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Participation électorale des minorités allochtones en Belgique
Elections communales de 2000 en Belgique

Electeurs et élus allochtones - Revue de presse d'après-élection

voir aussi les pages sur la situation à Forest, à Anvers, à Fourons et à Honnelles  - en Région bruxelloise (au bas de cette page)


La Meuse 09/10/00

Concernés par la vie communale

Trois accents, trois origines, un point commun: dimanche, Vincenzo Granieri, Ifor Birtles et Guy Heslouin exerçaient tous les trois, pour la première fois, leur droit de vote aux élections communales belges. Avec une même motivation: donner leur avis dans la commune qui les accueille.

Le premier est Italien. "C'est la première fois que je vote en Belgique. Mon épouse est native de Marchin, et c'est dans cette commune que je suis arrivé voici vingt-huit ans. Nous n'y habitions plus, mais nous y sommes revenus, presqu'exprès pour pouvoir voter ici, dans "notre" commune! J'ai envie de soutenir des jeunes (son frère Franco, 23 ans, était présent sur la liste socialiste NDLR): pour la première fois, un changement politique se fait sentir; les anciens dinosaures sont remplacés par des gens idéalistes... Peut-être trop?", explique-t-il. Et d'ajouter: "J'appartiens aussi à la vie associative, puisque je suis membre du comité de jumelage: y sont présents tant l'opposition que les partis en place, avec un même intérêt: tous sont concernés par la vie du village. Et comme, pour une fois, nous pouvions faire entendre notre voix dans ce sens: nous sommes quand-même une centaine d'Italiens ici". Qui devaient se rassembler au Cercle, dès dix-neuf heures, pour attendre dans la bonne humeur les résultats de leurs premiers suffrages.

"Ca fait dix ans que je vis en Belgique, déclarait pour sa part Guy Heslouin, Français établi à Donceel. En tant que citoyen, je me sens tout à fait concerné par les élections, par ce devoir civique: à partir du moment où on peut donner son avis, j'estime qu'on doit le donner! C'est indispensable, surtout au niveau communal: l'impact est beaucoup plus fort, plus significatif. En fait, on peut oublier la politique en tant que telle: on se trouve plutôt face à des gens qui se dévouent pour leur commune et pour le bien-être de leurs concitoyens; on a des relations directes avec eux... D'ailleurs, je n'accorde aucune importance à l'étiquette, qui m'agace un peu: quand il s'agit de placer un ralentisseur, peu importe que l'on soit de gauche ou de droite! Alors oui: on me demande mon avis sur le fonctionnement de la commune, je le donne!".

A ce point de vue qu'il partage, son concitoyen Ifor Birtles, Britannique, en ajoute un autre: "Ici, ce n'est pas le cas, mais dans certaines communes où l'on trouve des partis d'extrême droite, rester à la maison revient à les favoriser! J'estime d'ailleurs que, la prochaine fois, plus d'Européens devraient faire la démarche de s'inscrire".

Frédérique SICCARD


La Meuse 09/10/00

Ils ont fait les démarches

Ressortissants de la Communauté européenne, ils sont allés voter, hier.

Installée dans la commune d'Arlon depuis 39 ans, Mme Catherine Reuter, épouse Jacques, a, pour la première fois, pris le chemin de l'isoloir dans le cadre des scrutins communal et provincial. Elle est grand-ducale. Elle a donc pu, au même titre que tous les ressortissants de la Communauté européenne qui en ont fait la demande, rougir un bulletin de vote. "C'est important, car ça nous concerne, affirme Mme Reuter. On veut prendre nos responsabilités au niveau communal." Mme Reuter n'a cependant jamais songé faire les démarches pour obtenir la nationalité belge: "On ne sait jamais ce que l'avenir nous réserve, ça ne m'intéresse pas d'être Belge".

Évoquant la participation des Éuropéens au scrutin, elle ajoute: "C'est une évolution normale. D'autant qu'on ne se sent plus défendu par le pays duquel on provient". Pays dans lequel elle retournait tout de même voter auparavant, pour participer aux élections européennes.

Plus qu'une démarche citoyenne, aujourd'hui, Mme Reuter pourrait-elle envisager de prendre part à la vie communale de manière plus active encore, en tant que candidate ? "Non, je l'ai vécu, -mon père a été bourgmestre au Grand-Duché, et je ne souhaite pas sauter le pas."

