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débats sur le négationnisme du génocide arménien

Les propositions du MRAX sur la répression de la négation des génocides des Arméniens, des Juifs et des Tutsi

M.R.A.X. a.s.b.l.

Mouvement contre le Racisme,

l'Antisémitisme et la Xénophobie

SENAT DE BELGIQUE

A Mesdames les Sénatrices

A Messieurs les Sénateurs

Place de la Nation 1

1009 Bruxelles

Bruxelles, le 3 juin 2005

Nos Réf.: M.R.A.X./RB/2005/lt.39

Objet: Débats en cours sur la répression de la négation, la minimisation, la justification ou l'approbation du génocide arménien commis de 1915 à 1917 par le régime jeune-turc ottoman

Propositions d'amendement

La Commission de la Justice du Sénat s'est réunie le mardi 31 mai dernier pour débattre de la négation, la minimisation, la justification ou l'approbation du génocide arménien commis de 1915 à 1917 par l'Empire jeune-turc ottoman, motif pour lequel plusieurs d'entre vous ont demandé l'évocation du projet de loi respectif et nous les en remercions.

Les interventions des un-e-s et des autres furent intéressantes et, pour le respect de notre démocratie, certaines d'entre elles doivent appeler notre approbation (ex: objection de la Ministre de la Justice qui, au nom de la séparation des pouvoirs, refuse - à juste titre - de voir initier des poursuites pénales sur la base d'une résolution prise par un organe parlementaire, etc.).

Cela étant, nous ne pouvons vous cacher notre embarras et même notre inquiétude, en ce que le débat nous paraît s'être écarté de sa raison d'être.

Les amendements en présence ont porté les discussions sur des controverses juridiques... il ne pouvait d'ailleurs pas en être autrement tellement la définition d'un génocide (ou crime contre l'humanité) telle que formulée par le droit international, ne suffit pas seule à accorder ceux qui reconnaissent et ceux qui contestent la qualité de génocide à tel ou tel massacre dans le monde. Tout autre critère (reconnaissance par un jugement définitif d'un tribunal international dont la juridiction a été reconnue par la Belgique, reconnaissance par une assemblée parlementaire nationale ou européenne, etc.) ne fait donc qu'ajouter de la confusion là où il devrait marquer les contours.

Assurément, le problème n'est pas là.

Pour la principale et plus ancienne organisation antiraciste belge que nous sommes et qui est d'ailleurs née à la suite du génocide nazi, la tension réside dans le fait qu'au jour du présent courrier et depuis plusieurs mois, nos concitoyen-ne-s arménien-ne-s ou d'origine arménienne subissent d'insupportables atteintes à leur histoire, histoire sur laquelle nous ne reviendrons pas puisqu'à ce jour, il ne fait plus aucun doute que chaque parti démocratique reconnaît comme génocide les terribles massacres savamment réalisés, à partir de critères ethniques, par le régime jeune-turc ottoman dès 1915.

Cette reconnaissance n'est cependant pas le fait de tou-te-s nos concitoyen-ne-s. Ces dernières semaines ont en effet mit la lumière sur des manifestations publiques, des déclarations, des commentaires sur internet, des écrits, des images ou des emblèmes, qui n'ont d'autre but que de chercher à justifier, de minimiser grossièrement ou de nier ledit génocide. Même le monument dressé en hommage aux victimes du génocide à Ixelles fait régulièrement l'objet de contestations publiques. Que faire?

Si nous sommes très attachés à la liberté d'expression, nous pensons toutefois que les libres manifestations d'opinions doivent être combattues lorsque, d'une part, elles menacent notre démocratie en tendant de réhabiliter une idéologie génocidaire raciste et, d'autre part, elles offensent la mémoire des victimes du génocide et leurs survivant-e-s.

Dans notre passé, nous avons connu un précédent: des faits similaires de nature antisémite confondaient notre démocratie et harcelaient nos concitoyen-ne-s juifs et juives à un point tel que la loi du 23 mars 1995 tendant à réprimer la négation, la minimisation, la justification ou l'approbation du génocide commis par le régime national-socialiste allemand pendant la seconde guerre mondiale fut adoptée.

La constitutionnalité de cette loi n'a posé aucun problème, puisque la Cour d'arbitrage a admis "que le législateur intervienne de manière répressive lorsqu'un droit fondamental est exercé de manière telle que les principes de base de la société démocratique s'en trouvent menacés et qu'il en résulte un dommage inacceptable pour autrui" (arrêt n°45/96 du 12 juillet 1996, B.7.15.)

