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Citoyenneté, démocratie, ethnicité et nationalité aux Pays-Bas
L'après-11 septembre aux Pays-Bas

 

Un terroriste d'origine marocaine assassine un écrivain islamophobe

Suffrage Universel (liste de diffusion) 03/11/2004

Le polémiste, éditorialiste et réalisateur de cinéma Theo Van Gogh, arrière-petit-neveu du peintre Vincent van Gogh, a été abattu ce mardi matin par balles en pleine rue à Amsterdam. L'auteur, un Néerlandais d'origine marocaine de 26 ans vêtu d'une djellaba selon un témoin, a été arrêté peu après par la police. Après avoir tué sa victime, il lui avait planté un couteau dans le corps, accompagné d'un papier qui, d'après la police néerlandaise, donnerait la justification de cet acte. D'après le Parquet, il était connu de la justice, mais ne figurait pas parmi la centaine d'islamistes radicaux sous surveillance permanente de l'AIVD, la Sûreté (DST) néerlandaise, même s'il est un ami de Samir A., qui avait été arrêté voici quelques semaines alors qu'il s'apprêtait à commettre un attentat aux Pays-Bas.

En août dernier, Theo Van Gogh (47 ans) avait réalisé, avec la députée libérale (de droite) d'origine somalienne et ex-musulmane Ayaan Hirsi Ali un court-métrage de 11 minutes intitulé "Soumission", diffusé sur une chaîne de télévision néerlandaise. "Soumission" traçait de brefs portraits, avec images-chocs de visages réduits en bouillie, de corps lacérés par des coups de fouet, de femmes musulmanes mariées de force, victimes de brutalités de la part de leur mari, violées par un oncle ou victime de brutalités en punition de leur adultère. Ces femmes étaient filmées vêtues d'une cape, d'un foulard et d'un masque facial noirs, et d'une tunique noire quasi-transparente sous laquelle elles étaient nues. A plusieurs reprises apparaissaient des parties de leurs corps couvertes de versets du Coran censés justifier l'oppression et la violence envers les femmes.

Mme Hirsi Ali, une réfugiée somalienne arrivée aux Pays-Bas en 1992, a travaillé comme ouvrière de nettoyage tout en apprenant le néerlandais et en effectuant une licence en sciences politiques à l'Université de Leiden. Elle était entrée en 2001 au service de recherches du PvdA (Parti travailliste) mais, tirant les conclusions de ses propres dérives intellectuelles de plus en plus intolérantes envers la religion islamique et l'approche dite multiculturaliste du PvdA, elle avait fini par rejoindre le parti libéral de droite VVD un an plus tard, gagnant aussitôt une place éligible sur sa liste pour les législatives de janvier 2003. Elle n'a cessé depuis lors de multiplier les provocations, tant envers les Musulmans que les Juifs, encore en octobre dernier quand elle menait campagne pour l'interdiction de la circoncision, dans la lancée de la récente pénalisation de toute excision féminine. Ses nouveaux camarades de parti n'apprécient pas tous ses outrances verbales à l'encontre de diverses communautés, parfois qualifiées d'"intifada libérale" ou de "djihad libéral" quand elles sont reprises en choeur par d'autres élus du VVD soit sincèrement islamophobes soit surtout soucieux de récupérer l'électorat du populiste Pim Fortuyn. D'un autre côté, elle avait virulemment dénoncé il y a quelques jours l'attitude du gouvernement néerlandais (à participation VVD) qui refusait de condamner les propos réactionnaires envers les femmes et les gays du (à l'époque) futur commissaire européen Buttiglione, le comparant à l'imam El Moumni qui avait défrayé la chronique aux Pays-Bas en déclarant que l'islam prévoit la peine de mort pour les gays. Paradoxe à la néerlandaise, au parlement de La Haye siègent à la fois des gens comme Ayaan Hirsi Ali et des députés intégristes protestants de Christenunie et du SGP qui restent opposés au droit de vote des femmes, se basant sur l'Epître aux Corinthiens dans le Nouveau Testament selon lequel l'homme est soumis à Dieu et la femme soumise à l'homme...

Depuis le 11 septembre 2001, le climat intellectuel et les relations entre Musulmans et non-Musulmans se sont fortement détériorés aux Pays-Bas où certaines personnalités publiques tiennent régulièrement des discours particulièrement agressifs envers la population allochtone, que ce soit pour stigmatiser sa part plus importante que la moyenne dans la criminalité ou pour s'attaquer, parfois en des termes assez grossiers, à ses traditions religieuses caricaturées. Van Gogh, auteur d'une compilation de ses éditos intitulée "Allah le sait mieux" (Allah weet het beter), avait par exemple, en mars dernier, publié une carte blanche dans le quotidien gratuit Metro, où il traitait le prophète Mohammed d'"oncle obscène" et de "violeur de petites filles", et il aurait déclaré dans une interview que "les Musulmans sont des enculeurs de chèvres"... Aux côtés d'éditorialistes autochtones comme Pim Fortuyn et Theo Van Gogh se sont également manifestés par leur agressivité des personnalités allochtones comme Ayaan Hirsi Ali, dont le discours s'apparente à celui de l'Iranienne Chahdortt Djavann en France.

La répétition de ces provocations a fini par entraîner des menaces de mort envers leurs auteurs, mais celles-ci n'avaient pas été prises au sérieux initialement, les Pays-Bas n'étant pas le Pays Basque où le terrorisme ciblé contre des politiciens ou des journalistes est monnaie courante. Lors de l'assassinat de Pim Fortuyn, beaucoup de gens avaient poussé un soupir de soulagement en apprenant que l'auteur arrêté était un "Néerlandais de souche" et que sa motivation était de nature politique "animaliste", sans relation aucune avec les allochtones et l'Islam.

Aujourd'hui, il en va tout autrement, et on a déjà vu ce mardi à la télévision néerlandaise des échantillons à la fois des craintes des Musulmans d'Amsterdam, notamment devant une mosquée proche du lieu du meurtre, et des réactions haineuses de certains Néerlandais venus se recueillir bruyamment (par respect pour Van Gogh qui n'aurait pas aimé le silence) sur le boulevard du Dam à l'appel du bourgmestre Job Cohen. Le registre de condoléances sur internet ouvert sur http://www.condoleance.nl a déjà été purgé dans le courant de la journée par ses responsables d'une centaine de commentaires racistes et islamophobes parmi un millier de messages de condoléances. Les messages racistes ont été archivés off line pour mise à disposition éventuelle de la police, ce qui n'aurait probablement pas plus au défunt.

A noter que le député ex-VVD Geert Wilders, exclu de son parti pour dérive ultradroitière (un peu dans le style de Coveliers et Dedecker au VLD flamand) et prises de position radicalement hostiles à l'entrée de la Turquie dans l'Union Européenne (à laquelle le VVD est favorable), a profité de l'occasion pour faire état de menaces de mort à son encontre, se faisant ainsi un peu de pub gratuite en tant que martyr potentiel de la cause du "non politiquement correct". Ayaan Hirsi Ali avait déjà dû se réfugier quelque temps aux Etats-Unis en 2002 suite à des menaces de mort, elle en a reçu d'autres entretemps, notamment suite à la diffusion de "Soumission", elle est constamment sous protection policière et, sous le choc, a refusé de s'exprimer dans les médias aujourd'hui.

Bien évidemment, tout le monde aux Pays-Bas a condamné ce qui est, plus qu'un simple assassinat crapuleux, un véritable acte de terrorisme politique en rappelant que la liberté d'expression doit être respectée et que toute violence physique doit être prohibée envers les personnes qui font usage de cette liberté d'expression.

Commentaires shaïtanesques

Jusqu'où doit aller le respect de la liberté d'expression, entre tolérance illimitée et "police de la pensée", expression tirée d'Orwell et souvent utilisée par Van Gogh ou par les détracteurs des législations antiracistes et antinégationnistes en Belgique et en France ? Et la contestation de ce droit doit-elle être tolérée quand, par exemple, des organisations intégristes ou autres appellent à manifester devant des cinémas pour tenter d'empêcher la diffusion de films considérés comme "offensants" ou "blasphématoires" ?

Est-il admissible que des pétitions sont lancées, par le site http://www.imaan.nl entre autres, à destination de la Chambre des Députés, du Ministre de l'Intérieur et de l'AIVD (Sûreté, DST) pour protester contre la diffusion d'un court-métrage ou d'une lettre blanche du même tonneau avec pour argument que "les Musulmans sont en général tolérants et patients mais nous ne pouvons plus autoriser cet homme à répandre à chaque fois la haine et l'agression envers les Musulmans en toute impunité" ? Les gens qui ont signé une telle pétition ne considèrent-ils pas implicitement que Van Gogh a finalement été "puni", même si le responsable de http://www.imaan.nl a tout de même placé aujourd'hui sur sa page d'accueil une condamnation de l'attentat meurtrier, "extrêmement barbare", contre Van Gogh ?

La question des limites de la liberté d'expression s'est également posée à diverses occasions en France ces derniers temps avec des procès intenté contre l'écrivain français Houellebecq pour avoir tenu des propos offensants pour les Musulmans dans un roman, contre un imam de banlieue pour avoir rappelé que l'Islam autorise le mari à frapper sa femme sous certaines conditions, contre le directeur de la publication qui avait interviewé cet imam, pour avoir ainsi aidé à propager une incitation à la violence conjugale, sans parler des multiples procès intentés par le lobby sioniste contre le journaliste Daniel Mermet de France Inter ou contre un maire communiste qui avait appelé au boycott des produits israéliens, de la pétition qui a fini par obtenir le licenciement du directeur des programmes de Radio France International, Alain Ménargues, des annulations de conférences de Tarik Ramadan et d'Alain Gresh dans plusieurs villes sous la pression du lobby laïciste.

Toutes les victimes de ces atteintes à la liberté d'expression ne sont certes pas nécessairement à 100% sympathiques mais elles doivent être défendues avec la même conviction, tout comme le jeune écologiste gay musulman d'origine marocaine Carim Bouzian qui avait virtuellement été lynché, sans être soutenu par son parti (il est d'ailleurs passé au VLD libéral il y a deux semaines e.a. pour cette raison), par certaines organisations allochtones anversoises pour son projet d'affiches appelant à la tolérance envers les gays et lesbiennes en montrant des photos de filles voilées ou d'hommes "typés allochtones" s'embrassant.

Ces évolutions particulièrement néfastes du débat politique et intellectuel risquent de finir par l'étouffer sous les menaces de violences physiques (bien connues de Mehmet Koksal, considéré comme "traître à sa race" par certains habitants du Türkbeekistan), de pressions sur les employeurs (le service du "contrôle interne" de mon administration en sait quelque chose) ou de répression judiciaire (également vécu), en n'oubliant pas que toute action en justice, même si elle est gagnée par le défendeur (ou s'il y a non-lieu), comporte un coût non négligeable sous la forme d'honoraires d'avocats, sans parler du temps perdu à rédiger des mémoires de défense. Que des gens n'apprécient pas la façon dont tel ou tel parle d'eux ou de choses qui leur tiennent à coeur, c'est leur droit, ils peuvent le dire ou l'écrire, mais sans plus, sans menacer, sans tenter de faire perdre son emploi à leur détracteur, sans manifester sous ses fenêtres, sans ameuter les foules contre l'auteur incriminé.

Pierre-Yves LAMBERT
http://www.suffrage-universel.be

description en anglais du court-métrage "Submission" (dont les dialogues sont en anglais): http://www.expatica.com/source/site_article.asp?subchannel_id=19&story_id=11236

article en anglais du point de vue musulman avec liens vers les rétroactes: http://islam-online.net/English/News/2004-11/02/article06.shtml


Les Pays-Bas avant et après l'assassinat de Theo Van Gogh (02/11/2004)

lexique (ndPYL)

 


http://www.ambafrance-nl.org/article.php?id_article=5056

Presse néerlandaise du vendredi 29 octobre 2004

Actualité intérieure

Ayaan Hirsi Ali

La lauréate du Harriët Freezerring de cette année est la députée VVD Ayaan Hirsi Ali. L’anneau Harriët Freezer est un prix décerné chaque année par le mensuel féministe Opzij à une femme (parfois une organisation) ayant beaucoup contribué à l’émancipation des femmes aux Pays-Bas. Les lectrices du périodique ont désigné Hirsi Ali en raison de son engagement pour l’émancipation des musulmanes. Le prix consiste en une enveloppe de 1250 euros et un anneau de la conceptrice Katja Prins. Le prix sera remis à la députée d’origine somalienne le 26 novembre, dans la Nieuwe Kerk d’Amsterdam.


http://www.ambafrance-nl.org/article.php?id_article=5058

Presse néerlandaise du lundi 1er novembre 2004

Islam européen

"L’islam se modernise en Europe", relève le journal haguenois Haagsche Courant (p.A3) de samedi. "C’est ce que conclut la Fondation Centre d’études sur la Turquie d’Essen (Allemagne), dans une étude présentée vendredi. Les conceptions religieuses modernes gagnent surtout du terrain parmi les jeunes musulmans européens de formation supérieure. On ne peut pas parler d’un courant islamique radical croissant, selon l’étude. Une nette majorité des musulmans européens ne considère pas comme une obligation religieuse le port d’un foulard par les femmes musulmanes. Elle ne voit aucun inconvénient à ce que garçons et filles soient ensemble pendant les cours de gymnastique et les excursions scolaires. Le choix d’un non-musulman comme partenaire matrimonial reste cependant problématique pour la majorité."

