Le FCCM vient de publier une plate forme de 89 propositions pour une France juste remise le 14 mars 2002 aux différents candidats a l’élection présidentielle
Le Forum citoyen des cultures musulmanes (FCCM) vient de publier une plate-forme de 89 propositions pour une France juste. Elle a été remise officiellement le 14 mars 2002 aux différents candidats à l’élection présidentielle.
Le FCCM qui se revendique comme laïque et indépendant a accouché de cette plate-forme après des mois de réflexions et de débats à travers toute la France.
Association créée par Hakim el Ghissassi, directeur de publication, et Rachid Nekkaz, chef d’entreprise et auteur, le FCCM regroupe cette nouvelle classe moyenne de Français de cultures musulmanes (responsables d’associations, intellectuels, chefs d'entreprises, étudiants, simples citoyens).
Elle se présente comme " un forum citoyen laïque, ouvert à tous ", non communautariste mais dont "la spécificité est de donner la priorité aux citoyens de cultures musulmanes, populations qui sont dans notre pays les moins favorisées".
C’est dans cet esprit que d’octobre à décembre 2001, le FCCM a mené campagne pour l'inscription sur les listes électorales. Elle a permis l’inscription de 17.000 jeunes grâce à la mobilisation de 120 associations dans 45 villes.
Apres le succès de cette campagne, le FCCM a organisé son premier grand débat public à la Maison de la Chimie inauguré par Jean d’Ormesson. Le thème central etait la citoyenneté et le déficit de représentativité politique des Français de cultures musulmanes.
Voulant être présent dans le débat électoral, une consultation nationale a été lancée. Plus de 10 000 brochures ont été envoyées à un réseau d’associations de quartiers, à des mosquées, à des intellectuels et à des étudiants. Soucieux d’inscrire sa démarche dans un esprit d’ouverture et de dialogue, le FCCM a parallèlement mis en place des ateliers de travail afin de recueillir les questions et les idées des citoyens et de réfléchir ainsi à des propositions qui touchent tous les Français en général et ceux de cultures musulmanes en particulier.
Tout ce travail a abouti à cette plate-forme de 89 propositions pour une France juste. C’est une expérience unique à plus d’un titre. Sortant de la victimisation et de la revendication négative, elle se veut résolument positive et responsabilisatrice.
Construite comme un véritable programme de gouvernement, cette plate-forme aborde quatre grands thèmes : culture et société (38 propositions), justice et sécurité (21 propositions), économie et entreprises (11 propositions), et politique et citoyenneté (19 propositions).
Trois mots résument cette plate forme : justice, solidarité et liberté d’initiative.
Culture et société
Les propositions relatives à ce thème mettent l’accent sur quatre priorités nationales : l’éducation, le culte, le logement et la famille.
Pour la partie éducation, 18 propositions (proposition 1 à 18) viennent étayer un dispositif ou la priorité est donnée à l’aménagement des rythmes scolaires (proposition 1) et à un partenariat parents-enseignants (proposition 4). L’idée inspirée du modèle allemand consiste en une matinée réservée à l’apprentissage des matières théoriques et en un après-midi consacré à des disciplines culturelles et sportives de façon à ce que l’école soit plus un milieu ouvert d’émancipation pour les enfants qu’un lieu de résignation et de malaise psychologique.
Pour le culte, 6 propositions développent les moyens de l’intégration de l’islam, en tant que deuxième religion de France, dans le paysage urbain et culturel français (proposition 25 à 30).
Reconnaissance des fêtes musulmanes, ouvertures d’aumôneries musulmanes dans les prisons, hôpitaux et casernes, ouverture de mosquées décentes, formation de cadres religieux, mise en place de carres musulmans et enfin des lieux d’abattage rituel pour la viande hallal.
2 propositions ont trait à la santé (prise en charge de la circoncision par la sécurité sociale), une sur l’environnement (jugulation de la circulation routière, proposition 39) et une proposition " éthique " insiste sur la nécessite de définir une charte sur l’inviolabilité de la race humaine (proposition 33).
