MANIFESTE POUR UN PARTI RADICAL BELGE
P.Y.LAMBERT (projet non diffusé, mi-juin 1987)
Constatant que le PS n'a pas suivi le SP dans sa volonté de voir reconnaître aux immigrés le droit de cité sur le plan local, on peut s'interroger sur les calculs politiques pré-électoraux qui ont présidé à cette décision.
Assurément, sous l'impulsion du bourgmestre de choc Charles PICQUE, le PS espère mordre sur la partie de l'électorat populaire qui se sent agressée par la présence de groupes ethniques culturellement très différents de la population "autochtone". Mais le PS n'a-t-il pas surestimé l'importance de ces électeurs dans son électorat potentiel ? N'a-t-il pas, en outre, sous-estimé l'apport des voix que pourraient lui accorder les immigrés, apport qui a largement contribué à la victoire du parti travailliste aux élections communales néerlandaises l'an dernier ?
Et les immigrés naturalisés ?
Pense-t-on vraiment que, une fois devenus belges, les jeunes d'origine immigrée seront encore tentés de s'engager dans les combats progressistes aux côtés du PS ? Ne seront-ils pas plutôt tentés par les écologistes, les démochrétiens de Solidarité et Participation, les communistes ou l'extrême-gauche ? Ou même, par une "troisième voie" concrétisée par des partis issus des groupes ethniques dont ils sont issus ? Ce type de parti a toujours échoué dans ses tentatives électorales, grâce à la politique d'ouverture des partis socialistes dans les pays où les étrangers ont le droit de vote: le PS souhaite-t-il pousser les immigrés vers une telle impasse ?
De toute évidence, les dirigeants du PS ont, ce jeudi soir, fait un mauvais calcul. Ils en subiront, à coup sûr, les conséquences à moyen et à long terme: les querelles entre socialistes flamands, franco-bruxellois et wallons ont déjà indisposé nombre de militants et d'électeurs de gauche qui le seront certainement tout autant, sinon plus, par les nouvelles attitudes anti-immigrées du PS. Le moment est peut-être venu pour les socialistes de gauche de se joindre aux autres progressistes, chrétiens, communistes et écologistes, pour construire un nouveau parti, comme les futurs militants du PSU l'ont fait il y a trente ans, dans une France où le Parti socialiste avait prouvé son incompréhension du problème algérien...
Au Royaume-Uni, trois députés noirs et un Indien siègent depuis le début du mois à la Chambre des Communes. Des Turcs naturalisés ont déjà été élus dans plusieurs parlements régionaux de RFA. Parmi les conseillers communaux élus l'an dernier aux Pays-Bas, une trentaine sont d'origine immigrée, naturalisés ou non. La Suède, la Norvège, le Danemark et le canton suisse de Neuchâtel ont choisi il y a plusieurs d'années d'étendre la démocratie locale en reconnaissant aux étrangers le droit d'élire et d'être élus.
Notre petite Belgique, coincée entre l'Europe du Nord et l'Europe du Sud, va-t-elle suivre les exemples encourageants de la première, ou devenir le terrain d'un combat d'arrière-garde mené par des politiciens démagogues ?
Les écologistes d'Agalev et d'Ecolo, les socialistes du SP, les démochrétiens de SEP, les communistes du PCB, du POS et du PTB, les radicaux du Parti radical, et de nombreux autres militants politiques, en accord avec les dirigeants de leurs partis respectifs, ont choisi de se battre contre les partisans d'une conception archaïque du droit de cité. Même les sociaux-chrétiens du PSC et du CVP sont partisans d'un élargissement du droit de cité local aux étrangers "communautaires", et les régionalistes bruxellois du FDF le conditionnent à l'accomplissement dun service civil, pour mettre en rapport les droits et les devoirs de ces futurs citoyens.
Il y a une semaine, les socialistes francophones ont choisi le camp des conservateurs contre celui des progressistes. Cela, on ne peut que s'en affliger, car le PS est la première force de gauche en Wallonie et à Bruxelles, ce qui rendra le combat contre la démagogie xénophobe et pour l'intégration des immigrés dans les luttes progressistes plus difficile. L'erreur historique que vient de commettre le PS ne manquera pas de lui créer de sérieux problèmes à l'avenir, et le risque existe d'une désaffection de la part de nombreux militants et électeurs déçus par son socialisme frileux. En France, c'est dans des conditions analogues que s'est créé le Parti socialiste unifié, parti socialiste libertaire, il y a trente ans. Un peu plus tard, le Parti radical naissait en Italie, des déceptions de nombreux militants socialistes* et laïcs devant la satellisation de leur parti autour du pôle conservateur démochrétien. Aujourd'hui, le PSU est moribond. Le Parti radical, lui, est bien vivant et se place toujours à la pointe des luttes progressistes en Italie, mais également dans d'autres pays européens, à l'Est comme à l'Ouest, où la gauche traditionnelle s'est enlisée dans le conformisme ambiant, reniant toutes les valeurs les plus authentiques de démocratie, de liberté et de justice.
