débats sur le négationnisme du génocide arménien
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Mis en ligne le 18/05/2005La Libre Belgique
Arménie/Belgique
Querelle sur le génocide arménien
Ch.Ly. (Christophe Lamfalussy)
En Belgique, côté francophone, la question arménienne suscite subitement des passions.
Libéraux et écologistes souhaitent inclure le génocide arménien dans la loi sur le négationnisme.
Le PS et le CDH freinent.
Le Mouvement réformateur (MR) et les écolos ont déposé mardi en commission de la Justice du Sénat belge un amendement qui pourrait permettre de punir d'emprisonnement et d'amendes toute personne niant le génocide arménien.
Les deux amendements visent à étendre encore davantage l'application de la loi sur le négationnisme (1995) concernant les atrocités commises par les nazis pendant la seconde guerre mondiale. Dans un premier temps, le toilettage prévoyait d'étendre cette loi aux génocides reconnus par un tribunal international, par le Conseil de sécurité de l'Onu ou par une décision juridique belge. Ceci aurait exclu le génocide arménien, ce qui a suscité d'abord des réactions de la petite communauté arménienne de Belgique (environ 7000 personnes), puis, hier, le dépôt des deux amendements.
Tant le MR qu'Ecolo proposent d'ajouter à la liste le Parlement européen (PE), qui a condamné dès 1987 le génocide arménien. «Le PE bénéficie d'une grande légitimité démocratique et représente 450 millions d'habitants», justifie le MR.
Tiédeur? Le PS répond
En raison d'un agenda chargé, le débat au Sénat a été reporté à une prochaine réunion. Mais le sujet fait déjà l'objet d'une polémique très belgo-belge sur fond électoral. Les deux partis reprochent au PS sa tiédeur dans ce dossier, l'accusant de chercher à ménager son électorat turcophone. Emir Kir notamment, le secrétaire d'Etat bruxellois, est en effet un grand pourvoyeur de voix pour le PS dans le quartier de la chaussée de Haecht.
Une petite phrase de Philippe Moureaux, le vice-président du PS, sur RTL-TVI, le 8 mai, a achevé de les convaincre. A la question «Peut-on douter du génocide arménien?», le bourgmestre de Molenbeek avait confié sa peur «qu'à vouloir faire monter tous les grands massacres de l'Histoire au même niveau, c'est une manière de descendre la gravité, l'immense gravité de la Shoah». En d'autres mots, il n'y aurait qu'un grand génocide, celui des Juifs.
Aux accusations sur sa tiédeur, le PS a répondu par un communiqué, mardi, dans lequel il affirme qu' «il reconnaît l'existence du génocide arménien. Il ne peut y avoir aucun doute sur la position du PS».
Les socialistes estiment en fait que les aménagements faits à la loi de 1995 visent à mettre en ordre le droit belge en conformité avec la législation du Conseil de l'Europe sur la cybercriminalité. «Il ne peut être question de galvauder dans un texte pénal une notion aussi importante que celle de génocide», écrit-il. Le CDH adopte une position semblable en affirmant que «le MR confond un peu les outils, même si l'intention est louable».
Cette réponse ne convainc pas Isabelle Durant, l'une des représentantes d'Ecolo à la commission de la Justice. «Si on considère qu'il n'y a pas de doute sur le génocide arménien, il ne devrait pas y avoir de doute que des propos négationnistes puissent être condamnés», dit-elle. A l'instar du Sénat français, Ecolo souhaite aussi l'adoption d'une loi affirmant que la Belgique reconnaît le génocide arménien, au-delà de la résolution passée par le Sénat en 1998, à l'initiative d'ailleurs... du socialiste Philippe Mahoux.
Erdogan très irrité
Ankara juge «irresponsables» les parlements qui se prononcent sur les massacres commis pendant la Première Guerre mondiale sur les Arméniens, comme cela s'est passé récemment en Pologne et en Argentine. «Si ceci continue, nous allons commencer à reconnaître les génocides commis par d'autres pays dans notre parlement», a averti le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan.