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le droit de vote des étrangers

Droit de vote, ethnicité et nationalité en Australie

La première élection en Australie fut celle du parlement de la Nouvelle-Galles du Sud en 1843, le droit de vote, exclusivement masculin, y était exercé sur base censitaire. En 1856, les élections en Australie du Sud furent ouvertes à tous les sujets britanniques mâles de plus de 21 ans, les autres Etats suivirent ce modèle entre 1857 et 1896. C'est à nouveau l'Australie du Sud qui innova en accordant le droit de vote aux femmes en 1894, les autres Etats l'imitant entre 1899 et 1908. L'inscription sur les listes d'électeurs fut rendue obligatoire en 1911, après que les premières élections fédérales de 1903 aient connu un taux de participation inférieur à 50%, le vote obligatoire fut quant à lui instauré en 1924, avec un taux de participation de 91% aux élections de 1925. Ces deux obligations restent en vigueur aujourd'hui.

Lors de la création du "Commonwealth d'Australie" en 1902, le droit de vote fédéral fut aligné, en matière d'ethnicité et de nationalité, sur les législations électorales des Etats les plus rétrogrades en la matière, l'Australie Occidentale et le Queensland, ce qui se traduisit par l'exclusion du droit de vote pour les "aborigènes natifs d'Australie, d'Asie, d'Afrique ou des îles du Pacifique à l'exception de la Nouvelle-Zélande" (Commonwealth Electoral Act 1902, ar.4§2, "Disqualification of coloured races"). Cette exclusion fut décidée par une majorité au parlement, le député Isaac Isaacs la justifiant par le fait que les aborigènes "n'ont pas l'intelligence, l'intérêt ou la capacité" de voter, H B Higgins quant à lui estimant qu'il était "hautement inapproprié (...) de leur demander d'execer un vote intelligent".

Toutefois, la section 41 de la Constitution australienne précisait que nulle personne adulte bénéficiant du droit de vote au niveau d'un Etat ne pouvait en être privée au niveau fédéral. Il s'agissait surtout de garantir le droit de vote fédéral aux femmes à une époque où certains Etats n'avaient pas encore progressé en la matière, mais cette disposition bénéficia également aux "aborigènes". Il faut bien rappeler ici que l'Australie est une confédération, et que ce sont les Etats fédérés qui déterminent le droit de vote et d'éligibilité aux élections autres que fédérales.

L'Electoral Act 1918 formalisa les modalités de vote, et instaura un système d'inscription unique pour les élections statales et fédérales, ce qui impliquait que seuls les électeurs stataux l'étaient également au niveau fédéral. En outre, il y fut précisé que les personnes sous tutelle ("wards of the state") ne pouvaient voter. Cette exclusion fut utilisée dans le Territoire du Nord pour écarter du vote les "aborigènes" qui étaient fréquemment déclarés "wards of the state".

En 1925, bien que la politique de "préférence raciale" ("White Australia") restât en vigueur, un amendement à l'Acte de 1902 étendit le droit de vote fédéral à tous les Australiens naturalisés sans distinction de "race" (rappelons ici que ce terme n'a pas la même signification en anglais qu'en français, et couvre un concept beaucoup plus étendu que le terme français dans son acception actuelle). La question du droit de vote des Indiens constituait une pierre d'achoppement à l'époque.

En 1949, un autre amendement fit bénéficier du droit de vote les aborigènes qui avaient servi dans l'armée pendant la guerre, et ce n'est qu'en 1962 que ce droit fut étendu à tous les aborigènes aux élections fédérales, sans toutefois qu'ils fussent soumis à l'obligation de vote en vigueur depuis 1924 pour les autres citoyens. Cette dernière distinction fut abolie en 1983, l'obligation de vote ayant été étendue aux aborigènes. Ils n'obtinrent le droit de vote aux élections statales d'Australie occidentale et du Queensland qu'après le référendum fédéral de 1967.

Jusqu'en 1984, tous les "British subjects", c'est-à-dire les ressortissants de l'ancien empire colonial britannique, avaient le droit de vote aux élections fédérales australiennes. A partir du 25 janvier 1984, la possibilité pour des non-Australiens de s'inscrire sur les listes d'électeurs fut abrogée tant pour les élections statales (au Queensland, la date fut fixée au 1er août 1983) que fédérales, mais les électeurs inscrits à cette date le demeurèrent, même ceux qui avaient quitté l'Australie (dans les mêmes conditions que les Australiens résidant temporairement à l'étranger).

La section 163 du Commonwealth Electoral Act 1918 pose parmi les conditions d'éligibilité fédérale la "citoyenneté australienne". Une spécificité australienne qui reste en vigueur et a déjà entraîné, dans les quinze dernières années, la destitution de deux sénateurs, est l'alinéa (i) de la section 44 de la Constitution, qui stipule que "Toute personne qui est soumise à toute reconnaissance d'allégeance, d'obéissance ou d'adhésion à une puissance étrangère, ou est u sujet ou un citoyen ou ayant droit aux droits ou privilèges d'un sujet ou d'un citoyen d'une puissance étrangère (...) sera incapable d'être choisi ou de siéger en tant que sénateur ou membre de la Chambre des représentants". En d'autres termes, une personne détentrice de la double nationalité ne peut être candidate à des élections fédérales. La catégorie des "ayant droit" semble par contre plus floue, et il n'y a pas de décision récente de la Haute Cour qui permette d'en préciser l'étendue.