C'est dans cette perspective que nous, militants radicaux
de Belgique, appelons tous ceux qui se reconnaissent dans ces valeurs à
lutter à nos côtés, parmi nous, pour qu'enfin un pôle
de gauche débarrassé des pesanteurs bureaucratiques et
électoralistes voie le jour en Belgique.
LETTRE OUVERTE AUX DIRIGEANTS DE LA FEDERATION BRUXELLOISE DU PS (communiquée à la presse, 26/06/1987)
Pierre-Yves LAMBERT et Hélène VAN CAMP
(pour le Groupe "Droits politiques pour tous")
Chers camarades,
C'est avec un vif étonnement que nous avons pris connaissance, par la presse, de la stupéfiante prise de position de la Fédération bruxelloise du Parti Socialiste contre la reconnaissance des droits civiques locaux aux citoyens non belges.
Le parti Socialiste a déjà "manqué le coche" en 1948, lors du vote pour la reconnaissance des droits civiques des femmes. Les militants et les dirigeants de la Fédération bruxelloise se refusent, semble-t-il, à tenir compte des leçons de l'histoire.
Ces refus de reconnaître les droits imprescriptibles de tout citoyen, belge ou non belge, à voter et à être candidat au niveau local, est d'autant plus incompréhensible que l'ensemble des partis-frères du PS en Europe occidentale ont résolument entamé, avec succès dans les pays scandinaves et aux Pays-Bas, la lutte pour cet élargissement logique et incontournable du suffrage universel.
En outre, dans les pays où les immigrés ont le droit de vote (pays scandinaves, Pays-Bas et, pour les ressortissants du Commonwealth, d'Irlande et du Pakistan, Royaume-Uni), on a pu constater que ce sont les partis socialistes et progressistes qui se sont vus accorder la confiance des immigrés, dans des proportions allant parfois jusqu'à quatre-vingts pour cent. Les socialistes bruxellois préfèrent-ils bénéficier du vote des Belges xénophobes plutôt que d'étrangers progressistes ?
Nous tenons à rappeler à nos amis et camarades socialistes bruxellois que la citoyenneté, telle que la définissait la première Constituante française après la Révolution de 1789, n'était absolument pas liée à la nationalité, mais à la résidence et, par conséquent, au paiement des impôts nationaux et des taxes communales. C'est cette définition qui a été reprise par les parlements scandinaves, néerlandais et irlandais, et qui constitue une référence incontournable pour les nombreuses organisations socio-culturelles et politiques qui prennent part, depuis de nombreuses années déjà, aux campagnes pour la reconnaissance des droits civiques locaux aux étrangers résidant en Belgique.
Nous espérons que le PS national se désolidarisera rapidement de la position erronnée de sa fédération bruxelloise, et nous invitons celle-ci à reconsidérer cette position.
P.S. copie de cette lettre est adressée au Bureau national
du PS et à la presse
REPONSE A Philippe MOUREAUX, PRESIDENT DE LA FEDERATION BRUXELLOISE DU PS
Pierre-Yves LAMBERT (lettre datée du 19/7/1987)
Cher camarade,
Dans ta réponse à notre lettre du 26 juin, tu nous adresses quelques critiques auxquelles je tiens, en mon nom personnel, à répondre.
Tu trouves la phrase "les socialistes bruxellois préfèrent-ils bénéficier du vote des Belges xénophobes plutôt que d'étrangers progressistes ?" "pour le moins douteuse". C'est ton droit. Mais si tu lis la phrase précédente, cette formule devient tout à fait justifiée: les étrangers qui ont pu voter aux Pays-Bas et dans les pays scandinaves ont voté dans leur immense majorité pour des partis "progressistes (avec toute l'ambiguité que ce terme comporte, je te l'accorde). Par conséquent, le PS bruxellois s'aliène un électorat qui lui est plutôt favorable en refusant cet élargissement du suffrage universel. En outre, la prise de position de ta Fédération, qui a reçu les félicitations de plusieurs personnalités politiques de la tendance démago-xénophobe bruxelloise, vise sans aucun doute à attirer les électeurs belges de "sensibilité" socialiste mais néanmoins xénophobes (il y a une cinquantaine d'années, un certain nombre de "socialistes" manifestaient encore ouvertement leur antisémitisme: le phénomène actuel n'a donc rien de nouveau). C'est un choix de stratégie électorale que nous voulions souligner et mettre en question.
