Pourquoi j'ai quitté Ecolo ?


courrier faxé le 12/06/1997

LETTRE A L'ATTENTION D'ISABELLE DURANT, SECRETAIRE FEDERALE D'ECOLO

Isabelle,

Pour toi, "les détails et contenus du C.F. ne regardent que nos membres".

C'est ta conception, certainement pas la mienne, surtout quand il s'agit d'un débat de fond sur l'articulation entre la nationalité et la citoyenneté, et que deux figures importantes et historiques d'Ecolo ont défendu à cette occasion la même position que le PRL, soit une citoyenneté européenne excluant les "non Européens", ce sous des prétextes qui en révèlent beaucoup sur leur conception globale de la question.

Il me paraîtrait en effet quelque peu "politiquement incorrect", sans parler de "nouvelle culture politique" pour ces vétérans professionnels de la "politique autrement", d'entendre, lors d'une prochaine échéance électorale ou à l'occasion d'un débat médiatisé, Paul LANNOYE ou José DARAS défendre "au nom du parti" des positions qu'ils ont combattues, au niveau interne certes, mais d'une manière qui me paraît "inexcusable et déloyale" dans la méthode de contestation d'un vote clairement exprimé par les délégués au conseil de fédération de juin.

En ce qui concerne le combat démocratique pour le droit de vote, je constate que nos amis flamands du Nationaal Comité Algemeen Stemrecht ont reçu dès le départ un soutien politique et technique sans faille de la part d'Agalev, alors que la direction d'Ecolo n'a jamais apporté le moindre soutien au Comité National pour le Suffrage Universel, malgré le soutien à titre individuel d'un grand nombre d'élu(e)s et de militant(e)s Ecolo, qui représentaient à mon avis la majorité réelle au sein du parti. Je constate également que cette même direction ne s'est manifestée publiquement sur le thème du droit de vote que dans un contexte médiatique favorable après les déclarations de Jean-Luc DEHAENE, au même titre que les autres partis.

Quant à ma loyauté, elle ne va qu'à des principes, pas à la direction d'un parti. Par ailleurs, en tant que militant ne détenant aucun mandat ni poste de permanent, j'estime avoir une liberté totale d'expression, dans les limites de la légalité. En l'occurrence, il n'y a ni diffamation ni dénonciation calomnieuse, ni même à mon sens rupture d'un quelconque "secret de confessionnal". Le débat sur le découplage entre la nationalité et la citoyenneté transcende les appartenances partisanes, et ne devrait pas être utilisé par certains élus ou partis comme instrument de propagande médiatique. J'espère d'ailleurs à cet égard que ce n'est pas l'état d'esprit qui anime les organisateurs de la conférence de presse et du débat de la fin du mois sur cette question.

Enfin, je regrette qu'aucun débat global sur la citoyenneté et sur les minorités ethniques isues de l'immigration n'ait eu lieu dans notre parti depuis... 1991, et que seuls trois membres d'Ecolo aient régulièrement participé au forum "société multiculturelle" dans le cadre des EGEP. Je regrette également l'attitude de ceux qui ont milité, y compris dans des entretiens avec la presse, pour le renouvellement de la commission mixte au conseil régional bruxellois, alors que la position adoptée en 1991 était clairement le refus de soutien à toute forme de conseil consultatif, et que l'expérience passée avait clairement prouvé qu'une telle instance ne regrouperait que des créatures des partis traditionnels, ce qui sera à nouveau le cas d'ici la fin du mois à une ou deux exceptions près. Notre locale de Bruxelles-Ville a également sciemment transgressé cette position du parti pour soutenir la mise sur pied d'un conseil consultatif communal des Bruxellois d'origine étrangère.

J'espère que mes articles dans "Politique" (déjà paru), "Les Cahiers Marxistes" (à paraître) et "Avancées" (à paraître) t'agréeront plus que celui de "La Wallonie". En tout état de cause, malgré ta suggestion pour une autre publication dans le même quotidien à propos des problèmes de certificat d'hébergement, je n'attendrai jamais un quelconque "nihil obstat" pour publier des articles, y compris en tant que membre, et non responsable, d'Ecolo.

