La revendication du droit de vote est relancée à gauche
UN APPEL de soixante associations, une pétition signée par trois cents élus, un dépliant distribué à l'" université d'été " du Parti socialiste à la Rochelle : les initiatives en faveur de la reconnaissance du droit de vote aux étrangers pour les élections locales se sont multipliées ces dernières semaines. A l'origine de cette mobilisation, le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples (MRAP) et la Fédération nationale Léo-Lagrange (FNLL) avaient lancé, en novembre 1998, un collectif appelé " Même sol : mêmes droits, même voix ", en prévision de la campagne des élections municipales.
" Le déclic est venu pendant la campagne pour les élections européennes. Le traité de Maastricht a ouvert le droit de vote, au niveau local, aux ressortissants de l'Union européenne. Lors des prochaines municipales, en 2001, ils pourront voter. Cette avancée va poser un vrai problème d'égalité des droits entre étrangers ", explique Eric Deshayes responsable de la campagne à la FNLL. Inscrite dans la mouvance socialiste, la fédération Léo-Lagrange, mouvement d'éducation et de loisirs populaires, s'est appuyée sur ses réseaux locaux pour interpeller les maires, premiers confrontés aux aspirations d'intégration de leurs communautés immigrées.
MOMENT PRIVILÉGIÉ
De son côté, le MRAP a mobilisé tous ses correspondants. Les résultats ont dépassé leurs espérances. " Les maires se sont aperçus que les jeunes issus de l'immigration peuvent voter parce qu'ils sont Français, alors que leurs parents, qui vivent en France depuis plus de vingt ans, sont exclus de ce droit ", souligne Jean-Marie Janod, membre du conseil national du MRAP.
Un sondage publié par la Lettre de la citoyenneté, en novembre 1998, montrant que 44 % des Français (et 66 % des moins de trente-cinq ans) étaient favorables à l'extension du droit de vote aux résidents étrangers, ont achevé de convaincre les autres associations que le temps était venu de ressortir cette vieille revendication de la gauche, évoquée, mais jamais satisfaite, par François Mitterrand. Un questionnaire a donc été envoyé à toutes les têtes de liste des élections européennes. Seuls Robert Hue (PCF) et Daniel Cohn-Bendit (Verts) se sont engagés à " soutenir personnellement " cette demande.
L'affaiblissement de l'extrême droite dans ce scrutin a marqué un deuxième tournant. Persuadés qu'il s'agit d'un moment privilégié pour la société française de démontrer sa capacité à intégrer les populations immigrées durablement implantées, les associations sont passées à la vitesse supérieure. Un colloque, prévu les 5 et 6 novembre, à Strasbourg sous l'égide du Conseil de l'Europe, devrait asseoir la légitimité de la revendication ; il sera suivi de trois semaines d'initiatives locales en direction des élus locaux et d'une grande pétition nationale.
Certains élus de gauche sont persuadés que la question sera centrale en 2001. " Le moment est venu de poser sereinement la question : quand un étranger réside légalement depuis plus de cinq ans dans une ville, il est légitime qu'il puisse voter. Donner le droit de désigner ses édiles, c'est aujourd'hui donner le droit de cité et c'est la meilleure façon d'intégrer ", estime Michel Charzat (PS), maire du 20e arrondissement de Paris, qui fait sienne cette revendication dans un ouvrage à paraître. " Charles de Gaulle a donné le droit de vote aux femmes en 1944, Valéry Giscard d'Estaing a abaissé le droit de vote à dix-huit ans en 1974. Il serait dommage que la gauche plurielle n'entende pas cette exigence de droits civiques ", prévient M. Janod.
S. Z.
Débat à gauche après les propos de M. Chevènement sur le vote des étrangers
Sylvia Zappi |
Le Monde Mis à jour le mardi 16 novembre 1999
LE DÉBAT sur le droit de vote des étrangers serait-il en train de gêner la gauche plurielle ? La question se pose avec une acuité nouvelle après les déclarations de Jean-Pierre Chevènement sur TF 1 lors de l'émission Public, dimanche 7 novembre. Interrogé sur la revendication du droit de vote des immigrés aux élections locales, le ministre de l'intérieur a admis qu'une telle mesure pouvait être " envisageable ". " Il faudrait voir dans quelles conditions, si on le souhaite, on pourrait le faire et, à mon avis, uniquement pour peut-être des étrangers qui ont une carte de résident de dix ans et au moment du renouvellement, ça peut être une mesure envisageable à mes yeux ", a expliqué M. Chevènement en précisant qu'il ne souhaitait pas se prononcer sur le sujet " tant que le gouvernement n'en a pas délibéré ". Si la formulation demeure très prudente, le propos marque un revirement certain du chef du Mouvement des citoyens.
Jusqu'alors M. Chevènement avait toujours conditionné l'exercice du droit de vote pour les étrangers vivant en France, à l'acquisition de la nationalité française. Lors du débat parlementaire sur la ratification du traité de Maastricht, en 1992, il avait souligné que l'octroi du droit de vote aux Européens pour les élections municipales et européennes entraînait une inégalité de traitement entre étrangers puisque les non-communautaires s'en trouvaient exclus. Mais c'était pour mieux démontrer l'incohérence du texte. Aujourd'hui, s'il rappelle encore sa préférence pour " la facilitation des naturalisations ", le ministre de l'intérieur se prononce pour la première fois en faveur de l'octroi de ce nouveau droit pour les étrangers. Interrogé sur ses déclarations, M. Chevènement nous a expliqué : " Un Algérien vivant en France depuis des années devrait plus avoir le droit de voter qu'un Finlandais. "
A Matignon, cette prise de position a visiblement surpris : " C'est nouveau dans son discours, mais M. Chevènement ne nous étonne plus beaucoup ", avoue un conseiller du premier ministre. Cette revendication n'est pas applicable pendant cette législature ".
Les socialistes continuent en effet de camper sur la position qu'ils avaient définie en juin 1996 : favorable au principe d'une réforme accordant le droit de vote aux résidents étrangers aux élections municipales, le PS estimait que celle-ci, nécessitant une modification de la Constitution impensable tant que Jacques Chirac demeurait président de la République, ne pouvait être mise en avant dans la plate-forme des législatives de 1997. Depuis, la revendication, affichée comme une " perspective " pour l'après-élection présidentielle de 2002, n'a plus été abordée par les instances nationales du PS. Le même argument de l'obstacle constitutionnel était avancé avant Maastricht. En 1992, la Constitution avait été modifiée pour permettre le vote des étrangers, mais seulement européens.
Depuis un an, le collectif " Même sol : même droits, même voix " rassemblant soixante associations à l'initiative de la Fédération nationale Léo-Lagrange (FNLL) et du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP), mène campagne en faveur de la reconnaissance du droit de vote. Trois cent cinquante élus socialistes, communistes et verts ont déjà signé leur appel.
La prudence du PS et de Lionel Jospin pourrait bien être ainsi mise à mal par la réalité. Un récent sondage CSA pour la Lettre de la citoyenneté rendu public le 5 novembre lors d'un colloque à Strasbourg organisé par le Conseil de l'Europe a montré un renversement de l'opinion sur cette question sensible : pour la première fois, une majorité - 52 % - de Français se disent favorables à l'octroi du droit de vote aux étrangers pour les élections locales. Ils n'étaient que 44 % un an auparavant ( Le Monde du 2 octobre).
Plusieurs facteurs pourraient expliquer ce renversement de tendance : l'affaiblissement de l'extrême droite semble marquer la fin de l'exploitation électorale du thème de l'immigration. La régularisation de dizaines de milliers d'étrangers en situation irrégulière et l'application de la loi Chevènement sur l'immigration ont apaisé les polémiques. La droite ne s'y est pas trompée qui multiplie les revirements sur cette question. Les déclarations de Charles Pasqua demandant la régularisation des sans-papiers et l'appel d'Alain Juppé pour une " décrispation idélogique " sont autant de signes que le climat politique a changé.