"La ’vieille’ Union européenne de quinze Etats membres compte 13,5 millions de musulmans", rappelle le journal. "Cela représente 3,5 pour cent de la population. La France en compte le plus (cinq millions), suivie par l’Allemagne (3,4 millions)."

A noter que le député néerlandais indépendant Geert Wilders (ex-VVD) poursuit sa campagne contre l’islam dans le Telegraaf (pp.1 et 7) de dimanche : "L’islam est une philosophie pernicieuse." "Je m’inquiète beaucoup de l’influence croissante de la religion et de la culture islamiques, surtout parce que les responsables de ce pays continuent de se dorloter sous la couverture chaude du politiquement correct. La couverture électrique est à huit et on dort toujours tranquillement. Avec les mauvaises mosquées, on va surtout discuter et boire du thé, alors que dans les pays voisins on prend des mesures." "Chez nous il ne se passe rien, de peur de déclencher une guerre de religion. Pourtant la menace croîtra de jour en jour si nous ne mettons pas fin à l’importation de l’islam par l’immigration et le regroupement familial. Il n’y a de démocratie et de respect des droits de l’homme dans aucun pays dominé par l’islam. C’est parce qu’il n’y a pas de différence dans cette religion entre le pouvoir spirituel et le pouvoir séculier."

"La révélation d’Allah à Mahomet est toujours claire et nette : il faut tuer tous les infidèles. Elle est aussi mise en application, voyez l’Irak et les attentats de Madrid et des Etats-Unis. On l’inculque à des peuples entiers qui l’apportent dans leurs bagages. Cette philosophie purement fasciste menace de tuer notre démocratie."

A signaler :

La réaction d’Hirsi Ali aux critiques émises sur son film (de Volkskrant de samedi, p.6). Selon elle, la critique de l’islam doit venir de l’intérieur.


http://www.ambafrance-nl.org/article.php?id_article=5059

Presse néerlandaise du mardi 2 novembre 2004

Algemeen Dagblad : "Les chances de Kerry augmentent - Il devance Bush dans les Etats cruciaux", "En Floride on fait la queue pour voter", "Un lycéen de 17 ans a menacé Hirsi Ali et Wilders", "Bernhard est de retour chez lui"


http://www.ambafrance-nl.org/article.php?id_article=5061

Presse néerlandaise du mercredi 3 novembre 2004

L’assassinat à Amsterdam, hier matin, du réalisateur et publiciste néerlandais Theo van Gogh, "enfant terrible" des débats télévisés et champion du franc-parler aux Pays-Bas, et les réactions à ce meurtre qui rappelle celui de Pim Fortuyn en 2002 constituent le principal thème d’une presse sous le choc. Il éclipse celui de l’élection du président des Etats-Unis, dont le résultat était d’ailleurs encore incertain au moment où les quotidiens ont bouclé ce matin.

* * *

Le dossier du jour : Theo van Gogh

"Le suspect du meurtre du réalisateur Theo van Gogh (47 ans) a peut-être agi ’en raison de convictions islamiques radicales’, selon les ministres Donner et Remkes", écrit le Volkskrant dans son grand article à la une. "L’homme était connu du Service général de renseignement et de sécurité (AIVD), mais ne figurait pas sur la liste de 150 personnes que le service surveille jour et nuit. Selon les ministres, il n’y avait pas d’information permettant de penser que le suspect préparait des actions violentes."

"Remkes a déclaré mardi soir que le suspect était proche du groupe de musulmans extrémistes que l’AIVD surveille, mais qu’il ne fait pas partie du noyau dur. Il entretenait cependant des contacts avec ce groupe."

"Le meurtre du réalisateur Theo van Gogh par un Néerlandais d’origine marocaine âgé de 26 ans a suscité aux Pays-Bas un émoi qui rappelle le meurtre de Pim Fortuyn, il y a plus de deux ans. A Amsterdam, vingt mille personnes se sont rassemblées sur le Dam pour exprimer leur effroi. Les musulmans ont également réagi en grand nombre à l’appel du maire d’Amsterdam, Cohen, et participé à la ’veille bruyante’ sur le Dam."

"Le gouvernement et la Deuxième Chambre ont unanimement exprimé l’horreur que leur inspire la mort violente de Van Gogh, qui a été assassiné mardi matin alors qu’il se rendait à son travail. Le premier ministre Balkenende a qualifié de préoccupant le fait qu’il y ait ’un climat dans lequel les gens se réfugient dans la violence’."

"Le suspect du meurtre de Theo van Gogh est un Néerlandais de 26 ans dont les parents sont marocains et qui a lui-même la double nationalité."

"Les porte-parole de la communauté marocaine et d’organisations religieuses musulmanes ont unanimement exprimé leur horreur après le meurtre de Theo van Gogh et appelé les gens à manifester à Amsterdam, mardi soir. Une délégation de la mosquée controversée El Tawheed a également participé à la manifestation."

"A Amsterdam, un certain nombre de mesures préventives ont été prises dans les coulisses, pour prévenir d’éventuels conflits entre Néerlandais et allochtones musulmans. Peu après la mort de Van Gogh, le maire Cohen a décrété un plan d’urgence, dit Draaiboek Vrede [scénario paix]."

"Van Gogh était un cinéaste connu et un publiciste controversé qui se distanciait de l’islam en termes vigoureux. Cet été, Van Gogh avait tourné avec la députée VVD Ayaan Hirsi Ali le film Submission, qui est considéré aux Pays-Bas et à l’étranger comme une âpre condamnation de la répression de la femme dans l’islam."

"A Amsterdam, les surveillants de quartier doivent aller dans la rue pour tâter le terrain", souligne le même Volkskrant dans un article de fond à la une. "A La Haye, la devise est : garder la tête froide. On redoute des émeutes. Et la question sous-jacente, aussi inexprimée qu’inquiétante, est : avons-nous une réponse à ça ? ’Cet événement montre quel climat nous avons laissé se créer, quelles personnes nous avons acceptées et laissé agir à leur guise, comment nous avons laissé pourrir la situation’, déclare le sociologue Herman Vuijsje. Il y a des chiffres. Pas plus de 5 pour cent des musulmans des Pays-Bas sont radicaux, mais cela fait tout de même quelque cinquante mille. Il suffit qu’il y en ait un qui prenne un couteau et un pistolet pour plonger les Pays-Bas dans une profonde crise, ainsi qu’il est apparu hier." "Nous avons longtemps pensé aux Pays-Bas que notre tolérance nous épargnerait des incendies comme à Brixton ou des émeutes de banlieue. Ce sentiment appartient au passé."

En page 4, le correspondant à Paris, Fokke Obbema, rapporte le commentaire du philosophe et islamologue Olivier Roy, qui discerne un rapport entre ce meurtre et un problème européen plus large : l’incertitude des musulmans et des non-musulmans concernant leur identité. "On peut parler de crise des cultures, maintenant que les démarcations entre elles s’estompent et que les deux parties sont à la recherche de leur identité. Les non-musulmans le font actuellement en définissant leur identité par opposition à l’islam. Les musulmans le font en tirant entièrement leur identité de leur religion."

La première conséquence du meurtre de Van Gogh sera la croissance de la haine aux Pays-Bas, prévoit Olivier Roy. Dans une deuxième phase, tout le monde sera contraint de bien réfléchir. "De nouvelles identités devront se former après de longues discussions."

"Après un débat d’urgence avec les organisations musulmanes, la ministre Verdonk (Intégration) a déclaré à Amsterdam hier soir que les Pays-Bas se trouvent à la ’croisée des chemins’", rapporte le Trouw. ’Nous pouvons opter pour la haine et la peur ou bien dire : jusqu’ici et pas plus loin, stop’."

En page 2, le journal chrétien progressiste note que "Ayaan Hirsi Ali a quitté rapidement le Binnenhof hier matin, après l’annonce du meurtre de Van Gogh". "Hirsi Ali fait l’objet d’une protection depuis le début de sa carrière politique au sein du VVD. Dans le cas d’un autre député souvent menacé, l’ex-VVD Wilders, le nombre de gardes montrait hier que sa protection a été renforcée. Wilders a reconnu hier qu’il avait peur. Il a dit du meurtre de Van Gogh : ’Il est horrible d’imposer son opinion par des balles. J’ai les jambes qui tremblent. Mais je continuerai de dire ce que je pense’."

En page 3, le psychologue des masses Van Ginneken (Université d’Amsterdam) fait valoir qu’après Fortuyn ce meurtre est un nouvel extrême qui se répercutera pendant longtemps dans le débat public. "Les Pays-Bas ne seront plus comme avant." Le premier ministre Balkenende doit trouver maintenant "les mots justes". Il doit faire en sorte que les émotions ne débouchent pas sur la violence. "Balkenende doit s’y opposer clairement, tracer des limites, appeler les autres à prendre leurs responsabilités. Il y aura des idiots qui voudront maintenant jeter un cocktail Molotov dans une mosquée."

Commentaires

"Hier est arrivé ce que beaucoup craignaient la première heure après le meurtre de Pim Fortuyn, à savoir que le meurtrier ne soit un musulman", écrit l’éditorialiste du Trouw. "Le meurtrier de Fortuyn n’était pas seulement un autochtone, mais aussi un vrai solitaire. La présomption que le suspect du meurtre de Van Gogh ne soit ni l’un, ni l’autre fait craindre le pire. Ce n’est pas à tort que la ministre Verdonk, responsable de l’intégration, a souligné hier soir que nous nous trouvons à la croisée des chemins. Ce meurtre peut être le début d’une spirale de la peur dans laquelle des groupes de la population se considèrent comme ennemis."

L’autre option, selon le journal chrétien progressiste, "est que tout le monde suive l’appel du premier ministre Balkenende à résoudre nos différends par le débat". "Telle est la fonction de la classe politique dans une démocratie. C’est à juste titre que le premier ministre a érigé la liberté d’opinion en pierre angulaire de l’Etat de droit et de la démocratie. Protéger cette liberté, cela signifie aussi agir plus fermement sur notre territoire contre le terrorisme au nom de l’islam et contre ceux qui lui manifestent de la sympathie."

Pour le Volkskrant, "le meurtre de Theo van Gogh est un acte de violence politique". "Le réalisateur Theo van Gogh jouait un rôle éminent dans le débat sur le fondamentalisme musulman en tant que menace pour les acquis de la civilisation occidentale."

"Les attentats du 11 septembre 2001 à New York et Washington ont accéléré le débat sur l’intégration aux Pays-Bas. Pendant trente ans, les musulmans néerlandais ont été traités avec un mélange d’indifférence et de tolérance. Ils peuvent considérer qu’il est humiliant qu’on leur demande depuis le 11/9 d’être loyaux aux valeurs démocratiques - mais c’est légitime. Les musulmans devront accepter que dans une démocratie la religion peut aussi faire l’objet de critiques, c’est vrai pour l’islam autant que pour le christianisme. Theo van Gogh, à cet égard, a toujours recherché sciemment les limites des convenances. Plus d’une personne a régulièrement eu des raisons de se sentir blessée et offensée par lui. Quand on veut se défendre contre cela dans une démocratie, on peut saisir les tribunaux. Tout autre limitation de la liberté d’expression est inadmissible."

"Un homme a de nouveau été assassiné à cause de ses opinions, Theo van Gogh, cinéaste, écrivain et chroniqueur de talent et polémiste provocateur", écrit le Telegraaf. "De nouveau, deux ans après le meurtre de Fortuyn, c’est l’abasourdissement général, la colère et l’incrédulité devant le fait qu’un tel meurtre inutile et lâche puisse arriver dans ce pays." "La liberté d’expression est profondément enracinée ici, bien que Van Gogh soit un cas limite. Cette liberté ne doit pas disparaître parce qu’il y a des gens qu’elle n’arrange pas ou à qui elle déplaît."

Dans un deuxième volet, le journal populaire appelle au calme interethnique et au renforcement de la lutte contre le terrorisme et le fondamentalisme musulman. "Le temps de l’approche douce est révolu, c’est aussi dans l’intérêt de la grande majorité des musulmans qui, heureusement, abhorre la violence."

"Un meurtre politique", titre l’Algemeen Dagblad, qui estime qu’"une protestation massive des musulmans néerlandais pourrait être le début d’une indispensable autoépuration".


http://www.ambafrance-nl.org/article.php?id_article=5064

Revue de presse néerlandaise du jeudi 4 novembre 2004

Actualité intérieure

Theo van Gogh

"Le parti gouvernemental VVD et le député Wilders condamnent la réaction ’stoïque et résignée’ du gouvernement au meurtre du cinéaste Theo van Gogh par un musulman extrémiste", relève le Volkskrant (p.2). "Les autres partis exigent aussi plus d’informations de la part des ministres directement responsables, Donner (Justice) et Remkes (Intérieur)."

