débats sur le négationnisme du génocide arménien
LE_SOIR | le 2005-06-11 | page 5 |
Négationnisme - Le vice-Premier et président du MR réplique au PS qui a renvoyé à plus tard l'examen de la loi au Sénat
Reynders déterre le génocide arménien
Pas question d'enterrer le débat sur la négation du génocide arménien. Didier Reynders (MR) exige la réouverture du dossier en septembre.
ENTRETIEN
RICARDO GUTIÉRREZ
La ministre PS de la Justice, Laurette Onkelinx, a obtenu, au Sénat, le report du débat visant à étendre la portée de la loi qui sanctionne la négation du génocide des Juifs à d'autres génocides, notamment celui des Arméniens. Didier Reynders, vice-Premier ministre et président du MR, ne s'en satisfait pas. Il demande que le débat reprenne.
La décision du Sénat, est-elle un enterrement de 1re classe ?
Un travail de mémoire permanent est essentiel pour lutter contre le négationnisme. Nous l'avons mené et le menons toujours sur le génocide des Juifs. En reconnaissant notre part de responsabilité. En ayant mis en place un système de restitution des biens spoliés : institutions bancaires, compagnies d'assurances et État avancent 100 millions d'euros. Qui, pour partie, alimenteront une fondation chargée de perpétuer la mémoire.
La Belgique a aussi reconnu sa responsabilité au Rwanda. En revanche, concernant le génocide arménien, on assiste à l'essor d'un discours négationniste chez les élus d'origine turque, au PS, au CDH et au MR.
Il y a un problème. Des élus n'hésitent plus à remettre en cause le génocide arménien. Ce n'est pas acceptable. D'abord, il ne peut pas y avoir de doute, en Belgique, sur l'existence de ce génocide. Ensuite, il y a un travail de mémoire à faire avec la Turquie, où le débat progresse. Je le constate en tant que représentant, au FMI et à la Banque mondiale, d'un groupe d'États dont fait partie la Turquie.
Le PS estime malaisé, juridiquement, de prendre en compte le génocide arménien.
Je suis fatigué des arguties. Ce que je demande, c'est que l'on cherche la meilleure manière de reconnaître le génocide et de sanctionner sa négation. Et j'ai parfois le sentiment qu'on cherche l'inverse : surtout ne pas affronter le débat, sous divers prétextes juridiques. Il faut reconnaître que nous avons tous, dans nos formations politiques respectives, des personnes qui posent problème par leur attitude à l'égard des Arméniens. Pour ma part, je saisis le Conseil d'arbitrage du MR. Je ne peux pas imaginer que des militants ou des mandataires tiennent des propos ou diffusent des écrits qui soient clairement négationnistes. Et je n'ai pas besoin du droit pénal, en tant que président, pour faire le ménage.
Au-delà des sanctions politiques, relevant des partis, plaidez-vous pour une sanction pénale du négationnisme ?
Cela suppose un travail de fond. Partons de la loi belge. Elle définit ce qu'est un génocide. Qu'est-ce qui nous empêche de constater que non seulement les crimes commis à l'encontre des Juifs répondent à cette définition, mais aussi ceux perpétrés à l'encontre des Arméniens, des Cambodgiens et des Tutsis ? Entamons, dans la foulée, un travail parlementaire de fond pour affiner ce que l'on veut sanctionner, sans sombrer dans les excès de la compétence universelle, ni « interdire » le travail scientifique sur les génocides.
Laurette Onkelinx est prête à en discuter en dehors de toute période électorale...
Autant dire jamais !... Le Sénat doit pouvoir s'en saisir dès septembre, à partir d'une proposition de loi intégrant la reconnaissance des génocides et la sanction de leur négation. En programmant les auditions d'experts qui s'imposent : historiens, représentants du Mouvement contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie, de la communauté juive, qui craint à juste titre un phénomène de contagion de la négation. Il serait en tout cas malsain d'attendre les élections communales (octobre 2006). On risque des dégâts, sur fond de communautarisme. Nous avons intérêt à désamorcer les tensions au plus tôt.
Mais n'est-on pas déjà en plein communautarisme ?
L'idée qu'il y ait des sujets tabous en Belgique parce qu'ils seraient tabous dans une communauté est inacceptable. Je ne vais pas arrêter de parler de la libération de la femme parce que ça pourrait poser problème à qui que ce soit ! Ne pas prendre attitude sur le génocide arménien, ne pas condamner sa négation accrédite l'idée que peut-être, effectivement, n'a-t-il jamais eu lieu !