures: la première étape que doit franchir le candidat à un logement social consiste à remplir un formulaire préimprimé d'inscription sur les listes d'attente. Quelles sont les informations demandées au candidat sur ces formulaires?

Nous avons commencé notre enquête en sollicitant par courrier des logements sociaux dans les trente-quatre sociétés publiques de logements sociaux en région bruxelloise. Jusqu'à présent, vingt-huit nous ont envoyés les formulaires d'inscription, dont une résidence-service pour... personnes âgées et étudiants (non prise en compte!). Sur les vingt-sept sociétés, toutes demandent la nationalité du postulant et de sa compagne, cinq leur lieu de naissance, quatre leur numéro de registre national et une la... "nationalité à la naissance" du postulant, de sa compagne, et des enfants qui vivent sous leur toit! Une autre exige des... certificats de bonne vie et moeurs.

Interrogé par nos soins, un juriste du Centre pour l'Egalité des Chances nous a bien confirmé que non seulement cette dernière question, mais même celle portant sur la nationalité actuelle ne peuvent en aucun cas être posées dans le cadre d'une demande de logement social, la nationalité n'entrant pas en ligne du compte (officiellement du moins) dans l'attribution de tels logements. Par ailleurs, il semble que ces sociétés violent la loi sur la protection de la vie privée en constituant des fichiers d'attente où figurent de telles informations que seules les administrations et la police peuvent détenir. Ce juriste a d'ores et déjà adressé une demande d'explications au Foyer Ixellois qui se soucie tant de la nationalité d'origine de ses futurs locataires...

Une question sera posée au prochain conseil communal ixellois par Fabrice ALTES SAFONT (Ecolo). Nous vous informerons de la suite de cette interpellation, et nous mettrons sous peu à la disposition des conseillers communaux qui le souhaitent une note d'information reprenant les renseignements d'ordre juridique nécessaires pour procéder à des interpellations similaires. D'ores et déjà, nous avons communiqué au coordinateur des élus communaux d'Ecolo, Jean THIEL (CEFE tel. 081/22.58.48 e-mail cefe@ecolo.be ), les données de base du problème afin de recueillir de plus amples informations sur la situation en région wallonne. A suivre donc.

Accès des candidats aux logements sociaux

I & C n°3 - mai 1996

1. nous constatons, par un heureux hasard, que les formulaires de toutes les sociétés de logements sociaux en région bruxelloise interrogent le candidat sur sa nationalité, et dans un cas sur sa "nationalité à la naissance" (Ixelles, majorité PRL-FDF-PS); l'une d'elles (SCLAB, Bruxelles-Ville) exige un certificat de bonne vie et moeurs!

2. début avril, à notre demande, François SANT'ANGELO, juriste au Centre pour l'Egalité des Chances, envoie par courrier une demande d'explication au Foyer Ixellois quant à la nécessité de connaître la "nationalité à la naissance" de ses candidats-locataires (suite au 4.)

3. le 15 avril, un autre courrier est envoyé par P.Y. LAMBERT, à titre personnel, à la Commission pour la protection de la vie privée (Ministère de la Justice), visant l'ensemble des sociétés; motif: la nationalité n'étant pas un critère d'accès au logement social, une société privée n'a pas le droit de mentionner cette donnée dans un fichier d'attente, a fortiori encore moins la nationalité d'origine ou le casier judiciaire des candidats-locataires (à suivre)

4. fin avril, une lettre plus formelle est envoyée au Foyer Ixellois par le Centre pour l'Egalité des Chances (à suivre)

5. fin avril, l'échevin Henri SIMONS met la question des informations demandées dans les formulaires à l'ordre du jour de la prochaine réunion de la "concertation des logements sociaux" de Bruxelles-Ville, qu'il préside (à suivre)

Logements sociaux

I & C n°4 - juin-juillet 1996

Le Foyer Ixellois (PRL-FDF-PS) n'a toujours pas daigné répondre aux deux missives du Centre pour l'Egalité des Chances et la Lutte contre le Racisme (CECLR) adressées en avril. Il s'agissait de connaître les justifications de certaines questions posées dans les formulaires d'inscription pour des logements sociaux (Quelle est votre nationalité actuelle? Quelle était votre nationalité à votre naissance? idem pour le/la conjoint/e et les enfants à charge).