Mère de trois enfants, également grand-mère, Catherine Reuter-Jacques apprécie, depuis un an, aux côtés de son mari, le calme et la sérénité de la rue du Bourg, à Autelbas.

M. A. Zaccagnini, domicilié chaussée de Trèves, à Stehnen (Arlon), est allé voter, dimanche. "Pourquoi ne participerais-je pas, comme tout le monde ?" M. Zaccagnini est en fait très heureux de prendre part au scrutin communal ce 8 octobre: "C'était gênant de ne rien avoir à dire."

"Désormais les élus devront compter sur nous" poursuit-il. Italien, M. Zaccagnini n'a-t-il jamais songé à solliciter la nationalité belge: "je ne vois pas pourquoi, étant en Belgique, je devrais renier mon pays. En fait j'ai d'abord songé à la nationalité européenne." M. Zaccagnini avait déjà, en 1999, fait les démarches pour prendre part au volet belge des élections européennes. Aujourd'hui, ce père de trois filles -"toutes Belges"-, formule un souhait: "j'espère qu'à terme on pourra voter à tous les niveaux. Ce serait logique". Et c'est si facile: "c'est gratuit et il suffit de remplir un simple formulaire, un peu comme lorsqu'on commande un tee-shirt par correspondance".

Cornelis-Jan Vlot habite en Belgique depuis de longues années, mais a toujours désiré conserver sa nationalité hollandaise. Domicilié d'abord à St-Léger, ensuite à Arlon, il a décidé cette année de participer au vote. Les démarches, il les a remplies très tôt. "Afin d'être certain d'avoir mes papiers en ordre, car je connais les défauts de l'administration belge", explique-t-il. Sa motivation ? "A mon âge, j'ai envie de participer, car la politique m'intéresse plus. Avant, comme cela ne m'intéressait pas... je ne votais pas." Aussi simple que cela.

R.St et N.Ld.


La Meuse 09/10/00

Voter... Une première pour certains

Comme beaucoup d'étrangers qui habitent notre pays depuis des générations, Alberto et Carmela Minelli ont, ce dimanche matin, eu l'opportunité de se rendre aux urnes pour élire leurs représentants communaux.

Domiciliés en Belgique, et plus précisément à Mazy, depuis 36 ans pour Alberto et 34 ans pour Carmela, il s'agissait tout de même d'une première pour ce sympathique couple d'italiens. "C'est effectivement la première année que nous avons le droit de participer aux élections dans la commune" explique Mme Minelli.

Et son mari de préciser: "Nous avons déjà voté pour l'Europe et pour les élections en Italie dans des bureaux expressément prévus pour l'occasion, mais nous n'avons jamais pu venir voter pour les candidats gembloutois ". Dimanche matin, ce fut donc chose faite.

"Nous habitons ce pays, nous y avons beaucoup d'amis belges et nous payons nos taxes comme tous les autres citoyens gembloutois. C'est donc normal que nous ayons également notre mot à dire et que nous ne soyons pas laissés sur le côté ajoute Mme Minelli. Aujourd'hui, je vote pour les gens qui m'ont aidé et fait plaisir; je leur fais plaisir à mon tour. Et si mon mari et moi, nous avons décidé, ce matin, de venir voter, c'est parce que nous nous considérons également comme Gembloutois, nous appartenons à la commune et nous participons à sa vie comme tout le monde. Je fais donc mon devoir".

Munis d'une carte d'élection de couleur bleue donne uniquement accès au vote pour les élections communales mais pas pour les provinciales Alberto et Carmela Minelli se sont rendus dans l'isoloir afin d'accomplir leur devoir de citoyen. Parce qu'après tout, eux aussi et au même titre que les autres citoyens belges, ont droit à la parole.

M.Lc


La Meuse 09/10/00

A Marche, la communauté turque espère un relais

Sur quatre listes présentes à Marche, trois -les PS, PSC et Ecolo- présentent un candidat d'origine turque.

Il faut dire que depuis près de 30 ans la Cité du Grand Georges compte une importante communauté turque qui possède sa Mosquée. Cette communauté espère-t-elle quelque chose des prochaines élections?