Certains, au PS, en ont conscience. Adeline Hazan, députée européenne et ancienne secrétaire nationale chargée de l'immigration, est persuadée qu'il est temps de relancer le débat sur le droit de vote : " Ce serait l'honneur de la gauche de faire cette réforme", " estime la députée qui souligne que la demande revient régulièrement dans les réunions de militants de base. " Chaque fois qu'on parle du droit de vote, on sent que l'approbation est majoritaire, ce qui n'était pas le cas en 1988 ", confirme François Loncle, secrétaire national chargé de l'immigration, favorable à cette " conquête ".
Pour les associations, les déclarations du ministre de l'intérieur viennent à point nommé. " C'est une avancée importante. M. Chevènement est le premier ministre qui ouvre le débat ", s'enthousiasme Eric Deshayes, responsable de la campagne pour le droit de vote à la FNLL. Le collectif entend rebondir dans les semaines qui viennent en lançant une pétition nationale. Le PCF défend lui aussi la réforme et les Verts ont fait du droit de vote une revendication phare, s'apprêtant à lancer un Mouvement des droits civiques, début décembre. " Il faut arrêter de demander aux jeunes des banlieue de respecter les lois de la République et d'être des citoyens si on interdit à leur parents de voter ", explique Stéphane Pocrain, porte-parole national.
Sylvia Zappi
vendredi 5 novembre 1999, 20h26
PARIS (AP) -- Le collectif immigration et droits de l'homme du Parti communiste a salué vendredi les résultats d'un sondage montrant que plus de la moitié des Français sont favorables au vote des immigrés aux élections locales.
Selon un sondage CSA réalisé pour ``La Lettre de la Citoyenneté'', 52% des Français se disent très (15 ou assez (37 favorables au vote des immigrés aux élections municipales et européennes, contre 45% qui pensent le contraire.
La proportion des Français qui y sont opposés a connu une baisse importante et régulière depuis trois ans, puisque 69% des sondés y étaient opposés en 1996, contre 53% en 1997 et 51% en 1998.
Pour Serge Guichard du collectif immigration du PCF, ``l'évolution remarquable de l'opinion en faveur du droit de vote des étrangers traduit des aspirations à plus de citoyenneté, de partage et d'ouvertures''. Dans un communiqué, il estime qu'il est de ``la responsabilité des forces progressistes de valoriser ces aspirations, de contribuer à leur aboutissement''.
En revanche, Bruno Mégret, du Mouvement national républicain, estime que ce sondage ``n'est qu'une opération parmi d'autres de propagande politique''. L'ancien responsable FN dénonce dans un communiqué ``le soutien officiel apporté à cette cause par le Parti socialiste qui bafoue ainsi la Constitution de la République et porte atteinte au principe de la souveraineté du peuple français''.
M. Fabius est favorable au droit de vote des étrangers aux élections municipales
Jean-Michel Fabre |
Le Monde Mis à jour le vendredi 26 novembre 1999
L'IDÉE du droit de vote des étrangers - non ressortissants de l'Union européenne - aux élections municipales continue à faire son chemin. Jeudi 25 novembre, Laurent Fabius, président de l'Assemblée nationale, s'est dit " favorable " à cette réforme, lors de son discours devant l'Association des maires de France (AMF). " On ne peut parler de démocratie locale sans vouloir la participation pleine de tous les habitants de la cité, ce qui nous amènera aussi, forcément, à nous poser la question du droit de vote aux élections municipales des étrangers non communautaires régulièrement installés depuis au moins cinq ans chez nous. Pour ma part, après réflexion approfondie, j'y suis favorable ", a déclaré M. Fabius, qui, toutefois, n'a pas l'intention de déposer une proposition de loi dans ce sens. Son intervention vise seulement, précise son entourage, à s'inscrire dans le débat que la majorité vient de relancer en vue des élections municipales de 2001.
Mercredi 24, le député communiste Bernard Birsinger (Seine-Saint-Denis) a présenté une proposition de loi visant à donner le droit de vote et d'éligibilité aux étrangers non communautaires " qui résident depuis plus de cinq ans en France " ( Le Monde du 25 novembre). Le 7 novembre, sur TF 1, lors de l'émission " 19 heures, Dimanche ", Jean-Pierre Chevènement avait souligné qu'une telle réforme était " envisageable " ( Le Monde du 17 novembre). Les Verts, quant à eux, se sont toujours prononcés en sa faveur. Il s'agit d'aligner la situation de cette catégorie d'étrangers sur celle des citoyens de l'Union européenne " résidant en France ", qui, eux, bénéficient de ce droit, depuis la loi organique du 24 mai 1998, adoptée en application du traité de Maastricht.
Une telle réforme nécessiterait, de toute façon, une modification de l'article 3 de la Constitution, selon lequel " sont électeurs tous les nationaux français majeurs... ". En outre, si une telle révision était envisagée par le gouvernement sur la base de la proposition de loi communiste, elle serait donc d'initiative parlementaire et nécessiterait d'être soumise à un référendum - contrairement aux révisions d'initiative gouverne-mentale, qui peuvent être adoptées par le Parlement réuni en Congrès.
En outre, la règle non écrite s'est imposée que l'on ne modifie pas la règle du jeu dans l'année précédant un scrutin. Or les prochaines élections municipales sont fixées dans à peine plus d'un an. " Il n'est pas question de brusquer les décisions ", juge-t-on à Matignon, où l'on estime avoir " su dépassionner le débat sur l'entrée et le séjour des étrangers en France ". L'entourage de Lionel Jospin rappelle que le premier ministre n'a pris " aucun engagement " dans ce sens. Le chef du gouvernement s'est déjà refusé à opérer un redécoupage des circonscriptions et des cantons, que lui permet pourtant la loi après le recensement de mars 1999. Ce qui vaut pour le redécoupage électoral, affirme-t-on à Matignon, vaut pour le vote des étrangers.
Jean-Michel Bezat et Clarisse Fabre
M. de Robien (UDF) est favorable au droit de vote des étrangers aux élections locales
Le Monde Mis à jour le samedi 27 novembre 1999
INSPIRÉ, dit-il, par sa lecture de Tocqueville et sa pratique de la démocratie locale, le porte-parole de l'UDF, Gilles de Robien, a décidé de bousculer ses amis sur un terrain sensible. A la veille du conseil national de l'UDF, qui était réuni samedi 27 novembre à Paris, le maire d'Amiens a confié au Monde qu'il était désormais " favorable au droit de vote et d'éligibilité des étrangers aux élections locales ", à la condition d'une certaine durée de résidence.
Le débat sur ce sujet a été récemment relancé, à gauche, par les propos du ministre de l'intérieur, Jean-Pierre Chevènement, qui a déclaré, le 7 novembre sur TF 1, qu'une telle mesure était " envisageable " ( Le Monde du 17 novembre) ; et par le dépôt, par le groupe communiste de l'Assemblée nationale, d'une proposition de loi constitutionnelle en ce sens ( Le Monde du 25 novembre). Tandis que l'Hôtel Matignon observe une prudente réserve sur ce sujet, M. de Robien est le premier responsable de la droite à prendre, aussi ouvertement, le parti d'une telle mesure. " Les résidents étrangers cotisent, contribuent, paient ; ils peuvent présider une association ou un comité de quartier. Et ils ne pourraient pas donner leur avis, tous les six ans, grâce à un bulletin de vote ? Il y a là une vraie contradiction ", note le député de la Somme.
Évoquant l'expérience pratiquée " depuis des années " dans les pays scandinaves et en Grande-Bretagne, le maire d'Amiens souligne que le contexte, en France, est favorable à l'examen de cette question : " Dans les périodes de récession, les gens ont tendance à se replier sur eux-mêmes. Aujourd'hui, grâce à l'optimisme qui revient, grâce à la croissance internationale, l'aspect universel de la nature humaine est mieux perçu ", explique-t-il, tout en évoquant le " doigté " nécessaire pour ne pas " réveiller les vieux démons ".