Enfin les 4 propositions liées à la lutte contre les discriminations (emploi, logement, médias) s’articule autour de la création (proposition 34) d’une autorité administrative indépendante (organe préconisé par la Commission européenne).
Justice et sécurité
L’esprit des propositions s’inscrit à contre-courant du discours sécuritaire ambiant en mettant l’accent plus sur la prévention, l’information et l’encadrement que sur la répression et la sécurité. Sur les 20 propositions avancées, 3 concernent la justice et le citoyen, 4 la justice et les familles, 8 la justice et les jeunes, 4 la justice et l’environnement local (quartiers) et 2 la sécurité et l’Etat. Les problèmes des jeunes et de la sécurité sont abordés sans complexe avec notamment la " généralisation des travaux d’intérêt local pour toute entorse à la loi (collèges, lycées, espaces publics) afin de responsabiliser les enfants " (proposition 53). Cette idée s’articule cependant avec la " mise en place de structures de régulation institutionnelle pour forme et soutenir efficacement l’insertion professionnelle des individus en rupture sociale (jeune en situation d’échec scolaire, jeunes délinquants, chômeurs de longue durée etc…proposition 45).
Economie et entreprises
10 propositions viennent pour la première fois donner au public la philosophie de l’entreprise des Français de culture musulmanes dans ce pays. On est très vite surpris par à la fois un esprit libéral (déductions fiscales pour soutenir l’activité économique, proposition 60 et 63)) et par l’accompagnement social de l’entrepreneur au travers d’une idée astucieuse (proposition 61): la création d’un revenu minimum d’entreprise (financée grâce a la taxation des flux boursiers a hauteur de 0,01%, proposition 62) pour tout créateur d’entreprise. La création " d’espace entreprises " (proposition 65) reste cependant l’idée clef pour encadrer la volonté d’entreprendre des jeunes dans les zones sensibles grâce à des détachements de permanence (conseil gratuit en droit, fiscalité, marketing et en finances). N’ayant pas oublié non plus que près de la moitié des demandeurs d’emplois sont de cultures musulmanes ou étrangères, le FCCM pointe du doigt la gestion de l’ANPE (proposition 66) en proposant une cogestion de cette organisme à la fois par l’Etat et le patronat (MEDEF), la mise en ligne des CV des demandeurs d’emplois sur Internet pour sortir de cette spirale du chômage et la refonte des formations financées par l’Etat (proposition 67).
Politique et citoyenneté
20 propositions développent la philosophie politique et citoyenne du FCCM franchement volontariste et responsabilisatrice.
De l’envoi systématique de la carte d’électeur aux citoyens (proposition 72) en passant par l’invalidation de toute élection chaque fois que la participation des électeurs est inférieure à 50% (proposition 76), et en finissant par des actions de la France (proposition 89) en faveur des peuples opprimes (Palestine, Tchétchénie, Kurdistan), l’objectif est clairement affiché. Le FCCM veut devenir un partenaire incontournable dans la gestion de la Cité. Et il veut apporter et encourager la participation des 5 millions de Français de cultures musulmanes dans le débat public et dans les choix de société. En ligne de mire, le déficit de représentativité politique des Français de cultures musulmanes dans les instances décisionnaires des partis politiques (proposition 82), au gouvernement, au Sénat et au Parlement.
Et demain….
Le FCCM ne s’arrête pas à la publication de cette plate-forme de 89 propositions. Le 29 mars 2002, il invite les deux principaux candidats à réagir à cette plate-forme à Paris (la Maison de la Chimie) devant un parterre de responsables associatifs et de représentants de la classe moyenne. Ils viendront entendre ce que Jacques Chirac et Lionel Jospin proposent aux Français de cultures musulmanes pendant le prochain quinquennat. La philosophie du FCCM peut se résumer ainsi à cette devise : entre le citoyen et le politique, la parole est à la vérité des mots et des engagements.