"Depuis que les Turcs sont arrivés à Marche, ils n'ont jamais rien demandé à personne. Nous avons tout fait seuls. Chacun y a mis de sa poche, explique M. Dagci, membre du comité local turc. Si maintenant nous pouvons avoir un des candidats élus à la commune, nous aurons un relais. Cela nous permettrait ainsi d'avoir peut-être un peu de subsides pour aménager l'entrée de la Mosquée et développer quelques projets pour les jeunes."

Cette nouveauté dans le vote aura au moins permis une chose: la visite des Ecolos, des Socialistes et des PSC dans le local jouxtant la Mosquée. "Chacun est venu présenter son programme, poursuit M Dagci. A chaque fois, une trentaine de personnes étaient présentes pour écouter."

Ces premiers contacts n'auront pas été vains puisque la commune a récemment décidé d'accéder à une demande de la communauté. Ses membres souhaitaient en effet aménager à côté de la Mosquée une pièce permettant l'accueil des corps des défunts. Chez les Turcs, la tradition veut que le corps d'une femme soit lavé par des femmes, celui d'un homme par des hommes. Les travaux qui seront bientôt entrepris répondront à cette demande.

Et c'est justement pour permettre d'établir un lien plus solide que plusieurs turcs se sont présentés sur les listes. Parmi eux, Yüksel Mola. En Belgique depuis 35 ans, il a choisi la famille socialiste. "Je l'ai fait en fonction de mes convictions même si je sais que nous n'aurions peut-être pas été approchés en d'autres circonstances. Je pense toutefois que nous pouvons apporter des choses à la commune. Plus il y a de personnes de cultures différentes qui vivent ensemble, plus on s'enrichit mutuellement. Chacun peut apporter sa petite perle à l'édifice."

N.Hn


A Waremme (province de Liège), Fattah El-Hani (PS, d'origine algérienne) est réélu avec  un score plu élevé que les candidats qui le précèdent: il a le 5ème score en voix alors qu'il était 11ème sur la liste (qui compte 16 élus). En 1996, il fut le seul élu wallon d'origine étrangère à soutenir le Comité National pour le Suffrage Universel dans la revendication du droit de vote et d'éligibilité pour tous les étrangers, et pas seulement pour les ressortissants UE. Il est susceptible de devenir échevin, ce qui serait une reconnaissance de son militantisme. Rappelons que dans cette commune rurale il n'y a que quelques familles d'origine maghrébine, le score de Fattah est donc uniquement dû à son investissement dans la vie locale, il n'est évidemment pas question ici de "vote ethnique" !  

Aucun des candidats d'origine turque n'a été élu à Marche-en-Famenne.  

A Neupré (province de Liège), un élu d'origine africaine, Siaka Konate (Ecolo) fait son entrée au conseil communal.  

A Liège, font leur entrée dans un conseil communal (49 sièges) auparavant dépourvu d'élu d'origine étrangère (sauf Jacky Morael, d'origine italienne par sa mère) les socialistes Fouad Chamas, Fatima Shaban (d'origine palestinienne) et Julia Fernandez Fernandez, le social chrétien Mario Tullio, le libéral Raphaël Miklatzki, et l'écologiste Messaouda Barkat (d'origine algérienne). Salvatore Bruzzeze, président depuis des lustres du Conseil Consultatif des Immigrés et candidat PS, n'est pas élu.  

A Fléron (province de Liège), le socialiste Nefvel Morcimen, unique élu communal d'origine turque dans l'ensemble du Royaume en 1994-2000, est réélu.

Pierre-Yves Lambert 9/10/00

Infos de dernière minute: à Molenbeek, il y aurait au moins deux échevins d'origine marocaine, 1 PS (peut-être Talbia Belhouari) et 1 Ecolo (Mariem Bouselmati, élue depuis 1994, d'origine marocaine), sans compter un éventuel demi-échevinat (une échevine prendrait sa retraite politique à mi-mandat après en avoir exercé plusieurs d'affilée); à Bruxelles-Ville il y aurait Faouzia Laghmiche-Hariche (PS, élue depuis 1994, d'origine algérienne); à Saint-Josse il y en aurait deux, tous deux PS, un Turc et un Marocain.  

