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débats sur le négationnisme du génocide arménien

Les conséquences politiques d'une condamnation sur base de la loi contre le négationnisme: l'état de la législation belge

Pierre-Yves Lambert, 13/05/2005

Le député PS (actuel ministre de la Communauté française) Claude Eerdekens a déposé le 29/08/2003 une "Proposition de loi concernant la privation de certains droits civils et politiques, modifiant la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie, ainsi que la loi du 23 mars 1995 tendant à réprimer la négation, la minimisation, la justification ou l'approbation du génocide commis par le régime national-socialiste allemand pendant la seconde guerre mondiale" (II), dont voici un (large) extrait des développements (avant-propos):

"Les auteurs de tels délits menacent gravement le régime démocratique en exploitant les libertés dont il est le garant, à des fins non démocratiques. Ceux-ci doivent dès lors, en plus des sanctions déjà prévues par les lois précitées, se voir interdire l'exercice de certains droits, dont les droits politiques.

L'article 10.2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales prévoit que des limitations peuvent être imposées à l'exercice des droits et libertés protégés par la convention si ces limitations sont prévues dans une loi, et sont nécessaires à la survie de la société démocratique.

Sur base de ces principes, la loi du 30 juillet 1981 et la loi du 23 mars 1995 ont été modifiés par la loi du 7 mai 1999, afin de donner aux cours et tribunaux la possibilité d'interdire aux auteurs d'infractions à ces lois l'exercice de certains droits civils et politiques.

Cependant, selon la législation actuelle, cette peine n'est que facultative et de surcroît, lorsqu'elle est prononcée, elle est susceptible de diminution par application des circonstances atténuantes ou de non-application dans le cadre de la suspension du prononcé ou du sursis.

La présente proposition de loi a dès lors pour objet de rendre obligatoire cette peine pour un terme de 5 ans, sans possibilité d'application de la suspension du prononcé, du sursis ou de circonstances atténuantes.

En d'autres termes, le juge sera tenu de prononcer la peine de privation de certains droits civils et politiques si des faits de racisme ou de négationnisme sont établis.

La peine étant prononcée, celle-ci devra effectivement être subie."

Dans le même esprit, les députés MR Olivier Maingain et Eric Libert ont déposé le 18/11/2004 une "Proposition de loi visant à instaurer la suspension automatique du droit d'éligibilité , comme accessoire à une condamnation sur la base des lois du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie et du 23 mars 1995 tendant à réprimer la négation, la minimisation, la justification ou l'approbation du génocide commis par le régime national-socialiste pendant la seconde guerre mondiale" (III) dont les développements sont assez similaires à ceux de la proposition Eerdekens:

"La présente proposition vise à ce que dès qu'une peine de prison, même assortie d'un sursis partiel ou total, est prononcée sur la base des lois du 30 juillet 1981 et du 23 mars 1995, citées plus haut, une peine accessoire soit automatiquement rendue entraînant l'interdiction du droit d'éligibilité pour un terme de cinq à dix ans.

Par l'octroi des droits politiques à tous les individus, la démocratie permet à toutes les opinions de s'exprimer, à toutes les tendances idéologiques, philosophiques ou religieuses d'être représentées dans toutes les autorités publiques et de participer à tous les niveaux du pouvoir.

Les menaces que l'exercice de manière abusive de ces libertés peut entraîner pour la démocratie elle-même doivent être prises en compte. C'est dans cette optique que, à l'instar des restrictions prévues par les rédacteurs de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales quant aux droits et libertés conventionnels, nous nous proposons, par la présente mesure, de veiller à ce que les citoyens dont les opi nions sont fondées sur le racisme, la xénophobie, ou la négation du génocide commis par le régime national-socialiste pendant la seconde guerre mondiale ou toute autre forme de génocide ne puissent utiliser leur droit d'éligibilité à l'encontre des valeurs démocratiques."

Plus récemment encore, le 14 février 2005, c'était au tour des sénateurs Francis Delpérée (CDH), Philippe Moureaux (PS), Isabelle Durant (Ecolo) et Marcel Cheron (Ecolo) de déposer plusieurs propositions de loi (IV) dont les développements précisent que "La présente proposition de loi opte pour un système qui permettrait de renforcer les causes d'inéligibilité.", le commentaire liminaire étant libellé comme suit:

Cette disposition ajoute deux causes d'inéligibilité pour les élections (du Parlement européen, de la Chambre, du Sénat, du Parlement flamand et du Parlement régional wallon, du Conseil de la Communauté germanophone). Elle vise :

1º ceux qui ont été condamnés pour des infractions visées par la loi du 30 juillet 1981 ou la loi du 23 mars 1995;

2º ceux qui sont ou ont été administrateurs d'une association condamnée même avec sursis pour l'une des infractions prévues par la loi du 30 juillet 1981 ou la loi du 23 mars 1995.

