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Elections musulmanes 2005

 

 Sénat de Belgique

Annales - version française

JEUDI 18 NOVEMBRE 2004 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI


Avertissement: les passages en bleu sont des résumés traduits du néerlandais.

Demande d'explications de Mme Mia De Schamphelaere à la vice-première ministre et ministre de la Justice sur "l'élection du nouvel Exécutif musulman" (nº 3-435)

Question orale de Mme Clotilde Nyssens à la vice-première ministre et ministre de la Justice sur "l'Exécutif des musulmans" (nº 3-453)

Mme la présidente. - Je vous propose de joindre cette demande d'explications et cette question orale. (Assentiment)

Mme Clotilde Nyssens (CDH). - Je vous ai déjà interrogée sur l'Exécutif des musulmans, il y a quelques mois. L'actualité m'oblige à y revenir aujourd'hui.

Nous avons pris connaissance de ce que vingt-huit associations ont introduit près la Cour d'Arbitrage une requête en annulation contre la loi du 20 juillet 2004 portant création d'une commission chargée du renouvellement des organes du culte musulman en invoquant l'ingérence de l'exécutif dans le culte musulman, ingérence reconnue du reste par le Conseil d'État. Un recours est introduit également près le Conseil d'État contre l'arrêté ministériel du 23 septembre 2004.

Je suis très préoccupée par les tensions qui restent vivent dans les communautés musulmanes. Ces communautés sont en effet divisées sur le processus actuel d'organisation d'élections.

L'introduction de ces recours met-il en cause le calendrier électoral prévu par la loi ?

L'exécutif actuel a-t-il encore les moyens d'assurer la continuité de ses tâches d'ici aux élections ?

Il est bon de confirmer l'importance qu'il y a à avoir un organe légal du culte musulman. L'Exécutif des musulmans est cet organe légal conformément à la volonté politique exprimée en 1974.

Dans Le Soir, un article souligne l'intérêt de disposer d'un tel Exécutif pour que l'État ait un interlocuteur musulman crédible.

Étant donné le " brouillard " qui subsiste dans ces communautés à propos des élections, comment la ministre envisage-t-elle d'agir pour calmer les esprits après les incidents de ces derniers jours ?

Mme Mia De Schamphelaere (CD&V). - La ministre a déjà été interrogée à plusieurs reprises sur le renouvellement de l'exécutif des musulmans et du conseil général. Le groupe CD&V veut apporter son aide et formuler des propositions afin d'intégrer l'islam d'une manière réaliste dans notre société, au sein de laquelle la séparation de l'Église et de l'État va de pair avec la reconnaissance des différentes religions et par conséquent avec le subventionnement des fabriques d'église et des ministres du culte. C'est pourquoi nous revenons si souvent sur cette question. Une autre raison est l'évolution très difficile du dossier de l'exécutif des musulmans.

La ministre a clairement dit que tous les mandats doivent être renouvelés de manière à ce que cet organe devienne réellement un interlocuteur attitré de la religion islamique dans notre pays. Récemment des problèmes supplémentaires sont apparus parce que le Conseil général des musulmans de Belgique a interjeté appel contre la loi du 20 juillet 2004 qui réglemente la composition de la commission chargée du renouvellement des organes de la religion islamique. Le Conseil général demande à la Cour d'arbitrage d'annuler la loi au motif qu'elle constituerait une immixtion inacceptable dans l'organisation interne de cette religion. Le groupe CD&V s'était à l'époque abstenu lors du vote sur la loi pour des raisons plus ou moins identiques.

N'est-il pas risqué de passer aujourd'hui à l'organisation d'élections à grande échelle alors que la Cour d'arbitrage peut juger la plainte fondée et annuler la loi concernée, ce qui invaliderait les élections ?

Peut-on fixer dès aujourd'hui une date pour les élections générales ou devons-nous d'abord attendre le résultat de la plainte ?

Les croyants mais aussi les politiciens musulmans envisagent de plus en plus de régler la composition de ces organes sans passer par des élections. La ministre estime-t-elle que c'est possible ?

Que pense la ministre de l'avis de politiciens à racines musulmanes pour lesquels il vaudrait mieux que l'exécutif des musulmans disparaisse ?