"Le président du groupe parlementaire VVD, Van Aartsen, juge ’pudique’ que les ministres, dans une lettre à la Chambre, considèrent l’attentat meurtrier comme un acte criminel. Dans le NRC Handelsblad de mercredi, le chef de file VVD parle de ’djihad dans l’Oosterpark’, en référant à l’endroit où Van Gogh avait été abattu un jour plus tôt par un homme de 26 ans d’origine marocaine. ’Ces gens ne veulent pas changer notre société, mais la détruire. Nous sommes leur ennemi. Et cela, nous ne l’avons plus vu depuis 1940.’ Van Aartsen veut une approche très dure vis-à-vis des ’éléments dangereux’. ’Les appels au calme du gouvernement sont beaux, mais il faut aussi agir’."

"L’ex-député VVD Wilders dit que les responsables vont avoir des problèmes politiques parce que le suspect du meurtre de Van Gogh n’était pas suivi par le Service général de renseignement et de sécurité (AIVD), alors qu’il en était connu. Wilders et Van Aartsen veulent que le service de renseignement ne surveille pas seulement le noyau dur de cent cinquante musulmans fondamentalistes, mais aussi les gens qui gravitent autour."

"Les partis de coalition CDA et D66 ne donnent pas encore de qualificatifs à la lettre de Donner et Remkes. ’Mon groupe veut savoir comment l’AIVD a coopéré avec les autorités amstellodamoises’, déclare le leader D66 Dittrich. Le député CDA Van Haersma Buma trouve inquiétant qu’un deuxième groupe ’capable de tuer’ gravite autour du noyau dur d’extrémistes musulmans."

Sur la même page figure une déclaration d’Ayaan Hirsi Ali (VVD), qui exprime le "chagrin" que lui cause la mort de Theo van Gogh, mais aussi sa "colère" parce que les autorités ne lui ont pas imposé une protection dont il ne voulait pas. "Un homme a été abattu d’une manière atroce, uniquement à cause de ses opinions. Pour les Pays-Bas, c’est relativement nouveau mais dans les pays islamiques c’est une réalité quotidienne. Maintenant qu’une partie considérable de la population néerlandaise est musulmane, il est temps que le gouvernement et les autorités prennent au sérieux la peur fondée de 70 pour cent de la population (cf. le dernier rapport du SCP). Cela ne nous dispense pas de souligner constamment qu’il s’agit encore d’une très petite partie de nos concitoyens islamiques, mais que l’influence potentielle des extrémistes au sein de ce groupe est grande" (également page d’opinion du NRC Handelsblad d’hier soir).

En page 6, le Volkskrant publie une interview du professeur syrien Sadik al-Azm, venu aux Pays-Bas pour recevoir, avec le philosophe iranien AbdolKarim Soroush et la féministe marocaine Fatema Mernissi, le prestigieux Prix Erasme pour leurs travaux sur l’islam et la modernité. "Les travaux des intellectuels, des écrivains, des poètes et des artistes exposent coup sur coup le point sensible de l’islam et de la modernité. Une affaire éclate alors, qui, en général, ne s’accompagne pas de violence dans le monde arabe. Quelque temps après les affaires le niveau de panique et d’émoi redescend au niveau antérieur. Le meurtre aux Pays-Bas d’un cinéaste connu me semble un incident qu’il ne faut pas absolument considérer comme un basculement historique." Le terrorisme musulman ne prendra pas fin rapidement, selon Al-Azm, mais les islamistes ne l’emporteront pas contre l’Occident et ses valeurs universelles.

"Les Pays-Bas ont changé", constate l’Algemeen Dagblad (p.3) dans une analyse. "En 2002, les Pays-Bas ont encore pu considérer l’attentat contre Pim Fortuyn comme un événement choquant, mais unique, causé par un idiot. Le meurtre de Theo van Gogh est pour beaucoup la preuve que la mort du populiste de Rotterdam n’était pas un cas isolé." "Les événements de mardi à Amsterdam ont agrandi la plaie à peine guérie que le meurtre de Fortuyn a causée dans la société."

Affaires françaises

Le NRC Handelsblad (p.2), dans le cadre du meurtre du cinéaste et polémiste néerlandais Theo van Gogh, a également pris contact avec le philosophe et islamologue Olivier Roy. "Roy, qui est fréquemment en visite aux Pays-Bas, ne connaissait pas les śuvres de Theo van Gogh", souligne la rédaction du journal. Lorsque le journaliste qui s’est entretenu avec Olivier Roy lui cite les expressions "baiseurs de chèvres" et "maquereau du Prophète" (contre Abou Jahjah), un court silence suit. Puis le philosophe dit : "Je ne crois pas qu’on emploierait très vite ces expressions en France. Mais la situation est tout à fait différente ici. Nous avons reconnu l’islam comme religion. La plupart des Français connaissent personnellement des musulmans et il s’est créé ici une classe moyenne d’immigrés. Nous ne parlons pas tellement de ’l’islam’, mais surtout d’un problème social et de sécurité : le mauvais comportement de certains groupes de jeunes musulmans dans les banlieues."


http://www.ambafrance-nl.org/article.php?id_article=5072

Presse néerlandaise du vendredi 5 novembre 2004

Les autorités néerlandaises ont publié hier le contenu des deux textes trouvés après le meurtre du réalisateur Theo van Gogh, une lettre qui était fixée à un poignard planté dans le corps de Van Gogh et un billet retrouvé sur le meurtrier. La lettre, qui s’adresse directement à la députée VVD Ayaan Hirsi Ali, est publiée intégralement par certains journaux, alors que d’autres renvoient à leur site Internet pour les deux textes.

Sur le plan international, c’est surtout l’état de santé du leader palestinien Yasser Arafat et la nouvelle équipe du président de la Commission européenne qui retiennent l’attention de la presse.

* * *

Le dossier du jour : Affaire Theo van Gogh

"Le meurtrier présumé de Theo van Gogh a laissé une menace de mort contre le députée VVD Hirsi Ali sur le corps de sa victime", relève le Volkskrant dans son grand article à la une. "Le leader VVD Van Aartsen et le maire d’Amsterdam, Cohen, sont également nommés dans la lettre. Le ministre de la Justice, Donner, a immédiatement renforcé la protection des personnes menacées."

"Donner a déclaré jeudi soir qu’il tenait compte de la possibilité que le meurtre ne soit pas l’śuvre d’une seule personne, mais d’un ’mouvement plus large’. Donner, lors d’une conférence de presse jeudi soir, a qualifié la menace de ’particulièrement choquante, à cause de la radicalisation de la société néerlandaise qu’elle exprime’."

"Van Aartsen : ’J’espère que tout le monde voit maintenant ce que Hirsi Ali a souligné pendant tellement longtemps : ceci est le djihad aux Pays-Bas. Nous avons franchi un seuil. Il faut agir. Nous devons en tout cas renforcer l’AIVD. Nous devons faire quelque chose contre ce groupe qui nous a déclaré la guerre’."

"Dans sa ’lettre ouverte à Hirsi Ali’, le suspect Mohammed B., un Néerlandais d’origine marocaine âgé de 26 ans, écrit : ’Ayaan Hirsi Ali, tu vas te briser contre l’islam.’ Et : ’Par vos inimitiés vous avez lâché un boomerang et vous savez que ce n’est qu’une question de temps pour que ce boomerang scelle votre sort’."

"Donner estime qu’il est ’inquiétant que le suspect, né et élevé aux Pays-Bas, ait traversé ici un processus de radicalisation qui l’a amené à commettre cet acte inconcevable’. ’Les deux documents [la lettre de menace et le billet d’adieu] expriment indéniablement la philosophie du djihad violent, selon laquelle il est permis de tuer les musulmans dissidents qui rejoignent le camp des ennemis de l’islam’, a dit Donner. Selon le ministre, les principes et les valeurs de notre société sont en jeu. C’est pourquoi il juge acceptable, à titre tout à fait exceptionnel, de publier des informations sur le meurtre avant même que le suspect ne comparaisse devant le juge d’instruction, aujourd’hui."

"La classe politique de La Haye s’est montrée profondément choquée jeudi soir. Donner a annoncé que le conseil des ministres, aujourd’hui, dégagerait des fonds supplémentaires pour la protection des personnes dans l’ensemble du pays."

"D’éminents Néerlandais sont sur la liste de personnes à tuer par les musulmans radicaux", souligne le Telegraaf à la une. "Il s’agit des députés Ayaan Hirsi Ali et Geert Wilders, ainsi que du maire d’Amsterdam Job Cohen et son adjoint Achmed Aboutaleb. Hirsi Ali et Wilders ont été précipitamment placés hier dans des safe houses complètement coupées du monde extérieur et très surveillées. Les mesures de sécurité touchant diverses personnes et des bâtiments non spécifiés ont également été renforcées."

"Les Pays-Bas sont menacés par une brigade de martyrs islamistes composée de jeunes formés pour commettre des actions-suicide", affirme le journal populaire dans un autre article à la une. "Un noyau dur a été recruté dans les quartiers allochtones des grandes villes." "Derrière le recrutement des jeunes, surtout des Marocains, se cache une organisation professionnelle qui leur bourre le crâne dans le but de déstabiliser la société néerlandaise par des attentats."

L’Algemeen Dagblad, à la une, précise que "le Service général de renseignement et de sécurité (AIVD) n’a pas assez de personnels pour suivre les musulmans extrémistes aux Pays-Bas". "En outre, l’attention accrue portée à la lutte contre le terrorisme fait que d’autres tâches du service sont négligées." Ainsi, la surveillance des groupements d’extrême droite et d’extrême gauche, des défenseurs des droits des animaux et d’autres mouvements suspects a été "mise en veilleuse", selon une source au sein du service.


http://www.ambafrance-nl.org/article.php?id_article=5078

Revue de presse néerlandaise du lundi 8 novembre 2004

Le meurtre rituel de Theo van Gogh à Amsterdam a encore été le grand thème de la presse du week-end et les manchettes de ce matin y ont également trait directement ou indirectement.

Le populaire De Telegraaf, dans ce contexte, insiste sur les défaillances des autorités : samedi il faisait état de "chamailleries" entre les services de renseignement et les autorités, d’une part, et entre le Ministère public et le ministre de la Justice, de l’autre. Le maire d’Amsterdam, Job Cohen, reproche amèrement à l’AIVD de ne pas l’avoir mis au courant de l’existence dans sa ville d’une cellule terroriste extrêmement dangereuse et le procureur principal du parquet d’Amsterdam en veut au ministre Donner pour avoir publié les lettres trouvées sur le corps de la victime et sur l’assassin. Ce matin, il rend compte d’une bévue de la police.

* * *

Le dossier du jour : Affaire Van Gogh

"Le gouvernement considère le meurtre de Theo van Gogh comme le début de la guerre sainte islamique aux Pays-Bas", écrit le Volkskrant de samedi dans son grand article à la une. "C’est une ’offensive contre l’Etat de droit néerlandais’, a déclaré le vice-premier ministre Zalm vendredi, à l’issue du conseil des ministres. ’Nous déclarons la guerre en retour. Nous intensifions la lutte et nous ferons disparaître des Pays-Bas les mouvements islamiques radicaux’."

"Le gouvernement voit dans le meurtre et les menaces du meurtrier à l’adresse de la députée VVD Hirsi Ali et d’autres personnalités politiques la preuve qu’un ’groupe’ est actif aux Pays-Bas ’qui estime que le meurtre est légitime quand les gens ont une autre conviction religieuse’. Zalm : ’Ce n’est pas seulement un extrémisme théorique, mais aussi pratique. C’est nouveau aux Pays-Bas. Nous n’avons pas encore vu cela dans l’histoire moderne’."

"C’est pourquoi le gouvernement dégage de nouveaux moyens financiers pour les services de renseignement et le dépistage des extrémistes. Davantage de personnes feront l’objet d’une protection. Par ailleurs le gouvernement se hâtera d’appliquer son projet de retrait de la nationalité néerlandaise aux criminels ayant deux passeports. ’S’il le faut nous en ferons une loi d’urgence’, a dit Zalm."

"Le premier ministre Balkenende, qui est à Bruxelles, au sommet européen, a dit que la lettre que Mohammed B. a laissée sur le corps de Van Gogh l’a ’gigantesquement choqué’. ’Quelque chose casse dans la société quand on profère de telles menaces’, a déclaré le premier ministre, qui a reconnu qu’il était en proie à des sentiments d’impuissance."