Cette proposition de loi fédérale faisait suite à une proposition d'ordonnance régionale bruxelloise visant les élections communales en région bruxelloise, déposée quasiment dans les mêmes termes le 24/11/2004 par les députés régionaux CDH Francis Delperée et Céline Fremault, intitulée "Proposition d'ordonnance modifiant la loi électorale communale et luttant contre le racisme et la xénophobie" (V):

(extrait des développements) "La présente proposition d'ordonnance opte principalement pour un système qui permettrait de renforcer les causes d'inéligibilité."

(extrait des commentaires des articles): "Cette disposition ajoute deux causes d'inéligibilité pour les élections communales :

1° ceux qui ont été condamnés pour des infractions visées par la loi du 30 juillet 1981 ou la loi du 23 mars 1995;

2° ceux qui sont ou ont été administrateurs d'une association condamnée même avec sursis pour l'une des infractions prévues par la loi du 30 juillet 1981 ou la loi du 23 mars 1995."

Enfin, le 20/01/2005 a été déposée au Parlement wallon par les députés CDH Michel de Lamotte, Anne-Marie Corbisier-Hagon, Christian Brotcorne et Carlo Di Antonio une "Proposition de décret modifiant la loi électorale communale et la loi organique des élections provinciales en vue de renforcer la lutte contre le racisme et la xénophobie" (VI) allant dans le même sens que celles déjà mentionnées:

Article 3. Cette disposition ajoute deux causes d'inéligibilité pour les élections communales :

1º ceux qui ont été condamnés pour des infractions visées par la loi du 30 juillet 1981 ou par la loi du 23 mars 1995 ;

2° ceux qui sont ou ont été administrateurs d'une association condamnée, même avec sursis, pour l'une des infractions prévues par la loi du 30 juillet 1981 ou la loi du 23 mars 1995.

Lorsqu'un candidat ne remplit pas les conditions d'éligibilité, le bureau principal écarte sa candidature.

Il peut cependant contester l'irrégularité retenue par le bureau principal selon la procédure prévue aux articles 120 et suivants du Code électoral.

Articles 4 et 5. Ces deux articles intègrent mutatis mutandis le dispositif des articles 2 et 3 à la loi organique des élections provinciales. La procédure en cas de contestation est fixée par cette même loi et non par renvoi au Code électoral.

Pour le moment, aucune de ces propositions n'a encore abouti, elles sont toutes au stade de la prise en considération sauf celle déposée au Parlement (régional) bruxellois, dont la prise en considération a été reportée le 18 mars 2005 à la demande du député CDH Denis Grimberghs car "Il existe une volonté d'ouvrir la cosignature encore à d'autres partenaires.". (VII). Elle a donc été suspendue pour un mois et n'a pas été renvoyée en commission, mais près de deux mois plus tard elle ne semble pas encore avoir été (re)prise en considération.

Retrait des dotations publiques aux partis

http://nautilus.parlement-wallon.be/Archives/Documentation/ROI.pdf

Règlement d'ordre intérieur du parlement wallon - 22/07/2004

article 11.3

Un groupe politique ne peut toutefois être reconnu ou conserver le bénéfice de la reconnaissance lorsqu'un de ses membres a été condamné par une décision coulée en force de chose jugée sur la base de la loi du 30 juillet 1981, tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie, ou de la loi du 23 mars 1995 tendant à réprimer la négation, la minimisation, la justification ou l'approbation du génocide commis par le régime national-socialiste allemand pendant la seconde guerre mondiale.

Cependant, le groupe politique conservera le bénéfice de la reconnaissance si, dans les quinze jours qui suivent la décision visée au paragraphe précédent, il communique au président du Parlement wallon la radiation du membre condamné.

article 12.1

Le Parlement wallon accorde, en faveur de chaque parti politique formant un groupe politique reconnu, tel que défini à l'article 11 du présent Règlement, une dotation annuelle destinée à couvrir les dépenses de ces partis, telles que visées à l'article 1er de la loi du 4 juillet 1989 relative au financement et à la comptabilité ouverte des partis politiques.

http://jsp.vlaamsparlement.be/docs/stukken/2004-2005/g7-1.pdf

Reglement van het Vlaams Parlement - 23/02/2005

HOOFDSTUK 5

Financiering van de politieke partijen

Artikel 9

6. Het Bureau kan de toekenning van de dotatie intrekken als :

b) een vonnis of arrest met kracht van gewijsde verscheidene, duidelijke en met elkaar overeenstemmende uitingen van een politieke partij, haar componenten, lijsten, kandidaten of verkozenen, strijdig bevindt met respectievelijk het Verdrag tot bescherming van de rechten van de mens en de fundamentele vrijheden van 4 november 1950, goedgekeurd bij de wet van 13 mei 1955, en door de aanvullende protocollen bij dat Verdrag die in België van kracht zijn, de wet van 30 juli 1981 tot bestraffing van bepaalde door racisme of xenofobie ingegeven daden of de wet van 23 maart 1995 tot bestraffing van het ontkennen, minimaliseren, rechtvaardigen of goedkeuren van de genocide die tijdens de Tweede Wereldoorlog door het Duitse nationaal-socialistische regime is gepleegd.

