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débats sur le négationnisme du génocide arménien

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1-736/2 1-736/2

Sénat de Belgique

SESSION DE 1997-1998

17 MARS 1998

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Proposition de résolution relative au génocide des Arméniens de Turquie en 1915

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RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES PAR M. BOURGEOIS

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I. DISCUSSION

L'auteur de la proposition de résolution explique que le texte est assez spécifique en ce qui concerne la définition du terme génocide. La proposition fait référence à la résolution du 18 juin 1987 du Parlement européen. La proposition de résolution a pour objectif une reconnaissance du génocide du peuple arménien en Turquie en 1915 dans un but de reconnaissance des faits et de responsabilité.

En 1915, le gouvernement jeune-turc de l'Empire ottoman entreprit l'élimination physique de tous les Arméniens de son territoire. Ce génocide, perpétré au plus fort de la Première Guerre mondiale, aboutit aux résultats escomptés puisque la population arménienne, estimée à deux millions de personnes avant la guerre, fut réduite pratiquement à néant. Un million et demi d'Arméniens avaient péri, et environ 500 000 avaient pu s'exiler pour échapper aux massacres.

La date du 24 avril, jour de l'arrestation de 270 notables arméniens de Constantinople (Istanbul), devait marquer le commencement de la campagne d'extermination.

Le génocide des Arméniens est considéré comme « le premier génocide du siècle ».

Un membre estime important d'adopter cette résolution. Actuellement, il y a en Belgique 5 000 Arméniens qui attendent tous le vote de cette résolution. Pour eux, il importe beaucoup que ce premier génocide soit reconnu historiquement.

Un autre membre réitère les réserves qu'il a formulées précédemment concernant le sens et l'utilité de l'acceptation de cette résolution. Des autres moyens devraient être utilisés pour s'exprimer.

Un membre partage l'opinion de l'intervenant. Quel est l'intérêt de remuer des sentiments anciens qui n'ont pas été vécus par les dirigeants qui sont en place actuellement en Turquie ? Cette résolution aura un effet négatif et peut même provoquer l'effet contraire à la pacification que cette résolution recherche.

L'auteur de la proposition de résolution se déclare étonné par les réactions. Il est vrai qu'il ne faut pas multiplier les résolutions surtout quand elles sont sans effet. Il ne faut pas banaliser la réalité. Trois génocides ont eu lieu au cours du XX e siècle, la présente proposition vise précisément à faire reconnaître le caractère génocidaire des massacres de 1915 par le plus grand nombre possible de pays.

Un membre souhaite émettre des réserves en ce qui concerne la proposition de résolution à l'examen. L'on demande au gouvernement turc actuel de reconnaître le génocide de 1915. Les faits confirment qu'il y a eu un génocide, mais, en Turquie, il y a une rupture historique totale entre la période d'avant et celle d'après les années 20. Le génocide a eu lieu sous la dictature du régime ottoman. L'arrivée d'Ataturk a fait naître une autre Turquie. Dès lors, il est difficile de demander au gouvernement actuel de reconnaître ce génocide.

Un autre membre se joint aux réserves exprimées par certains membres au sujet d'événements qui ont eu lieu en 1915 et qui se référaient à un gouvernement de l'Empire ottoman.

Un autre membre encore fait remarquer qu'en Russie, le gouvernement actuel a exprimé ses regrets à propos de l'assassinat du dernier tsar, en 1917.

II. VOTE

La proposition de résolution a été adoptée par 6 voix et 2 abstentions.

Le présent rapport a été approuvé par 7 voix et 1 abstention.

Le rapporteur,

André BOURGEOIS. Le président,

Valère VAUTMANS.

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ANNEXE

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RÉSOLUTION

sur une solution politique de la question arménienne

Le Parlement européen,

­ vu la proposition de résolution déposée par M. Saby et autres signataires, au nom du groupe socialiste, sur une solution politique de la question arménienne (doc. 2-737/84),

­ vu la proposition de résolution de M. Kolokotronis sur la question arménienne et la proclamation du 24 avril comme journée de souvenir du génocide arménien (doc. B2-360/85),

­ vu le rapport de sa commission politique (doc. A2-33/87),

A. rappelant

­ la proposition de résolution de M. Jaquet et consorts sur la situation du peuple armémien (doc. 1-782/81),

­ la proposition de résolution déposée par Mme Dupont et M. Glinne, au nom du groupe socialiste, sur une solution politique arménienne (doc. 1-735/83), et

­ la question écrite de Mme Dupont sur la question arménienne (1),

­ la résolution des ministres responsables des Affaires culturelles, réunis au sein du Conseil du 13 novembre 1986, relative à la conservation du patrimoine architectural européen ( 2), y compris celui situé en dehors du territoire communautaire,

B. convaincu que la reconnaissance de l'histoire même du peuple arménien en Turquie implique la reconnaissance de son identité en tant que minorité ethnique, culturelle, linguistique et religieuse,

C. considérant que les Arméniens qualifient ces événements de génocide organisé, au sens de la Charte des Nations Unies de 1948,

D. considérant que l'État turc rejette l'accusation de génocide comme non fondée,

E. constatant que jusqu'à ce jour, le gouvernement turc, par son refus de reconnaître le génocide de 1915, continue de priver le peuple arménien du droit à sa propre histoire,

F. considérant que jusqu'à présent, le génocide arménien, historiquement prouvé, n'a donné lieu à aucune condamnation politique, ni à aucune réparation en conséquence,

