L'histoire de la démocratie au Danemark (3)

1814-1849

1849-1864

1864-1901

1901-1913

Lorenz Rerup, Changement de régime et politique de réformes, 1901-1913

Le changement de régime de 1901 inaugura la coutume selon laquelle un gouvernement doit démissionner s’il fait l’objet d’une motion de censure votée par la majorité du Folketing. Le gouvernement échut aux Libéraux qui disposèrent de la majorité absolue au Folketing jusqu’en 1906. La Droite et les Conservateurs libres détenaient toujours la majorité au Landsting, ce qui obligeait le gouvernement à négocier des compromis avec ces deux formations pour faire adopter des lois. Les Libéraux perdirent leur majorité en 1906, notamment à cause de la scission qui se produisit en 1905 et de la création des Radicaux, parti social-libéral (Det Radikale Venstre) qui ne tarda pas à occuper une position centrale dans la politique danoise. C’est ainsi que se forma le modèle ultérieur de la politique danoise, qui comprend quatre grands partis dont aucun n’a jamais obtenu la majorité absolue. Les gouvernements successifs n’ont donc pu réaliser leur politique qu’en collaborant avec un ou plusieurs autres partis. Le compromis était devenu un élément clé de la politique danoise.

La période qui s’acheva par la Première Guerre mondiale fut riche en réformes. Sous la direction réelle de l’éminent tacticien J.C. Christensen, les gouvernements libéraux réalisèrent des points essentiels du programme de leur parti : une réforme fiscale en 1903, qui remplaçait la taxe foncière et cadastrale par l’impôt sur le revenu et la fortune et créait une contribution foncière. La même année vit la création du lycée de trois ans, qui fut rattaché à l’école publique par une école intermédiaire. Une loi accorda au peuple le droit d’élire les conseils paroissiaux et les femmes obtinrent le droit de vote à ces conseils. En 1908, le Rigsdag adopta une loi donnant également aux femmes le droit de vote aux conseils des communes. Sur le marché du travail, une série de lois vinrent compléter le système des conventions collectives. En 1907, une loi consacra la reconnaissance et le soutien, par l’Etat, des caisses de chômage et c’est en 1910 que furent créés l’institution des conciliateurs publics et le Tribunal des conflits du travail, aujourd’hui Tribunal du travail (Arbejdsretten).

La révélation, en 1908, des escroqueries massives du ministre de la justice, P.A. Alberti, affaiblit les Libéraux, et en particulier J.C. Christensen, bien que le procès consécutif, devant la Haute Cour de Justice, l’eût lavé de tout soupçon. Les négociations prolongées qui eurent lieu peu après à propos d’une révision de la Constitution n’aboutirent que durant la Première Guerre mondiale. La Constitution de 1915, qui couronna la grande œuvre réformatrice de cette période, supprimait le droit de vote privilégié au Landsting et instaurait le droit de vote des femmes et des domestiques ainsi que le scrutin proportionnel au Folketing, ce qui permettait une répartition plus équitable des mandats.

Ces réformes furent adoptées sur un arrière-plan économique favorable. L’agriculture et l’industrie profitaient d’une croissance rapide et le nombre des ouvriers de l’industrie, du commerce et des transports augmentait considérablement. Dans plusieurs secteurs, l’industrie danoise était au premier rang sur le plan international, dans le développement des moteurs diesel des navires, par ex. L’agriculture bénéficiait de sa conversion à la production animale et en 1914, les produits agricoles constituaient encore environ 90 % des exportations danoises, avec pour principaux produits le beurre et le bacon, destinés au marché britannique.

En politique étrangère, le Danemark avait un double statut. Sur le plan économique, il dépendait de ses exportations en Grande-Bretagne et sur le plan de la sécurité, de ses rapports de voisinage avec une Allemagne dont la puissance politique et militaire allaient croissant. Ces rapports étaient encore compliqués par les égards dus aux habitants pro-danois du Schleswig, parfois soumis à une oppression brutale qui donna au nationalisme danois de cette période un ton fortement anti-germanique. En politique internationale, tous les gouvernements danois restèrent très discrets. Ils étaient d’accord pour poursuivre la politique de la neutralité, en reconnaissant tacitement qu’elle était dictée par les égards particuliers dus à l’Allemagne.

A l’intérieur de ces limites, les partis étaient en total désaccord au sujet de la politique de la défense : la Droite exigeait que l’on poursuive le développement d’une puissante armée défensive, alors que les Radicaux et les Sociaux-démocrates souhaitaient un désarmement total ou partiel. En 1909, la Droite et les Libéraux acceptèrent un compromis qui renforçait la défense et les fortifications maritimes de Copenhague. Les élections parlementaires de 1913 permirent aux Radicaux et à la Social-Démocratie de progresser et avec l’aide des Sociaux-démocrates, les Radicaux purent former un gouvernement dirigé par C.Th. Zahle, qui conserva le pouvoir jusqu’en 1920.