Quand tu écris que "la référence à la fin du 18ème siècle" te "paraît avoir une allure un peu rétro", le doute m'assaille: les valeurs des philosophes des Lumières et de la Révolution Française te semblent-elles ringardes ? De la part d'un socialiste, mais surtout d'un professeur d'histoire à l'ULB, un tel jugement me stupéfie: je n'ose pas croire que tu pousses le sectarisme jusqu'à rejeter tout ce qui a porté, et porte encore, le label "libéral", sous prétexte que ce label est utilisé - et bien souvent usurpé - par tes "ennemis" politiques.
Que la "citoyenneté est liée au paiement des impôts nationaux et des taxes communales", tu le contestes également au nom d'une soi-disant "modernité". Mais ne s'agit-il pas des principaux devoirs auxquels est soumis tout citoyen, en contrepartie des droits dont il bénéficie ? Certains politiciens ont voulu faire croire aux gens que ces devoirs avaient un caractère inique et que les "bons" citoyens étaient ceux qui fraudaient le plus. Je ne te ferai pas l'insulte de te placer parmi ces politiciens souvent qualifiés de "poujadistes".
J'espère que cette discussion épistolaire ne d'arrêtera pas: elle me paraît plus fructueuse que les proclamations de toutes sortes, qu'elles soient le fait de groupes de pression ou de partis politiques.
Sois assuré, cher Camarade, de mes sentiments les meilleurs.
BRUXELLES: REGION ET COMMUNAUTES...
Pierre-Yves LAMBERT (texte non publié, fin 1987 ou fin 1988)
Les garanties obtenues par la minorité flamande dans le nouveau statut de la région bruxelloise pourraient donner l'impression à un observateur étranger non averti qu'à Bruxelles, il n'y a que deux communautés culturelles et que les droits des minorités sont donc respectés par la Constitution..
Ceci serait vrai si l'on faisait abstraction - comme les représentants de la pentapartite et leurs opposants parlementaires - du caractère pluri- (et non bi-) culturel manifeste de la nouvelle région. Ce caractère pluriculturel est en effet totalement ignoré dans le statut régional, qui ne tient compte que des intérêts des deux grandes communautés culturelles institutionnalisées, en délaissant totalement ceux des petites communautés culturelles, non institutionnalisées celles-là, qui constituent pourtant une part non négligeable (plus du tiers) de la population bruxelloise. Ces petites communautés culturelles ne sont certes pas "autochtones" ni représentées par un lobby politique, mais leur existence revêt un caractère indéniable comme l'atteste leur participation active à la vie culturelle de la capitale, notamment par le biais de leurs associations.
Certains objecteront que, les membres de ces communautés étant pour la plupart des non Belges, on ne peut légitimement tenir compte de leur existence sur le plan institutionnel. Cette objection s'avère cependant non pertinente si l'on considère d'une part que la loi belge reconnaît et règlemente au moins deux cultes pratiqués dans leur majorité par des non Belges, l'Islam et le Christianisme orthodoxe, et d'autre part que certaines communautés culturelles "allogènes" comptent déjà parmi leurs membres une majorité de Belges, notamment les Polonais, les Hongrois et les Slovènes.
De plus, si l'on se réfère aux déclarations et aux programmes électoraux de tous les partis actuellement représentés dans l'un ou l'autre exécutif (ainsi que des libéraux), la conception dominante de la politique d'intégration des immigrés accorde une place primordiale à la naturalisation des jeunes de la "deuxième génération", ce qui entraînera inévitablement la "belgicisation" des communautés culturelles auxquelles ils appartiennent.
Il serait donc judicieux de réfléchir, dès maintenant, aux modalités qui permettront l'insertion de ces nouvelles communautés culturelles dans le cadre institutionnel de la Belgique fédéralisée et communautarisée: en feignant d'ignorer cette question, on risque de se trouver, d'ici quelques années, dans une situation de tensions intercommunautaires qui ne manqueront pas d'entraîner de regrettables radicalisations de part et d'autre. Le Québec et certains états des U.S.A. ont déjà connu des situations similaires et y ont apporté des solutions originales et audacieuses dont on pourrait peut-être s'inspirer.
La proposition émise l'an dernier par la Fédération bruxelloise du PS concernant la création à Bruxelles d'un "Haut-commissariat à l'intégration" devrait être remaniée dans le sens d'une représentation institutionnalisée et démocratique de ces "communautés culturelles non autochtones", dans leurs composantes belges et non belges. Cela implique également que les premiers concernés, les "immigrés", commencent à organiser eux-mêmes des débats sur ce sujet afin de ne pas rééditer les erreurs commises par le passé avec les soi-disant "conseils consultatifs" dont la représentativité restait assez douteuse (dans la région bruxelloise du moins). Et pour conclure par une contribution un peu provocatrice (atmosphère pré-électorale oblige) à ce débat, rappelons que certaines propositions de loi déposées dans les années soixante-dix prévoyaient, outre les droits politiques au niveau communal pour les non Belges, l'extension de ces droits au niveau des agglomérations... Et pourquoi ne pas les envisager aussi pour les régions ?