En page 2 du journal de centre gauche, le leader du groupe parlementaire VVD, Jozias van Aartsen, réitère sa prise de position ferme contre le fondamentalisme musulman. "Nous avons dépassé le seuil de la mort. Ce qui s’est passé ici cette semaine se passe depuis beaucoup plus longtemps dans le monde qui nous entoure. L’islamisme radical a fait plus de 2 000 morts à New York, presque 200 à Madrid et 1 aux Pays-Bas. J’espère que nous allons quitter la phase de refus. C’est comme quand un médecin dit à un patient : vous avez un cancer. Cela choque : comment est-ce possible ? Alors que tout le monde sait que cela peut faire partie de la vie."

"J’espère que le gouvernement comprend que nous ne pouvons pas nous contenter de belles paroles sur le dialogue, mais qu’il est nécessaire d’agir. Nous avons affaire à un mouvement islamiste radical qui est convaincu que nous sommes leur ennemi. Que nous devons être détruits. Il suffit de lire la lettre de B., elle en est pleine. C’est exactement le même thème que celui des auteurs des attentats de Madrid : vous aimez la vie, nous la mort. Aux Pays-Bas nous devons le voir, le reconnaître et l’accepter et faire suivre des actes. Quand on est l’ennemi, on a un ennemi."

Le directeur du Sociaal en Cultureel Planbureau, Paul Schnabel, estime de son côté que les gens "confondent le concept de liberté d’expression et les éruptions émotionnelles. Nous vivons dans une société émotive dominée par la télévision, dans laquelle les émotions sont considérées comme authentiques et nous en tirons une justification morale. Je trouve que quelqu’un qui traite conséquemment d’autres personnes de baiseurs de chèvres est surtout méchant et pas un bon exemple de l’expression d’une opinion. Van Gogh était aussi un fondamentaliste à sa façon, mais un fondamentaliste de la relativisation de ce qui était sacro-saint pour d’autres."

"C’était un acte commis par une personne frustrée, quelqu’un qui est extérieur à la société. Cet attentat ne représente pas un courant social." "J’espère que la communauté marocaine prendra ses responsabilités et que nous nous montrerons un peu plus compréhensifs. Donnez-leur leur propre institut, laissez-les construire leurs mosquées, ne faisons pas de difficultés à propos du foulard. On les critique sur des points qui ne sont pas tellement importants pour nous, mais fondamentaux pour eux."

Le Trouw (p.3) de samedi souligne que "la police et la justice, dans l’enquête sur le meurtre de Theo van Gogh, partent du principe que plusieurs personnes ont coopéré dans un cadre criminel". "Le procureur principal L. de Wit n’exclut pas qu’on examine aussi si des leaders religieux ont été impliqués dans ce réseau." "Au demeurant, le triangle [le maire, le chef du corps de police et le procureur principal] n’est pas au courant d’une ’liste de personnes à tuer’. Pour le moment il ne s’agit que de rumeurs selon lesquelles il y aurait une liste d’éminents Néerlandais que les terroristes considèrent comme cible."

Le Telegraaf (p.3) de samedi croit savoir que "Mohammed B., pour le meurtre de Theo van Gogh, s’est inspiré de l’un des courants islamiques les plus radicaux du monde, le Takfir wal Hijra". "Cette secte fait partie depuis les années quatre-vingt-dix de l’organisation terroriste d’Oussama ben Laden, Al Qaeda. Le lien avec le Takfir wal Hijra (littéralement : dissidence et émigration) a été établi jeudi soir par le ministre Donner (Justice), lors de la publication de la lettre que B. avait laissée sur le corps de Van Gogh."

"Les ’takfiris’ ont été actifs et très combattus en Egypte, en Algérie et en France, successivement, et ils se sont maintenant en partie établis aux Pays-Bas. Il ressort d’une enquête antérieure de l’AIVD qu’il y a environ 800 takfiris dans notre pays. La plupart sont en situation illégale et vivent dans l’isolement, alors qu’un noyau dur de 80 à 100 hommes s’occupe d’activités criminelles."

Ce matin, le Volkskrant relève à la une que "des députés et d’anciennes personnalités politiques déplorent les propos du vice-premier ministre Zalm (VVD) selon lesquels les Pays-Bas ’ont déclaré la guerre’ aux extrémistes musulmans". "’Le gouvernement doit rester très prudent dans le choix des mots, sinon le climat entre musulmans et non-musulmans se dégradera encore davantage’, déclare le président du groupe parlementaire D66, Dittrich. Son collègue Rouvoet, de la ChristenUnie, juge déraisonnable le langage belliqueux de Zalm. ’Je comprends qu’il le dise, peu après la mort de Van Gogh. Mais dans une guerre beaucoup de choses sont permises qui sont strictement interdites autrement. Nous ne devons pas donner aux gens l’idée que tout est désormais possible pour battre l’ennemi." "Durant le programme télévisé Buitenhof, dimanche, l’ancien leader VVD Bolkestein et l’ancien premier ministre Van Agt (CDA) ont aussi regretté le langage belliqueux de Zalm. ’Une déclaration stupide’, a affirmé Van Agt. ’Je déplore que le gouvernement ait repris la terminologie du président américain Bush sur la war on terror’."

Le Trouw, à la une, note que "l’ex-député VVD Wilders veut exclure les musulmans des droits civiques constitutionnels, telle que la liberté de fonder leurs propres écoles et associations". "C’est ce qui ressort du programme que le directeur de la Fondation Edmund Burke, Spruyt, a rédigé pour un parti libéral conservateur. Wilders embrasse ce programme."

"Selon Wilders et Spruyt, l’islam est incompatible avec la culture néerlandaise. Ils estiment que cette religion est contraire à l’Etat de droit démocratique et que ses ’minarets hauts comme des tours à Rotterdam’ sont impérialistes."

"L’initiative de Spruyt a plongé la Fondation Edmund Burke dans une crise. Deux membres du comité de recommandation, Van Middelkoop, de la ChristenUnie, et Hillen, ancien député CDA, ont décidé vendredi soir de démissionner. L’ancien premier ministre Van Agt a suivi hier. Il juge le comportement de Wilders ’réactionnaire, xénophobe et trop militant’."

A noter que, selon un sondage d’opinion NIPO effectué pour le compte des fondations religieuses Kerk en Wereld et Oikos, seuls 28 pour cent des musulmans établis aux Pays-Bas ont une image positive de leur propre religion. Mais ils n’associent pas leur religion au terrorisme, alors que les chrétiens et les incroyants font souvent cette association. Ce sondage, dont le Trouw (pp.1 et 14) de samedi présente les résultats, a été effectué avant le meurtre de Theo van Gogh.

Actualité intérieure

Wilders

"Si des élections avaient lieu maintenant, le Groep-Wilders obtiendrait 18 sièges, un de plus que le VVD", affirmait le Telegraaf à la une de son édition du dimanche. "Un sondage éclair de Maurice de Hond fait ressortir ce résultat spectaculaire. L’invraisemblable montée de Wilders rappelle le démarrage de Pim Fortuyn, il y a quelques années."

"Depuis le meurtre de Theo van Gogh, mardi, le soutien au Groep-Wilders s’est accru de façon gigantesque. Selon le sondage, l’ex-député VVD conservateur dépasserait immédiatement son ancien parti." "Presque la moitié de ceux qui ont voté pour la LPF en 2003 préfère maintenant le Groep-Wilders. Un quart de ceux qui ont voté VVD voterait maintenant pour lui. Dix pour cent des électeurs du CDA en 2003 optent maintenant pour Wilders, de même que trois pour cent des électeurs du PvdA." "Dans un sondage d’opinion Interview-NSS pour le programme télévisé NOVA de vendredi, Wilders en était encore à 7 sièges."

"7 ou 18 : qui sonde mieux ?", titre ce matin l’Algemeen Dagblad (p.5). "La grande différence réside dans l’approche. Interview-NSS appelle chaque semaine, au hasard, des gens qui doivent répondre à la question de savoir pour qui ils votent. Maurice de Hond a une banque de données de gens à qui il soumet une liste de partis entre lesquels ils peuvent choisir. Wilders obtient de meilleurs résultats avec cette dernière méthode : beaucoup de gens ne peuvent pas le nommer spontanément, mais optent pour lui quand ils voient son nom. De Hond estime que cette approche ressemble plus aux vraies élections."

"L’Unique Vrai Sondage se fera encore attendre quelque temps", conclut le journal de Rotterdam. "Si le gouvernement arrive au bout de son mandat les bureaux de vote s’ouvriront au printemps 2007."

Affaires françaises

Fokke Obbema, dans le Volkskrant (p.15) de samedi, souligne dans le cadre de l’affaire Theo van Gogh que "les Français n’insultent pratiquement pas les musulmans". L’écrivain Houellebecq est pratiquement le seul à avoir donné une image vraiment négative de l’islam, dans un de ses romans, selon le correspondant à Paris.


http://www.ambafrance-nl.org/article.php?id_article=5085

Presse néerlandaise du mardi 9 novembre 2004

Attentat à la bombe, hier, contre une école islamique d’Eindhoven, profanation de mosquées et tentatives d’incendie de trois autres, mais aussi menaces sur Internet, à l’adresse des autorités et du peuple néerlandais, d’un groupe islamiste inconnu : les incidents se multiplient après l’assassinat au nom de l’islam radical du réalisateur néerlandais Theo van Gogh.

La tension monte aussi au sein du gouvernement Balkenende II, les ministres de l’Intérieur et de la Justice étant manifestement en désaccord sur l’approche à adopter contre le terrorisme.

* * *

Le dossier du jour : Lutte contre le terrorisme

"Un grave désaccord a surgi au sein du gouvernement sur l’approche à adopter face au terrorisme d’inspiration islamique aux Pays-Bas", annonce le Trouw dans son grand article à la une. "Le ministre de l’Intérieur Remkes juge son collègue de la Justice, Donner, trop laxiste. Les partis de la coalition ont immédiatement réagi aux propos de Remkes par de vives critiques."

"Selon le ministre VVD Remkes, Donner ne veut pas aller assez loin dans la lutte contre le terrorisme. Son collègue CDA aurait tendance à souligner les limites de la législation existante. ’Je dis pour ma part qu’on peut les changer pour résoudre un problème’, cite le NRC Handelsblad dans un portrait du ministre de l’Intérieur. Au ministère de Donner, on est ’très surpris’ de l’attaque de l’Intérieur. Des sources proches de Donner ont fait savoir qu’elles ne comprenaient pas sur quoi Remkes fonde ses propos. Le porte-parole du groupe parlementaire VVD a refusé tout commentaire, y compris sur la remarque du président du groupe, Van Aartsen, selon laquelle il ’reste à voir’ si Remkes lui-même est suffisamment conscient de l’urgence de la situation pour s’attaquer au terrorisme, remarque également citée par le NRC."

"Le président du groupe parlementaire D66, Dittrich, a fait savoir que les propos de Remkes l’ont ’fortement irrité’. ’Les Pays-Bas ont un problème et le ministre responsable des services de renseignement se met à jouer au mistigri. La population attend des mesures, pas une querelle de ministres sur la place publique. C’est un jeu typiquement haguenois.’ ’C’est des mesures contre le terrorisme qu’il devrait s’agir, le gouvernement devrait rayonner d’unanimité’, a fait valoir le leader CDA Verhagen. Les chrétiens-démocrates regrettent que les remarques de Remkes donnent l’impression que le gouvernement est divisé."

"Le premier ministre Balkenende a essayé de calmer le jeu en appelant la classe politique tout entière à se concentrer sur la bonne approche pour lutter contre la violence et les sentiments d’insécurité."

"Qu’est-ce qui est plus grave ?" poursuit le journal chrétien progressiste en page 3. "Un gouvernement qui est unanime, mais qui emploie de grands mots et parle de ’guerre au terrorisme’, ou un gouvernement qui n’agit pas unanimement ? C’est à cette question que la Deuxième Chambre se trouve confrontée."

"Le Parlement se réunit cette semaine au sujet du meurtre de Theo van Gogh. Ce débat devrait surtout porter sur la question de savoir comment ce meurtre a pu arriver et comment le gouvernement va faire face au terrorisme (musulman). Mais le comportement de certains membres du gouvernement semble avoir déplacé d’emblée le centre de gravité du débat vers deux autres questions. Le gouvernement, par la bouche du vice-premier ministre Zalm (VVD) n’a-t-il pas crié trop fort en parlant de ’guerre au terrorisme’, vendredi dernier, à l’issue du conseil des ministres hebdomadaire ? La Chambre semble avoir répondu ’oui’ à cette question. Il aurait fallu modérer le ton, a-t-elle jugé." "La Chambre n’a pas encore formulé la réponse à une autre question. Les ministres peuvent-ils poursuivre leurs travaux en restant crédibles, maintenant qu’il apparaît qu’ils ne sont pas unanimes dans la lutte contre le terrorisme ?"

"Pour Remkes, l’inquiétante question commence à se poser de savoir combien de soutien il lui reste parmi ses amis politiques à la Chambre. Il semble qu’ils ne donnent plus cher de sa peau."

