Synthèse et commentaires de: Franck Caestecker (EHSAL), Mathieu Bietlot (ULB), Frans Hardeman (EHSAL), Andrea Rea (ULB), Effectivité et efficience de la loi sur la nationalité du 1er mars 2000, ULB (GERME)-EHSAL, rapport réalisé à la demande du Ministre de la Justice, 1er avril 2001 (document non publié)
Près de huit mois après que les auteurs aient remis ce rapport au ministre de la Justice Verwilghen (VLD), il n'est toujours ni traduit (les chapitres sont rédigés alternativement en français et en néerlandais, sans traduction) ni diffusé, mais des exemplaires circulent au moins depuis une semaine, et j'ai réussi à mettre la main sur un d'entre eux.
A la première lecture rapide de quelques sous-chapitres, j'ai immédiatement pu constater que la situation est encore pire que ce que j'imaginais. En effet, j'avais été un des premiers à critiquer la mise en oeuvre chaotique de cette loi et certaines de ses contradictions, in tempore non suspecto, mais j'avais manifestement sous-estimé l'étendue de la mauvaise volonté, pour ne pas dire de la malhonnêteté intellectuelle et de l'obstruction concertée et systématique (qualifiée de "coalition de fonctionnaires" par le Code Pénal) , d'une grande partie de la magistrature, dont les efforts pour réduire à néant les objectifs, la lettre et l'esprit de la nouvelle législation ont été couronnés de succès. Ce rapport ne laisse à mon avis aucun doute sur l'existence d'une telle coalition de fonctionnaires, il suffit de comparer les "modifications de la loi suggérées par les acteurs de terrain" (pp.207-211) aux pratiques effectives des magistrats et autres fonctionnaires des parquets (pp.112-156) qui anticipent en réalité sur une éventuelle modification de la loi dans un sens plus restrictif.
Alors que de par la loi précédente un jeune né en Belgique, y ayant toujours résidé et âgé de 18 à 30 ans devenait belge en règle générale après 2 mois (ancien article 12bis de la loi de 1998), deux à quatre semaines de plus compte tenu des retards administratifs, la nouvelle loi stipule clairement que ce délai est ramené à un mois, et que les catégories de demandeurs qui en bénéficient sont notamment élargies à toute personne résidant depuis sept ans en Belgique (nouvel article 12bis).
La réalité actuelle, un an et demi après l'entrée en application de la nouvelle loi, c'est que l'intervalle réel qui s'écoule entre le dépôt de la déclaration de nationalité auprès de l'administration communale et (quand il n'y a pas eu d'avis négatif émis par le Parquet, l'Office des Etrangers ou la Sûreté de l'Etat) l'acquisition effective de la nationalité belge est de DIX MOIS: les demandes introduites en novembre 2000 ont en effet abouti en septembre 2001 (situation pour le ressort judiciaire de Bruxelles). Pour les naturalisations, le délai est tel que des demandes introduites avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi (2/5/2000) sont encore pendantes...
Pierre-Yves Lambert 24/11/2001
Introduction (I-III)
I. Objectifs et instruments de la nouvelle loi sur la nationalité
I.1. Objectifs généraux (p.1)I.2. Instruments mis en oeuvre par les autorités pour atteindre les objectifs (pp.2-11)
II. Une analyse de l'effectivité
II.1. Une analyse des instruments pour optimaliser l'effectivité (pp.12-19)II.2. L'effectivité de la loi sur la nationalité du 1er mars 2000 (pp.20-36)
III. Une analyse de l'efficience
III.1. La commune (pp.37-72)III.2. L'Office des Etrangers et le code de la nationalité (pp. 73-96)
III.3. La Sûreté de l'Etat et le code de la nationalité (pp.97-111)
III.4. Les Parquets et le code de la nationalité (pp.112-156)
III.5. Le Tribunal de Première Instance et le code de la nationalité (pp.157-163)
III.6. La commission des naturalisations de la Chambre des Représentants (pp.164-188)
IV. Recommandations en vue d'optimaliser l'effectivité et l'efficience de la loi du 1er mars 2000 (pp.189-197)
IVbis. Aanbevelingen ten einde de effectiviteit en efficiëntie van de nationaliteitswet van 1 maart 2000 te optimaliseren (pp.198-206)
V. Modifications de la loi suggérées par les acteurs de terrain (pp.207-211)
Annexes
(l'annexe 9, "jurisprudence de la Chambre", est... une page blanche)
Liste des graphiques
Introduction (I-III)
La nouvelle loi s'inscrit dans la continuité des réformes en la matière depuis 1984, et dans l'option gouvernementale de priviliégier l'extension de la nationalité plutôt que le droit de vote des étrangers, ce notamment via quatre mesures, la déclaration de nationalité après 7 ans de résidence, la réduction à 3 ans (2 pour les réfugiés) de la durée de résidence pour la naturalisation et la gratuité de celle-ci, la suppression de la notion de "volonté d'intégration", et la possibilité d'un recours aux documents consulaires ou à un acte de notoriété pour les actes de naissance. Les débuts d'application de la loi ont été handicapés par la proximité des élections communales, le nombre élevé des demandes, le personnel insuffisant, les vacances et les interprétations divergentes des communes et des parquets auxquelles les circulaires ministérielles n'ont que partiellement mis fin.
