citoyenneté, démocratie, ethnicité, nationalité
citizenship, democracy, ethnicity, nationality
 
pages apparentées

Citoyenneté, démocratie, ethnicité et nationalité en France

La nationalité française

Le droit de vote des colonisés et des étrangers en France

La Lettre de la Citoyenneté

le droit de vote des étrangers ailleurs

Elections et ethnicité en France

Elus d'origine maghrébine musulmane en France

Laurent Chambon, Le Sel de la démocratie - L'accès des minorités au pouvoir politique en France et aux Pays-Bas

Ethnicité et élections ailleurs: Allemagne, Belgique, Danemark, Norvège, Pays-Bas

Partis politiques et minorités en France

Les Français de l'étranger

La France, société plurielle

Démocratie et démocratisation en France

Les frontières de la France

Autonomisme et autodétermination en France

la presse nationale et régionale en France

Les Français de l'étranger: qui sont-ils, combien sont-ils ?

Pierre-Yves LAMBERT

1) Il y a les descendants plus ou moins lointains d'émigrés français du XIXème et du XXème siècles qui se sont assez rapidement assimilés dans leurs pays d'accueil, principalement aux Etats-Unis et en Amérique hispanophone ou lusophone. Ceux-là ont généralement perdu toute attache avec la France, que ce soit sur le plan de la nationalité ou de la langue. Il resterait actuellement plus de 100.000 ressortissants français (c'est-à-dire de personnes détentrices de la nationalité française) au Canada, plus de 200.000 aux Etats-Unis, plus de 70.000 en Australie.

2) Il y a les descendants de Français métropolitains qui se sont établis dans des territoires qui faisaient partie à l'époque de la "France d'outre-mer", l'"Empire français", l'"Union française" ou la "Communauté française", territoires qui ont entretemps changé de statut et ont soit été intégrés dans des ensembles politiques plus vastes (Canada, Etats-Unis, Inde) soit ont accédé à l'indépendance (principalement en Afrique): les Franco-Québécois, les Acadiens du Nouveau-Brunswick ou de Louisiane, mais aussi de nombreux Français d'Afrique, d'Asie (comptoirs de l'Inde, Indochine) ou du Pacifique (Vanuatu). Les descendants des Français établis en Amérique du Nord avant la perte ou la vente du Québec et de la Louisiane ont automatiquement acquis la nationalité de leurs nouveaux Etats, britannique (puis canadienne) ou américaine..

Dans tous les cas, il faut néanmoins préciser que des unions mixtes ont été contractées au fil du temps, tant avec des "indigènes" (Amérindiens, Maghrébins, Africains noirs) qu'avec d'autres (descendants d')immigrants. Les statistiques américaines donnent d'ailleurs des estimations fort intéressantes à cet égard, en tenant compte des "origines multiples" (un grand-père français, une grand-mère danoise, un arrière-grand-père fils d'esclave noir etc. etc.). D'une manière générale, les descendants de ces émigrés français sont donc aussi des descendants d'autres groupes ethniques (au sens strictement culturel du terme, le seul admis en sociologie). Par ailleurs, des migrations intra-américaines ont eu lieu ultérieurement, amenant des populations d'origine (au moins partiellement) française dans des provinces canadiennes autres que le Québec ("métis" du Manitoba), ainsi qu'en Nouvelle-Angleterre (Nord-est des Etats-Unis) et jusqu'à la côte pacifique (Californie, Colombie britannique).

Par ailleurs, il est essentiel de se rappeler que les "Français d'Afrique", tant au Maghreb qu'en "Afrique noire", ne sont pas tous des descendants de "Français métropolitains". Il y a notamment de nombreux binationaux, y compris parmi les dirigeants politiques de certains Etats. La loi Diagne de 1946 avait en effet attribué à tous les "sujets" ("indigènes") de l'Union française la citoyenneté pleine et entière (l'application politique de ce principe constitue un objet de recherches et de débats abordé dans d'autres articles de "Suffrage Universel"). Certains "indigènes" l'ont donc conservée après l'indépendance, ou l'ont réintégrée à l'occasion d'un séjour en France. En tout, il y avait au début des années 90 au moins 70.000 ressortissants français au Maghreb, et au moins 130.000 dans le reste de l'Afrique. Pour mémoire, il y avait onze millions de citoyens français au Maghreb en 1960, plus de 26 millions dans le reste de l'Afrique, et moins de 45 millions en Métropole.

3) Lors des guerres de religion, et après la révocation de l'Edit de Nantes, un nombre important de Français protestants ont pu bénéficier du droit à la liberté du culte en allant l'exercer hors de la France catholique, romaine et apostolique... De temps en temps, la presse le rappelle quand un politicien allemand par exemple accède à une fonction importante et que ses origines lointaines sont rappelées (ce fut le cas notamment lors de la brève période démocratique de la RDA avant son absorption par la RFA), ou quand le Pape, lors d'une visite en France, évoque la Saint-Barthélémy. Il est intéressant de noter que la Révolution française vota une loi rétablissant tous ces réfugiés politico-religieux et leurs descendants dans la nationalité française pleine et entière.
L'article 4 de la loi du 26 juin 1889 (sur la nationalité) précise que: "Les descendants des familles proscrites, lors de la révocation de l'Edit de Nantes, continueront à bénéficier des dispositions de la loi du 15 décembre 1790, mais à la condition d'un décret spécial pour chaque demandeur. Ce décret ne produira d'effet que pour l'avenir.".

4) Plus récemment, des Français juifs ont émigré en Palestine, puis dans l'Etat d'Israël et dans les territoires occupés. La plupart bénéficient de la double nationalité, même si certains ont brûlé leur passeport français dans des manifestations publiques, par exemple après la dénonciation par les médias français de la responsabilité israélienne dans les massacres de réfugiés palestiniens à Sabra et Chatila. Lors des élections sénatoriales de 1998, Roland Roth, un binational franco-israëlien avait d'ailleurs annoncé sa candidature à un siège de sénateur des Français de l'étranger. Il y avait au moins 60.000 ressortissants français en Israël et dans les territoires occupés (y compris Jérusalem) en 1996.

5) Il faut mentionner enfin un groupe important (un demi-million environ) de Français qui résident dans des pays frontaliers. Un nombre important d'entre eux ont conservé la nationalité française, la plupart cumulant celle-ci avec celle de leur pays d'accueil. La politique à leur égard est assez ambiguë, dans la mesure où la Convention de Strasbourg de 1963 (entre plusieurs Etats du Conseil de l'Europe) tente de réduire les cas de "pluralité de nationalités", ce qui entraîne parfois des choix douloureux pour les générations nées dans ces pays mais souhaitant conserver un lien avec leur pays d'origine.

Au total, il y a plus de 900.000 Français "immatriculés" (ou équivalents), c'est-à-dire ayant fait enregistrer leur présence par les autorités consulaires françaises de leur pays de résidence. Plus de 40% sont des "binationaux". Il est quasiment impossible de dire combien sont les autres ressortissants français, certaines estimations les évaluaient à près de 800.000 en 1995, mais il y a peut-être beaucoup plus de "Français oubliés" (qui ont négligé de faire renouveller leurs documents d'identité français depuis parfois très longtemps) ou de "Français potentiels" (nés d'un parent lui-même né en France par exemple).

"Français potentiels" (nés d'un parent lui-même né en France par exemple).

dy>