Le Soir du mercredi 2 août 2000 http://www.lesoir.be/
Les urnes belges rebuteraient-elles les électeurs italiens?
A peine un peu plus de 12% de citoyens européens résidant en Belgique et pouvant exercer le droit de vote se sont inscrits sur les listes électorales pour participer aux élections communales du 8 octobre prochain.
Pourquoi un tel désintérêt? Je voudrais essayer de donner quelques explications pour la communauté italienne, qui représente 22,70% de tous les étrangers de Belgique et 36% des ressortissants italiens.
L'immigration italienne de l'après-guerre en est à la troisième voire à la quatrième génération. Deux générations au moins n'ont jamais voté, n'ont jamais participé à l'exercice de la démocratie, ont toujours été tenues à l'écart de la vie politique.
Comment prétendre que ces personnes puissent, d'un coup, manifester un intérêt pour des élections communales? Et ce, d'autant plus que l'exercice du droit de vote est subordonné à l'accomplissement d'une formalité considérée vexatoire et antidémocratique: l'inscription préalable sur les listes électorales?
Qu'on le veuille ou non, l'inégalité d'accès au droit électoral est un facteur qui freine la participation. Les électeurs belges seront appelés d'office aux urnes; les électeurs des autres pays de l'Union européenne devaient s'inscrire avant le 1eraoût, en plus avec la perspective de ne pouvoir exercer, en cas d'élection, ni la fonction de bourgmestre ni celle d'échevin. Pour favoriser la participation, on aurait dû inverser la procédure: inscrire d'office tous les électeurs potentiels et donner un délai de réflexion et de réaction à ceux qui entendaient manifester la volonté contraire. Cela n'aurait pas été incompatible avec la directive européenne du 19décembre 1994.
Une directive illégale?
Il ne faut pas oublier que l'article19 du traité sur l'Union européenne (ex-article 8A du traité de Maastricht) dit clairement que le citoyen européen exerce le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales dans l'Etat membre où il réside «dans les mêmes conditions que les nationaux». C'est la directive du 19décembre 1994 qui a ajouté la condition de l'inscription préalable. On peut se demander si ce hiatus entre le traité et la directive n'aurait pas été censuré par la Cour de justice si l'on avait intenté une action contre l'Etat belge.
L'année passée, on a voté au grand-duché de Luxembourg (10octobre) et dans certains Länder allemands (24octobre). Au Luxembourg, le taux de participation a été très faible (à peine 12,5%), à cause précisément de l'obligation de l'inscription préalable sur les listes électorales. En revanche, dans le Baden-Württemberg, où l'inscription n'était pas obligatoire, le taux de participation des Européens a été très proche de celui des électeurs allemands (jusqu'à 40%). Cela prouve que, dans un contexte de conditions égales, les immigrés se comportent comme les nationaux.
Devant le peu d'intérêt pour les élections communales de la part des ressortissants européens, on peut aujourd'hui mieux mesurer, me semble-t-il, l'échec des conseils consultatifs des immigrés créés dans les années 60-70.
Ces conseils devaient constituer une sorte de laboratoire, un terrain d'éducation et de préparation à l'exercice des vrais droits politiques: n'ouvrant la porte qu'à des droits fictifs, ils ont raté la mission qu'ils s'étaient assignée (sauf à La Louvière, où le bon fonctionnement du conseil local a permis d'atteindre un taux d'inscription qui avoisine les 30%).
Les Italiens, nonobstant le fait d'avoir été écartés du droit de vote pendant des décennies et nonobstant l'absence d'un poids politique, sont parvenus à occuper des places importantes et respectables dans tous les échelons et domaines dela société belge: syndicat, commerce, culture, spectacle, sport, etc. Beaucoup se sont faits à l'idée qu'il n'est pas nécessaire de participer à la vie politique pour s'affirmer.
Cela explique, du moins en partie, pourquoi les associations qui se sont mobilisées pour la campagne d'information et de sensibilisation au vote communal se soient heurtées à un mur d'indifférence dans leurs efforts de faire comprendre l'importance du droit de vote pour sortir de l'anonymat politique, devenir des protagonistes actifs sur la scène politique belge, participer activement à la gestion des affaires communales qui touchent le citoyen.
Tous aux urnes en famille
Un autre aspect qui mérite d'être souligné, c'est qu'à cause de la non-inscription sur les listes électorales avant le 1eraoût, il risque de se produire des situations paradoxales le 8octobre: dans une même famille, les jeunes de la troisième génération, devenus belges automatiquement, iront voter par obligation; les parents ou grands-parents, restés italiens, ne pourront pas voter parce qu'ils ne sont pas inscrits.
Les jeunes auraient pu avoir un effet d'entraînement sur les plus âgés, les attirer aux urnes à l'exhortation «toute la famille va voter». Le 8octobre, il sera malheureusement trop tard pour ceux qui auront raté le cap du 31juillet.
DANIELE ROSSINI
Responsable de «Qui
Italia»,
mensuel d'information et de culture de la
communauté italienne.
Titre et intertitres de la rédaction.
revue de presse sur la participation des Européens UE aux élections communales de 2000
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