www.suffrage-universel.be

débats sur le négationnisme du génocide arménien

 

Le Soir 14 mai 2005 (page 1)

Génocide arménien: Malaise au PS

La loi sanctionnera-t-elle bientôt, en Belgique, la négation du génocide arménien et de tout autre crime contre l'humanité, au même titre que la négation du génocide juif ? C'est l'objectif du projet de loi qui sera soumis à la commission de la Justice du Sénat, mardi. L'essentiel des partis de la majorité comme de l'opposition se sont déclarés favorables à l'ouverture de ce débat. A l'exception des socialistes, qui multiplient les déclarations, ces dernières semaines, pour évoquer non le « génocide », mais les « massacres » perpétrés par l'Empire ottoman, entre 1915 et 1917, causant plus d'un million de morts.

L'initiative parlementaire a déclenché de vives réactions de désapprobation et un lobbying intense au sein de la communauté turque de Belgique, notamment par l'intermédiaire de ses élus, qui s'alignent, de plus en plus nombreux, sur la position qui consiste à ne pas reconnaître le génocide tant qu'une commission « indépendante » d'historiens n'a pas statué sur la question. Au MR, deux conseillers communaux d'origine turque qui ont publiquement évoqué « le prétendu génocide arménien » sont convoqués au Conseil de discipline du parti, la semaine prochaine.

Le PS, lui, se montre moins entreprenant face aux déclarations controversées de son secrétaire d'Etat bruxellois, Emir Kir. (RICARDO GUTIERREZ, Le Soir, 14 mai 2005, page 1)

***

(page 6)

Débat tendu, au Sénat, sur la négation du génocide perpétré par l'Empire ottoman

Le génocide arménien: gêne au PS ?

Punir la négation du génocide arménien ? Le Sénat ouvre le débat, mardi. Sur fond de controverse. Les socialistes sont embarrassés par le projet de loi.

Nier le génocide arménien sera sans doute bientôt punissable, en Belgique. Du moins si le projet de loi adopté par la Chambre est à son tour voté par le Sénat. Les débats reprennent mardi... Une initiative parlementaire qui provoque de vives réactions de désapprobation au sein de la communauté turque de Belgique. Et qui suscite un malaise certain au PS, où on ne parle plus de « génocide », ces dernières semaines, mais de « massacres » des Arméniens...

Les socialistes francophones, par la voix du sénateur Philippe Mahoux, avaient pourtant été à l'initiative de la résolution du Sénat invitant le gouvernement turc à reconnaître la réalité du génocide perpétré en 1915. Un appel cosigné, notamment, par Guy Verhofstadt (VLD), et Joëlle Milquet (CDH), en 1998.

Sept ans plus tard, le PS et le SP.A sont, avec l'extrême droite, parmi les rares formations qui ont refusé de soutenir la demande d'évocation déposée par le sénateur MR François Roelants afin que le Sénat entame un débat sur le négationnisme... Objectif annoncé : étendre le champ d'action de la loi qui réprime la négation du génocide nazi à l'ensemble des génocides et des crimes contre l'humanité reconnus par le droit international.

Dix sénateurs MR, 10 VLD, 9 CD&V, 3 CDH, 2 Ecolos et un indépendant ont soutenu l'ouverture d'un débat. Pas le PS. A-t-il changé d'avis ? Dimanche dernier, le vice-président du PS, Philippe Moureaux, interrogé par nos confrères de RTL-TVi sur le génocide arménien, répondait qu'on ne pouvait pas douter « des grands massacres » (NDLR : d'Arméniens). J'ai toujours un peu peur, ajoutait-il, qu'à vouloir monter tous les grands massacres de l'histoire au même niveau, c'est une manière de descendre la gravité, l'immense gravité de la Shoah.

Quelques jours plus tôt, interpellé au Sénat sur le génocide commis contre le peuple arménien, le secrétaire d'Etat aux Affaires européennes, Didier Donfut (PS), avait usé des mêmes précautions sémantiques, préférant également parler de « massacre » plutôt que de « génocide ».

Aux yeux de François Roelants, l'attitude du PS est clairement électoraliste : Les élections communales approchent et la population d'origine turque représente quelque 120.000 personnes, en Belgique, alors que les Arméniens sont à peine 7.000... Le sénateur estime qu'il revient aux partis de prendre leurs responsabilités face au discours qui nieraient le génocide : Une attitude qui a conduit le MR à convoquer au Conseil de discipline du parti, la semaine prochaine, les deux élus communaux d'origine turque qui se sont exprimés publiquement sur « le prétendu génocide arménien ».