Les courriers adressés à ce sujet par un de nos membres à la Commission pour la protection de la vie privée (Ministère de la Justice) et à la Société du Logement de la Région Bruxelloise (SLRB) n'ont pas non plus reçu de réponse, même pas d'accusé de réception...

La Société Uccloise de Logements (PRL-FDF), sous prétexte empêcher l'envoi d'un observateur du Front National, veut éliminer l'observatrice d'...Ecolo! Pourtant, de sources fiables, le discours de certains administrateurs PRL et même FDF de cette société emprunte beaucoup à celui du FN qu'ils prétendent exclure. Du genre "comment allons-nous empêcher les bougnoules de venir coloniser nos logements sociaux?". Un cas précis de discrimination d'une famille prioritaire d'origine marocaine, écartée au profit d'autochtones, a été dénoncé par Guy DE HALLEUX (Ecolo) en conseil communal, et plainte a été déposée auprès de l'organisme de tutelle (la SLRB).

Le Logement Molenbeekois n'est pas en reste: un rapport du délégué social dans cet organisme dénonce le système de "double liste" [dossier réalisé par le Syndicat des locataires de logements sociaux tel. 02/522.98.69 fax 02/524.18.16]. Explication: quand une famille autochtone ou "européenne" arrive en ordre de priorité (souvent après une longue attente), elle se voit proposer une liste complète des logements sociaux vacants. Pour une famille allochtone, "non-européenne", la liste est amputée des logements majoritairement peuplés d'"Européens". Justification: les "Européens" ne veulent pas aller habiter dans des immeubles-"ghettos" et ne veulent pas non plus qu'il y ait des "étrangers" dans les immeubles qu'ils occupent déjà. Gageons que ceux parmi les "non-Européens" qui disposeront du droit de vote aux prochaines élections communales se souviendront de l'attitude de la majorité PS-PRL-FDF. Rappelons qu'en 1994, aucun de ces trois partis, au contraire d'Ecolo et du PSC, n'avait jugé utile d'intégrer sur leurs listes des candidats d'origine extracommunautaire.

Nous avons également entendu parler de sociétés de logements sociaux wallonnes qui ont l'intention de "filtrer" l'accès à de nouveaux logements sociaux en construction prévus pour des familles nombreuses, de façon à éviter la "constitution de ghettos". En encourageant les autochtones à avoir plus d'enfants?

Discriminations dans les sociétés de logements sociaux

I & C n°5 - novembre 1996

Les formulaires de toutes les sociétés de logements sociaux en Région bruxelloise interrogent le candidat sur sa nationalité, et dans un cas sur sa "nationalité à la naissance" (Ixelles); au moins l'une d'elles (SCLAB, Bruxelles-Ville) exige un certificat de bonne vie et moeurs. Début avril, à notre demande, le Centre pour l'Egalité des Chances a demandé par courrier des explication au Foyer Ixellois quant à la nécessité de connaître la "nationalité à la naissance" de ses candidats-locataires. Faute de réponse, une nouvelle lettre plus formelle a été envoyée fin avril. Suite à des pressions conjointes de la part de membres d'Ecolo et du PSC (le conseiller communal Olivier DEGRYSE e.a.), cet organisme a finalement fait savoir au Centre, le 3 juin dernier, que le formulaire incriminé allait être modifié "suivant l'Arrêté Royal [sic] du Moniteur Belge du 31.12.1993 - annexe 1", lequel mentionne la nationalité (actuelle) sur le formulaire de demande, mais pas dans le registre des candidatures.