G. considérant que la reconnaissance du génocide arménien par la Turquie doit dès lors être vue comme un acte profondément humain de réhabilitation morale envers les Arméniens qui ne peut que faire honneur au gouvernement turc,

H. regrettant profondément et condamnant le terrorisme absurde de groupes d'Arméniens responsables, entre 1973 et 1986, de plusieurs attentats, réprouvés par une écrasante majorité du peuple arménien, ayant causé la mort ou blessé d'innocentes victimes,

I. considérant que l'attitude intransigeante devant la question arménienne des gouvernements turcs qui se sont succédé n'a contribué en aucune manière à apaiser la tension ;

1. est d'avis que la question arménienne et la question des minorités en Turquie doivent être restituées dans le cadre des relations entre la Turquie et la Communauté; souligne en effet que la démocratie ne peut être implantée solidement dans un pays qu'à condition que celui-ci reconnaisse et enrichisse son histoire de sa diversité ethnique et culturelle;

2. est d'avis que les événements tragiques qui se sont déroulés en 1915-1917 contre les Arméniens établis sur le territoire de l'Empire ottoman constituent un génocide au sens de la Convention pour la prévention et la répression de crime de génocide, adoptée par l'Assemblée générale de l' O.N.U. le 9 décembre 1948; reconnaît cependant que la Turquie actuelle ne saurait être tenue pour responsable du drame vécu par les Arméniens de l'Empire ottoman et souligne avec force que la reconnaissance de ces événements historiques en tant que génocide ne peut donner lieu à aucune revendication d'ordre politique, juridique ou matérielle à l'adresse de la Turquie d'aujourd'hui;

3. demande au Conseil d'obtenir du gouvernement turc actuel la reconnaissance du génocide commis envers les Arméniens en 1915-1917 et de favoriser l'instauration d'un dialogue politique entre la Turquie et les délégués représentatifs des Arméniens;

4. estime que le refus de l'actuel gouvernement turc de reconnaître le génocide commis autrefois contre le peuple arménien par le gouvernement « jeunes Turcs », sa réticence à appliquer les normes du droit international dans ses différends avec la Grèce, le maintien des troupes turques d'occupation à Chypre ainsi que la négation du fait kurde, constituent, avec l'absence d'une véritable démocratie parlementaire et le non-respect des libertés individuelles et collectives, notamment religieuses, dans ce pays, des obstacles incontournables à l'examen d'une éventuelle adhésion de la Turquie à la Communauté;

5. s'associe, vu la tragédie qui a frappé le peuple arménien, au désir de celui-ci que se développe une identité spécifique, que soient garantis ses droits de minorité et que ses ressortissants puissent bénéficier sans entrave des droits de l'homme et du citoyen, tels qu'ils sont définis dans la Convention européenne des droits de l'homme et ses protocoles y afférents;

6. demande instamment que la minorité arménienne vivant en Turquie soit traitée équitablement en ce qui concerne son identité, sa langue, sa religion, sa culture et son système d'enseignement; défend énergiquement l'amélioration de la protection des monuments ainsi que le maintien et la conservation du patrimoine architectural religieux des Arméniens de Turquie, et souhaite que la Communauté étudie de quelle façon il convient qu'elle prête son concours à cette fin;

7. invite, dans ce contexte, la Turquie à observer scrupuleusement le régime de protection des minorités non musulmanes, comme le lui imposent les articles 37 à 45 du traité de Lausanne de 1923, que la plupart des États membres de la Communauté ont d'ailleurs signé;

8. estime qu'il faut considérer la protection des monuments ainsi que le maintien et la conservation du patrimoine architectural religieux des Arméniens de Turquie comme un élément d'une politique plus large visant à préserver le patrimoine culturel de toutes les civilisations qui se sont développées, au cours des siècles, sur le territoire de la Turquie actuelle et, en particulier, celui des minorités chrétiennes qui ont fait partie de l'Empire ottoman;

9. invite par conséquent la Communauté à étendre l'accord d'association avec la Turquie au domaine culturel afin que les vestiges des civilisations chrétiennes ou autres, telles que d'antiquité classique, hittite, ottomane, etc., dans ce pays soient préservés et mis en valeur;

10. se déclare préoccupé par les difficultés que la communauté arménienne rencontre actuellement en Iran en ce qui concerne la pratique de sa langue et l'organisation d'un enseignement spécifique conformément aux règles de sa religion;

11. dénonce les violations des libertés individuelles en Union soviétique commises à l'encontre de la population arménienne;

12. condamne avec fermeté tous les actes de violence et toutes les formes de terrorisme émanant d'organisations isolées et qui ne sont pas représentatives du peuple arménien, et appelle les Arméniens et les Turcs à la réconciliation;

13. invite les États membres de la Communauté à instituer une journée commémorant les génocides et les crimes contre l'humanité commis au XXe siècle, et en particulier ceux dont ont été victimes les Arméniens et les Juifs;

14. réaffirme son engagement de contribuer véritablement aux initiatives visant à promouvoir les négociations entre les peuples arménien et turc;

15. charge son président de transmettre la présente résolution à la Commission, au Conseil européen, aux ministres des Affaires étrangères réunis dans le cadre de la coopération politique, au Conseil d'Association C.E.E./Turquie ainsi qu'aux gouvernements turc, iranien et soviétique et au Secrétariat général des Nations unies.

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(1) J.O. nº C 216 du 16 août 1984, p. 10.

(2) J.O. nº C 320 du 13 décembre 1986, p. 1

 


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