Pierre-Yves Lambert 10/10/2000


La Meuse 10/10/00

Italiens à Mons, Hollandais à Fourons

Difficile de le nier: à Fourons, ce sont évidemment les Bataves qui ont joué un mauvais tour aux Wallons. Aucune autre commune n'avait déclenché une telle levée en masse parmi "ses" étrangers européens admis à voter. Il a suffi de 560 électeurs hollandais pour offrir le pouvoir aux Flamands.

Mais ailleurs? Bien malin qui pourrait distinguer un scrutin sensiblement influencé par le vote européen. En périphérie bruxelloise? Les Flamands le craignaient comme la peste. Pour rien: c'est que les Européens ont (fort) peu accepté l'invitation... et les communes à facilités n'ont pas connu de bouleversements politiques.

"Il ne faut pas oublier que les électeurs européens formaient un corps très hétérogène, confronté à de nombreuses listes, et quantitativement faible" observe le politologue Lieven de Winter. Moins de 90.000 Européens admis à voter: pas vraiment de quoi peser sur un scrutin. Même si on peut soupçonner le PS d'avoir récolté quelques fruits du vote... italien dans ses bastions liégeois et hennuyers. Là où se concentrait le gros du corps électoral européen (28.923 inscrits en Hainaut, 18.053 à Liège). Et quand on sait que pas moins de 44.000 Italiens se présentaient dans les isoloirs... "On peut supposer que la communauté italienne, issue d'une tradition de classe ouvrière, a voté globalement pour le PS" avance Lieven de Winter. Avec en prime un "enfant du pays" pour président de parti, que demander de plus? Bravo Elio!

P. Hx


La Meuse 10/10/00

Liège: 17 femmes au lieu de 9 et 5 immigrés au lieu de 0

La loi impose au moins un tiers de candidat de l'autre sexe. Sur les listes, ce quota doit être respecté. Dès l'élection, hommes et femmes prennent leur place selon le résultat électoral. Sous l'actuelle législature communale, neuf femmes étaient présentes parmi les 49 conseillers. Elles seront, sauf désistement, dix-sept à siéger après le 1er janvier 2001.

La législature communale 1995-2000 s'achève avec cinq femmes sur dix conseillers PRL, deux femmes sur dix-huit élus socialistes, une seule femme pour douze élus PSC, une seule femme sur cinq élus Écolo et aucune femme sur les quatre élus d'extrême droite. Le scrutin de dimanche apporte une note féminine plus prononcée: sept socialistes sur 20 élus, cinq Écolo sur huit élus, quatre libérales sur onze PRL et une seule femme sur dix PSC.

Au Collège, une femme pourrait rejoindre Nicole Struvay. Il s'agit de Marie-Claire Lambert qui pourrait prendre la place d'un échevin socialiste. Au PSC, apparemment aucune femme n'est en bonne place pour revendiquer une écharpe scabinale.

Sur les 49 conseillers, vingt sont nouveaux, dont onze n'ont jamais été mandataires et neuf ont déjà occupé des mandats.

Outre les femmes et les nouveaux, un autre phénomène apporte une heureuse expérience au Conseil communal de Liège. Il s'agit des élus issus de l'immigration. Parmi ceux-ci, un homme sort du lot. Il s'agit de Fouad Chamas, docteur en médecine, d'origine libanaise. Ce médecin, très populaire à Bressoux, n'est pas affilié au PS. Il n'a rien à attendre en politique. Dès sa présentation sur la liste PS de Liège, il a annoncé qu'il serait là pour relayer les voix de ceux qui ont du mal à se faire entendre, les immigrés, les défavorisés. Le Dr Chamas est père de quatre enfants. Son épouse est d'origine polonaise. Après des études de médecine en Belgique, Fouad Chamas a failli être expulsé vers le Liban. Des Liégeois se sont opposés à cette situation jugée injuste. En effet, pour M. Chamas, il était impossible de rentrer au Liban, accompagné d'une épouse catholique, dans une région contrôlée par les fondamentalistes.

Trois idées résument assez bien le résultat de l'élection à Liège: plus d'extrême droite, davantage de femmes et des élus d'origine étrangère.