Pierre -Yves LAMBERT
membre d'Ecolo Molenbeek; ex-co-animateur provisoire de l'ex-commission immigration-citoyenneté

  1. C.F. : conseil de fédération; instance qui rassemble les délégués des "régionales" du parti, mais ouverte à tous les membres du parti, comme toutes les instances du parti d'ailleurs

  2. EGEP : Etats Généraux de l'Ecologie Politique: opération d'ouverture du parti sous forme de forums de discussion sur des thèmes précis, ouverts à tous

 


lettre faxée le 04/08/1997

LETTRE A DANIEL BURNOTTE, PRESIDENT DU BUREAU DU CONSEIL DE FEDERATION D'ECOLO

Cher Daniel,

J'ai bien reçu ton courrier du 23 juillet dernier, et sa lecture m'a inspiré les réflexions suivantes:

1. La citoyenneté, qu'elle soit européenne ou non, inclut les droits politiques. Dès lors que l'accès à ces droits politiques pour les élections européennes (ou "nationales" d'ailleurs) serait réservé aux ressortissants des Etats membres de l'Union Européenne, il s'agirait bien d'"une citoyenneté européenne excluant les non Européens". C'est bien cette position qui a été défendue par José DARAS et Paul LANNOYE:

En 1994, lors d'un secrétariat fédéral auquel j'étais présent, et où Stany GRUDZIELSKI et Henri GOLDMAN avaient déjà demandé l'insertion dans notre programme pour les élections européennes de la revendication des mêmes droits politiques pour les "Européens" et les "non Européens", Paul LANNOYE avait d'ailleurs explicité sa position à cet égard en déclarant que c'eût été dévaloriser le Parlement européen par rapport aux parlements nationaux que de lui adjoindre un électorat ("non européen") qui n'était pas celui desdits parlements nationaux. Lors du débat de novembre 1996 au conseil de fédération, il a à nouveau clairement exprimé son opposition radicale au droit de vote et d'éligibilité des "non Européens" aux élections européennes, en utilisant d'ailleurs des arguments pour le moins inattendus dans un parti comme le nôtre, notamment le "risque" que les Turcs résidant dans l'U.E. en profitent pour influencer par leur vote les positions du Parlement Européen concernant l'adhésion de leur pays d'origine à l'Union européenne ou concernant les violations des droits de la personne, des minorités et de la démocratie dans ce pays.

2. L'attitude procédurière me paraît également indubitable, dans la mesure où le texte fondateur (de 1981) reprenant la position d'Ecolo en ce qui concerne les droits politiques des non Belges est suffisamment clair pour qu'il ne soit pas nécessaire de débattre en assemblée générale de cette question, à moins qu'on souhaite un retour en arrière et une limitation des revendications aux échelons électoraux locaux:

"La commune est le niveau de base de la vie politique, a fortiori dans une vision écologiste. Il est donc souhaitable que tous les citoyens puissent participer le plus directement possible aux décisions qui les concernent et être valablement représentés dans les différentes instances de la vie publique communale.
A moyen terme, il s’agit de rendre identiques tous les droits politiques et les devoirs des citoyens belges et étrangers domiciliés en Belgique. (je souligne)
Le droit de vote et d’éligibilité aux élections communales, aux mêmes conditions que pour les nationaux, doit être étendu aux étrangers domiciliés depuis 5 ans au moins en Belgique."

(novembre 1981, Programme pour les élections législatives)

A ma connaissance, cette position de 1981 n'a jamais été désavouée par la suite et reste donc valable tant qu'il n'y a pas eu de vote contraire en A.G. Il n'y est en aucun cas question d'une différenciation de statut entre "étrangers européens" et "étrangers non européens"...