M. de Robien tient à souligner au passage " l'évolution " d'Alain Juppé sur la question de l'immigration, objet d'un entretien accordé par l'ancien premier ministre RPR au Monde du 1er octobre. A l'été 1996, raconte-t-il, M. Juppé l'avait " sèchement " convoqué à Matignon pour lui reprocher d'avoir reçu une délégation de sans-papiers de l'église Saint-Bernard, en qualité de président du groupe UDF de l'Assemblée.
SANS RANCUNE
Sans rancune, le maire d'Amiens salue aujourd'hui le " grand courage " de l'ancien premier ministre. " C'est bien que des gens de droite se remettent en cause de la sorte. L' opposition retrouvera une dignité lorsqu'elle abordera aussi franchement ces problèmes sous un angle humaniste ", affirme-t-il, avant de balayer d'un revers de main les réactions hostiles d'une bonne partie de la droite : " On s'en fout. L'essentiel est d'être en paix avec sa conscience ".
Cette question du droit de vote des étrangers aux élections locales risque d'agiter les fédérations UDF. À titre personnel, le président de l'UDF, François Bayrou, est réservé sur cette question, estimant a priori que le droit de vote doit rester lié à l'acquisition de la nationalité. Mais il souhaite toutefois que ce débat s'instaure à l'intérieur de sa formation. Le texte de la " charte des valeurs " de l'UDF, qui devait être soumis au conseil national, samedi, avant d'être transmis pour discussion aux fédérations, ne fait pas référence à cette question. " La nation, proclame ce texte, est le lieu de l'identité et de la solidarité. Elle est le cadre naturel des débats démocratiques. (...) Sa légitimité et son avenir doivent être garantis. " La charte souligne toutefois que " les évolutions de la société doivent être pensées et voulues pour améliorer sans cesse les chances d'épanouissement, le respect, la dignité des femmes et des hommes qui la forment ". " Le refus, peut-on lire également dans ce texte, est le premier réflexe d'une société devant l'approche des changements. Cette peur est naturelle. Pourtant, elle est mauvaise conseillère. La bonne attitude est d'assumer la modernité, de la considérer comme une chance, et d'en faire un atout pour l'idéal que l'on défend. "
Jean-Baptiste de Montvalon
samedi 27 novembre 1999, 19h13
PARIS, 27 nov (AFP) - L'UDF, présidée par François Bayrou, a lancé le débat sur le vote des étrangers aux élections municipales, samedi, lors d'un conseil national destiné à préparer le scrutin de 2001.
C'est le porte-parole Gilles de Robien, député-maire d'Amiens, qui a lancé ce pavé dans la mare. "Je prônerai le droit de vote pour les municipales pour les étrangers résidant dans les communes", a-t-il dit sous les applaudissements, sans se prononcer sur la durée de résidence requise. Il a cependant précisé que le débat aura lieu et qu'il "se rangera à la majorité".
Le délégué général Dominique Paillé a déclaré que c'était effectivement "un sujet que nous ne pouvons éviter", alors que déjà le secrétaire national à l'intégration, Mouloud Ould Yahoui, s'était demandé, provoquant quelques réactions hostiles dans la salle, si "une bonne intégration ne serait pas de laisser les étrangers voter".
Le sujet est effectivement délicat et l'UDF a ainsi confirmé sa volonté d'ouvrir un débat "sans tabou" pour élaborer son projet municipal, qui devrait voir le jour à l'été après l'envoi d'un questionnaire aux militants et des discussions dans les fédérations.
M. Bayrou s'était pour sa part prononcé pour un droit de vote des seuls européens et, samedi, M. de Robien s'est attiré une sèche réponse du député Renaud Donnedieu de Vabres : "Le droit de vote des étrangers, c'est une vieille recette parce que cela a déjà été tenté par François Mitterrand pour faire monter le Front national". En privé, le délégué général Hervé de Charette indiquait, lui aussi, être opposé à cette proposition.
"Crise politique larvée, délétère
Tout au long de la journée, l'UDF a lancé des pistes de réflexion sur plusieurs sujets concrets comme la municipalisation de la police, répression ou prévention, l'utilisation d'internet, la défense de la famille...
Elle a aussi lancé la discussion sur une charte des valeurs qui devra également être adoptée après discussion dans les fédérations. C'est à partir de ces documents qu'elle compte ensuite aborder les négociations avec ses partenaires de l'opposition. Elle avait adopté le même schéma pour les élections européennes, où elle est partie à la bataille avec une liste autonome.
Elargissant le débat, M. Bayrou a, lui, prôné une "vraie alternance". Se félicitant qu'après les élections européennes, et la défaite de la liste RPR-DL, l'opposition soit "pluraliste et équilibrée", il a affirmé que cela signifiait "forcèment des propositions nouvelles d'alternance", laissant ainsi poindre l'hypothèse d'une candidature UDF à la prochaine élection présidentielle.
M. Bayrou a d'ailleurs renvoyé le Président Jacques Chirac et le Premier ministre Lionel Jospin dos à dos, en ayant des mots très durs contre la cohabitation qui "place en embuscade les deux responsables l'un contre l'autre" et provoque l'immobilisme.
Jugeant qu'il y a en France une "crise politique larvée, délétère", il a estimé qu'elle "menace de nous faire retrouver la démoralisation publique qui a été celle de la fin de la IVème République".
lundi 29 novembre 1999, 12h43
PARIS (AP) -- Le Parti socialiste a opposé lundi une fin de non recevoir à la proposition de loi constitutionnelle présentée par le PCF visant à permettre aux étrangers non-communautaires de voter aux élections municipales de 2001.
``Les associations ont raison de se battre. Il faut continuer à faire bouger l'opinion. Mais on ne peut pas changer le corps électoral à moins d'un an d'une élection municipale'', a déclaré François Rebsamen, secrétaire national du PS aux fédérations, lors du point de presse hebdomadaire du parti.
Se félicitant de voir que ``à droite l'opinion bouge'', M. Rebsamen a rappelé que ``le Parti socialiste est favorable au droit de vote des étrangers aux élections locales''. ``Pour autant, nous ne voulons pas semer l'illusion. On veut et on doit réussir sur cette réforme mais elle ne sera pas réalisable constitutionnellement pour 2001'', a-t-il dit.
Bernard Birsinger, député communiste de Seine-Saint-Denis, a présenté mercredi dernier la proposition de loi constitutionnelle déposée par le groupe PCF à l'Assemblée sur le droit de vote des étrangers aux élections municipales.
La proposition de loi, qui accorde le droit de vote et l'éligibilité aux non-communautaires résidant depuis plus de cinq ans en France, modifie l'article 3 de la Constitution. Pour être adoptée, elle devrait être votée dans les mêmes termes par l'Assemblée nationale et le Sénat, avant d'être soumise à référendum.
REUTERS lundi 29 novembre 1999, 12h54
PARIS, 29 novembre - Le Parti socialiste, qui prône le vote des immigrés aux élections municipales, a estimé lundi qu'une telle réforme ne serait pas applicable avant celles de 2001.
"Le parti socialiste est favorable au droit de vote des étrangers aux élections locales et se félicite qu'à droite l'opinion publique bouge et que certains prennent des positions qui vont dans ce sens", a dit François Rebsamen, secrétaire national du PS chargé des fédérations.
"Pour autant, nous ne voulons pas semer d'illusions. Nous voulons et nous devons réussir cette réforme mais elle ne sera pas réalisable constitutionnellement pour 2001", a ajouté François Rebsamen lors du point de presse hebdomadaire tenu par le PS.
Le dirigeant socialiste estime "qu'on ne peut pas changer le corps électoral à un an des élections municipales" et affirme que cette réforme sera inscrite dans le programme du PS pour les municipales suivantes.
"Mais nous sommes aujourd'hui constitutionnellement dans l'impossibilité de le faire et nous ne voulons pas semer l'illusion. Nous voulons que cette réforme se fasse sereinement", a-t-il conclu.