Parallèlement, le 15 avril, un autre courrier avait été envoyé par un membre de notre équipe à la Commission pour la protection de la vie privée, visant l'ensemble des sociétés. Motif: la nationalité ou les "bonnes moeurs" n'étant pas un critère d'accès au logement social, une société privée n'a pas le droit de mentionner cette donnée dans un fichier d'attente, a fortiori encore moins la nationalité d'origine ou l'éventuel casier judiciaire des candidats-locataires. Le 31... juillet, la commission nous a assuré avoir entamé un examen de cette question depuis plusieurs mois et que "dans le même temps, une enquête a été entamée auprès de l'organisme que vous mettez en cause".

Jean-Paul SNAPPE, député Ecolo wallon, a pour sa part demandé au ministre TAMINIAUX ce qu'il en est en Région wallonne. Le modèle de formulaire de demande de logement social est contenu dans l'arrêté ministériel du 21 avril 1995 (M.B. 10 août 1995) et prévoit une question sur la nationalité des personnes composant le ménage, qui figurera dans le registre des candidatures sous une forme codée: "B pour les ressortissants belges, U pour les ressortissants de l'Union Européenne autres que belges, A pour les autres ressortissants". Cette classification pourrait être utilisée dans le cadre du récent (juin 1996) "décret relatif à l'intégration des personnes étrangères ou d'origine étrangère", qui prévoit (article 2) des "mesures de discrimination positive permettant aux personnes étrangères ou d'origine étrangère d'accéder à l'égalité des chances", dont "l'institution de quotas pour l'attribution de logements sociaux" (commentaire des articles, dans le Projet de décret publié le 3/5/96).

Le concept de discrimination positive sur base de l'origine ou de la nationalité de ses bénéficiaires potentiels, et plus encore la fixation de quotas sur cette base, devraient au plus vite faire l'objet d'un large débat, peut-être dans le cadre des Etats Généraux. Certains estiment en effet que la priorité devrait plutôt être donnée à la lutte politique et juridique contre les discriminations (négatives), qu'elles soient ouvertement pratiquées ou non, et pas seulement dans le domaine du logement social.

Ainsi, de nombreuses sociétés de logements sociaux des trois régions du pays mènent-elles depuis des années une politique d'apartheid en concentrant les personnes de nationalité ou d'origine étrangère dans des bâtiments différents des "autochtones", afin d'"éviter les problèmes de cohabitation". Est-il indispensable de préciser que l'ancienneté et la qualité des bâtiments ainsi attribués aux autochtones et aux allochtones ne sont pas toujours équivalents: après tout, c'est logique puisque certains peuvent voter et d'autres pas...

Autre technique de discrimination, plus sournoise: puisque les personnes que certaines sociétés ne souhaitent pas voir "coloniser" leurs logements sociaux ont souvent plus de deux enfants par ménage, il suffit de ne pas construire de logements adaptés aux familles nombreuses. Simple, mais efficace...

Ces deux exemples concrets de politiques discriminatoires sont bien connus des associations de défense des locataires qui les dénoncent depuis des années, en vain. La tactique qui consiste à en appeler systématiquement à la tutelle (politique) est-elle réellement productive? Ne serait-il pas temps de passer à une judiciarisation de ces infractions patentes à diverses dispositions fédérales (notamment constitutionnelles), européennes et internationales?

Dossier logement social

I & C n°6 - décembre 1996

Depuis quelque temps déjà se pose, en Région bruxelloise, le problème de la représentation de l'opposition (sans droit de vote délibératif) au sein des conseils d'administration des sociétés de logements sociaux, quand celles-ci dépendent des communes (les coopératives ne sont donc pas concernées). Le cadre légal de cette représentation est pour le moment assez flou en raison d'avis divergents du gouvernement bruxellois et du Conseil d'Etat. Des propositions d'ordonnances ont donc été déposées, avec le souci pour certaines d'assurer une représentation minimale tout en écartant le Front National et le Vlaams Blok. Parce qu'il n'y a pas d'élus xénophobes dans les partis traditionnels, bien sûr ! Le problème, c'est qu'Ecolo risquerait, dans la plupart des cas, de faire les frais de cette "minimalisation" de l'opposition là où il compte peu d'élus.