3. Quant à l'appréciation du caractère "massif" ou non du vote des délégués au conseil de fédération de novembre 1996, elle est certes subjective mais fondée sur le constat que les seuls "poids lourds" du parti à s'être engagés à fond dans ce débat furent justement Paul LANNOYE et José DARAS, et que ce dernier a profité de l'occasion pour rappeler, au détour d'une de ses interventions, la légitimité "historique" de sa position face à celle d'Henri GOLDMAN, pour cause d'adhésion plus récente de ce dernier à notre parti. Cela, je ne l'ai pas oublié, et je sais que je ne suis pas le seul dans ce cas. Dans ce contexte, un score de 61% est bien un vote "massif", même s'il est loin des 2/3. Il est d'ailleurs plus massif que le vote par 128 voix sur 271, il y a dix ans, de la motion "Neufchâteau-Virton", pourtant considérée par certains comme un texte fondamental pour notre parti (l'affirmation du "ni droite ni gauche") ...

Avons-nous, oui ou non, assisté à la même réunion ? Sans vouloir te vexer, le thème abordé ne revêtait peut-être pas la même signification et la même importance pour toi que pour moi. Mon engagement politique en Belgique a d'abord été celui d'un étranger, adhérant à 19 ans à la section bruxelloise d'un parti de son pays d'origine, puis d'un étudiant étranger, candidat en tant que tel à des élections étudiantes. Il est à présent celui d'un "allochtone", principalement au sein du Comité National pour le Suffrage Universel, dont je suis le principal animateur, comité qui regroupe exclusivement des personnes d'origine ou de nationalité étrangère résidant en Belgique. Mon militantisme au Mouvement des Jeunes Socialistes (belges) en 1989-1991, puis au sein d'Ecolo depuis 1993, ont principalement porté sur les thèmes liés aux allochtones.

En clair, si le conseil de fédération avait adopté une autre position en novembre, je ne crois pas que je serais resté membre de ce parti. Question de loyauté à des principes...

Pierre-Yves LAMBERT


(lettre faxée le 14 janvier 1998)

LETTRE DE DEMISSION

à l'attention du secrétariat fédéral d'Ecolo

Madame, Messieurs,

Par la présente, je vous informe que je n'ai pas l'intention de renouveler mon inscription à Ecolo pour 1998.

Lorsque j'ai demandé à adhérer à ce parti en novembre 1992, je ne me rendais pas compte de son caractère groupusculaire, avec des sections locales comptant parfois moins de dix membres. Mon expérience dans une telle section, à Saint-Josse, s'est achevée fin 1994 par une "exclusion" prononcée à l'unanimité des six membres présents (qui n'avaient pas jugé utile de m'inviter à défendre mon point de vue), avec la complicité active de Christos DOULKERIDIS notamment, à l'époque secrétaire régional.

Je constate que, trois ans plus tard, seules deux [Marie-Thérèse COENEN et Jaouad MANTRACH] de ces six personnes sont encore membres d'Ecolo: Michel DUPONCELLE et Ahmed MAHOU sont passés au PS (moins de six mois plus tard), Eric JASSIN au PSC avec son mandat [il est tête de liste PSC aux communales de 2000 après avoir été tête de liste Ecolo à celles de 1994 !], et le conseiller CPAS siège comme indépendant [entretemps il a adhéré au FDF et figure sur la liste de ce parti aux communales de 2000] ! Pour rappel, le motif initial de la controverse qui m'avait opposé aux autres membres de cette section était justement le choix d'Eric JASSIN comme tête de liste aux communales, ainsi que l'éventuelle présence d'Ahmed MAHOU sur cette même liste... Après cette "exclusion", j'ai reçu l'"autorisation" de m'affilier à une autre section, ce qui a permis au Comité d'arbitrage de faire l'économie d'une décision d'annuler purement et simplement cette procédure et de reconnaître qu'il y avait eu "dysfonctionnement". Cela, je ne l'ai pas oublié non plus.

Par ailleurs, je constate que j'ai appris à plusieurs reprises par des non membres du parti l'existence de groupes de travail internes sur des sujets spécifiques à propos desquels j'avais clairement marqué mon intérêt, notamment la gestion du culte musulman, la réforme des polices et la mixité sociale dans les logements sociaux. Cette situation est d'autant plus inacceptable que je participe à divers groupes traitant des minorités ethniques allochtones, à la Ligue des Droits de l'Homme et à l'Institut Jules Destrée notamment, dont les membres connaissent mon affiliation à Ecolo et sont parfois plus au courant que moi d'initiatives de mon propre parti...