L. C.


La Dernière Heure12/10/2000

Ouverture variable

Un candidat d'ouverture analyse ses élections

La situation de Jean Santacatterina est intéressante à plus d'un titre. Ancien chef de groupe PSC au conseil communal de Charleroi, il a rapidement quitté les sociaux-chrétiens pour siéger comme indépendant.
Lors du scrutin de dimanche, il était 29e sur la liste socialiste. Un candidat d'ouverture qui analyse aujourd'hui sereinement son score et celui de ses ex- couleurs. J'espérais faire 1.000 voix. Je n'en fais que 817 mais cela suffit pour que je sois encore conseiller communal.
Un score qui confirme la difficulté pour un candidat d'ouverture même quelque peu connu, de faire un score significatif. Difficile d'être candidat d'ouverture, difficile aussi d'être un transfuge.
Sur les quatre transfuges enregistrés sur les différentes listes, deux seulement ont été élus: Jean Santacatterina et Nicole Thioux (du PSC vers la 3e place au PRL).
Quant au vote des électeurs européens, les Italiens semblent ne pas avoir voté pour leurs compatriotes: En fait, ils votent comme les Belges, ce qui est logique puisque ces électeurs sont intégrés depuis très longtemps. Les Belges d'origine maghrébine en revanche ont soutenu les candidats de leur communauté. Le résultat du PSC, enfin, conforte Jean Santacatterina dans son choix: Ils n'ont aucun projet pour Charleroi et ça leur a coûté cher. Les instances du PS sont prêtes à intégrer les sociaux-chrétiens progressistes. Ce qui n'est pas toujours évident dans les locales.

La Dernière Heure - B.B.


La Dernière Heure - 11/10/2000

L'autre raison du renforcement du PS dans ses bastions

Pour beaucoup, ces élections étaient les premières. Les dirigeants du PS hennuyer ont sans aucun doute sous estimé le nombre de voix que les électeurs italiens et espagnols leur ont apporté.

Ce sont pour la plupart des socialistes convaincus qui ont un lourd passé ouvrier en Belgique ou dans leur pays d'origine.
Beaucoup d'entre eux ont immigré pour travailler dans le fond de la mine, dans les années 50. D'autres encore sont venus exercer leur métier manuel de métallo ou sidérurgiste dans nos contrées. Leur appartenance au monde ouvrier les lie directement à la gauche et à son expression la plus courante chez nous: le parti socialiste.
En ce qui concerne la communauté espagnole, elle fuyait aussi la dictature de Franco. Vivre dans un pays démocratique signifiait aussi pour eux la possibilité d'exprimer leurs idées sans crainte. En arrivant ici, ils pouvaient dire publiquement Je suis socialiste sans risquer d'être arrêtés et abattus par la police.
En partant du pays, ces personnes étaient socialistes mais elles n'ont jamais pu l'exprimer par les urnes. Il était impensable pour eux de voter à droite.
Certains d'entre eux voient encore en elle l'oppression et la dictature. Dimanche, c'était l'occasion rêvée pour exprimer leur appartenance politique. En tout cas, pour la plupart des Espagnols de la première génération, ce scrutin est le seul libre qu'ils aient connu, puisque la dictature, après la guerre d'Espagne, les a privés de toute liberté.
La situation des immigrés italiens est très semblable puisqu'ils sont arrivés ici très jeunes. La plupart n'ont donc jamais connu l'isoloir. J'avais trois ans quand je suis arrivé ici en 1929. Je n'ai donc jamais voté de ma vie.
Après avoir passé 50 ans ici, il était temps que je puisse donner mon opinion, explique Giovanni Foschi immigré italien de Châtelineau.
Maintenant, on se sent vraiment impliqué dans notre commune et on ne demandait pas mieux que de pouvoir voter, conclut Véra, son épouse. Peut-être restait-il un sentiment de devoir non accompli. C'est ici qu'ils vivent jour après jour les réalités de leur commune. Et même s'ils ont tous le droit de vote dans leur pays, la politique italienne ou espagnole leur paraît bien lointaine.

J.-P. V.


Région bruxelloise


Lundi 9 octobre 2000 Journal Télévisé RTBF - Safia Kessas

Le vote des étrangers

A Bruxelles, l'un des principaux enjeux concernait la présence sur les listes de candidats issus de l'immigration. Il est encore trop tôt pour dresser un bilan, mais on constate une forte progression des candidats d'origine étrangère.

La présence des candidats issus de l'immigration sur les listes électorales des partis démocratiques n'est pas nouvelle. Ce qui change ce sont leur classement en ordre utile. Ainsi Schaerbeek connaît une nouvelle élue écolo, une secrétaire médicale attachée avant tout à son encrage Schaerbeekois.

