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débats sur le négationnisme du génocide arménien

 

http://www.lalibre.be/article.phtml?id=11&subid=118&art_id=222698

Face à face-ARMÉNIE

Peut-on nier le génocide arménien?

La Libre Belgique, Mis en ligne le 30/05/2005

(voir aussi la position de deux sénateurs PS sur le sujet)

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La Turquie doit affronter son passé, même douloureux. Etablir un fait historique pour éviter qu'il se renouvelle, ce n'est pas rendre responsables les gouvernants d'aujourd'hui

CHRISTINE DEFRAIGNE, FRANCOIS ROELANTS DU VIVIER, Sénateurs MR

Le génocide perpétré par l'Empire ottoman en 1915 à l'encontre du peuple arménien est une vérité historique: telle est la position convergente des historiens. Par leur caractère massif et planifié, ces massacres systématiques d'hommes, de femmes et d'enfants en raison de leur appartenance ethnique constituent bien un génocide, le premier du XXe siècle, selon la Convention de Londres de 1948.

Le génocide est un crime contre l'humanité dont la condamnation doit être universelle. Le temps ne diminue en rien la responsabilité de ses auteurs, et il n'y a pas de prescription pour un tel crime. Reconnaître l'existence d'un génocide s'impose à tous, car un tel forfait interpelle l'humanité dans son ensemble. Nier son existence atteint directement les survivants, insulte la mémoire des victimes et les assassine une seconde fois.

Ce sont les raisons pour lesquelles, dans le cadre de la révision de la loi sur la répression du négationnisme de mars 1995, nous avons pris l'initiative de déposer un amendement qui vise à asseoir la reconnaissance par la Belgique du génocide arménien et par là même, de sanctionner enfin ceux qui en nient l'existence, de la même manière qu'est sanctionné le négationnisme des autres génocides commis durant le XXe siècle.

Cet amendement propose d'étendre le champ d'application de la loi du 23 mars 1995 tendant à réprimer le négationnisme, en prévoyant d'autres critères de rattachement avec notre législation belge que les seules références aux juridictions internationales ou nationales ou aux instances des Nations unies. Nous souhaitions ainsi viser les génocides reconnus par le Parlement européen qui bénéficie d'une grande légitimité et d'une grande représentativité démocratique, étant composé de membres élus au suffrage universel, provenant des 25 Etats membres de l'Union, et reflétant toutes les opinions et sensibilités démocratiques.

Notre démarche n'a nullement pour objet de condamner la Turquie actuelle: elle n'est en aucune manière un acte d'accusation. Etablir un fait historique pour marquer les mémoires et éviter qu'il se renouvelle, ce n'est pas rendre responsables les gouvernants d'aujourd'hui.

Loin de stigmatiser, notre geste doit chercher à apaiser en ne niant pas l'Histoire. La reconnaissance de l'Histoire, même dans ses épisodes les plus douloureux, peut être le fondement de la paix et d'un destin partagé.

NOTRE GESTE DOIT CHERCHER À APAISER

La construction de l'Europe à laquelle la Turquie désire s'intégrer en est une éclatante démonstration: elle s'est faite autour du noyau franco-allemand, ce qui n'a été possible que grâce au douloureux travail de mémoire accompli par l'Allemagne démocratique de l'après-guerre. Si l'Allemagne a retrouvé toute sa place au sein de la communauté européenne, c'est parce qu'un jour le chancelier Willy Brandt a eu le courage de s'agenouiller devant le mémorial du ghetto juif de Varsovie en mémoire des victimes du nazisme. Nous sommes en droit d'attendre du gouvernement turc un geste d'une portée politique équivalente.

L'Union européenne est fondée sur l'idée de garantir la paix entre ses membres et de propager ses valeurs et son modèle vers l'extérieur. Quels que soient les enjeux, le respect de nos valeurs démocratiques est aussi important que le respect des critères économiques d'adhésion. Nous ne pouvons pas faire fi de ces principes. Qu'elle soit candidate à l'Union européenne, ce que nous approuvons, prouve que la Turquie d'aujourd'hui n'est plus celle d'hier et qu'elle veut devenir à part entière un Etat moderne et démocratique. La Turquie devra, à son tour, tôt ou tard, relire les pages sombres de l'histoire de l'Empire ottoman. Le pardon et la réconciliation passent par la reconnaissance des crimes commis.

Les communautés turque et arménienne de Belgique ont un rôle constructif à jouer dans ce débat, bien au-delà des petits calculs électoraux de certains ou des tentatives d'instrumentalisation extérieure exercées par d'autres. Nos concitoyens belges d'origine turque ou arménienne, et ceux qui ont choisi de conserver leur nationalité mais qui pourront exprimer leur choix communal en octobre 2006, doivent prendre toutes leurs responsabilités au sein de notre vie politique. Ils pourront d'autant mieux le faire qu'ils se débarrasseront dans la sphère publique de toutes entraves communautaristes: en agissant en tant que citoyen belge, en tant que membre de la société belge, ils pourront aborder ensemble, avec tous les concitoyens de notre pays, de manière dépassionnée, des questions qui relèvent à juste titre d'un passé douloureux.


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