Les débats parlementaires qui ont précédé l'adoption de cette loi ont porté sur
Les auteurs de la recherche, des non-juristes, n'avaient pas pour mission de se prononcer sur le contenu et les éventuelles modifications de la loi, ils ont recueilli des données chiffrées et rencontré les divers acteurs institutionnels, les propositions formulées peuvent donc être traduites en circulaires ministérielles ou en simples instructions pour améliorer le fonctionnement et les relations desdits acteurs institutionnels.
I. Objectifs et instruments de la nouvelle loi sur la nationalité
I.1. Objectifs généraux (p.1)Quatre objectifs généraux de la nouvelle législation se dégagent des débats parlementaires et des circulaires:
- la démarche d'acquisition de nationalité tient lieu d'expression de la volonté d'intégration, l'acquisition constitue un moyen, et non un prérequis, de cette intégration.
- le déroulement des procédures est accéléré
- les démarches d'acquisition à des fins criminelles doivent être combattues, d'où l'objectivation des motifs de refus et l'élimination des critères subjectifs comme la "volonté d'intégration"
- en élargissant l'accès à la nationalité par déclaration ou par option, la loi soumet le processus à une obligation de motivation des décisions et les refus à l'examen par des instances d'appel
I.2. Instruments mis en oeuvre par les autorités pour atteindre les objectifs (pp.2-11)
- la procédure de naturalisation était déjà gratuite depuis la loi du 24/12/1999, les attestations de résidence en vue de l'acquisition de nationalité sont exemptes de timbres depuis la circulaire du 11/12/2000 du Ministre de l'Intérieur
- la procédure administrative est simplifiée par la loi du 01/03/2000:
- des alternatives sont offertes à l'acte de naissance authentique en cas d'impossibilité de le présenter, ce qui est clairement rappelé par la circulaire du 25/04/2000 (M.B. 06/05/2000), l'impossibilité est définie par la circulaire du 20/07/2000 (M.B. 27/07/2000) sur le modèle de l'art. 70 du Code civil (acte de naissance en vue du mariage), l'impossibilité matérielle pouvant être financière (voyage jusqu'au pays d'origine p.ex.) et devant être appréciée avec souplesse; cette interprétation a encore été rappelée par le Ministre au Parlement le 26/10/2000 (réponse à une question du Sénateur Daïf).
- l'attestation de résidence et l'historique des résidences successives en Belgique doivent être délivrés par la commune de résidence au moment de la demande de nationalité aux fins de vérifier la condition de durée du séjour (circulaires du 20/07/2000, M.B. 27/07/2000, du 03/08/2000, du 11/12/2000)
- la procédure est accélérée et les limites de temps sont strictement délimitées (loi et circulaires)
- la résidence principale reçoit une définition large (y compris autorisations de séjour sans inscription aux registres de population, illimitées ou non), dont seul est exclu le séjour illégal
- la sécurité juridique du candidat-Belge résidant durablement en Belgique est accrue par l'introduction du récépissé systématique délivré au candidat-Belge, l'objectivation et l'obligation de motivation des décisions de refus afin d'éviter tout arbitraire (à cet effet a une nouvelle fois été précisée la notion d'"empêchement résultant de faits personnels graves" dans la circulaire du 20/07/2000), et l'accès aux possibilités d'appel (soit il y a appel devant le tribunal de première instance, soit la demande refusée est d'office transmise à la Commission des naturalisations de la Chambre); les instances chargées de garantir que les demandes ne nuisent pas à l'intérêt de l'Etat (demandes mala fide) sont la Sûreté de l'Etat, l'Office des Etrangers et le Parquet.
