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Khadija ARIB
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La Vie économique (casablanca) Publié le : 21/10/2005
Portrait
Une Marocaine députée au pays des tulipes
A quinze ans, elle rejoint son père, immigré en Hollande.
En 1993, elle fait ses premières armes au sein du parti travailliste.
Cinq ans plus tard, elle devient députée.
Une Marocaine députée au Parlement hollandais. Un exploit ? Peut-être, mais ce succès est plutôt le symbole dune parfaite intégration dune dimmigrée marocaine dans la société néerlandaise. Khadija Arib est représentante de la nation hollandaise depuis 1998 et elle en est aujourdhui à son troisième mandat. Comment une immigrée marocaine est-elle arrivée à se hisser si haut ?
Khadija Arib vit le jour, en 1960, à Ouled Saïd, à quelques encablures de Settat. Son père est un propriétaire terrien prospère... pas pour longtemps. La fortune dont il a hérité est dilapidée en lespace de quelques années. En désespoir de cause, ses parents émigrent alors à Casablanca, et sinstallent au quartier Derb El Kabir. Mais tout cela ne fait pas vivre la famille. En 1967, le père décide de liquider ses derniers biens et mettre le cap sur Amsterdam à la recherche dun boulot. Khadija, fille unique, restera avec sa mère au Maroc
En 1975, à quinze ans, la jeune fille rejoint son père. A son arrivée à Amsterdam, Khadija navait aucune idée de ce quétait la politique, parlait à peine le français et pas un traître mot de néerlandais. Durant les premiers mois de son séjour, ladolescente refusait de défaire sa valise, caressant toujours lespoir dun éventuel retour au pays. Quand elle se penchait à sa fenêtre le matin pour scruter la rue, pas âme qui vive, pas voix qui sélève : elle se rappelait alors les appels du marchand de menthe et le chant du coq qui la réveillait à Derb El Kabir. Mais la décision du père était irrévocable et Khadija dût sadapter.
Elle devient assistante sociale et suit des cours à luniversité
En Hollande, le plus gros des regroupements familiaux avait eu lieu au cours des années 1970. La commune où habitait Khadija lui a alors proposé des cours dalphabétisation pour la communauté marocaine habitant le même quartier quelle. On lui confia ensuite un autre travail : accueillir et prendre en main ceux parmi les Marocains qui étaient à la recherche dun boulot, dun toit, dun conseil. De fil en aiguille, elle enrichit son expérience, et son vocabulaire, tant et si bien quelle décrocha une place à lAcadémie sociale pour devenir assistante. Puis, une place à luniversité pour suivre des cours de sociologie. Une formation qui laidera plus tard à saisir les subtilités et les avatars de limmigration. «Mon expérience comme assistante sociale ma appris une chose, corroborée après le 11 septembre: limmigré marocain a beau être né en Hollande, en maîtriser la langue, avoir acquis une bonne situation sociale, on lui fait toujours comprendre quil est un étranger, un musulman dont il faut se méfier. Mes collègues députés ne disent plus quil y a parmi eux une Marocaine, mais une musulmane.
Au début des années 1980, Khadija sinvestit dans lassociatif, et crée lUnion des femmes marocaines en Hollande, association qui milite contre les lois discriminatoires du pays daccueil. En effet, la délivrance des titres de résidence dune femme était subordonnée à celle de lhomme, mari ou père. En cas de divorce ou de décès du mari, la femme était dans lobligation de plier bagage et de rentrer chez elle. «Nous avons découvert que les lois hollandaises ne sont pas justes et nétablissent dégalité que pour les Hollandais ; pour les étrangers, cest une autre histoire». La bataille sannonce rude et Khadija séchine à faire comprendre aux hommes politiques du pays que légalité entre les sexes nest pas une affaire de nationalité mais dêtres humains.
Elle en est à son troisième mandat
En 1993, la jeune et pétillante immigrée est déjà un personnage en vue, et courtisée pour sa capacité à mobiliser et fédérer. On lui proposa dadhérer au parti travailliste (PvdA), un parti social-démocrate. Oui, répondit-elle, mais à une seule condition : avoir quelque influence dans le parti. Il faut, dans ce cas, devenir membre du bureau politique (BP), lui rétorque-t-on. La voilà donc militante au parti, puis membre de la direction au niveau dAmsterdam.
Trois années plus tard, cest le congrès du parti où elle est élue membre du BP. Lidée de devenir parlementaire ne lui effleurait même pas lesprit : au sein des commissions, il y avait assez de pain sur la planche.
Les dirigeants du parti avaient une autre appréciation : Khadija sera plus efficace au Parlement, la fonction lui ira comme un gant.
En septembre 1997, à une année des élections législatives, Khadija Arib jouit dune grande notoriété. Son nom figure même au douzième rang des candidats sur la liste nationale présentée par le parti. Sur les 150 sièges à pourvoir, le parti travailliste en obtient 45, dont la moitié ira aux femmes. Khadija passe haut la main. Quatre ans plus tard, le parti fera les frais dune crise politique intérieure et perdra la moitié de ses sièges lors des élections de 2002. Pas Khadija, qui rempile et gagne. Une année plus tard, aux élections législatives anticipées, la Marocaine décroche un troisième mandat. Son cheval de bataille de parlementaire ? Continuer luvre commencée depuis son arrivée, adolescente, en Hollande : véhiculer une image positive de la communauté et de la femme marocaines au sein de la société hollandaise. Résoudre les problèmes de santé et satteler à la modernisation des services médicaux. «Le parlement hollandais, fait-elle remarquer, nest pas une chambre denregistrement : il a son mot à dire, depuis la nécessité dune crèche dans un quartier jusquà la guerre dIrak».
Sa députation ne lui a pas fait oublier son pays dorigine, quelle chérit et visite régulièrement, en dépit de cet incident, quelle raconte comme une anecdote. En 1989, alors quelle sapprêtait à prendre lavion pour retourner à Amsterdam après un séjour au Maroc, la police lui confisqua son passeport et lui fit subir un interrogatoire : ses activités associatives en Hollande et ses contacts avec quelques opposants marocains sont passés au crible. Ce qui lui coûtera deux jours de cachot, ainsi quà ses trois enfants.
Jaouad Mdidech
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