"Au lieu d’inspirer confiance par son leadership, le gouvernement semble lui-même déboussolé après le meurtre de Theo van Gogh", remarque l’éditorialiste du Trouw. "Vendredi dernier, le vice-premier ministre Zalm a jeté de l’huile sur le feu des émotions suscitées dans le pays en ’déclarant la guerre’ à l’extrémisme musulman." "Une omission grave, de la part de Zalm, a été de ne pas ajouter à sa déclaration de guerre’ un énergique avertissement à la population, pour qu’elle ne se fasse pas justice elle-même. Il aurait dû indiquer très clairement que les autorités ne tolèreraient pas de telles actions."

"Il est inquiétant de voir que le gouvernement, trois jours après le meurtre, n’a pas été en mesure de rééquilibrer sa réaction. Le premier ministre Balkenende a été le premier à corriger l’image hier, mais il aurait dû le faire plus tôt."

"L’idée que le gouvernement n’a pas la situation en main a encore été renforcée hier par les lamentations publiques du ministre de l’Intérieur Remkes sur son collègue de la Justice Donner. Aux yeux du responsable VVD, Donner ne voudrait pas suffisamment adapter la loi à la lutte contre le terrorisme et il voudrait trop ostensiblement jouer le premier rôle dans ce domaine. Si c’est ce que Remkes pense, il doit soit se taire, soit se faire la malle." "Remkes a exposé sa faiblesse politique à un très mauvais moment. Plus tôt il partira, mieux cela vaudra."

Le commentateur du Volkskrant parle de "mauvaise estimation" du premier ministre Balkenende. "Balkenende a non seulement sous-estimé la gravité de la situation, il a aussi omis de diriger son équipe. Nous avons dû nous contenter de l’action incertaine des ministres Remkes, Donner et Zalm. Un doute justifié sur le dynamisme du gouvernement dans la lutte contre le terrorisme a ainsi pu surgir. Ce doute a été renforcé par les dures déclarations des présidents de groupe Van Aartsen et Dittrich, qui reprochent à leurs ’propres’ ministres de manquer d’énergie. Un premier ministre ne peut pas accepter cela. Balkenende doit, pour employer son propre cliché, prendre ses responsabilités."

Affaires françaises

Le NRC Handelsblad (p.7), dans le cadre de l’affaire Theo van Gogh, note que "les Français se retiennent, s’agissant du foulard". "Une tendance permanente au politiquement correct prévient les conflits." "Le pays connaît cependant quelques âpres censeurs de l’islam, comparables à Ayaan Hirsi Ali. La femme de lettres Chadort Djavanne, d’origine iranienne, ne mâche pas ses mots, pas plus que les porte-parole du mouvement d’émancipation ’Ni Putes Ni Soumises’. Mais il n’y a pas d’équivalent français de Theo van Gogh."


http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3230,36-386398,0.html

ENQUÊTE

Choc et peur à Amsterdam

LE MONDE | 09.11.04 | 14h29

L'assassinat, le 2 novembre, du cinéaste néerlandais Theo Van Gogh, pourfendeur de l'islam, a profondément secoué ses compatriotes. Il a aussi creusé un fossé entre les musulmans et les Néerlandais de souche.

Il y a beaucoup de tournesols, mais "ça n'a rien à voir avec Vincent Van Gogh". C'est simplement parce que les tournesols "rappellent le soleil, la lumière - et qu'on en a sacrément besoin", sourit la jeune femme, en balayant du regard le monceau de bouquets et d'objets de toute sorte, qui fait office d'autel en plein air, à la mémoire de Theo Van Gogh.

Les uns ont apporté des fleurs, des bougies, des canettes de bière, des paquets de cigarettes, les autres ont écrit un message pour dire leur colère ou leur peine. C'est ici, sur ce trottoir de la Linnaeusstraat, à côté du paisible Oosterpark, célèbre pour son monument aux victimes de l'esclavage, que, mardi 2 novembre, le cinéaste et polémiste, fumeur invétéré et grand buveur de bière, pourfendeur attitré de l'islam radical, et, accessoirement, arrière-petit-neveu du peintre-aux-tournesols a été abattu et égorgé, en pleine rue, en plein jour, dans son quartier de l'est d'Amsterdam, à l'âge de 47 ans.

"Maintenant qu'il est mort, il va devenir un saint", prédit un badaud. Les funérailles de Theo Van Gogh, signale-t-il, doivent être retransmises "en direct" par la télévision nationale, ce mardi 9 novembre, une semaine, jour pour jour, après son assassinat. "J'espère qu'il n'y aura pas d'émeutes", souffle une vieille dame. "Les islamistes me font peur, déclare tout de go sa voisine, une grande femme en anorak jaune. S'ils n'aiment pas les Pays-Bas, qu'ils s'en aillent !" "Le problème, ajoute-t-elle, perplexe, c'est qu'ils ont deux passeports, on ne peut pas les expulser." A côté d'elle, la foule continue d'affluer, silencieuse : femmes et hommes, jeunes et vieux, curieux venus de loin ou gens du quartier. Tous, le visage fermé. Certains ont apporté leur caméra ou leur appareil photo.

L'assassin présumé de Theo Van Gogh, arrêté alors qu'il tentait de fuir, est un jeune islamiste à la double nationalité marocaine et néerlandaise. Mohamed Bouyeri, 26 ans, résidait depuis de longues années à Amsterdam. Six autres hommes, de nationalité marocaine ou algérienne, ont été interpellés.

"C'est vrai que Theo Van Gogh a insulté les musulmans - il les traitait régulièrement de "baiseurs de chèvres". Il adorait la provocation. Mais ce n'était pas une raison pour le tuer. Aux Pays-Bas, la liberté de dire ce que l'on veut, y compris des insultes, est une vieille tradition. Si les gens n'étaient pas contents, pourquoi ne l'ont-ils pas poursuivi en justice ?, s'interroge un étudiant, casquette américaine vissée sur le crâne, la bicyclette à la main. On ne tue pas quelqu'un à cause de ses idées ou de sa grossièreté. Ceux qui ont assassiné Theo Van Gogh, c'est notre système démocratique qu'ils veulent casser."

Sur l'une des nombreuses affichettes posées parmi les fleurs, un certain Hans fustige l'"islaf", un mot néerlandais que l'on peut traduire par "c'est lâche", mais qui est aussi, à l'évidence, une allusion aux musulmans. "Theo, toi, tu avais des couilles. Continue ton travail au ciel", dit le message. Une autre affichette, non signée, annonce la fin de la "société multiculturelle" néerlandaise et crie "stop à l'islamisation des Pays-Bas". A côté, c'est l'islam qui est directement accusé de vouloir "conquérir le monde" par la guerre ou les attentats. Plus loin, une main furieuse a griffonné trois lignes pour demander le départ du maire de la ville, Job Cohen, accusé de laxisme : "Assez de bla-bla, il faut agir. La solution : dehors, Cohen !"

Protégé de la pluie par un sous-verre en plastique, un texte plus discret repose parmi les roses et les tournesols : "En qualité de musulmans et de Marocains, nous nous élevons contre ceux qui pensent résoudre les problèmes par la violence physique, au nom de l'islam."Une dame, native du Surinam, montre le texte à sa petite fille. Elle n'ose pas faire de commentaire. Si elle résidait à La Haye, peut-être se serait-elle jointe aux quelque deux cents manifestants, rassemblés, samedi 6 novembre, à l'initiative d'associations musulmanes et du mouvement berbère, pour scander "Islam = paix", et crier "Pas de balles, des mots" ? Ce n'est pas sûr.

Le climat de malaise et de suspicion qui règne à Amsterdam depuis l'assassinat de Theo Van Gogh touche autant les Néerlandais "de souche", effrayés par le terrorisme islamiste - ce crime est le premier du genre -, que les Néerlandais "d'origine étrangère", qui redoutent les retours de bâton xénophobes. Un fossé s'est creusé, comme entre deux pays. "Les gens parlent maintenant en termes de "nous" et "eux"... Il y a de la colère, du désespoir et de la honte chez tout le monde", note le quotidien Nederelands Daqblad. Rares sont ceux qui osent dire ce qu'ils pensent à visage découvert. La peur, parfois la haine n'en sont pas moins palpables : n'a-t-on pas dû fermer, après seulement deux heures de mise en service, un site Internet spécialement installé pour recueillir les condoléances de la population, du fait du "trop grand nombre de messages racistes" adressés anonymement ?

Bien qu'elle n'ait fait aucune victime, l'explosion d'une bombe, lundi 8 novembre à l'aube, dans une école islamique d'Eindhoven (sud-est des Pays-Bas), ajoutée aux trois tentatives d'incendie contre des mosquées durant le week-end, n'a pas détendu l'atmosphère...

"Theo n'était ni raciste ni antisémite. Il n'a jamais demandé le départ des musulmans ou des étrangers", plaide Gÿs Van de Westelaken, l'un des trois associés de Column Producties, société de production dont Theo Van Gogh était l'un des fondateurs. Dans les bureaux de la Van Breestraat, une rue chic et résidentielle à deux pas du Musée Van Gogh, l'ambiance est triste et survoltée. Le dernier film du cinéaste-provocateur, intitulé 06/05, est consacré - ironie de l'histoire - au leader populiste Pim Fortuyn, lui-même assassiné en mai 2002, par un Néerlandais "de souche". Le film devrait être prochainement diffusé aux Pays-Bas, de même que le dernier feuilleton télévisé de Theo Van Gogh, baptisé Médéa.

Mais c'est un autre film, Submission, diffusé à la télévision fin août, qui a valu au cinéaste et à la députée libérale Ayaan Hirsi Ali, Néerlandaise d'origine somalienne, auteure du scénario, les foudres des islamistes - et leurs premières menaces de mort. La jeune parlementaire, dont le nom, assorti du qualificatif d'"infidèle", figurait sur la lettre vengeresse plantée par un couteau sur le corps de Theo Van Gogh, vit aujourd'hui cachée, sous la protection de gardes du corps. Submission, film de fiction, dénonce les discriminations et les violences imposées aux femmes au nom de l'islam. On y voit notamment une actrice, dont le dos nu porte des traces de flagellation et, très lisibles, des sourates du Coran.

"Theo partait de l'idée qu'on pouvait critiquer librement la Bible ou la Torah et il trouvait légitime de faire de même avec le Coran", souligne Gÿs Van de Westelaken. "Theo revendiquait le droit au sacrilège", ajoute Yoeri Albrecht, journaliste à l'hebdomadaire Vrij Nederland, qui a publié, dans son numéro du 6 novembre, le dernier entretien du cinéaste. "Son truc, c'était de mettre le doigt où ça fait mal. Il n'avait peur de rien ni de personne", insiste le journaliste, qui soupçonne les autorités, en particulier les services de police, d'avoir "sous-estimé" les risques encourus par son ami.

"Est-ce que l'insulte fait partie de la liberté d'expression ?", s'interroge un autre journaliste, Simon Kuin. Lui-même, à l'instar de nombreux Néerlandais, est tenté de penser que oui. Il rappelle le cas du grand écrivain Gerard Reve, poursuivi devant les tribunaux par des calvinistes furieux, du fait qu'il ait dans ses écrits comparé Dieu à un âne. Le procès eut lieu à la fin des années 1960 - et c'est à l'écrivain que la justice donna finalement raison. Amateur de blagues douteuses, Theo Van Gogh, qui s'exprimait régulièrement à la télévision et dans une chronique publiée par le journal gratuit Metro, n'avait ni le talent ni la stature d'un Reve. Surtout, le contexte était différent.

"Theo Van Gogh était très agressif. Les musulmans ne l'aimaient pas - et beaucoup de Néerlandais non plus", rappelle M. Van Tuyll van Serooskerken, transfuge du parti libéral VVD et cofondateur d'un petit groupe politique, Europe démocratique. "C'est sur la base de trois principes, la liberté, l'égalité et la fraternité, que notre société doit se construire. Malheureusement - peut-être est-ce un héritage de notre vieux "système des piliers" ? - le principe de la fraternité n'est pas très fort aux Pays-Bas. Et notamment avec les musulmans, regrette M. Van Tuyll van Serooskerken. J'espère qu'on ne prendra pas prétexte de cette tragédie pour réduire la liberté d'expression."

Arrivés de Turquie et du Maroc dans les années 1960, justement, les "musulmans" des Pays-Bas représentent aujourd'hui une très forte minorité : on estime leur nombre à environ neuf cent mille - sur une population totale de quelque seize millions d'habitants. "Contrairement à la France, où les populations d'origine étrangère appartiennent à des milieux sociaux très divers, les Pays-Bas ont surtout fait venir des gens pauvres, venant des zones rurales : des Turcs ou des Marocains, souvent analphabètes. Et les Néerlandais n'ont pas fait grand-chose, il faut le reconnaître, pour les aider à s'intégrer. Pendant des années, on les a laissés de côté", remarque le professeur Afshin Ellian, de l'université de Leiden. Est-ce pour avoir ignoré ces données que Theo Van Gogh est mort ? En se faisant "une spécialité de critiquer l'islam et les musulmans" dans un pays où Turcs et Marocains sont si nombreux, Theo Van Gogh a pris le risque de "jouer avec le feu", estime, dans son dernier billet paru dans l'hebdomadaire Jeune Afrique/L'intelligent, et intitulé "Chronique d'une mort annoncée", le romancier Fouad Laroui, lui-même d'origine marocaine, installé à Amsterdam depuis plusieurs années.