Essaïdi Tamimount , élue Ecolo Schaerbeek

"Je pense que c'est légitime, que c'est normal qu'il y ait des personnes d'origine étrangère. Moi je ne me sens pas tellement étrangère, je n'aime pas ce terme car je suis schaerbeekoise depuis 35 ans. Je connais la problématique des quartiers de Schaerbeek."

Une nouvelle vague qui entend prendre ses responsabilités, à l'instar de cet élu anderlechtois FDF déjà prêt à exercer les fonctions d'échevin.

Boumahdi M'Hammed , élu FDF Anderlechtois

"Il est malheureux que sur la commune d'Anderlecht on ne pourra pas ou on ne proposera pas un échevinat au travers lequel les communautés d'origine étrangère comprennent les votes et que les gens qui votent pour les voies de l'immigration comprennent qu'on les prend au sérieux."

Et puis à Molenbeek, 12 conseilleurs sur 41 seront d'origine marocaine et on s'attend donc à la nomination d'un nouveau échevin d'origine étrangère. Si c'est le cas cette élue socialiste entend bien représenter l'ensemble des molenbeekois.

Talbia Belhouari , élue socialiste Molenbeek

"Je veux d'abord dire que je suis belge, socialiste et que j'ai envie de défendre des idées basées sur des valeurs de tolérance et d'égalité et de liberté."

Pour ce scrutin 2000, on constate que les candidats élus de l'immigration obtiennent les meilleurs scores sur une liste socialiste et écolo. Les votes dits ethniques sont une réalité avec lesquels les partis traditionnels devront désormais compter à Bruxelles.


La Dernière Heure 10/10/2000  

Saint-Josse attend

Demannez n'est pas pressé. Sa liste PS-PRL obtient la majorité

Dix-sept sièges sur les 27 que compte le conseil communal de Saint-Josse-ten- Noode. En tout, ce sont 50% des Tennoodois qui ont décidé de faire confiance au bourgmestre sortant Jean Demannez et à son équipe. Sa liste rassemblait non seulement des socialistes mais aussi des libéraux. Un coup de poker gagnant pour le successeur de Guy Cudell.

A ce stade, la question repose sur la participation ou non du FDF à la future majorité. Le FDF de Thomas Nagant stagne avec 2 élus (dont Halis Kokten) alors qu'un accord a déjà été passé avec le PRL. Reste à savoir si le FDF exigera un ou deux échevinats.

Quant aux écolos, ils font 4 sièges au même titre que le PSC d'Eric Jassin. Le sort des sociaux-chrétiens était toutefois scellé depuis plusieurs mois à l'annonce de l'enterrement de la liste SJTN. L'idéal serait de ne pas se précipiter, estime Jean Demannez, l'homme fort de la commune.

Nous ne sommes pas pressés. Il faudra tout d'abord discuter programme et projets avant de parler échevinats. Sept postes restent cependant à pourvoir parmi lesquels la présidence du CPAS. Mouzon devrait rempiler à la tête du centre malgré un score moyen de 276 voix.

Au PS, l'inconnue demeure le candidat d'origine turque Emir Kir. Ce dimanche, il a engrangé 720 voix, soit le second score personnel de la commune. Je suis ému par autant d'adhésion autour de ma personne, déclarait-il dimanche soir. Il pourrait se voir accorder un mandat au collège.

Saint-Josse, localité hétérogène sur le plan des communautés qui y vivent, constate les excellents résultats des autres candidats d'origine étrangère. Mohamed Azzouzi obtient 540 voix, Osman Saglam 248 et Mohamed Jabour 272. Nezahat Namli (PRL) totalise pour sa part 158 voix, soit une de moins que Geoffroy Clerckx, chef de file des libéraux (159).

L'échevin sortant Van De Wiele n'est parvenu à récolter que 118 suffrages. Chappuis en obtient 124. Selon le règlement interne, les mandats seront attribués sur base des scores personnels.

Karim Fadoul


Le Soir du mercredi 11 octobre 2000

Saint-Josse : le collège s'ouvre aux nouveaux Belges

Le bourgmestre Jean Demannez et le PS ont fêté leur victoire ce lundi. Avec 17 sièges sur 27, la Liste du bourgmestre s'est adjugé une solide majorité absolue. Sur ces 17 sièges, 5 vont au PRL, bien que ce soit le PS qui ait fait le plein des voix.