Le problème du PS, commente cet autre observateur, c'est la position du secrétaire d'Etat bruxellois Emir Kir qui admet l'existence de « massacres » et de « déplacements de population », mais s'empresse de préciser que « parler d'un génocide est un pas que je me refuse à franchir tant qu'une commission indépendante d'historiens n'aura pas qualifié ces faits ».

Le PS a tout intérêt à clarifier sa position, commente Radouane Bouhlal, président du Mouvement contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie (Mrax), qui a adressé un courrier aux sénateurs afin de les inviter à ne pas suggérer une hiérarchie entre les divers comportements négationnistes... Le législateur doit veiller à ne laisser aucun doute ni aucune ambiguïté sur l'application de la future loi au génocide arménien.

Et de regretter que certains de nos concitoyens continuent à justifier, minimiser ou même nier cette terrible atteinte à l'humanité, savamment réalisée à partir de critères ethniques et religieux... Aux yeux de Radouane Bouhlal, le PS doit inciter Emir Kir à se positionner clairement : Est-il solidaire ou pas de la résolution votée par le Sénat en 1998 à l'initiative de son propre parti ?

Le débat s'annonce tendu, mardi, en commission Justice du Sénat. D'autant qu'un vote est attendu en séance plénière avant les vacances d'été. (RICARDO GUTIERREZ, Le Soir, 14 mai 2005, page 6)

Arménie, 1915-1917 : plus d'un million de victimes

Pour les autorités arméniennes, le 24 avril 1915 fut le début d'un génocide qui coûta la vie à plus d'un million de personnes. Un génocide que la Turquie se refuse, jusqu'ici, à reconnaître. Ce jour-là, l'arrestation de 200 chefs arméniens marque le début d'une période sanglante pour la petite communauté de l'est du plateau anatolien.

Au début de la Première Guerre mondiale, le territoire arménien est déchiré entre les Russes (alliés de la France et de la Grande-Bretagne) et les Turcs (alliés de l'Allemagne et de l'Autriche) qui livrent combat dans la région. Les Arméniens sont encouragés par les Russes à se battre à leurs côtés. La répression menée par les Turcs ottomans sera terrible. Premiers massacres en janvier 1915, premières déportations en avril. Les mois suivants, les exécutions sommaires sont légion. Les déportations vers le sud se déroulent dans des conditions épouvantables, laissant le bord des routes jonché de cadavres, vidant l'est de la Turquie de sa population arménienne. Suivra bientôt la déportation des Arméniens vivant dans le reste de l'empire. Beaucoup de survivants essaimeront à travers le monde.

Indépendante depuis 1991, l'Arménie n'a de cesse d'exiger que soit reconnu « son » génocide. La France a accédé officiellement à cette demande en 2000. En 1998, le Sénat belge a invité la Turquie à « reconnaître la réalité du génocide ». (P. Ma., Le Soir, 14 mai 2005, page 6)

De plus en plus d'élus d'origine turque

Candidats. Sur la trentaine de candidats d'origine turque les plus en vue au cours des derniers scrutins organisés en Belgique (fédéraux, communautaires, régionaux et communaux), 7 se présentaient sous les couleurs du MR, 6 au CDH, 4 chez Groën, 3 au CD&V, 3 au PS, 3 au SP.A, 2 chez Ecolo et 1 au FDF.

Elus. Quatre citoyens d'origine turque ont été élus au sein des assemblées fédérales et régionales. Trois autres assument les fonctions d'échevins dans leur entité...

Sénat. Fatma Pehlivan (SP.A-Spirit), professeur de coupe et couture, cooptée en 2001, élue directe en 2003.

Chambre. Cemal Cavdarli (SP.A-Spirit), imam gantois, premier député belge d'origine turque en tant que suppléant appelé à remplacer la ministre Freya Van Den Bossche depuis le 14 juillet 2003.

Parlement bruxellois. Emir KIR (PS), candidat en sciences politiques, élu en 2004, devient secrétaire d'Etat régional à la Propreté et aux Monuments et Sites en juillet 2004 ; et Emin Özkara (PS), gradué en travaux publics, élu en 2004.

Echevins. Nezahat Namli, 36 ans, employée, échevine MR des Crèches, de la Petite Enfance et de la Propreté à Saint-Josse ; Sait Köse, administrateur de société, échevin FDF des Finances, de la Jeunesse et des Sports à Schaerbeek ; Selahettin Kocak, échevin (SP.A) de l'Environnement et des Sports à Beringen .

Source. Pour en savoir plus sur les candidats et élus d'origine non européenne en Belgique, consulter le site de Pierre-Yves Lambert à l'adresse http://users.skynet.be/suffrage-universel/be/bemiel.htm (R.G. Le Soir, 14 mai 2005, page 6)


www.suffrage-universel.be

débats sur le négationnisme du génocide arménien