L'argumentaire du professeur Ellian, ancien opposant au régime de l'ayatollah Khomeiny, est tout autre : "S'il vous plaît, moquez-vous de l'islam !", lance-t-il dans un "appel aux intellectuels" paru samedi 6 novembre dans les colonnes du quotidien Volkskrant. Selon lui, c'est à l'islam et à ses fidèles de s'adapter "à la modernité" - et non l'inverse. "Quand on pourra, à la télévision et sur les scènes de théâtre, plaisanter sur l'islam, quand les penseurs et les universitaires commenceront à traiter l'islam de manière plus critique, alors, et alors seulement, les musulmans apprendront la tolérance", souligne M. Ellian.

"Theo Van Gogh ? Celui qui insultait les musulmans ?", répète l'un des jeunes Marocains abordés dimanche soir devant la mosquée El Tawheed - l'un des fiefs de l'islamisme radical d'Amsterdam, selon la presse locale. "Celui qui montrait des femmes nues, avec des phrases du Coran écrites sur la peau ?", insiste le jeune homme. "Les frères l'avaient prévenu. Ils lui avaient dit de se taire. Mais il ne les a pas écoutés", ajoute-t-il, le sourire mauvais, avant de s'éclipser vers le lieu de prières. La rue Jan-Hanzenstraat, située dans les quartiers ouest de la capitale, respire pourtant le calme et la tranquillité. Installée dans une ancienne école, la mosquée El Tawheed ne se distingue pas des autres immeubles de brique, hauts de deux ou trois étages.

"Aux Pays-Bas, les musulmans ne sont pas aimés", lâche un homme à longue barbe et forte carrure, habillé d'une parka et d'un seroual blanc. Comme si cela résumait tout. Lui-même est un Néerlandais "de souche", mais il refuse de dire son nom. "On dit que le meurtrier a fréquenté cette mosquée. Possible. Il a dû sûrement, aussi, acheter du pain chez le boulanger. Faut-il en conclure que le boulanger est complice de la mort de Van Gogh ?", s'amuse-t-il.

Quelques jours après l'assassinat du cinéaste, le quotidien populaire De Telegraaf a publié en première page les photos de personnalités désignées, dans l'une des lettres écrites par le meurtrier de Theo Van Gogh, comme les "cibles à abattre". Parmi celles-ci figurent la députée Ayaan Hirsi Ali, mais aussi le maire d'Amsterdam, Job Cohen, et la ministre de l'intégration, Rita Verdonk.

"Je ne crois pas que de vrais musulmans puissent faire ça, commente Amina, une mère de famille d'origine marocaine, venue, avec deux de ses amies, faire un tour à l'autel de la Linnaeustraat. Hier, je suis déjà venue. J'habite à côté. Les gens m'ont regardée de travers. Quelqu'un m'a même dit qu'il fallait que j'enlève mon foulard." Cela ne l'a pas découragée. "Je comprends bien que les gens aient peur. Moi, je n'ai pas le même islam que les tueurs de Van Gogh, mais comment peuvent-ils le savoir ? Mes trois enfants sont nés ici. Et eux, je vous jure, ce sont des vrais Néerlandais."

Catherine Simon

ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 10.11.04

 


http://www.ambafrance-nl.org/article.php?id_article=5104

Presse néerlandaise du mercredi 10 novembre 2004

Theo van Gogh, le réalisateur et publiciste néerlandais assassiné à Amsterdam mardi dernier, a été incinéré hier au Nieuwe Oosterbegraafplaats, un cimetière situé à quelques pas du quartier où il habitait. Parmi les cent cinquante proches se trouvaient le vice-premier ministre Gerrit Zalm et de nombreuses personnalités du cinéma néerlandais et l’ancien ministre de l’Intérieur Bram Peper a été l’un des orateurs.

Sur le plan politique, la presse s’interroge sur le sort du ministre de l’Intérieur Remkes (VVD), d’autant plus vivement critiqué, dans le prolongement de l’affaire Van Gogh, qu’on apprenait hier que des fuites du Service général de renseignement et de sécurité (AIVD) ont eu lieu vers l’entourage fondamentaliste du meurtrier.

* * *

Le dossier du jour : Affaire Van Gogh

"Des informations du Service général de renseignement et de sécurité (AIVD) sont tombées aux mains d’un groupe de musulmans fondamentalistes proches de Mohammed B., le meurtrier présumé de Theo van Gogh", annonce le NRC Handelsblad d’hier soir à la une. "Un ami de Mohammed B. a reçu cet été dans sa boîte à lettres une enveloppe non adressée contenant des informations sur un réseau extrémiste dont il faisait lui-même partie, selon le service de renseignement. Le NRC Handelsblad est en possession de ce rapport interne. L’ami en question discutait régulièrement du coran et de la politique avec un petit groupe dont Mohammed B. faisait aussi partie."

"Des fuites d’informations confidentielles de l’AIVD vers des suspects d’une affaire de terrorisme à Utrecht étaient déjà apparues plus tôt. Il s’agissait dans cette affaire d’explosifs qui se seraient trouvés dans une maison de la Bucheliusstraat. Dans ce cadre, un collaborateur de l’AIVD soupçonné d’avoir propagé des secrets d’Etat a été arrêté fin septembre. La police judiciaire nationale enquête sur ces fuites. Le mois dernier, l’AIVD avait dit que les fuites n’avaient eu pour effet que des ’dégâts limités’."

"Il ressort du rapport interne de l’AIVD que le service secret surveille un groupe autour de Samir A. Cet A. a été arrêté en octobre 2003 pour la préparation d’un attentat terroriste. Les membres suspects de ce ’Hofstadgroep’, comme l’appelle l’AIVD, ont été relâchés au bout de deux semaines, faute de preuves. Cet été, Samir A. a de nouveau été arrêté."

"Des sources proches de l’enquête sur les fuites de l’AIVD partent du principe que les informations obtenues par le groupe autour de Mohammed B. venaient du collaborateur de l’AIVD qui avait aussi prévenu les suspects d’Utrecht. Tout comme dans l’affaire d’Utrecht, l’agent suspect semble avoir voulu prévenir les membres du ’Hofstadgroep’ que l’AIVD s’intéressait à eux."

"La justice recherche en ce moment un pivot du réseau, le Syrien Redouan ou Mohammed Al-I., âgé de 43 ans. Selon diverses déclarations, il donnait des cours coraniques au groupe de musulmans radicaux dont Mohammed B. et Samir A. faisaient partie." "Al-I. avait été arrêté en octobre 2003, de même que Samir, mais relâché plus tard et expulsé."

"La Deuxième Chambre tire à boulets rouges sur le ministre Johan Remkes (Intérieur), qui doit craindre pour sa vie politique", écrit le Telegraaf de ce matin à la une. "Son propre parti, le VVD, et d’autres formations déversent sur lui des tombereaux de critiques : de nombreux groupes parlementaires estiment qu’il ne manifeste pas suffisamment de dynamisme dans la lutte contre les extrémistes musulmans. ’Remkes est beaucoup trop laconique et se réfugie très vite dans le jargon haguenois. Et il ne dirige pas assez son Service général de renseignement et de sécurité’, dit-on chez les libéraux."

"Remkes, à ce qu’on dit, aura une dernière occasion demain, durant le débat parlementaire sur le meurtre de Theo van Gogh, de convaincre ses censeurs qu’ils ont tort. ’Si Remkes, durant ce débat, donne de nouveau l’impression d’être trop distant ou s’il gaffe tout simplement, il pourra faire ses valises’, dit un député VVD."

"A La Haye on spécule déjà sur sa succession", ajoute l’Algemeen Dagblad à la une. "Le nom du ministre Kamp (Défense) circule." "Le groupe parlementaire VVD est divisé sur le sort de Remkes. Les dernières semaines, les libéraux ont accru la pression sur le ministre dans les médias. Le leader du groupe, Van Aartsen, a qualifié le gouvernement de ’laxiste et naïf’. Si le groupe VVD insiste sur le départ de Remkes, le ministre n’a pratiquement aucune chance."

"Le Parlement reproche au gouvernement d’opérer avec maladresse à la suite du meurtre de Theo van Gogh", note le Trouw à la une. "Le leader PvdA Bos reproche au premier ministre Balkenende d’être à peine visible et de ne pas s’occuper suffisamment de l’indispensable dialogue avec les Néerlandais autochtones et allochtones. ’J’aurais trouvé bon que Balkenende soit lui-même présent à la réunion sur le Dam. Je ne le vois nulle part aux Pays-Bas appeler les citoyens à conjuguer leurs efforts’."

Le Volkskrant (p.3), dans un article de fond, explique que "plus de vingt instances s’occupent de la lutte contre le terrorisme aux Pays-Bas". "Pour mettre un peu d’ordre dans le chaos, la justice travaille à une banque de données nationale." "Le système s’appelle ’Contra Terrorisme Infobox’ et il doit contenir toutes les informations sur la lutte contre le terrorisme. Le Service général de renseignement et de sécurité AIVD, le Ministère public, la police et le service des étrangers IND doivent tous fournir des informations, tout en continuant de travailler selon leurs propres règles."

"La longueur de la liste des services laisse supposer qu’il est illusoire de vouloir partager toutes les informations. Selon des sources judiciaires, le Service général de renseignement et de sécurité AIVD, notamment, doit s’habituer au partage d’informations dans un cadre large. ’Le rôle de l’AIVD dans l’approche face au terrorisme est très différent de celui qu’il avait durant la Guerre froide. Et cela lui pose des problèmes’."

Commentaires

"Le premier ministre Balkenende et ses ministres ne sont pas assez visibles dans le pays durant ces journées déroutantes", fait valoir l’éditorialiste de l’Algemeen Dagblad. "Les Pays-Bas traversent une profonde crise après le meurtre de Van Gogh. Cet attentat n’a pas seulement suscité de vives émotions, mais aussi de dangereuses réactions dans la société civile." "Quelques apparitions du premier ministre à la télévision ne suffisent pas pour dissiper les sentiments d’agitation et de peur des citoyens. Lui et ses collègues doivent se rendre sur le terrain et manifester leur implication et leur solidarité."

"Un exemple : pourquoi le premier ministre Balkenende ou la ministre Verdonk (Intégration) ne se sont-ils pas rendus dans l’école islamique d’Eindhoven [où une bombe a explosé] ? Par leur présence ils auraient pu donner un signal clair à la société." "Il est grand temps de faire preuve de leadership."

Le NRC Handelsblad (pp.1 et 8) d’hier soir reprend une tribune de l’International Herald Tribune signée John Vinocur, sous le titre "Pourquoi l’UE reste-t-elle muette à propos de Van Gogh ?" "L’Union européenne n’a pas clamé sa solidarité avec les Néerlandais et le gouvernement néerlandais n’a pas osé exiger de ses partenaires qu’ils déclarent que cet acte horrible concernait l’Europe tout entière. Il y avait là une question d’une amplitude politique rare et d’une énorme signification pour les citoyens d’Europe - le meurtre par un terroriste supposé d’un cinéaste néerlandais qui malmenait les musulmans parce qu’il avait conclu, fut-ce avec grossièreté, que l’islam n’était pas compatible avec la vie européenne moderne. Et il y avait un forum pour en discuter : un sommet de l’UE à Bruxelles, vendredi."

On notera dans ce contexte qu’en rubrique européenne, le Trouw de ce matin relève que, selon le coordinateur de la politique antiterroriste de l’UE, le Néerlandais Gijs de Vries, il faut éviter un "choc de cultures". "C’est pourquoi il a condamné hier, lors d’une conférence de presse, l’attentat à la bombe contre une école islamique d’Eindhoven : ’C’est barbare, inadmissible. Nous devons justement construire une coalition mondiale.’ ’Il n’y a pas de lien automatique entre l’islam et le terrorisme. On peut dire en revanche que le phénomène s’est mondialisé depuis les attentats de New York. Quand on considère ces attentats, les attentats à la bombe de Madrid et le meurtre de Theo van Gogh, on pourrait peut-être bien discerner un lien’."

 


http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3214,36-386660,0.html

Après l'assassinat de Theo Van Gogh, les incidents xénophobes se multiplient aux Pays-Bas

LE MONDE | 11.11.04 | 13h33 MIS A JOUR LE 11.11.04 | 13h33 ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 12.11.04

Des forces spéciales ont bloqué un quartier de La Haye, mercredi, après une tentative d'interpellation d'individus soupçonnés de terrorisme, durant laquelle trois policiers avaient été blessés.

Bruxelles de notre correspondant

Le quartier de Laak, à l'ouest de La Haye, la capitale des Pays-Bas, a été, mercredi 10 novembre, le théâtre d'un nouvel épisode qui traduit la tension que vivent les Pays-Bas depuis l'assassinat, le 2 novembre, du cinéaste Theo Van Gogh.