La question est donc posée, et la réponse n'est pas aisée: soit nous soutenons l'exclusion de l'extrême-droite en limitant la représentation de l'opposition à deux ou trois sièges, et nous nous excluons automatiquement de la quasi-totalité des conseils d'administration, soit nous soutenons la représentation de toute l'opposition, et nos détracteurs nous accuseront d'avoir fait le jeu des fascistes.

Les détracteurs en question se gardent bien de rappeler que, si l'on parle de représentation de l'opposition, c'est que ces conseils d'administration sont composés de personnes cooptées par les partis de la majorité et que ce système s'inscrit dans la perspective maffioso-clientéliste qu'Ecolo et Agalev dénoncent depuis leur fondation, dénonciation reprise depuis quelques semaines par une partie de la population, notamment au travers de la "marche blanche".

La présence de représentants d'Ecolo (et d'Agalev) nous permet par ailleurs d'être informés quant aux pratiques douteuses de ces sociétés, notamment sur les attributions clientélistes et discriminatoires de logements.

Ainsi, plusieurs sociétés sont en train d'adopter des "conventions" avec la Société de Logement de la Région Bruxelloise visant à réduire la proportion de logements attribuables sur base des priorités légales (revenus, nombre de personnes à charge, ancienneté de la demande, logement insalubre,...). Objectif: faire face à des situations d'urgence (d'accord, quand il ne s'agit pas de l'affiliation "soudaine" d'untel à un parti de la majorité), mais aussi "préserver la mixité sociale" [au Foyer laekenois, les seuls à ne pas avoir voté cette "convention" ont été notre représentant, le conseiller CPAS Pascal VICHER, et Mohamed OURIAGHLI, conseiller communal PS et président des Jeunes Socialistes bruxellois; Mahfoud ROMDHANI, conseiller communal et député régional (PS) a voté pour !].

L'interprétation politique de ce concept éminemment sociologique nous a déjà été présentée il y a quelques années par Philippe MOUREAUX [bourgmestre PS, président de la Fédération Bruxelloise du PS, ancien vice-premier ministre] à Molenbeek, pour les nouveaux logements du "Cheval Noir": là où il y a des immeubles ou des groupes d'immeubles "ghettoïsés" par les minorités ethnoculturelles, il faut "casser les ghettos" en donnant la priorité d'accès aux Belges... d'origine belge. Pas question donc de "casser les ghettos" là où il n'y a que des "Belges d'origine belge", pour beaucoup encartés au parti de Monsieur MOUREAUX ou dans d'autres partis traditionnellement généreux envers leurs affiliés [le SP d'Anderlecht compte ainsi, en raison de la présence de Rufin GRIJP (SP) au collège, un millier de membres, dont de nombreux... francophones, parmi lesquels un grand nombre ne parle même pas le néerlandais ! Comme quoi le Vlaams Blok n'est pas le seul parti flamand à raccoler des Bruxellois francophones...]. En clair, cela signifie que dans les "ghettos" d'"autochtones", on continuera à ne faire entrer que des "autochtones", plus éventuellement quelques "allochtones", de préférence européens ou assimilés, et dans les "ghettos" d'"allochtones", des familles "allochtones" se verront refuser l'accès au profit de familles "autochtones" parce que le seuil critique de "mixité sociale" aura été atteint.

Autant le récent décret wallon de "discrimination positive" sur base ethnoculturelle risque de susciter la colère d'"autochtones" écartés pour cause de dépassement des quotas prévus [lire à ce sujet l'excellent article de Jean-Pierre SNAPPE dans le numéro 12 du magazine Nouvelle Tribune, et celui de Pierre-Yves LAMBERT dans le numéro 11], autant cette politique bruxelloise de "conventions" entraînera des frustrations et des indignations légitimes de la part des "allochtones" exclus pour les mêmes motifs.



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