débats sur le négationnisme du génocide arménien
Bruxelles, le 23 mai 2005
Communiqué de presse du cdH
Rendre praticable le projet de loi modifiant la loi de 1995 tendant à réprimer la négation, la minimisation, la justification ou l'approbation du génocide commis par le régime national-socialiste allemand pendant la seconde guerre mondiale
Le Bureau politique du cdH a analysé aujourd'hui le projet de loi en question.
Il est arrivé aux conclusions suivantes :
1. Il réaffirme bien sûr clairement qu'il a toujours considéré qu'il y a bien eu un génocide arménien. Joëlle Milquet avait d'ailleurs signé, et le cdH voté, en 1998 la résolution demandant au gouvernement de l'époque de reconnaître le génocide arménien, et ce tout comme le MR, le PS et Ecolo. Le cdH a en outre voté vendredi dernier avec le PS, le MR et Ecolo, une résolution au Parlement bruxellois qui dans ses considérations évoque également l'existence du génocide arménien.
2. Le cdH souhaite donc recibler la discussion relative au projet de loi modifiant la loi de 1995 sur le vrai problème exclusivement juridique qu'il suscite et qui n'est en rien et ne doit sûrement pas devenir un faux combat entre les Turcs et les Arméniens.
Le problème n'est en effet pas celui-là mais bien celui de l'étendue trop large et donc impraticable du texte du projet de loi actuel. La loi actuelle vise à réprimer le négationnisme à l'égard de la shoah et donc l'antisémitisme. Le projet de loi déposé par la Ministre de la Justice étend l'infraction de négationnisme à tous ceux qui nient, miniminisent grossièrement, cherchent à justifier ou approuvent tous les génocides mais également tous les crimes contre l'humanité non seulement reconnus par une juridiction internationale mais également par une juridiction belge ou celle d'un Etat membre de l'Union européenne.
Le texte au départ déposé à la Chambre n'avait pour objectif que d'adapter le droit belge au Protocole du Conseil de l'Europe qui permet à un Etat d'incriminer le négationnisme à l'égard des génocides et des crimes contre l'humanité reconnus par les juridictions internationales. Le bon sens demande sans doute d'en rester là car l'étendue actuelle notamment aux juridictions nationales des vingt-cinq Etats membres risque d'entraîner plusieurs problèmes objectifs :
- tout d'abord, un problème d'information : une personne passible selon le projet de sanction pénale peut très bien ne pas savoir qu'il " chercherait à justifier " ou " minimiserait grossièrement " un crime contre l'humanité dont il n'a pas connaissance et qui aurait été reconnu par une juridiction nationale d'un autre Etat membre à l'égard de laquelle aucune publicité n'aurait été faite;- ensuite, un problème de contradiction et d'insécurité juridique : il existe de grands risques de contradictions entre des qualifications de génocide ou de crimes contre l'humanité reconnus par une juridiction nationale et non reconnus ou qualifiés d'une autre façon par une autre juridiction nationale ou internationale. Quelle sera celle qui prévaudra dans l'espace et dans le temps sachant qu'à la clef, il s'agit de dispositif pénal et donc de risque d'emprisonnement ? Le droit pénal exige de la clarté dans la définition même de l'infraction. Il va sans dire que les amendements qui étendent encore plus ce texte à ceux d'assemblées parlementaires nationales ou européennes risquent de renforcer l'impraticabilité de cette loi même si leur objectif est légitime et que nous pouvons largement le partager.
Aussi, pour éviter de voter demain une loi qui risque d'être dans les faits impraticables, il convient que le texte soit réexaminé en profondeur par le Sénat à l'aide d'experts juristes. Une expertise ou des auditions seraient donc plus que nécessaires et seront demandées par le cdH. Un amendement au texte du projet sera également déposé.
La réflexion du cdH vise uniquement à éviter qu'on en revienne dans quelques semaines, voire quelques mois, aux mêmes circonstances qu'au moment du changement de la loi sur la compétence universelle.
Le cdH par contre est évidemment prêt à s'inscrire activement dans toute autre initiative parlementaire collective visant à reconnaître le génocide arménien au-delà de la résolution déjà adoptée sur ce point en 1998 mais dans le cadre alors d'un outil juridique plus adapté.
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Pour tous renseignements complémentaires :
Alain Raviart (GSM : 0474/610.810).