II. Une analyse de l'effectivité
II.1. Une analyse de quelques instruments pour optimaliser l'effectivité (pp.12-19)une procédure gratuite: la loi du 21/12/1999 (M.B. 31/12/1999) a institué la suppression des droits de timbres fédéraux pour la demande de naturalisation, la circulaire du Ministre de l'Intérieur du 11/12/2000 a étendu cette gratuité aux documents exigés pour la déclaration ou l'option, mais la force juridique d'une circulaire ne semble pas suffire pour empêcher certaines communes de réclamer des droits de timbres, certains fonctionnaires d'état-civil estimant même que la commune qui a introduit les données fournies doit être rémunérée, et qu'une autre commune ne peut pas communiquer ces informations sans que celle qui les a introduites soit elle-même rémunérée; par ailleurs la législation fédérale belge ne règle pas les coûts comptabilisé par des instances étrangères pour des documents et services indispensables pour la demande de nationalité (NDPYL n'est pas mentionné le coût de la légalisation des actes de naissance étrangers par le Ministère des Affaires étrangères belge)
la simplification de la procédure administrative: plusieurs problèmes se posent quant aux actes de naissance
- en premier lieu la notion d'"impossibilité" ou de "sérieuses difficultés" n'est pas univoque, et la référence à l'art. 70 du Code civil n'y arrange rien, vu la disparité de la jurisprudence en la matière;
- actes consulaires
- l'émission d'un acte consulaire remplaçant l'acte de naissance ne va pas non plus de soi, les législations de chaque pays différant fortement en la matière, il arrive soit que le consulat ne soit pas habilité à délivrer un tel document, soit qu'il ne le fasse qu'à partir du passeport, sans indiquer la filiation par conséquent, soit qu'il exige un document d'état-civil;
- la légalisation des actes consulaires se fait au service ad hoc du Ministère belge des Affaires étangères, ce qui revient à confirmer que l'instance de délivrance est bien habilitée à délivrer un tel document, un cachet y est apposé mentionannt e.a. que "ce document n'est pas un acte d'état-civil", sauf pour les actes consulaires turcs (suite à un échange de notes entre les gouvernements turc et belge), sur base d'un échantillon il appert que 2/3 des Marocains et 100% des Congolais demandent la légalisation d'actes consulaires;
- les actes de notoriété délivrés par les juges de paix n'existaient auparavant qu'en vue du mariage, il en coûte 1.260 BEF (31,23 euros) à la délivrance, la légalisation par le tribunal coûtant en sus 2.100 BEF (52,06 euros), cette procédure est surtout utilisée par des demandeurs d'asile, mais aussi par des Pakistanais, des Indiens, des Africains (surtout Congolais) et des ex-Soviétiques, la procédure de contrôle et d'examen de la validité des demandes est devenue beaucoup plus stricte depuis que ce document peut être utilisé pour une demande de nationalité, les moyens d'enquête différant selon les juges de paix ou les tribunaux, p.ex. exigence de récépissés de recommandés adressés à l'ambassade, exigence que les témoins connaissent le demandeur depuis sa naissance, voire qu'ils aient eux-mêmes la nationalité belge; par ailleurs la comparution devant un juge de paix implique un délai de parfois plusieurs mois; enfin, il y a des contradictions entre le Code de la nationalité et le Code civil pour l'homologation, ce dernier exigeant la représentation du demandeur par un avocat (dont coût supplémentaire)
II.2. L'effectivité de la loi sur la nationalité du 1er mars 2000 (pp.20-36)
III. Une analyse de l'efficience
III.1. La commune (pp.37-72)III.2. L'Office des Etrangers et le code de la nationalité (pp. 73-96)
III.3. La Sûreté de l'Etat et le code de la nationalité (pp.97-111)
III.4. Les Parquets et le code de la nationalité (pp.112-156)
III.5. Le Tribunal de Première Instance et le code de la nationalité (pp.157-163)
III.6. La commission des naturalisations de la Chambre des Représentants (pp.164-188)
IV. Recommandations en vue d'optimaliser l'effectivité et l'efficience de la loi du 1er mars 2000 (pp.189-197)
IVbis. Aanbevelingen ten einde de effectiviteit en efficiëntie van de nationaliteitswet van 1 maart 2000 te optimaliseren (pp.198-206)
V. Modifications de la loi suggérées par les acteurs de terrain
(pp.207-211)
L'acquisition de la nationalité belge
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