Enfin, je n'ai pas du tout apprécié les réactions d'Isabelle DURANT et de Daniel BURNOTTE à mon article de juin dans La Wallonie à propos du droit de vote des non Belges, ni la lettre insultante que m'a adressée José DARAS, dans laquelle il me comparait notamment à Gerolf ANNEMANS. L'idée même qu'un débat d'idées interne doive être soigneusement caché au monde extérieur afin de préserver l'image d'une position unanime du parti m'est totalement étrangère et je ne me reconnais pas dans un tel parti.

Conformément aux prescriptions de la loi sur la protection de la vie privée, je vous demande de supprimer mes coordonnées dans les fichiers tant d'Ecolo que des "Etats Généraux de l'Ecologie Politique".

Veuillez agréer mes salutations les meilleures.

Pierre-Yves LAMBERT


Mise au point (27 septembre 2000)

Cette page connaît une fréquentation très élevée depuis que j'ai fait connaître ma candidature sur la liste Ecolo à Molenbeek pour les élections communales du 8 octobre 2000. Il me semble donc utile de rappeler qu'entre ma lettre de démission et ma candidature, il s'est écoulé plus de deux ans et demi.

Rappelons à cet égard qu'une personne non mentionnée dans ma lettre, Mostafa Ouezekhti, a quitté Ecolo pour le PRL quelques semaines après ma démission, que certains responsables du parti ont bien dû constater que mes mises en garde envers la duplicité de ce personnage étaient largement justifiées, et que le secrétariat fédéral s'est retrouvé fort démuni du jour au lendemain puisqu'il avait accordé à cet individu le monopole en matière d'immigration, de société multiculturelle et de religion islamique au sein du parti. Les effets désastreux s'en font d'ailleurs ressentir jusqu'à aujourd'hui, puisque bien souvent ce sont d'autres partis, le PSC notamment, ou des organisations non partisanes comme la Ligue des Droits de l'Homme, qui occupent un terrain d'où Ecolo est quasiment absent, ou d'une discrétion exaspérante.

L'arrivée en 1999 d'une nouvelle équipe au secrétariat fédéral , en particulier de Jacques Bauduin m'a donné l'espoir d'un changement de mentalités du parti, et c'est tout naturellement, quand j'ai appris que Jacques serait probablement tête de liste à Molenbeek pour les communales, que j'ai proposé, si le groupe local n'y voyait pas d'objection, de figurer sur la liste à une place "non éligible" sans pour autant reprendre ma carte à Ecolo.

Il s'agit également pour moi de contribuer modestement à ce que Molenbeek cesse d'être une baronnie féodale où un "Patron" règne en maître absolu, réunissant "son" conseil communal dans les anciennes écuries d'un château plutôt que dans la maison communale, agressant verbalement ses opposants au conseil communal, distribuant ses prébendes à sa clientèle, faisant un usage massif des deniers publics pour assurer son culte de la personnalité, comme cela a d'ailleurs été dénoncé par un magistrat voici quelques années, protégeant ses compères condamnés par la justice pour divers détournements de fonds et actes de corruption...

Face à ce genre de "socialistes", je soutiens pleinement le seul parti d'opposition démocratique à Molenbeek, Ecolo, tout comme je soutiens Jean-Pierre Brouhon et ses amis à Ixelles ou Charles Huygens à Jette, même si ce dernier présente une liste concurrente à celle d'Ecolo. Il est en effet inadmissible à mes yeux de lire dans la presse que le groupe local Ecolo à Jette a conclu un préaccord de coalition avec le PSC et le PS de Merry Hermanus contre l'opposition démocratique, PRL-FDF, VLD-VU et Licorne !

En bref, je soutiens Ecolo (et Agalev) à Molenbeek, mais je n'ai pas l'intention de réadhérer à ce parti (et encore moins à un autre) dans l'immédiat, même si Ecolo et Agalev restent à mes yeux les "moins pires" des partis politiques existants en Belgique...

 


La participation politique des allochtones en Belgique

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