Mme Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre de la Justice. - Comme Mme Nyssens, j'ai lu ce matin une carte blanche signée de la main M. Didier Yassin Beyens. J'approuve totalement sa conception des choses, notamment en ce qui concerne l'installation d'un exécutif musulman. Celui-ci est nécessaire en tant qu'interlocuteur de l'État pour la gestion du culte musulman.

Certains membres de la communauté musulmane ont introduit un recours en annulation devant la Cour d'arbitrage concernant la loi qui a mis en place la commission chargée de l'organisation des élections générales pour le renouvellement des organes du culte musulman. Ils ont également attaqué devant le Conseil d'État l'arrêté ministériel fixant la composition de ladite commission.

Je reste très sereine par rapport à ces recours. Il est en effet à mes yeux tout à fait légitime que des citoyens musulmans puissent contester cette loi et cet arrêté ministériel devant les organes juridictionnels appropriés s'ils estiment que ces instruments législatifs et réglementaires ne sont pas conformes à notre Constitution.

Cependant, je constate que d'autres musulmans se sont exprimés dans les médias et qu'ils regrettent ces recours tout en soulignant une nouvelle fois le manque de dialogue entre l'Exécutif des musulmans de Belgique et une grande partie de la communauté musulmane. Certains contestent déjà la validité des décisions prises par les organes du culte musulman d'attaquer ces normes et dénoncent le manque de transparence qui règne au sein de ces organes.

Je note, une fois de plus, que des tensions sont réellement présentes et qu'il est impératif de les aplanir au plus vite en permettant à l'ensemble des membres de la communauté musulmane d'élire démocratiquement leurs représentants.

Conformément à la loi du 20 juillet 2004, la commission chargée du renouvellement des organes du culte musulman est composée de deux magistrats émérites, de deux membres de la communauté musulmane ainsi que d'un expert en questions électorales désigné par le ministre de l'Intérieur.

La commission a été installée fin septembre et a entamé ses travaux. Je n'ai reçu que les candidatures de M. Lucien François, magistrat honoraire près la Cour d'arbitrage, et de M. Raymond Decoux, juge d'instruction honoraire. Pour les candidatures des représentants de la communauté musulmane, conformément à la loi susmentionnée j'ai demandé à deux reprises à l'exécutif des musulmans de Belgique de me proposer des candidats. Je n'ai hélas reçu aucune proposition. Pour ne pas reporter encore le début des travaux de la commission, j'ai décidé de désigner deux personnes qui connaissent particulièrement bien les problèmes de la communauté musulmane. M. Hassan Bousetta est chercheur scientifique au FNRS et maître de conférences à l'Université de Liège. Il a signé de nombreuses études relatives à l'immigration, à la citoyenneté et à l'intégration des populations musulmanes en Europe. Compte tenu de ses connaissances multidisciplinaires et de son activité scientifique internationalement reconnue, je pense qu'il peut largement informer la commission sur la communauté musulmane. Mme Ayse Öz est active depuis plus de dix ans dans la vie associative en Flandre et, en tant qu'assistante du Centre provincial d'intégration de Flandre orientale, elle a de nombreux contacts avec les associations musulmanes. Elle connaît bien la question du culte musulman parce qu'elle a participé activement aux premières élections organisées en 1998. J'estime pour ces raisons objectives que Mme Öz peut apporter une très grande expérience aux travaux de la commission.

La commission s'est déjà réunie à plusieurs reprises. Elle a aussi rédigé un courrier présentant sa composition et ses principales missions à l'attention de l'ensemble des mosquées de Belgique, ainsi qu'à l'attention des associations musulmanes, ce que je pense être une décision louable. Dans les prochaines semaines, la commission déterminera les modalités concrètes de l'organisation des élections générales et récoltera les noms de celles et de ceux qui souhaiteront participer en tant qu'électeurs à ces élections.

Cette commission agira en toute indépendance et déterminera elle-même le calendrier précis de ces élections. La réalisation de telles élections nécessite de nombreuses démarches. J'espère que celles-ci pourront être faites dans les meilleurs délais de telle sorte que nous puissions fixer une date précise vers le printemps 2005.