Plusieurs dirigeants politiques de gauche et de droite ont plaidé ces derniers jours pour le droit de vote des étrangers non communautaires aux élections municipales.
Les ressortissants de l'Union européenne pourront participer aux municipales de 2001 en France. /EPI
Le vote des étrangers embrase l'UDF
Par VANESSA SCHNEIDER
Libération lundi 29 novembre 1999
François Bayrou voulait un "débat sans tabou". Il a été servi. Les élus UDF se sont lancés tête baissée, samedi, sur le sujet ultra-sensible à droite du droit de vote des immigrés aux élections locales. Lors d'un conseil national de l'UDF consacré au lancement d'un projet politique en vue des municipales, Gilles de Robien, député-maire d'Amiens, a jeté le trouble en annonçant qu'il "prônerait le droit de vote pour les municipales pour les étrangers résidant dans les communes". Applaudi par la salle, il a précisé qu'il "se rangera à la majorité" lorsque l'UDF aura tranché cette question. La sortie n'a pas été du goût de tout le monde.
Piège. "C'est une vraie connerie, a immédiatement tempêté, dans les couloirs, l'ancien ministre des Affaires étrangères Hervé de Charette. On n'en a pas débattu en interne. Si nous sommes une formation politique digne de ce nom, il convient de parler de ce genre de choses ensemble. C'est trop facile de se payer des coups de pub sur le dos de ses amis." Colère partagée par le député d'Indre-et-Loire Renaud Donnedieu de Vabres. "Nous tombons dans les pièges tendus par la gauche, s'est-il énervé. Robien n'aurait pas dû parler en son nom propre. Beaucoup de députés sont, comme moi, contre le droit de vote des immigrés. L'UDF n'est pas une force d'appoint. Nous devons être une force centrale, j'espère que François Bayrou le comprendra."
Sans doute. Mais la question est loin d'être réglée. Robien bénéficie déjà de nombreux appuis. Pour le délégué général du mouvement, Dominique Paillé, il n'y a pas photo: "Les immigrés devraient pouvoir voter au bout de six ans de résidence. A l'UDF, nous avons loupé tous les wagons - le Pacs, la parité -, on ne peut pas être contre tout, il est de la responsabilité de notre famille de tracer le chemin sur les questions de société." Anne-Marie Idrac, députée des Yvelines et membre du Haut Conseil à l'intégration, n'est "pas contre" non plus: "Ce débat doit avoir lieu dans la sérénité et sans être instrumentalisé par la gauche." André Rossinot, maire de Nancy, a estimé que "Robien a bien fait de lancer cette discussion. Quand des gens paient des impôts, il faut trouver un moyen de les intégrer". Prudent, il préférerait qu'une "formule soit trouvée au niveau européen pour harmoniser les positions des différents pays".
Pas d'états d'âme, en revanche, pour Jean-Louis Borloo, député-maire de Valenciennes et responsable du projet de l'UDF pour la ville: "Je suis à fond pour le droit de vote des immigrés. On va avoir des surprises, en mars, lors de l'adoption définitive de notre programme. Les caciques vont comprendre qu'en province ce sujet n'est pas tabou."
"Alternance". Pour l'instant, ils jouent profil bas. Philippe Douste-Blazy, président du groupe UDF à l'Assemblée nationale, a soigneusement botté en touche: "Nous en parlerons avec les députés lors de la prochaine réunion de groupe, ma position personnelle n'est pas encore arrêtée." François Bayrou, plutôt hostile au vote des immigrés, a également évité de se prononcer. Le patron des centristes a préféré expliquer, devant quelque 1 500 cadres de son parti, qu'il revient à l'UDF de "porter des propositions nouvelles d'alternance". Il s'est, une nouvelle fois, félicité des malheurs du RPR. "Dans l'opposition, il n'y a plus de parti dominant, il faut s'en réjouir car la domination, ça rend sourd", s'est-il laissé aller.
Préparer 2002. Fustigeant la cohabitation, qui "place en embuscade les deux responsables l'un contre l'autre", il a estimé que "l'état de grâce s'est achevé. Lionel Jospin apparaît désormais pour ce qu'il est, défenseur d'une vision du monde dépassée". Dans cette situation, Bayrou pense avoir un rôle à jouer. Notamment lors de la présidentielle de 2002, à laquelle il songe de plus en plus fort. Au moins aura-t-il montré, ce week-end, que l'UDF, redevenue ouverte au débat, est vivante.
L'UDF reste très réservée sur le droit de vote des étrangers aux élections locales
PAS DE TABOU ? Chiche ! En plaidant, dans les termes qu'il avait confiés au Monde (daté 28-29 novembre), en faveur du droit de vote aux étrangers pour les élections locales, le porte-parole de l'UDF, Gilles de Robien, s'est engouffré dans la brèche ouverte par la direction du parti à l'occasion du conseil national, réuni samedi 27 novembre à Paris. Non sans provoquer quelques grincements de dents.
Le secrétaire national à l'intégration de l'UDF, Mouloud Ould Yahoui, avait essuyé les plâtres, après avoir usé, pourtant, de grandes précautions oratoires. Avant d'aborder ce qu'il a qualifié de " terrain glissant et polémique ", M. Ould Yahoui s'est d'abord appuyé sur le mot d'ordre - " pas de tabou " - qu'avait rappelé à la tribune Jean-Louis Borloo, député du Nord et coordinateur des travaux préparatoires.
Le secrétaire national à l'intégration s'est ensuite empressé d'affirmer " un principe qui nous réunira " : " Si la République est généreuse, elle doit se montrer inflexible vis-à-vis de ceux qui ne respectent pas la loi. " Il lui a fallu en venir au fait : " Une bonne intégration ne passerait-elle pas par la possibilité de voter... " Au fond de la salle, on n'attend pas la fin de la phrase pour manifester sa désapprobation. " Je n'ai pas envie que l'UDF devienne un groupuscule ! ", réplique-t-il. " Ces pistes seront débattues et chaque fédération sera invitée à se prononcer ", souligne fermement Dominique Paillé, le " Monsieur Loyal " du conseil national, avant de passer rapidement à un autre sujet.
Quelques minutes plus tard, à la tribune, M. de Robien revient à la charge. " Allons-nous nous laisser déborder aujourd'hui par la majorité, pour dire, trois ans après : "ils ont eu raison" ? ", interroge le maire d'Amiens, pour lequel le droit de vote aux étrangers pour les élections locales représente " un chemin fantastique de reconquête de la crédibilité, de la légitimité, et donc du pouvoir ". Respectueuse de la hiérarchie du parti, la salle lui réserve, cette fois, quelques applaudissements polis.
M. Paillé enregistre, et remercie le député de la Somme " d'avoir réenfoncé le clou sur un sujet sur lequel nous ne pourrons pas rester muets sans avoir des longueurs de retard ". La plupart des autres élus rongent leur frein. Accorder le droit de vote aux étrangers ? Que cette proposition soit relayée par le secrétaire national à l'intégration, passe encore. Mais que le porte-parole du parti la reprenne publiquement à son compte !
Interrogé par la presse, le président du groupe UDF de l'Assemblée nationale, Philippe Douste-Blazy, refuse fort prudemment de donner son sentiment, soucieux de " consulter préalablement [son] groupe ". Satisfait d'avoir ainsi prouvé que la formation qu'il préside pouvait débattre, y compris de sujets sensibles, François Bayrou confirme, en aparté, qu'il est " réservé " : " La citoyenneté peut-elle se découper ? Et, si l'on découple la citoyenneté et la nationalité, quel intérêt aura-t-on à faire le choix de la nationalité ? ", s'interroge-t-il, tout en affirmant qu'il n'en fait pas " une guerre de religion ". Lors de son intervention à la tribune, dans l'après-midi, M. Bayrou, dont l'entourage rappelle son souci d'éviter que ce débat ne s'engage au niveau national, prendra soin de ne pas dire un mot sur le sujet.