A cet effet, le chapitre XIV du Commonwealth Electoral Act 1918 précise que le formulaire de candidature doit obligatoirement mentionner "si la personne est un citoyen australien par l'effet de la naissance en Australie, parce qu'elle a reçu un certificat de citoyenneté australienne ou d'autres voies et moyens", ainsi que les dates et références prouvant cette citoyenneté australienne. La Haute Cour, dans deux jugements récents (affaire Wood et affaire Cleary), a estimé que le candidat doit "entreprendre toutes les démarches raisonnables pour renoncer à sa double nationalité avant de se porter candidat", ce qui signifie in concreto qu'il est tenu à effectuer les procédures de renonciation à son autre nationalité dans les pays où cette possibilité existe, ou à fournir la preuve qu'il a demandé à y renoncer dans le cas où l'autre pays refuse cette possibilité. Suite à ces problèmes, la Commission des affaires légales et constitutionnelles de la Chambre des Représentants a émis diverses recommandations suite auxquelles le Département de l'Immigration et des Affaires Multiculturelles (DIMA) a créé une base de données sur les procédures de renonciation à la nationalité pour divers pays.

En 1987, Robert Wood, sénateur représentant la Nouvelle-Galles du Sud, fut destitué suite à la décision de la Haute Cour, siégeant en tant que "Cour des résultats contestés" (Court of Disputed Returns) parce qu'il était seulement un "British subject" et non un citoyen australien, sur base donc de la section 163 du Commonwealth Electoral Act 1918 . Un autre candidat du même parti fut désigné pour le remplacer après recomptage des votes.

Dans une autre affaire, un parlementaire, Phil Cleary, fut déchu de son mandat parce qu'il contrevenait à une autre interdiction, d'ordre professionnel cette fois ("détenir un office ou un profit de la Couronne"), mais la Haute Cour découvrit à cette occasion que deux autres candidats à la même élection, M. Kardamitsis et M. Delacretaz, avaient conservé l'un sa nationalité hellénique, l'autre sa nationalité helvétique.

(à compléter: sénatrice One Party; candidat Liberal Party)

Sources

Australian Electoral Commission, Electoral backgrounder, 17 July 1998 (copy)

Commonwealth Electoral Act 1902

Commonwealth Electoral Act 1924

Nationality and Citizenship Act 1948

Legislative Services, AusInfo, Commonwealth Electoral Procedures, April 1999

Eléments de bibliographie

Stretton, Pat and Finnimore, Christine, 'Black fellow citizens: Aborigines and the Commonwealth franchise', Australian Historical Studies, vol. 25, no. 101, October, 1993.

S. O’Brien, "Dual Citizenship, Foreign Allegiance and s. 44(i) of the Australian Constitution", Australian Parliamentary Library, December 1992.

House of Representatives Standing Committee on Legal and Constitutional Affairs, "Aspects of Section 44 of the Constitution", Report, July 1997

Senate Standing Committee on Constitutional and Legal Affairs, "The Constitutional Qualifications of Members of Parliament", Report, 1981.

The decisions of the High Court of Australia in Sykes v Cleary (1992) 176 CLR 77, Free v Kelly (1996) 70 ALJR 809, Nile v Wood (1988) 167 CLR 133, and Re Wood (1988) 167 CLR 145.


Jusqu'en 1984, tous les "British subjects", c'est-à-dire les ressortissants de l'ancien empire colonial britannique, avaient le droit de vote aux élections fédérales australiennes. A partir du 25 janvier 1984, la possibilité pour des non-Australiens de s'inscrire sur les listes d'électeurs fut abrogée tant pour les élections statales (au Queensland, la date fut fixée au 1er août 1983) que fédérales, mais les électeurs inscrits à cette date le demeurèrent. Les candidats aux élections fédérales doivent être citoyens australiens et avoir renoncé à leur autre nationalité s'ils sont d'origine étrangère. Une polémique a éclaté en 1999 entre le gouvernement australien et le gouvernement de la "dépendance extérieure" (colonie) de l'île de Norfolk, où tous les résidents avaient le droit de vote et d'éligibilité après trois ans de résidence sans considération de nationalité, ce qui signifiait également que les Australiens du "continent" devaient aussi attendre trois ans avant de pouvoir voter ou être élus. Le gouvernement australien a, contre l'avis de la population locale (dont un quart n'a pas la nationalité australienne, y compris des membres du parlement local), qui s'était exprimée par référendum l'année précédente, décrété la limitation du droit de vote et d'éligibilité aux seuls ressortissants australiens (avec suppression du délai de trois ans), les résidents étrangers déjà inscrits sur les listes d'électeurs pouvant y être maintenus, et les élus étrangers pouvant terminer leur mandat entamé.

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et les élus étrangers pouvant terminer leur mandat entamé.

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