Je persiste à croire que ces élections directes sont la seule issue pour mettre un terme à ces conflits qui traversent la communauté musulmane. Sans un organe bénéficiant de toute la confiance de la Communauté et d'une légitimité certaine, nous ne pourrons pas avancer dans des dossiers aussi importants que la reconnaissance des mosquées et la prise en charge des traitements des imams.

Je vous l'ai déjà dit clairement à deux reprises, je ne suis donc pas favorable à la disparition d'un exécutif des musulmans de Belgique. Par contre, sans vouloir procéder à une ingérence quelconque dans la gestion du temporel du culte musulman, la composition du futur exécutif devrait davantage tenir compte de l'organisation de la communauté musulmane de Belgique qui connaît également des spécificités linguistiques qui n'ont pas été suffisamment prises en compte jusqu'à présent et qui sont très certainement à l'origine des tensions que la communauté a connues. Après l'installation de la nouvelle assemblée générale, j'entamerai un dialogue avec le bureau de cette assemblée afin de l'aider à trouver une structuration qui permettra d'éviter les tensions et d'être un interlocuteur crédible et reconnu par tous pour l'État belge.

Pour le moment, l'ancien exécutif qui n'avait été reconnu que pour un an reste en place dans le cadre du principe de la continuité des services publics, ce qui implique une gestion courante prudente et limitée aux dépenses quotidiennes.

L'exécutif bénéficie d'un subside à charge de l'État qui lui est versé par tranche. C'est bien entendu l'exécutif actuel qui continue à gérer ce subside jusqu'à ce que le nouvel exécutif soit mis en place.

J'espère que l'on pourra rapidement dépasser les difficultés que nous connaissons actuellement, qui sont mauvaises pour tout le monde et, avant tout, pour le culte musulman en Belgique et pour son épanouissement.

Mme Clotilde Nyssens (CDH). - Je me demande si un nouveau contact avec l'actuel exécutif des musulmans ne serait pas nécessaire. J'ai le sentiment que l'exécutif actuel se plaint que l'on n'ait pas suffisamment reconnu le travail qu'il a accompli. Un contact avec la ministre permettra peut-être de reprendre le dialogue. Ce que je crains particulièrement, ce sont les trop grandes divisions sur le terrain.

Mme Mia De Schamphelaere (CD&V). - Je me réjouis que la ministre reconnaisse que les Flamands ont jusqu'à présent été sous-représentés dans les organes. Depuis quelques années de nombreuses compétences relatives aux cultes ont été transférées aux Régions. Je pense par exemple à la reconnaissance des mosquées ou à l'enseignement religieux. Il est donc indiqué d'organiser des élections flamandes et francophones, ce que le cadre légal actuel ne prévoit cependant pas.

La ministre affirme qu'elle a désigné elle-même les candidats qui doivent représenter la communauté musulmane puisqu'elle n'a reçu aucune candidature spontanée. Cette solution extrême doit cependant être mise en balance avec l'interdiction d'immixtion dans une religion. Cette nouvelle donnée augmente mon inquiétude quant à la plainte pendante devant la cour d'arbitrage.

Il convient d'être circonspect quant à la composition sur la base d'élections lorsqu'il s'agit d'une matière aussi sensible sur le plan humain qu'une religion. Comment pouvons-nous garantir que les candidats puissent se présenter objectivement, avec leur propre vision des choses ? Comment pouvons-nous veiller à ce que chaque musulman soit effectivement convoqué lors des élections ? On peut difficilement opter pour un droit de vote obligatoire. Des élections peuvent très facilement être influencées par des mouvements plus ou moins fondamentalistes, par la manière dont la campagne est menée et financée. Peut-être la commission peut encore fixer certaines conditions afin que les candidats puissent se présenter de la manière la plus objective possible et que le plus de personnes possible soient appelées à participer aux élections.

Mme Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre de la Justice. - La loi votée en juillet dernier disait qu'en l'absence de candidats proposés par l'exécutif des musulmans, il appartenait à l'exécutif de présenter deux personnes possédant une expertise dans ce domaine. C'est ce que nous avons fait, mais nous avons essayé par deux fois de susciter des candidatures de l'actuel exécutif des musulmans. 


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