LES IMMIGRES ET LE PS BRUXELLOIS
[P.Y. LAMBERT ] texte non publié, 1988
Dans nos mémoires résonnent encore, sinistres, les résolutions adoptées par la fédération bruxelloise du PS l'an dernier: s'il est inutile d'en rappeler le contenu, reprécisons quand même qu'elles étaient, à l'origine, destinées à élaborer le programme du PS ("national") dont les membres bruxellois avaient été chargés de la rédaction du chapitre "immigration". On pourrait continuer à se lamenter sur cette "malheureuse affaire": ce n'est certes pas notre intention. Il faut à présent analyser les causes et les remèdes éventuels du malaise exprimé par les militants socialistes bruxellois.
Car, au-delà des accusations - en partie justifiées - d'électoralisme adressées aux didreants, et surtout à Picqué et à Moureaux, il ne peut être fait abstraction de l'opinion des militants de base du PS à Bruxelles: certaines interventions lors de réunions de sction, notamment à Saint-Gilles, les récations d'un public "troisième âge" des mutualités socialistes lors d'une conférence de Picqué il y a quelques mois témoignent de la présence d'une xénophobie ouvertement affichée parmi les membres des organisations socialistes.
Une des causes en est certainement le vieillissement desdits militants socialistes, reflet du vieillissement de la population belge à Bruxelles: ce sont probablement les retraités moidestes qui constituent la clientèle privilégiée des Nols et autres Pivin, et qui ont assuré le succès de Picqué aux dernières législatives et provinciales.
Une deuxième cause, qui constitue le pendant logique de la précédente, nous concerne plus directement, et surtout nous interpelle implacablement: si les socialistes bruxellois sont des vieux Belges, c'est qu'il n'y a pas assez de jeunes immigrés (étrangers ou non) adhérant au PS
Et c'est là l'objet de notre article: le remède.
Le remède ? Vous ne voyez pas ? Pourtant, c'est clair: la génération des "socialistes du troisième âge" ne durera pas éternellement et (non, on ne va pas vous conseiller de les supprimer, on est des barbares, mais quand même !) la jeunesse bruxelloise, celle qui va remplacer petit à petit, et de plus en plus vite, la population belge de Bruxelles, c'est nous, la "deuxième génération". Conclusion: si on veut faire correspondre la structure démographique bruxelloise et celle du PS, il faut adhérer au PS
Précisons tout de suite que nous ne sommes pas payés par Philippe, Charles ou un autre pour écrire cet article.
Précisons ensuite que Philippe Moureaux semble encourager la mise en place au sein du PS molenbeekois (etmême au niveau de la Fédération, selon une source bien informée) d'un club de réflexion (sur le modèle français) belgo-immigré, afin de rendre possible un dialogue à la base.
Précisons enfin que les non Belges peuvent aussi devenir membres du PS (et donc influer sur les votes internes), ce que certains de nos aînés ont compris depuis longtemps, mais qu'ils se sont bien gardés de nous dire, réussissant ainsi à s'imposeraux dirigeants socialistes bruxellois comme des interlocuteurs privilégiés et à leurs compatriotes comme les intermédiaires indispensables entre immigrés et politiciens: là aussi, il semble que certains desdits dirigeants*** tentent d'opérer des ouvertures vers des jeunes actifs dans les associations, se rendant compte de l'audience réelle de leurs "interlocuteurs privilégiés" (lesquels auraient d'ailleurs, selon certaines rumeurs, contribué à attirer l'attention de Picqué sur le "péril intégriste", d'où ses interventions très musclées sur ce sujet, qui ont été tempérées après consultation de spécialistes universitaires).
Répondons à l'avance à nos amis et camarades du P.T.B., du P.O.S. et du P.C.B.: nous vous sommes reconnaissants de votre action sur le terrain contre le racisme et pour le droit de vote, et nous espérons de tout coeur qu'un jour les électeurs rendront justice à votre générosité, mais nous pensons qu'il est plus rentable, aujourd'hui, et plus propice à nos intérêts, d'aider ceux des socialistes qui ne nous ont pas encore reniés à freiner les autres et à renverser la vapeur avant qu'il ne soit trop tard: c'est un choix difficile pour certains d'entre nous, mais nous prenons le risque.
Tant qu'on y est, répondons également à ceux qui, dans quelques jours, seront aussi nos camarades, les socialistes bruxellois: n'ayez pas peur de nous, nous ne voulons pas vous "infiltrer" pour prendre sournoisement le pouvoir dans vos sections; notre souhait principal, c'est, comme nousl'avons dit plus haut, de faire correspondre le recrutement du PS à la structure sociale de Bruxelles, et donc d'y prendre une place légitime que nous avons déjà trop tardé à prendre...
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