Het Bureau bepaalt in dat geval de intrekkingsperiode en de grootte van het in te trekken bedrag.

http://www.parlbru.irisnet.be/fr/download_fr/Reglement/reglement_fr.pdf

Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale - Assemblée réunie de la Commission communautaire commune - Règlement (juin 2004)

CHAPITRE IV. Des groupes politiques reconnus

Article 9

9.4. Un groupe politique ne peut être reconnu ou conserver le bénéfice de la reconnaissance si un de ses membres a été condamné par une décision coulée en force de chose jugée sur la base de la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie ou de la loi du 23 mars 1995 tendant à réprimer la négation, la minimisation, la justification ou l'approbation du génocide commis par le régime national-socialiste allemand pendant la seconde guerre mondiale.

Toutefois, le groupe politique conserve le bénéfice de la reconnaissance si dans le mois de la décision visée au premier alinéa, il communique au président du Conseil la radiation du membre condamné.

9.6. Les groupes politiques reconnus bénéficient d'une dotation de fonctionnement dont le montant et les modalités d'octroi sont fixés par le Bureau.

Ils disposent également de moyens en personnel selon les conditions et les modalités fixées par le Bureau.

http://www.accf.irisnet.be/SR_Assemblee/Fonctionnement/ssr_assfonct/reglement/Reglement%20accf%20-%20mai%202004-%20.pdf

Règlement de l'assemblée de la Commission communautaire française ("Parlement francophone bruxellois")

CHAPITRE V

Des groupes politiques

Article 12

4. Un groupe politique ne peut être reconnu ou conserver le bénéfice de la reconnaissance si un de ses membres a été condamné par une décision coulée en force de chose jugée sur la base de la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie ou de la loi du 23 mars 1995 tendant à réprimer la négation, la minimisation, la justification ou l'approbation du génocide commis par le régime national-socialiste allemand pendant la seconde guerre mondiale.

Toutefois, le groupe politique conserve le bénéfice de la reconnaissance si, dans le mois de la décision visée au premier alinéa, il communique au Bureau la radiation du membre condamné.

6. Les groupes politiques bénéficient d'une dotation de fonctionnement de l'Assemblée. Le montant de cette dotation et les modalités d'octroi sont fixés par un règlement arrêté par le Bureau.

Ils disposent également de moyens en personnel selon les conditions et les modalités fixées par le Bureau.

http://www.raadvgc.irisnet.be/rvo15012004.pdf

Reglement van Orde van de Taalgroep van de Vlaamse Gemeenschapscommissie, hierna genoemd de Raad.

-> pas de mesure de ce type prévue

A lire aussi:

Benjamin Cadranel, "La privation de financement des partis anti-démocratiques : Une loi toujours inapplicable", RésistanceS (Bruxelles), 08/08/2002 http://www.resistances.be/financement.html

Notes

(I) les "sénateurs de droit", enfants du Chef héréditaire de l'Etat, n'étant pas pris en considération ici

(II) dossier législatif: http://www.senat.be/www/?MIval=/Dossiers/DossierFiche.html&LEG=51&NR=185&LANG=fr (à noter que les députés PS Claude Eerdekens et Charles Janssens avaient déjà déposé une proposiiton de loi similaire le 06/07/2001, frappée de caducité par dissolution des Chambres en 2003: http://www.senat.be/www/?MIval=/Dossiers/DossierFiche.html&LEG=50&NR=1341&LANG=fr )

(III) dossier législatif: http://www.senat.be/www/?MIval=/Dossiers/DossierFiche.html&LEG=51&NR=1442&LANG=fr

(IV) dossiers législatifs (identiques sur le fond mais concernant chacun des élections différentes):

Parlement européen: http://www.senate.be/www/?MIval=/Dossiers/DossierFiche.html&LEG=3&NR=1024&LANG=fr

Parlements wallon et flamand: http://www.senate.be/www/?MIval=/Dossiers/DossierFiche.html&LEG=3&NR=1021&LANG=fr

Parlement bruxellois: http://www.senate.be/www/?MIval=/Dossiers/DossierFiche.html&LEG=3&NR=1022&LANG=fr

Conseil de la Communauté germanophone: http://www.senate.be/www/?MIval=/Dossiers/DossierFiche.html&LEG=3&NR=1023&LANG=fr

(V) dossier législatif: http://www.weblex.irisnet.be/crb/arr.asp?moncode=NC159&montitre=A-89/1-04/05

(VI) dossier législatif: http://www.parlement-wallon.be/FMPro?-db=doc_sdoc_&-lay=fiche&-error=/pagesfmp/fr/erreur.htm&-format=/pagesfmp/fr/publie.htm&-op=eq&id_doc=6389&-op=neq&id_type=91&-sortfield=ordre&-sortorder=ascending&-Max=150&-Find

(VII) compte-rendu intégral: http://www.weblex.irisnet.be/Data/crb/Cri/2004-05/00022/images.pdf


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