De nombreuses forces de police, des tireurs d'élite, des unités spéciales de l'armée ont bouclé pendant toute la journée cette zone semi- résidentielle et évacué cinq rues de leurs habitants, après une première intervention manquée pour arrêter un groupe de terroristes présumés vivant au premier étage d'un petit immeuble. Au cours de la tentative d'interpellation, vers 3 heures du matin, trois policiers avaient été blessés par une grenade. Deux d'entre eux sont hospitalisés dans un état grave.

Ce n'est que vers 17 heures que les occupants, deux hommes apparemment, ont été appréhendés, dans des circonstances qui restent imprécises. L'un d'eux a été blessé. Les autorités judiciaires se montrent très discrètes sur les raisons de cette intervention et l'identité des personnes visées. Elles avaient fait interdire l'accès de la rue aux journalistes et fait placer des bâches pour masquer la vue de l'immeuble. Elles avaient aussi fait fermer l'espace aérien au-dessus de la ville, apparemment pour éviter que des journalistes tentent de filmer les lieux.

Selon des médias néerlandais, ces arrestations ne seraient pas liées à l'enquête sur l'assassin de M. Van Gogh, Mohammed Bouyeri. Les personnes recherchées, qui seraient d'origine marocaine et liés aux milieux islamistes, seraient mêlées à un autre dossier. Un autre suspect a été appréhendé, mercredi, à Utrecht.

BRÈVES ÉCHAUFFOURÉES

Si la police a pris de très spectaculaires mesures de précaution, c'est qu'elle redoutait, apparemment, que les occupants de l'immeuble ne déclenchent une explosion, rééditant le scénario qui s'était déroulé à Madrid au lendemain des attentats du 11 mars 2004. De nombreux services, dont des hôpitaux, avaient été placés en état d'alerte.

Aux abords du quartier du Laak, mercredi, de brèves échauffourées ont opposé des jeunes Marocains et des supporteurs d'un club de football local. L'affaire a suscité un grand émoi dans un pays confronté à une vague inédite de violence depuis l'assassinat du cinéaste. Mardi soir, une école islamique a été entièrement détruite à Uden, dans le sud du pays. Des inscriptions racistes, des croix celtiques et l'épitaphe "repose en paix Theo" avaient été peintes sur les murs.

Interrompant un débat parlementaire, le premier ministre, Jan Peter Balkenende, s'est rendu sur place, précédant une manifestation qui a réuni près de 4 000 personnes venues exprimer leur indignation. Critiqué par l'opposition pour sa mollesse et son inaction, le chef du gouvernement a lancé un "appel insistant" à ses concitoyens pour qu'ils évitent de se laisser entraîner dans "un tourbillon de violence" et retrouvent le goût d'une "société pacifique". "Nous devons préserver des jeunes de la radicalisation", a ajouté M. Balkenende.

Une autre école avait déjà été incendiée dans la nuit de dimanche à lundi à Eindhoven et, depuis, une dizaine d'incidents graves ont été relevés dans tout le pays. Les représentants de la communauté musulmane manifestent leur inquiétude, aussi bien à l'égard de ces manifestations violentes que de la radicalisation des jeunes, un phénomène déjà visible et qui pourrait, selon ces responsables, se renforcer. D'après Sadik Harchaoui, le président d'un institut pour le développement multiculturel, les organisations islamistes extrémistes pourraient recruter davantage chez "des garçons souvent intelligents, diplômés, vivant une crise identitaire et très soucieux du sort de leurs frères opprimés en Tchétchénie, en Afghanistan, au Cachemire et en Irak".

La crispation a gagné tous les milieux, y compris intellectuels. L'écrivain à succès Leon De Winter, une figure respectée, a expliqué ouvertement sa vision des problèmes dans le magazine d'information Elsevier. Ennemi de Theo Van Gogh, qui l'avait traîné dans la boue, il absout le cinéaste : "C'était un connard, mais c'était mon connard à moi, et il avait le droit d'être un connard." Le problème, explique Leon De Winter, c'est "l'arrivée d'immigrants islamisés qui, hélas, mettent sous pression notre tolérance et notre liberté de pensée". Il poursuit : "Des gens se demandent ce qui va mal aux Pays-Bas. C'est une fausse question. La vraie question est : qu'est-ce qui va mal avec certains groupes et individus ? Ce qui va très mal, ce sont certaines sous-cultures radicales (...). L'homophobie, l'antisémistime et l'intolérance culturelle et religieuse sont - en raison de la venue d'immigrants d'Afrique du Nord - ressuscitées dans notre pays."

UN APPEL À LA REINE

L'inquiétude est devenue tellement grande face à la détérioration de la situation que certains responsables politiques ont lancé un appel à la reine Beatrix, afin qu'elles enjoigne ses concitoyens de ne pas céder à la violence. M. Balkenende a expliqué que la reine était "au côté de ceux qui se font des soucis à propos de ce qui se déroule en ce moment aux Pays-Bas".

Le premier ministre, à peine remis d'une infection bactérienne qui l'a immobilisé pendant de nombreuses semaines et a failli l'emporter, doit affronter, par ailleurs, une polémique qui enfle au sujet de la mort de Theo Van Gogh et de l'action de son gouvernement. De nombreux élus s'étonnent que le cinéaste, menacé après la sortie de son film Submission, n'ait pas bénéficié d'une protection. Ils s'interrogent, dans la foulée, sur l'action des services de renseignement et du ministre de l'intérieur, Johan Remkes. Job Cohen, le maire d'Amsterdam, a estimé que sa police n'avait pas reçu d'informations qui lui aurait permis d'agir à temps pour protéger Theo Van Gogh.

Pour se défausser, M. Remkes a mis en cause son collègue de la justice, qu'il accuse de tergiverser au lieu de prendre des mesures antiterroristes efficaces. Cette tactique ne lui permettra pas d'éviter les questions : selon un journal néerlandais, les services de renseignement viennent de découvrir qu'un de leurs rapports sur Mohammed Bouyeri soit qu'ils aient été infiltrés, soit qu'ils aient commis une erreur, était parvenu, l'été dernier, à l'un de ses proches, peut-être lui aussi membre du réseau islamiste mis au jour.

Jean-Pierre Stroobants


"Nous avons été naïfs"

"Nous devons nous demander si nous n'avons pas été naïfs ces dernières années, si nous n'avons pas pendant longtemps accepté n'importe qui" : devant une conférence européenne sur l'immigration et l'intégration organisée par le gouvernement néerlandais, Rita Verdonk, la ministre de l'immigration des Pays-Bas, a estimé, mercredi 10 novembre, à Groningue, que "l'Europe ne doit pas devenir le bouillon de culture du terrorisme musulman". Selon elle, l'assassin de Theo Van Gogh était "mû par la même force maléfique que celle qui était derrière les attentats de New York et Madrid". La ministre a attiré l'attention des participants sur "les jeunes qui se radicalisent". "Nous ne permettrons pas que la communauté musulmane soit exclue et mise en accusation", a cependant affirmé Mme Verdonk, partisane, dans son pays, d'une remise en cause radicale de la politique d'asile. - (AFP.)


http://www.ambafrance.nl/article.php?id_article=5114

Presse néerlandaise du jeudi 11 novembre 2004

Les grands titres :

· Trouw : " Ambiance de crise aux Pays-Bas - Action antiterroriste à La Haye - La tension politique monte - Chagrin à Uden " ; " Le gouvernement va s’en prendre plus sévèrement aux mosquées par voie judiciaire s’il le faut "

· Volkskrant : " Sept suspects de terrorisme arrêtés - Siège pendant 14 heures d’une maison à La Haye - Egalement des arrestations à Amsterdam et Amersfoort " ; " ‘Mohamed B. n’était certainement pas un personnage-clé’ "

· Algemeen Dagblad : " Chasse aux terroristes - La police à la recherche d’explosifs - Réseau terroriste écroué "

· Telegraaf : " Coup pour les terroristes - Des tireurs d’élite préviennent un bain de sang dans un quartier haguenois " ; " L’AIVD n’avait aucune notion d’un projet de meurtre de Van Gogh ".

* * *

Le dossier du jour : Terrorisme aux Pays-Bas

" Lors d’une grande action nationale, des unités spéciales de la police et de l’armée ont arrêté sept terroristes présumés ", annonce le Volkskrant à la une. " Après un siège de longue durée d’un appartement dans le quartier haguenois Laakkwartier, deux personnes ont été arrêtées. Quatre suspects ont été interpellés à Amsterdam et un à Amersfoort. "

" Les autorités, dont le maire de La Haye M. Deetman et la police judiciaire (...), n’ont donné que des informations sommaires. Ainsi il n’était pas clair que l’opération de grande envergure était liée à l’assassinat du réalisateur Theo van Gogh. L’identité des suspects n’a pas non plus été révélée. "

" Aucun détail n’était connu cette nuit concernant les arrestations à Amsterdam-Ouest et à Amersfoort. Des explosifs n’ont pas été trouvés lors des deux actions. Il s’agissait du même réseau de musulmans radicaux, selon la police. "

" Le premier ministre Balkenende a fait un appel pressant, mercredi, à tous les Néerlandais pour arrêter la violence dans la société ", poursuit le Volkskrant en page 3. " ‘On ne touche pas aux écoles. On ne touche pas aux mosquées et aux églises. On ne touche pas aux personnes qui donnent leur opinion. Chacun doit avoir conscience de ce que sont les règles dans notre pays. Pas de violence !’ "

" Le premier ministre a fait son appel à la Deuxième Chambre, un jour après s’être senti obligé de se défendre contre les reproches émanant de cette même Chambre d’être ‘invisible’ dans la crise actuelle et de ne pas donner suffisamment de direction au gouvernement. "

" L’Etat de droit ", a déclaré le premier ministre, " nous donne beaucoup de liberté pour dire ce que nous trouvons et faire ce que nous voulons. Mais nous devrons trouver nous-mêmes le juste équilibre entre liberté et responsabilité. (...) Nous voulons une société dans laquelle chacun a sa place. "

Le journal évoque également les propos du ministre Verdonk (Intégration), " qui a fait savoir mercredi, que ‘la majorité pacifique de la population musulmane’ ne doit pas payer pour le meurtre de Theo van Gogh. ‘Nous ne permettrons pas que la communauté musulmane soit accusée et exclue. Qu’un clivage se crée. Et que nous nous trouvions dans une spirale de peur et de haine, d’aliénation, de stigmatisation et de polarisation.’ "

Tous les journaux font par ailleurs mention de la lettre que les ministres Donner et Remkes ont envoyée hier soir à la Deuxième Chambre suite à l’assassinat de Van Gogh.

Le nom de Mohamed B. apparaissait souvent dans les fichiers de l’AIVD, relève le Volkskrant à la une. " Néanmoins, les ministres Remkes (Intérieur) et Donner (Justice) persistent à dire qu’il ne jouait pas de rôle-clé dans le groupe de musulmans radicaux qui était surveillé par l’AIVD. C’est pourquoi on n’a rien à reprocher au service de renseignement. " " Les dirigeants affirment en même temps qu’il y bien eu des menaces à l’adresse de Van Gogh (surtout sur internet), mais qu’elles avaient ‘un tel caractère général’ qu’il n’y avait pas de quoi prendre des mesures. "

" Donner et Remkes soulignent qu’ils ont eu ‘régulièrement‘ contact sur les activités de Mohamed B. avec tous les instances et services concernés, comme les autorités locales d’Amsterdam. L’AIVD a en outre informé la municipalité des tendances à la radicalisation et le rôle des mosquées à cet égard. "

" Dans la lettre Donner et Remkes annoncent à nouveau le renforcement de l’AIVD. A l’avenir, plus de suspects extrémistes seront suivis et le service de renseignement va fournir plus d’analyses du risque et de la menace à d’autres services publics. La police judiciaire nationale [Nationale Recherche] va être pourvue d’une ’unité de terrorisme’. "

Commentaires

Pour l’éditorialiste du Trouw, la série d’incendies de mosquées et d’écoles islamiques " soulève un sentiment de honte profonde et de grande inquiétude ". " Les media étrangers [un journal danois a comparé les incidents avec la nuit de cristal en Allemagne en 1938] montrent une réalité qui est difficile à accepter par nous. C’est ce qui explique peut-être pourquoi le gouvernement, après le meurtre de Van Gogh, n’a au début par reconnu tout à fait la gravité de la situation, surtout les risques pour la relation entre les populations. Si c’est le cas, le premier ministre a pris sa revanche hier avec sa déclaration grave et opportune à la Deuxième Chambre et sa présence physique près de l’école islamiste incendiée d’Uden. " Balkenende a montré qu’il avait repris les commandes, d’après l’éditorialiste, et " ce n’était pas trop tôt ".

L’éditorialiste du Volkskrant estime lui-aussi qu’hier, le premier ministre Balkenende a montré, pour la première fois depuis l’attentat contre Theo van Gogh, qu’il est conscient de la gravité de la situation.

