"Le scandale du vote des Français de l'étranger"
Source: Michel KAJMAN, "Le scandale
du vote des Français de l'étranger", in:
Le Monde - Dossiers et documents (supplément),
Les élections législatives de mars
1978, mars 1978, p.
57
"Votée dans la hâte d'une fin de session
parlementaire, une loi du 19 juillet 1977, destinée à faciliter
le vote des Français résidant à l'étranger, modifiait
certaines dispositions du code électoral (dernier alinéa de
l'article L 12). Cette loi conférait aux Français établis
hors de France la possibilité nouvelle de demander leur inscription
"dans toute commune de plus de trente mille habitants de leur choix" (dans
la limite de 2% des électeurs inscrits dans la commune ou dans chacune
des circonscriptions de la commune), même s'ils n'ont aucun lien de
rattachement avec cette commune.
La mise en uvre de ces dispositions, qui pouvaient
s'appliquer à un électorat potentiel de quelque huit cent
soixante-quinze mille Français de l'étranger, a donné
lieu, dès la fin de l'année 1977, à des critiques qui
ont rapidement pris la proportion d'un scandale.
M. François MITTERRAND allait bientôt
qualifier de "véritable racket" la répartition d'un certain
nombre de demandes d'inscription dans des circonscriptions où les
résultats risquaient de se jouer à quelques centaines de voix.
Révélée par la publication
dans la presse d'un télégramme envoyé au ministère
des affaires étrangères par l'ambassadeur de France au Gabon,
cette opération de ventilation des suffrages "utiles" provoquait,
après un tollé de protestations, l'ouverture de plusieurs actions
judiciaires pénales (notamment à Paris, Montpellier, Marseille,
Grenoble), tandis que de multiples constestations étaient soumises
aux tribunaux d'instance avec des fortunes diverses. Près de 17.000
inscriptions furent remises en cause, le plus souvent à l'instigation
de membres du parti socialiste, mais à peine plus de deux mille radiations
des listes électorales furent prononcées. Des jugements
contradictoires furent rendus. Les uns suggéraient qu'aucune
négligence ou ambiguïté ne doit venir entacher le
caractère rigoureusement personnel du choix de la circonscription
de vote. Plus souvent, les tribunaux d'instance n'ont pas pu ou pas voulu
rechercher ce qui, dans la collecte et dans l'acheminement des inscriptions,
avait pu constituer une abdication de ce choix, admettant parfois, implicitement,
que ce choix pouvait même être délégué.
Sollicitée pour interpréter le silence
de la loi, la Cour de cassation a, par divers arrêts rendus à
la suite de pourvois, laissé planer le doute.
De sorte qu'à la veille des élections
législatives ni l'ampleur exacte d'opérations de "saupoudrage"
de voix au demeurant incontestables, ni le rôle joué par certains
postes diplomatiques et par une association (le Rassemblement des français
de l'étranger) créée pour la circonstance, n'étaient
exactement connus.
L'"affaire" du vote des Français de
l'étranger, encore appelée à de nombreux
développements, a entaché la consultation d'un soupçon
de tentative de fraude "légale"."
N.B.: Quinze RPR et 13 UDF furent élus
avec une marge inférieure à 1%. Au total, sur 491 élus,
la droite en obtint 290, soit 89 de plus que la gauche.