Parmi les élus, un quarteron de députés se dit en accord avec cette proposition : outre M. de Robien, il s'agit de M. Borloo, d'Anne-Marie Idrac et de Maurice Leroy. " Le Front national a implosé, explique ce dernier, député du Loir-et-Cher. Il n'y a pas de risque, en relançant ce débat, de dérouler un tapis rouge devant le FN, comme l'avait fait François Mitterrand. "
Ce n'est pas l'avis de Renaud Donnedieu de Vabres. Devant la presse, puis à la tribune, l'après-midi, le député d'Indre-et-Loire dénonce cette " vieille recette éculée du mitterrandisme pour semer le trouble dans nos rangs : ce n'est pas parce que le PCF [qui a déposé une proposition de loi en ce sens sur le bureau de l'Assemblée] pousse là-dessus qu'on doit plonger la tête la première ! ", s'exclame-t-il, en notant que toute intervention d'un porte-parole devrait " être précédée d'une délibération collective ".
D'accord sur ce point, Marc-Philippe Daubresse, député du Nord, regrette, en outre, que ce débat soit engagé en période préélectorale. Proche d'Hervé de Charette, Pierre Albertini, député de Seine-Maritime, fait la même analyse, tout en se disant " très réservé " sur le fond. " Notre électorat a quand même besoin de références ", renchérit Pierre-Christophe Baguet, député des Hauts-de-Seine.
Jean-Baptiste de Montvalon
mardi 30 novembre 1999, 18h03
PARIS, 30 novembre - Le groupe UDF de l'Assemblée est hostile au droit de vote des immigrés aux élections locales.
Le groupe et son président, Philippe Douste-Blazy, ont publié mardi un communiqué dans lequel ils "marquent leur refus d'accorder la droit de vote aux étrangers dans le cadre des élections locales".
Ils "considèrent que le droit de vote reste l'aboutissement du processus d'intégration dans la mesure où il reste indissolublement lié à la nationalité française".
"Donner le droit de vote aux municipales pour le refuser aux législatives et aux présidentielles, c'est revenir sur le principe même du suffrage universel en créant deux types de citoyens", affirme le groupe dans on communiqué.
Il réaffirme "en outre son attachement au droit de vote des Européens aux élections municipales, droit qui ne peut être invoqué comme un précédent dans la mesure ou ce droit est lié à la construction d'une citoyenneté européenne et s'appuie sur la réciprocité des droits électoraux".
Gilles de Robien, député-maire UDF d'Amiens (Somme), s'est déclaré la semaine dernière favorable au vote des immigrés aux municipales.
Mardi matin, José Rossi, président du groupe DL de l'Assemblée, s'était déclaré hostile au droit de vote des immigrés aux élections locales. "Ce débat ne sert qu'à faire diversion ou à créer des polémiques", avait-il affirmé. /EPI
mardi 30 novembre 1999, 15h02
PARIS, 30 nov (AFP) - Un nombre croissant de personnalités politiques, à gauche et, plus rarement, à droite, se prononcent pour le droit de vote des étrangers aux élections municipales, se départissant de la prudence de mise sur le sujet dans la classe politique.
Le débat ne concerne pas les étrangers ressortissants de l'Union européenne, qui participent aux élections européennes depuis 1994 et pourront, pour la première fois en 2001, voter et être élu aux élections municipales, sans avoir cependant la possibilité de devenir maire ou adjoint.
Etendre ce droit de vote à tous les étrangers pour favoriser leur intégration est, depuis 1981, une idée de la gauche qu'elle n'a jamais osé mettre en oeuvre.
Elle a été relancée cette année par une pétition émanant du collectif associatif "Même sol: mêmes droits, mêmes voix", puis par une proposition de loi constitutionnelle communiste, avant de rencontrer un écho - limité - à droite.
Le député-maire UDF d'Amiens, Gilles de Robien, a répété et précisé mardi dans Libération la proposition qu'il avait formulée samedi devant le conseil national de son parti: droit de vote aux élections municipales pour les étrangers hors UE résidant régulièrement en France depuis au moins cinq ans.
Mais M. de Robien est pour le moment minoritaire dans ses propres rangs. Le président de l'UDF François Bayrou a réaffirmé mardi son "hostilité" à cette idée, précisant que c'était aussi le cas de "la majorité des députés" UDF. "Le vote est lié à la citoyenneté, qui elle-même, en France, est liée à la nationalité", a-t-il dit.
Réforme de la Constitution
Argument développé, dès dimanche, par le président du groupe RPR à l'Assemblée nationale, Jean-Louis Debré, et le président du RPF, Charles Pasqua, pour qui "on ne peut pas accorder le droit de vote à des gens qui ne sont pas Français". Pour José Rossi (DL), le débat est "mal venu".
M. de Robien avait cependant trouvé quelques échos à l'UDF, notamment chez le maire de Valenciennes Jean-Louis Borloo, le délégué général Dominique Paillé et le secrétaire national à l'intégration, Mouloud Ould Yahoui.
A gauche, si le PCF réclame dans sa proposition de loi d'accorder le droit de vote dès les municipales de 2001, le PS renvoie la balle dans le camp de la droite et du chef de l'Etat, soulignant qu'une réforme de la Constitution est nécessaire pour innover en ce domaine.
Le président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, Jean-Marc Ayrault, a assuré mardi que la gauche n'avait "pas de problème" avec cette question. "S'il y a une majorité pour réformer la Constitution, nous sommes prêts à voter dès maintenant", a-t-il ajouté, s'interrogeant sur ce que serait l'attitude du président Chirac, du RPR, de l'UDF, de DL et du RPF.
La veille, le premier secrétaire du PS, François Hollande, s'était déclaré "favorable" à cette réforme mais avait ajouté que cela ne serait pas possible avant les municipales de 2007, en raison du refus de l'opposition. Celle-ci est en effet majoritaire au Sénat dont le vote est indispensable pour réformer la Constitution.
En tout état de cause, la relance du débat politique sur le sujet reflète l'évolution de l'opinion : selon un récent sondage CSA publié par la Lettre de la citoyenneté, le droit de vote des étrangers (hors UE) aux élections municipales est accepté par une majorité de Français (52 % contre 32 % en 1994).
A droits égaux, devoirs identiques - au niveau de la ville: il n'est pas absurde de modifier la Constitution sur ce point.
Pour le droit de vote des étrangers
Par GILLES DE ROBIEN
Gilles de Robien est député-maire UDF d'Amiens (Somme).
Libération mardi 30 novembre 1999
L' 'intégration est la légitime préoccupation d'une France quelque peu désemparée de ne plus voir fonctionner aussi bien que par le passé, le mode d'assimilation des étrangers vivant sur son sol. En 1931, la population française comptait 6,6 % d'étrangers. En 1990, la proportion était à peine supérieure: 7,4%. Pourtant, le creuset national s'est bel et bien fissuré.
Un communautarisme, jusque-là propre aux Anglo-Saxons, s'ébauche aux dépens d'un processus original qui, des siècles durant, a renouvelé en les dynamisant notre mode de vie et notre culture.
Plus que l'origine socioculturelle des migrants arrivés en France en provenance des pays de l'ex-empire colonial, les brutales périodes de récession ont sans doute modifié la donne et amoindri les capacités d'accueil de toute une partie de la population.
Peut-être aussi, les gouvernements, sous la pression de l'industrie et dans l'euphorie des Trente Glorieuses, n'avaient-ils pas suffisamment encadré les flux migratoires et avaient-ils agi sans appréhender le phénomène dans sa globalité et sur le long terme. Les erreurs du passé ne nous interdisent toutefois pas de penser à l'avenir.
Le déracinement, la démission de certains parents, la désillusion face au pays rêvé ont profondément atteint deux générations de migrants.
Comment leur reprocher?