Dans l'accord de majorité, le PS se réserve le mayorat (Jean Demannez), 3 échevinats, la présidence du CPAS (Anne Mouzon). Le SP (Jules Spooren) a droit à un échevinat. Le PRL peut théoriquement obtenir 3 échevinats, mais il en céderait un au FDF, si ce parti entre dans la coalition. Dans le cas contraire, le PRL devrait sans doute se contenter de deux échevins. De rudes négociations en perspective. D'autant qu'au PRL les voix de préférence ont provoqué des tensions. La tête de liste Christian Van de Wiele a fait un piètre score et le feu couve.

Jean Demannez n'est pas pressé de former le nouveau collège : l'assemblée générale de la section locale est fixée pour novembre. Un fait acquis, néanmoins : au sein du PS, il y aura un ou deux échevin(s) d'origine étrangère. Trois noms circulent : Emir Kir (720 voix de préférence), Mohamed Azzouzi (540) et Mohammed Jabour (272).

François Robert.


Le Soir du vendredi 20 octobre 2000

SCHAERBEEK
Un premier conseil post-électoral expéditif

Le testament politique de Duriau

C'est avec curiosité que l'on attendait, à Schaerbeek, le premier conseil communal post-électoral. Curiosité hélas vite rassasiée puisque la réunion fut expédiée en moins d'une heure par un bourgmestre Francis Duriau visiblement peu désireux de jouer les prolongations après son échec du 8 octobre.

Ceci dit, le conseil a approuvé une mesure qui devrait dérider les fonctionnaires communaux qui habitent Schaerbeek. Il a décidé de leur ristourner l'impôt sur les personnes physiques (partie communale) ainsi que le précompte immobilier (pour les propriétaires). Ce " cadeau " vise à inciter les fonctionnaires à s'établir dans la commune. Cette mesure n'est cependant pas passée comme une lettre à la poste. Dans l'ex-majorité, il y a eu une abstention massive, notamment du FDF.

Le bourgmestre Francis Duriau s'apprête à tourner la page. Dans un discours aux allures de testament politique, il s'est félicité du changement d'image de sa commune et a stigmatisé ce qu'il appelle " la nouvelle culture politique " (dont les accords préélectoraux).

" LES APPÂTS DES SUFFRAGES "

Puissent les nouveaux coalisés faire taire leurs dissensions, oublier les anathèmes qu'ils se jetaient mutuellement. Mais voir les excommuniés d'hier, les bleus les plus réactionnaires (car les modérés ne seront plus là), sauter au cou des verts les plus progressistes est une image fantasmagorique. J'espère que les présidents de parti auront à cœur de présenter comme échevins ceux qui auront récolté le plus de voix de préférence. Je pense en particulier aux candidats d'origine immigrée qui risquent fort d'avoir la désagréable impression de n'avoir été appelés que comme appâts des suffrages de leurs communautés.

Il est probable que le bourgmestre sortant ne siégera que quelques mois après avoir rendu son écharpe mayorale. Il ne sera pas le seul de son groupe à partir : Anne-Marie Gerrebos (enseignante dans la commune) et Karin Metz (CPAS) devront abandonner leur mandat pour incompatibilité professionnelle. Les trois suppléants sans doute appelés à les remplacer sont Viviana Rongione, Patrick Heuninck (VLD) et Yvan Fraboni.

Que va devenir l'ex-"Liste du bourgmestre" ? Il est fort possible qu'elle éclate. Certains rejoindront sans doute d'autres formations ou siégeront comme indépendants. Des "dinosaures" tels que Claude Paulet et Christian Germain, échevins sortants, pourraient jeter le gant.

FRANÇOIS ROBERT


Le Matin (Liège) 31/10/00
(interview d'Alain Hutchinson, secrétaire d'Etat PS au sein du gouvernement régional bruxellois, vice-président de la Fédération Bruxelloise du PS, conseiller communal à Schaerbeek)

 Maintenant, il faut assumer


"Tous les partis ont mis des candidats d'origine étrangère sur leur liste. Maintenant, ils doivent assumer: leur confier des responsabilitrés politiques importantes."
Alain Hutchinson parle d'or. Il n'a pas hésité à confier à Mohamed Lahlali le poste d'échevin de l'instruction publique à Schaerbeek. Une attitude dont il cerne cependant bien la difficulté. "Cela ne plaît pas toujours. Parlant de Mohamed Lahlali, un chef de service à Schaerbeek a dit à son personnel qu'un échevin viendra bientôt à l'administration en babouches et à dos de dromadaire. C'est intolérable. Il y a un changement de mentalités à attendre des Bruxellois. Il y a aussi une responsabilité du PS qui est en pointe dans le combat multiculturel."