Cette loi pénale, qui limite la liberté d'expression sans aucunement empêcher la recherche historique objective et scientifique relative au génocide nazi, répondait en effet à un besoin social impérieux. Nous estimons aujourd'hui qu'un besoin social impérieux de même nature rend nécessaire une réaction similaire en matière de génocide arménien.

C'est pourquoi, nous soumettons à votre meilleure attention deux propositions d'amendement au projet de loi dont question (qui entend mettre le droit belge en conformité avec la convention et le protocole du Conseil de l'Europe en matière de cybercriminalité, sans que, pour rappel, la Belgique y soit tenue):

celle d'amender l'actuel article 7 du projet de loi dont question, par le passage suivant:

"L'intitulé de la loi du 23 mars 1995 tendant à réprimer la négation, la minimisation, la justification ou l'approbation du génocide commis par le régime national-socialiste allemand pendant la seconde guerre mondiale, est remplacé par l'intitulé suivant:

"Loi tendant à réprimer la négation, la minimisation, la justification ou l'approbation du génocide commis par le régime jeune-turc ottoman pendant la première guerre mondiale, le génocide commis par le régime national-socialiste allemand pendant la seconde guerre mondiale et le génocide commis par le régime hutu power rwandais en 1994";

celle d'amender l'actuel article 8 du projet de loi dont question, par le passage suivant:

"L'article 1er de la même loi est remplacé par la disposition suivante:

"Article 1er.

Est puni d'un emprisonnement de huit jours à un an et d'une amende de vingt-six à cinq mille francs quiconque, dans l'une des circonstances indiquées à l'article 444 du Code pénal, nie, minimise grossièrement, cherche à justifier ou approuve le génocide commis par le régime jeune-turc ottoman pendant la première guerre mondiale, le génocide commis par le régime national-socialiste allemand pendant la seconde guerre mondiale et le génocide commis par le régime hutu power rwandais en 1994.

Pour l'application de l'alinéa précédent, le terme génocide s'entend au sens de l'article 2 de la Convention internationale du 9 décembre 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide.

Le condamné peut, en outre, être condamné à l'interdiction conformément à l'article 33 du Code pénal".

Vous constaterez que nous ne retenons que trois génocides; nous assumons pleinement cette "limitation" au champ d'application de la loi, car, restreignant la liberté d'expression et ayant des conséquences pénales importantes, cette loi se doit d'être particulière, exceptionnelle et hermétique à toute portée générale et abstraite en matière de génocide. Cela va sans dire, nous ne contestons évidemment pas l'existence d'autres génocides; simplement, au regard de notre travail au quotidien, seule la négation, dans ses diverses formes, de ces trois génocides s'est multipliée ces dernières années dans notre pays. Si demain la contestation du génocide des Khmers rouges, par hypothèse, posait problème à notre paix sociale, il sera alors temps de modifier, une nouvelle fois, la loi pour l'y inclure.

Enfin et pour rappel, le 26 mars 1998, votre haute assemblée elle-même a adopté une résolution "relative au génocide des Arméniens de Turquie en 1915". A cet égard, nous avons insisté, dans la lettre que nous vous avions adressée le 9 mai dernier, sur la nécessite de ne pas suggérer une hiérarchie entre les divers comportements négationnistes (ceux dont la négation du génocide est punie et d'autres pas). Nous réinsistons à nouveau car dans le cas contraire, vous n'empêcherez pas une hiérarchie entre les diverses victimes de racisme (celles dont la négation du génocide est punie et d'autres pas), et, par là même, une incitation à la concurrence entre elles.

L'enjeu est d'autant plus important que nos concitoyen-ne-s arménien-ne-s ou d'origine arménienne, ouverts aujourd'hui, risqueraient de "se communautariser" demain, convaincus qu'ils seraient d'être les seuls à pouvoir défendre la mémoire de leur histoire.

Nos deux propositions d'amendement sont la contribution modeste d'une association antiraciste qui lutte au jour le jour contre toutes les formes de racisme et de xénophobie. Nous en avons besoin pour mener efficacement notre combat citoyen. Elle est une exigence pour notre société. Nous comptons vraiment sur votre bon accueil en la matière.

Nous restons bien entendu à votre disposition pour évoquer plus profondément les réflexions brièvement ci-exposées.

En vous remerciant par avance pour votre attention, nous vous prions de croire, Mesdames les Sénatrices, Messieurs les Sénateurs, en l'assurance de notre considération distinguée.

Radouane BOUHLAL, Président


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