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Elections, ethnicité,
xénophobie et antisémitisme en Algérie à la fin
du XIXème siècle
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source : Claude LIAUZU,
Histoire des migrations en Méditerranée
occidentale, Bruxelles, Editions Complexe (coll. Questions au
Xxe siècle), 1996
"La loi de 1889 [par laquelle les étrangers nés
en France devenaient automatiquement français] suscite des réactions
mêlant nationalisme et protectionnisme, de la part d'ouvriers, de
fonctionnaires ou d'agriculteurs, tous Français majorés par
leur statut de colon et qui répugnent à partager la manne.
Les protestations contre le risque d'un abâtardissement du sang et
la peur de voir diminuer ses privilèges sont indissociables. Les
"Français à cinq sous" sont ainsi soupçonnés
de demeurer trop proches de leur pays d'origine ou de leur communauté.
"En contact tous les jours avec leurs coreligionnaires, ces nouveaux venus
conserveraient leurs moeurs, leurs tendances, leurs goûts, leurs
espérances. Ils accepteraient d'être Français dans un
seul but: profiter de leur nombre pour s'emparer de toutes les administrations
communales et préparer moralement l'annexion du département
d'Oran à l'Espagne, ce qui est dans l'esprit de beaucoup d'Espagnols"
s'inquiétait le député d'Oran Eugène Etienne.
Ce qu'on appelait en Algérie le "péril étranger", a
imprégné très fortement l'imaginaire français.
Sur sa réalité, les statistiques donnent des chiffres
contradictoires: en 1898 par exemple, ils vont de 30.000 naturalisés
sur 90.000 électeurs - soit un tiers -, à 16.640 !
Quant à la proportion des "néos" parmi les
élus, elle est de 18% des conseillers municipaux en 1908. Ce n'est
qu'en Oranie qu'ils pouvaient espérer peser vraiment, étant
les plus nombreux dans 37 communes sur 269 en 1906, et 55 en 1911. La pratique
du vote communautaire, obéissant à des solidarités
ethniques, explique le mécontentement des électeurs et des
élus français de souche, contraints de tenir compte de cette
intrusion dans leur domaine, hier réservé." (pp. 74-75)
"Si les facteurs de l'antisémitisme algérien
[lire: des Européens d'Algérie] sont multiples, l'un des principaux
est électoral. Il y a en effet à Oran un "vote juif", qui
représente 15% de l'électorat, et un "vote latin". La
communauté israélite y suit les directives de son consistoire,
au sein duquel, pendant près de trente ans, Simon Karoui a été
tout puissant. Le grand rabbin d'Oran reconnut, lors de son audition par
la Commission d'enquête parlementaire sur les troubles antijuifs, "la
trop grande influence que nos coreligionnaires ont pris comme corps confessionnel
dans les luttes électorales".
"L'opportunisme est la forme politique de l'esprit juif" et
l'antisémitisme une protestation sociale a même pensé
un temps Jean Jaurès, sous l'influence des radicaux antisémites
et des socialistes locaux.
A la vérité, le clientélisme régit
cette communauté comme les autres. Eugène Etienne, inamovible
député puis sénateur d'Oran, ministre des Colonies,
grand homme du parti colonial à Paris, doit à cette pratique
sa longévité politique." (p. 83)
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