Il y a aussi un pas à franchir par les candidats de l'immigration eux-mêmes. "Pendant la campagne électorale, constate Alain Hutchinson, plusieurs candidats ont dénoncé certains des leurs comme étant de mauvais musulmans parce qu'ils buvaient du vin, parce qu'elles ne portaient pas le foulard, etc. C'est très dangereux. Ils doivent bien se dire qu'ils ne sont pas élus pour représenter leur communauté, mais pour représenter toute la population belge, particulièrement sa frange la plus fragilisée. Au PS, je souhaitre qu'il y ait un débat rapidement sur cette question."


Le Matin (Liège) mardi 28 novembre 2000

Les fils de l'immigration entrent au Collège

Les élections communales du 8 octobre ont permis une progression du nombre d'élus d'origine extracommunautaire. Elles ont aussi consacré la nomination de certains d'entre eux au titre d'échevin. Première démocratique

On pourrait dire que c'est une particularité de l'après-8 octobre. Certes, la Belgique avait déjà connu sous la précédente législature communale un échevin issu de l'immigration maghrébine.

Mais Aziz Charkaoui (CVP) devait sans doute plus son entrée dans le collège échevinal de Roulers à son mariage avec la fille d'une figure locale connue qu'à sa propre renommée politique. Il n'était au mieux qu'un signe annonciateur de la lame de fond qui devait se produire six ans plus tard : l'entrée - timide mais irréversible - de candidats de l'immigration dans les collèges de bourgmestre et échevins.

C'est surtout à Bruxelles que le phénomène sera perceptible. Particulièrement - et assez naturellement - dans les communes bruxelloises de la première couronne. Certains noms sont déjà confirmés: Faouzia Hariche (PS) à Bruxelles, Mohamed Lahlali (PS) et Tamimount Essaïdi (Ecolo) à Schaerbeek, Abderrahim Cherke (Ecolo) à Forest, Mariem Bouselmati (Ecolo) à Molenbeek. D'autres noms circulent avec insistance. On parle de Mohamed Ghali (PS) à Ixelles, de Hassane Mokhtari (PS) à Forest, d'Emir Kir (PS) à Saint-Josse, de Talbia Belhouari ou de Houria Ouberri (PS) à Molenbeek.

En Flandre aussi, et singulièrement là où le Vlaams Blok fait de bons scores, des échevins d'origine non-européenne feront leur apparition. Ainsi à Malines, il semble acquis qu'Ali Salmi (Agalev) siégera comme échevin à partir du 1er janvier 200I. Et à Anvers, si toutefois le pré-accord qui a été ficelé résiste aux mécontentements divers, Nahima Lanjri (CVP) devrait trouver une place dans le collège.

Considérant l'importance de l'électorat d'origine extratracommunautaire, la liste de ces échevins peut paraître courte. Démocratiquement salutaire, mais courte. Elle aurait probablement été plus longue si les choses s'étaient déroulées sans heurts. Mais ce ne fut pas toujours le cas. Certains candidats ne devaient leur place sur une liste qu'à leur force d'attraction électorale auprès de leur communauté. Une fois élus,.ils ont demandé au parti qui les avait hébergés un renvoi d'ascenseur. Lequel parti se trouvait alors bien marri d'avoir promis depuis longtemps une fonction importante à d'autres. Les arbitrages ont été - sont encore - serrés. Pas une formation politique n'échappe à la règle. C'est normal, dit-on. "A cause de la nouveauté".

Et puis, il faut bien constater que les échevins d'origine maghrebine,à part Mohamed Lahlali (voir ci-contre), seront confinés à des compétences peu sensibles. L'échevinat des Sports ou de la Jeunesse par exemple. Au fait, à quand un bourgmestre d'origine extracommunautaire ? En 2006 ?

Vincent Rocour