Souvent cantonnés à la périphérie de la ville, regroupés dans ce qui, de fait, constituent des ghettos, des banlieues, l'immigré alterne au fil des jours, transports - souvent trop longs - et travail... parfois, sans implication aucune dans la vie de la cité. Métro, boulot et... impôts! En effet, comment omettre d'évoquer la part qui est celle des salariés étrangers dans les rentrées fiscales de toute nature et dans le financement des régimes de protection sociale? Ils contribuent depuis de nombreuses années à la réalisation des infrastructures de notre pays, de la ville et ne peuvent, pour le moment, participer à la vie démocratique comme les citoyens français ou les Européens.
Peut-on être citadin sans être citoyen? Peut-on être légalement président d'association et ne pas pouvoir donner son avis sur les débats de la première association locale : la commune? Partant de là, permettre aux étrangers non-européens (1) titulaires d'une carte de résident depuis au moins cinq ans, de participer à la vie de la cité par l'expression d'un vote aux élections municipales, ne me semble pas aberrant. La Suède l'autorise depuis 1975, la Norvège depuis 1978, le Jura suisse depuis 1979, le Danemark, la Grande-Bretagne et la Finlande depuis 1981 et les Pays-Bas depuis 1985.
L'expérience de ces Etats a montré que la concession du pouvoir d'influer sur la vie locale était de nature à donner plus de légitimité aux pouvoirs publics pour exiger un plus grand respect des devoirs incombant à l'étranger résidant en France. Ce faisant, au niveau de la ville tout au moins, les choses seraient claires : à droits égaux, devoirs identiques.
Il n'est pas absurde de modifier la Constitution sur ce point-là. Cette révision aurait le mérite de clore le chapitre des commissions extra-municipales des étrangers, symboles en trompe l'œil d'une démocratie à deux vitesses.
Faut-il alors permettre à un étranger d'être élu maire ou conseiller municipal? Le débat reste ouvert. Des accords de réciprocité avec le pays d'origine peuvent être étudiés. Un nombre d'années de résidence suffisant pourrait être défini pour être autorisé à se présenter. La légitimation du suffrage universel ferait le reste.
Quand on n'est plus de là-bas et pas tout à fait d'ici, on sera dorénavant parisien, lillois, amiénois. Une première étape vers l'intégration.
Raisonnement simpliste m'objectera-t-on. Peut-être, mais guidé par une inébranlable foi en la démocratie, qui, jamais trop, ne s'exerce.
(1) Les étrangers originaires d'un pays de l'UE ont déjà la possibilité de participer aux prochaines élections municipales de 2001.
mercredi 1 décembre 1999, 16h11
PARIS, 1er décembre - Le groupe socialiste de l'Assemblée nationale a déposé mercredi une proposition de loi constitutionnelle afin de permettre aux immigrés de voter aux élections municipales.
"Nous avons voulu corriger l'inégalité qui existe", a expliqué Jean-Marc Ayrault, président du groupe PS, en rappelant que les ressortissants de l'Union européenne pourront voter et être candidats aux municipales de 2001.
"Cela nous paraît aller en direction des familles étrangères qui souhaitent être intégrées dans la société française", a-t-il expliqué dans les couloirs de l'Asssemblée.
"Nous avons voulu faire avancer cette idée, qui, au fond, est celle de l'intégration républicaine. Je crois que la société française, qui était réticente, est aujourd'hui en train d'évoluer", a-t-il poursuivi.
"Il ne faudrait pas que le Parlement prenne du retard par rapport à la société", a affirmé Jean-Marc Ayrault.
Il a précisé que cette proposition de loi serait examinée à l'Assemblée lors d'une prochaine "niche" parlementaire du groupe socialiste prévue au printemps prochain.
Il a ajouté que ce texte, comme toute réforme de la Constitution, devrait être adopté en termes identiques par l'Assemblée et le Sénat et qu'il lui faudrait ensuite obtenir les trois cinquièmes des suffrages exprimés au Congrès du Parlement réuni à Versailles.
"Je pense que l'on se retrouvera ensemble à l'Assemblée avec les autres groupes de la majorité plurielle", a-t-il dit en rappelant que le groupe PC avait déposé une proposition de loi identique la semaine dernière.
"Les députés RPR, UDF et DL ne sont pas très emballés par cette idée", a souligné Jean-Marc Ayrault. "Nous allons les mettre au pied du mur", a-t-il affirmé.
La semaine dernière, le député UDF Gilles de Robien s'est déclaré favorable au droit de vote des immigrés aux municipales.
Mais le groupe UDF du Palais-Bourbon, présidé par Philippe Douste-Blazy, a publié mardi un communiqué dans lequel il affirme son hostilité à une telle réforme.
Les groupes DL et RPR ont également confirmé leur opposition au droit de vote des immigrés aux élections locales.
Le premier secrétaire du PS, François Hollande, a rappelé lundi que cette réforme était inscrite dans le programme de son parti "depuis des années" mais a souligné qu'elle ne pouvait être mise en oeuvre pour les municipales de 2001, du fait de la nécessité de réviser la Constitution. /EPI/HF
REUTERS
Il est grand temps d'octroyer aux résidents étrangers des droits correspondant à leurs devoirs.
Eligibilité pour les immigrés
Par MICHEL DESTOT
Michel Destot est député et maire (PS) de Grenoble.
Libération jeudi 2 décembre 1999
A l'heure où le débat concernant la mondialisation s'intensifie, la France se doit d'adresser aux populations étrangères qui résident régulièrement sur son territoire depuis plusieurs années un nouveau signal d'ouverture. Aux décennies précédentes, qui ont vu nombre de nos concitoyens céder au repli sur soi du fait notamment de la crise économique, succède maintenant, du moins l'espère-t-on, une période où la croissance et le développement technologique entraîneront l'acceptation du caractère éminemment cosmopolite de notre société.
Le gouvernement, grâce aux lois Chevènement et Guigou, a déjà largement répondu aux questions de l'accueil des populations étrangères et de l'accès à la nationalité, réussissant la gageure de dépassionner un débat largement irrationnel. Il doit maintenant octroyer aux résidents hors Union européenne des droits correspondant à leurs devoirs. C'est l'essence même du pacte républicain français, que rappelait Lionel Jospin dans son discours de politique générale : le "vouloir-vivre ensemble", ce sont autant des devoirs que des droits partagés. Les étrangers non communautaires travaillent, cotisent, paient des impôts; ils apportent indéniablement beaucoup sur le plan économique, social et culturel à notre société. Ouverte - c'est un fait - sur le monde, celle-ci ne peut réserver l'exercice de la citoyenneté aux seuls nationaux. Le droit de vote et l'éligibilité aux assemblées locales des membres de l'Union européenne a constitué une avancée majeure, mais encore insuffisante pour prendre en compte la diversité de la population.
Grenoble a été une ville pionnière de la participation des habitants à l'élaboration des politiques publiques. Le maillage très dense de ses associations, le rôle joué par les unions de quartier ont fondé nombre d'expériences de démocratie participative. Avec plus de 600 réunions publiques depuis 1995, la nomination d'élus de secteur, la création d'un conseil de la démocratie participative, etc., la municipalité que je conduis s'est dotée de nombreux outils. Pourtant, dans une ville aussi cosmopolite que Grenoble, qui compte plus de quarante communautés, la participation des quelque 8 000 résidents étrangers n'était pas satisfaisante.
C'est pourquoi, après avoir adhéré à la Convention de Barcelone pour les droits de l'homme, nous venons de nous doter d'un conseil consultatif des résidents étrangers. Composé de membres non communautaires désignés à titre individuel par les associations, il est chargé d'organiser la participation des résidents étrangers et d'émettre des avis sur la politique municipale. C'est une avancée importante mais elle n'est pas pour autant suffisante : la véritable participation démocratique c'est le vote et son corollaire, l'éligibilité. Ce ne sont pas les quelques expériences locales similaires qui peuvent masquer ce manque cruel pour notre démocratie.
Depuis plus de 20 ans, la gauche en a pris conscience. Si elle a permis, en 1982, aux résidents étrangers d'être responsables associatifs, elle a sans cesse différé, parfois par pusillanimité, parfois du fait du contexte politique, l'octroi du droit de vote et d'éligibilité aux élections locales. Aujourd'hui, nous n'avons plus d'excuse. Des événements récents, sportifs notamment, ont montré que l'heure du repli sur soi est passée. Il est grand temps de montrer à nos partenaires internationaux que loin de fuir ou de nier la mondialisation, la France la prend, enfin, pleinement en compte.
Les députés socialistes se rallient au vote des étrangers
Par RENAUD DELY
Libération jeudi 2 décembre 1999
ôté socialiste, l'émulation a du bon. Quand le groupe PCF dépose une proposition de loi, quand Jean-Pierre Chevènement juge l'idée "envisageable", et quand même une partie de l'UDF s'y rallie, difficile pour le PS de rester à la traîne sur le droit de vote des étrangers. Le groupe socialiste à l'Assemblée nationale a adopté hier une proposition de loi constitutionnelle pour "permettre de déterminer les conditions d'exercice du droit de vote aux élections municipales pour les étrangers".
Unanimité. Son initiateur, Kofi Yamgnane (Finistère) en avait discuté avec le patron des socialistes, François Hollande, samedi, lors d'une réunion de la commission "Citoyenneté et intégration" du PS. En l'absence de Kofi Yamgnane, c'est le président du groupe PS, Jean-Marc Ayrault, qui a présenté hier, le texte approuvé à l'unanimité par la centaine de députés présents. Seules les modalités de cette réforme, applicable aux étrangers résidant régulièrement en France depuis cinq ans, ont fait l'objet d'un débat. C'est notamment parce que ce droit a déjà été accordé aux ressortissants de l'Union européenne que le PS entend l'étendre aux autres citoyens étrangers.
Raymond Forni (Territoire-de-Belfort) a insisté pour que la proposition soit inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée dès la prochaine "niche" parlementaire du groupe PS, en février 2000. Laurence Dumont (Calvados) a souligné que "l'opinion est désormais majoritairement favorable" au droit de vote pour les étrangers. Et Robert Gaïa (Var) a jugé qu'"on a déjà perdu beaucoup de temps, on aurait dû le faire plus tôt".
Calendrier. Les députés PS n'auraient pas pressé le pas s'ils n'y avaient été incités par leurs partenaires de la majorité plurielle, mais aussi par le président de l'Assemblée, Laurent Fabius, très influent au sein du groupe. Question calendrier, tous les socialistes ne sont pas sur la même longueur d'onde. "Il faut arrêter de se croiser les bras, on peut appliquer cette loi dès les municipales de 2001", assure Kofi Yamgnane qui rappelle que cette proposition, adoptée par la convention "Démocratie" tenue par le PS en juin 1996, a été validée par le bureau national du PS le 9 avril 1997, deux mois avant les élections législatives.
Au préalable, la réforme constitutionnelle nécessiterait soit un vote à la majorité des 3/5es du Parlement réuni en congrès, soit un référendum : deux initiatives réservées au président de la République. "Laisser entendre que la réforme est possible dès 2001 serait irresponsable, juge François Hollande. Mais il ne faut pas laisser penser que seul le PS ne fait rien alors qu'il y est favorable depuis longtemps."
Slogan. "Ce n'est pas parce qu'il y a un obstacle constitutionnel qu'il ne faut pas faire passer un message, ajoute Jean-Marc Ayrault. Si par miracle, la droite retrouvait sa lucidité, pourquoi ne pas envisager une entrée en vigueur dès 2001 ?" "Chirac navigue tellement à vue, au gré des évolutions de l'opinion, qu'il n'est pas à un retournement près", ironise-t-on dans son entourage. L'hôtel Matignon est plus sceptique : "La meilleure façon de faire échouer cette perspective souhaitable serait de vouloir l'imposer tout de suite. Ça tient du slogan : "Soyons réalistes, demandons l'impossible!"." A ne pas confondre avec "Soyons socialistes, occupons le terrain !".
L'octroi du droit de vote aux étrangers communautaires pour les scrutins locaux rend encore plus injuste son refus aux étrangers non issus de l'Union européenne.
Droit de vote pour tous les étrangers
Par SAMI NAÏR
Sami Naïr est député européen et vice-président du Mouvement des citoyens (MDC).
Libération mardi 7 décembre 1999
ourquoi peut-on aujourd'hui poser la question du droit de vote des étrangers aux élections locales sans automatiquement réveiller les fantasmes d'invasion et les réflexes d'exclusion? Répondre à cette question simple, c'est, après vingt ans de démagogie en la matière, prendre la mesure du principal acquis obtenu en trois ans par le gouvernement de Lionel Jospin et spécialement par Jean-Pierre Chevènement: avoir réussi à sortir l'immigration du conflit politique partisan. Pour atteindre cet objectif, il fallait désamorcer le débat par une politique équilibrée de gestion des flux migratoires, stabiliser les immigrés légalement installés, traiter l'intégration en la replaçant dans la tradition républicaine des droits et devoirs - bref, expliquer patiemment aux Français et aux immigrés que ce qui est en jeu, loin des haines et des passions du jour, c'est la formation de la nation française elle-même.
On peut aussi légitimement poser cette question du droit de vote pour une autre raison. Qui ne voit, en effet, que l'application du traité de Maastricht en matière de statut et de circulation des personnes introduit une discrimination intolérable entre les nouveaux citoyens communautaires et des populations étrangères installées en France depuis des décennies? Comment peut-on justifier que ces populations, qui votent déjà aux élections prud'homales, dans les entreprises, les conseils d'administration des caisses de Sécurité sociale et des HLM, ainsi que dans les écoles, soient exclues du droit de vote aux élections locales désormais non parce qu'elles ne sont pas françaises, mais parce qu'elles ne sont pas communautaires? Or il suffit de jeter un coup d'œil sur n'importe quelle commune habitée par des étrangers pour constater que les non-communautaires sont autrement plus nombreux que les ressortissants communautaires. Si, donc, la solidarité républicaine doit signifier quelque chose, c'est aux premiers qu'elle devrait en priorité s'appliquer. En réalité, la seule manière de refuser les conséquences négatives du traité de Maastricht, qui, en matière de droits, rejette loin derrière les nouveaux citoyens communautaires le Maghrébin et l'Africain dont les parents ont pourtant souvent payé le prix du sang pour la liberté de la France, c'est d'accorder à tous les mêmes droits. Ainsi, la République s'honorerait de ne pas ajouter aux discriminations quotidiennes liées à l'origine et à la confession une discrimination supplémentaire entre les non-nationaux eux-mêmes. Ceux qui, au juste prétexte qu'il ne faut pas séparer nationalité et citoyenneté, refusent l'octroi du droit de vote aux étrangers non communautaires doivent expliquer pourquoi ils acceptent cette dissociation pour les Européens. Car, jusqu'à preuve du contraire, les ressortissants communautaires restent des étrangers aussi. Et, lors même que l'on se fût prononcé, au moment de sa ratification, contre le traité de Maastricht, faut-il faire, maintenant que ce texte est en vigueur, comme si le problème de l'égalité des droits entre étrangers ne se posait pas? En réalité, tout serait plus cohérent si l'on s'accordait sur la portée réelle de la citoyenneté en France: elle vise non à figer des étrangers dans leur condition d'étrangers, des "communautés" dans leur enfermement communautaire, des individus dans leur origine symbolique, mais à favoriser l'égal accès au contrat politique qui fonde la nationalité française. Cette fusion entre citoyenneté et nationalité a pour vocation d'éviter les citoyennetés de seconde zone et de favoriser l'intégration de l'étranger à la nation française. La plupart des expériences européennes montrent d'ailleurs que les immigrés eux-mêmes le conçoivent ainsi. A l'exception de l'Irlande, le droit de vote pour les étrangers existe surtout dans des pays dominés par le droit du sang (Suède, Norvège, Pays-Bas, Danemark), où la nationalité est traditionnellement difficile à obtenir. Dans ces pays, il a été octroyé d'autant plus facilement que l'on répugnait à accorder la nationalité aux étrangers. Mais ce droit de vote, réduit à la seule citoyenneté, y est vécu par les immigrés, le plus souvent, comme une citoyenneté au rabais. En témoigne le faible taux de participation des étrangers aux élections. En revanche, c'est dans ces mêmes pays que le taux de naturalisation progresse le plus, signe d'une demande de nationalité forte dès que l'immigré décide de participer aux affaires de la cité. Conclusion: le droit de vote encourage la demande de nationalité, favorise et accélère l'intégration dans le pays d'accueil.
Reste la question de savoir comment mettre en œuvre ce droit aujourd'hui en France. Pratiquement, il pourrait être accordé à tous les titulaires d'une carte de résidence de dix ans, s'ils en font la demande au moment de son renouvellement. Mais quand? La situation actuelle plaide, certes, pour une action rapide: ne connaît-on pas des communes où le tiers, parfois la moitié, des habitants est d'origine étrangère et où le maintien de cette population à l'écart d'un scrutin qui concerne la vie quotidienne est désormais insupportable, ingérable, y compris pour les élus locaux eux-mêmes?
Il faut donc aller vite - mais rien ne serait pire que la précipitation sur un sujet aussi délicat. Je soutiens qu'on ne peut décemment agir avant la prochaine élection présidentielle. Pourquoi? D'une part, parce que l'octroi de ce droit nécessite la modification de l'article 3 de la Constitution, qui ne peut être engagée que par le président de la République, soit par référendum, soit par la réunion du Parlement en Congrès et à la majorité des trois cinquièmes. Mais Jacques Chirac a clairement dit qu'il ne voulait pas s'engager aujourd'hui dans cette voie. Le Premier ministre, lui, ne peut, sous peine de faire de l'immigration un inutile objet de discorde au sein de la cohabitation, défier le Président sur ce terrain. Ce serait, en outre, une erreur politique de faire voter une loi constitutionnelle sur ce sujet à l'approche des prochaines municipales: la majorité actuelle violerait ainsi l'usage qui veut que l'on ne change pas la loi dans l'année qui précède une élection nationale. En y consentant, elle s'exposerait à l'accusation légitime de démagogie électorale, soit pour gagner les voix des immigrés, soit pour réchauffer, à des fins de division de la droite, la haine d'une extrême droite en perdition. D'autre part, les municipales ouvrent les législatives un an après, lesquelles se dérouleront, si le calendrier est respecté, à peu près en même temps que la présidentielle. Si l'on respecte l'éthique et l'usage, aucune réforme n'est envisageable sérieusement avant la présidentielle. Or, pour une fois, loin de compliquer la situation, ces contraintes de calendrier facilitent en réalité les choses. En effet, il vaut mieux qu'une réforme de cette envergure, si elle doit avoir lieu, survienne dans le contexte d'une légitimité liée, celle qui unit normalement, dans les institutions de la Ve République, le président de la République et la majorité législative. Dans les trois prochaines années, les partisans de cette réforme pourraient ainsi la défendre devant les électeurs. C'est la meilleure manière de ne pas en faire une manipulation politicienne. Et les convictions des uns et des autres, au-delà du frémissement généreux de l'opinion publique, ne pourraient que bénéficier d'un débat si largement et si sérieusement engagé. Oui, donc, pour une réforme responsable qui tranche définitivement la question après la présidentielle, sans polluer inutilement la cohabitation actuelle; oui pour un droit de vote aux élections locales qui restaure l'égalité entre les non-nationaux; oui, enfin, et c'est le plus important, pour une grande politique d'intégration républicaine qui donne aux immigrés la possibilité et le droit de partager, dans la solidarité, l'avenir d'une France accueillante et généreuse.
Vote des étrangers: schizophrénie au PS
Par RENAUD DELY
Libération mercredi 8 décembre 1999
n matière de droit de vote pour les immigrés, la pratique mitterrandienne est toujours de mise. Pour le PS, mieux vaut agiter le sujet, quitte à faire semblant de pouvoir agir, plutôt que de le laisser à ses concurrents, communistes, voire UDF - le député-maire d'Amiens (Somme), Gilles de Robien, s'est prononcé pour. Le groupe socialiste à l'Assemblée nationale avait déposé, mercredi dernier, une proposition de loi constitutionnelle préalable à l'octroi du droit de vote aux élections municipales aux résidents étrangers. Après avoir auditionné hier son initiateur, Kofi Yamgnane (Finistère), les députés PS membres de la Commission des lois valideront aujourd'hui l'unique article. "L'article 3 de la Constitution est ainsi complété: Les étrangers qui ne sont pas citoyens de l'Union européenne peuvent être électeurs et éligibles pour les élections municipales selon les modalités définies par la loi." Ils se pencheront ensuite sur la désignation du rapporteur, qui pourrait être Jacques Floch (Loire-Atlantique), puis sur la rédaction de la loi organique elle-même, notamment la durée de séjour en France nécessaire pour les électeurs étrangers et leurs conditions d'éligibilité. Et d'annoncer qu'ils inscriront le texte à l'ordre du jour de l'Assemblée dès qu'ils en auront la possibilité, lors de leur prochaine niche parlementaire, en février.
Autant de bonnes intentions qu'ils savent incompatibles avec la réalité. Leur schizophrénie tourne au double langage. Lionel Jospin a pourtant mis en garde ses troupes hier matin, au cours du petit déjeuner hebdomadaire qui réunit autour de lui à Matignon le patron du groupe PS à l'Assemblée, Jean-Marc Ayrault, son homologue du Sénat, Claude Estier, et le premier secrétaire du PS, François Hollande. "Ne soyons pas hypocrites, leur a expliqué en substance le Premier ministre. Ne laissons pas croire que cette réforme est possible avant les prochaines élections municipales de 2001. En tout état de cause, ce ne sera pas le cas."
Même adoptée par l'Assemblée, la proposition de loi de révision constitutionnelle du groupe PS devrait en effet être votée dans les mêmes termes par le Sénat de droite. Une hypothèse peu probable. A supposer que cet obstacle soit franchi, la réforme devrait encore être validée par référendum, seule procédure pour modifier la Constitution lorsque l'initiative émane du Parlement. On imagine mal Jacques Chirac appeler les Français aux urnes pour se prononcer sur un projet auquel il est lui-même opposé. D'autant que, comme le confesse un participant au petit déjeuner d'hier, "Lionel Jospin écarte l'idée de porter le fer sur ce terrain avec le président de la République".
Pas de quoi empêcher, cependant, le double jeu socialiste. Selon une membre du bureau national, le PS se divise en deux groupes d'importance assez égale autour de la question du droit de vote des étrangers: "La moitié veut mettre la droite au pied du mur, l'autre redoute que nous leurrions l'opinion une fois de plus et que nous refaisions le coup de Mitterrand." L'ancien chef de l'Etat s'était fait une spécialité de ressortir à intervalles réguliers cette proposition promise dès 1981, tout en se gardant d'agir au nom d'une opinion rétive. Secrétaire national du PS aux études, Vincent Peillon appartient à la première catégorie. "Cette proposition de loi est une opération de clarification politique, a-t-il expliqué lundi. Il appartient à la droite de montrer [...] si elle est prête à évoluer." De son côté, Hollande répète qu'"il ne faut pas semer l'illusion" et préfère vanter la vocation pédagogique du PS en la matière. Seul Kofi Yamgnane fait encore mine de croire que la réforme pourrait être applicable dès les municipales de 2001. Mais, pour ses camarades, il s'agit plutôt de faire de l'"agit-prop" pour occuper le terrain. Quitte à enrichir le dictionnaire du jospinisme d'un nouvel adage: après le temps du "dire ce que l'on fait et faire ce que l'on a dit" vient celui du "promettre ce que l'on ne peut pas tenir".