Concernant le droit d’expression, le commentateur se demande, vu la montée des tensions, " s’il est toujours sage de tout dire ". " Pas tout le monde aux Pays-Bas peut faire la distinction entre moquerie ou ironie d’un côté et incitation à la haine de l’autre. Dans le dernier cas, des poursuites sont de mise. A cet égard aussi, la culture de tolérance aux Pays-Bas mérite une révision. "

" Il n’est pas encore clair si les corps de police, les services de renseignements et l’appareil judiciaire sont à la hauteur de la terreur politique ", poursuit le journal. " Les criminels comme les terroristes semblent faire usage de la liberté de mouvement relativement grande dont ils ont joui pendant longtemps aux Pays-Bas. Ce gouvernement a l’ambition de mettre un terme à cette réputation de légèreté. Cet engagement doit maintenant être tenu. "

L’éditorialiste du Telegraaf loue l’unanimité qui régnait hier à la Deuxième Chambre, qui se rangeait comme un seul homme derrière l’appel de Balkenende. " Cette coopération sur les grandes lignes est très nécessaire. C’est seulement en unissant les efforts, l’extrémisme islamiste comme l’extrémisme tout aussi condamnable contre les Marocains et les établissements musulmans peuvent être combattus. " Il est pourtant trop tôt pour le Telegraaf de " conclure que la guerre entre ‘nous’ et ‘eux’ a éclaté ". " Il n’est pas question d’une répétition de la nuit de cristal de l’époque nazie. "

En ce qui concerne l’avenir politique du ministre Remkes, l’éditorialiste, dans un deuxième volet, tout comme Kees Lunshof en page 5 du même journal, estime que Van Aartsen devrait expliquer clairement aujourd’hui, après le débat à la Deuxième Chambre, ce qu’il veut. Soit il fait confiance à Remkes et celui-ci peut rester. Sinon Remkes doit partir. Le laisser dans l’expectative plus longtemps n’est pas un chemin à prendre. "

A noter dans ce contexte la lettre ouverte des évêques néerlandais dans le Trouw (p.16) sous le titre " Eglise et mosquée confrontées au même défi " et l’appel au respect et à la coopération publié dans plusieurs journaux par des organisations de l’enseignement.

Actualite internationale

Europe - politique d’intégration

Sous le titre " Verdonk : l’UE doit travailler à l’intégration ", le Trouw (p.6) consacre un article à la conférence européenne sur l’intégration des minorités qui a commencé hier à Groningue. " Terrorisme et radicalisation parmi les jeunes musulmans rendent une approche européenne de l’intégration plus urgente que jamais. ‘L’Europe ne doit pas devenir un bouillon de culture du terrorisme musulman’, a déclaré la ministre Verdonk (Etrangers et Intégration) hier, à l’issue de la première journée. "

" La conférence est ‘un événement historique’ ", selon Mme Verdonk. " ‘De cette façon nous soulignons que l’intégration est une affaire européenne.’ Apparemment pas tous les Etats-membres partagent son opinion. Car la Belgique, la France et la Grande-Bretagne n’étaient pas présentes, et quelques Etats-membres avaient bien envoyé des délégations, mais pas de ministre. "

" En tant que président de l’UE, les Pays-Bas veulent conclure un accord avant la fin de l’année sur des principes de base pour une politique européenne d’intégration. (...) Néanmoins, la politique d’intégration sera surtout une affaire des Etats-membres individuels et pas de Bruxelles, estiment les Etats-membres. "

Le Telegraaf (p.13) note que pour le moment il n’est pas du tout question d’une approche coordonnée des problèmes d’intégration. " La Commission européenne non plus ne peut guère prendre des initiatives, maintenant que les pays définissent souvent eux-mêmes leur propre politique. " " Verdonk a dû reconnaître qu’une politique européenne est encore très loin. "


http://www.dw-world.de/dw/article/0,,1393947,00.html?maca=en-topstories-83-rdf

Deutsche Welle11.11.2004

European Press Review: Shattered Illusions

European newspaper editorials focused their attention on the mayhem that has ensued in the Netherlands since the murder of Dutch filmmaker Theo van Gogh and the Palestinians' future after Yasser Arafat's death.

Britain’s The Guardian wrote that Dutch society has been under painful scrutiny since populist politician Pim Fortuyn was murdered on the eve of the 2002 election. Fortuyn ignored political correctness to declare the Netherlands -- Europe’s most crowded country -- "full." It’s no coincidence that the new government adopted the harshest immigration policies in the EU, pledged to deport thousands of long-term illegal immigrants and to make Dutch language classes compulsory to improve poor cultural integration. The paper recommended that Dutch people of all backgrounds and faiths, as well as Britons and other Europeans trying to balance minority rights and security, should heed the words of Prime Minister Jan Peter Balkenende, striking the right note at this troubling time: "We must not allow ourselves to be swept away in a maelstrom of violence. Free expression of opinion, freedom of religion and other basic rights are the foundation stones of our state and our democracy. They are valid for everybody, always."

In Vienna, Der Standard observed that multiculturalism doesn’t work where people are indifferent to it. Although one shouldn’t jump to conclusions so soon, it’s no coincidence that religiously and culturally driven violence has broken out in the Netherlands, of all places. For decades Dutch society was seen as the most tolerant in the world. That environment increased the already strong immigration from predominantly Muslim former colonies. For a long time, integrating the immigrants appeared to be not only problem-free, but even downright exemplary. The murder of Fortuyn a year and a half ago suddenly made clear that this notion was based largely on a mixture of illusion and indifference. Multicultural Dutch society was so politically correct that hardly anyone wanted to take a closer look.

Germany's Die Welt put the clashes in the Netherlands into a context of a three-page spread about growing tension between Christianity and Islam. The Berlin-based daily wrote that the large-scale police and army raid to root out Muslim extremists in The Hague on Wednesday has destroyed yet another cozy illusion of Dutch society. So proud of its peacefulness, the country now suddenly finds itself a battleground against fanatics and terrorists. Since the murder of filmmaker Theo van Gogh and the attacks on mosques and churches it’s becoming ever plainer that the mental weave of multiculturalism, tolerance and liberalism has veiled reality and can no longer hold the society together, the paper argued. The shocked Dutch are recognizing that their freedom was abused and now has to be harshly defended. That also seems to have been understood by the political class, which many Dutch people think is extremely soft on security issues, the paper said.

 


http://www.ambafrance.nl/article.php?id_article=5117

Presse néerlandaise du vendredi 12 novembre 2004

L'attention de la presse se répartit aujourd'hui essentiellement sur deux grands sujets : le débat parlementaire qui s'est terminé tard dans la nuit sur l'assassinat de Théo van Gogh et le décès de Yasser Arafat.

· NRC-Handelsblad : Mort du leader palestinien Arafat

· Trouw : Le sort de Remkes tient à un fil

· Volkskrant : Remkes survit à une attaque de son propre parti

· Algemeen Dagblad : Mohammed B. soutenu par un grand terroriste ; Menaces à l'adresse des Pays-Bas

· Telegraaf : Nouvel attentat évité de justesse

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Dossier du jour : débat parlementaire sur l'assassinat de Théo Van Gogh.

Le Trouw retient essentiellement de ce débat la position très difficile dans laquelle s'est placé le ministre de l'intérieur M. Remkes (VVD). " Le VVD avait indiqué avant l'ouverture du débat qu'il se contenterait d ‘une bonne défense du ministre de l'intérieur, exprimant son sens de l'urgence. Remkes a défendu les décisions de l'AIVD, dont il est politiquement responsable. Il a fait remarquer que ce service n'a pas suffisamment de personnel pour surveiller 24 heures sur 24 100 terroristes potentiels ". Le leader VVD Jozias van Aartsen, a commenté sévèrement l'intervention du ministre : " Dans la question de savoir si Mohammed B. aurait dû faire l'objet d'une surveillance, les mauvais choix ont été faits. Le ministre a fait une déclaration en béton pour expliquer qu'on n'aurait pas pu faire autrement ; mais on aurait pu faire mieux ". "Evidemment ", a reconnu M. Remkes, " on peut toujours faire mieux, mais je pense que la décision de l'AIVD, dans ces circonstances difficiles, était défendable. Le service n'aurait pas pu empêcher le lâche assassinat de Théo van Gogh ".

Le ministre de la justice, M. Donner (CDA), s'est lui aussi " insurgé contre l'image injuste et déplacée de services accumulant les gaffes. Il a également rejeté les reproches du VVD et du PvdA selon lesquels le gouvernement sous-estimerait le danger de l'Islam politique international. Donner n'a pas voulu donner l'illusion que les attentats terroristes cesseraient rapidement : ‘quand cela s'arrêtera ? Je n'en sais rien' ". Selon le Telegraaf, " le ministre des finances VVD Zalm et le ministre de la justice Donner voulaient que Remkes conserve son poste. Donner avait fait savoir dans les coulisses qu'il envisageait de manifester sa solidarité avec Remkes si celui-ci était contraint à démissionner ".

Le Volkskrant résume les différentes mesures préconisées par les groupes parlementaires : " VVD, LPF et G.Wilders ont demandé la fermeture des mosquées radicales; Wilders demande, en plus, que les quelques 100 à 200 extrémistes musulmans surveillés par l'AIVD soient expulsés. Il est soutenu par le SGP. CDA et LPF trouvent qu'il faut expulser les imams recrutant pour le Jihad. Afin de favoriser la formation d'imams aux Pays-Bas, il ne faudra plus accorder, dans les 3 ans à venir, de permis de séjour aux imams étrangers. Le VVD veut que tous les étrangers reçoivent un permis de séjour conditionnel, y compris les imams. Les émetteurs arabes qui diffusent de la propagande ou des messages incitant à la haine ne doivent pas pouvoir être reçus aux Pays-Bas, trouvent VVD, LPF et SGP. "

" Les autres propositions étaient : une intervention contre les serveurs internet hébergeant des sites radicaux (CDA), une intervention sévère contre les flux d'argent originaires de pays arabes et destinés à des mosquées et fondations douteuses (SGP, Wilders), une interdiction des fondations radicales (LPF), une limitation de l'immigration (Wilders), l'ouverture dune ligne spéciale pour signaler des activités extrémistes (LPF), la possibilité de poursuivre les auteurs d'insultes ou de menaces sans que la victime ait à porter plainte directement (CDA), la protection par l'Etat de leaders d'opinion connus (VVD, LPF, SGP), une meilleure lutte contre la discrimination et le racisme (PvdA, SP, D66), la création d'emplois pour les allochtones par les employeurs (D66), une meilleure lutte contre la ségrégation dans l'enseignement et dans les quartiers (SP), un meilleur enseignement de l'histoire (SP), une étude sur la nécessité de créer un ministère de la sûreté nationale (LPF), l'adoption par les Pays-Bas de la liste européenne des organisations interdites (CDA), une meilleure information des citoyens, par le biais de dépliants, sur ce qu'il faut faire en cas de menace terroriste (LPF), un budget de 500 millions d'Euros pour lutter contre le terrorisme dans la rue (Wilders)".

Paul Brill, dans le Volkskrant, tient à rectifier l'image selon laquelle les Pays-Bas seraient l'homme malade de l'Europe.

Il encourage ses compatriotes à " garder la tête froide. Pratiquement tous les pays d'Europe occidentale sont confrontés à la question de la société multiculturelle et de la menace du fondamentalisme musulman. Chaque pays connaît ses victoires et ses échecs. ... Certains observateurs étrangers ont considéré les Pays-Bas avec étonnement, mais cela provient surtout du fait que pendant longtemps, ils ont eu une image exagérément positive de la tolérance et de l'harmonie qui règneraient dans nos polders. Et c'est du reste une image que nous avons contribué à diffuser .... Les Pays-Bas étalent souvent une supériorité déplacée sur ce que d'autres pays devraient faire et ne pas faire. Cela ne nous fera pas de mal de baisser un peu le ton. Mais cela ne veut pas dire que nous devions nous réfugier dans la honte et l'auto-flagellation. L'assassinat de Théo van Gogh et les événements qui ont suivi ne sont pas seulement les éléments d'un drame néerlandais, ils constituent également une épreuve de force pour l'ensemble de l'Europe ".

La presse populaire continue pour sa part de rechercher les liens entre Mohammed B. et des réseaux terroristes internationaux.

Pour l'Algemeen Dagblad, le terroriste algérien Mohamed Achraf était en contact avec l'assassin présumé de Théo van Gogh. L'Algérien l'aurait encouragé téléphoniquement à diffuser la guerre sainte aux Pays-Bas. Le groupe de Mohamed B. ferait partie des groupes qui recevaient d'importantes sommes d'argent d'Achraf. L'inspirateur des jeunes aux Pays-Bas était le professeur de Coran extrémiste Redouan el I., originaire de Syrie, et dont on ignore s'il a déjà été arrêté. "

Dans HP/De Tijd, Dirk-Jan Baar se demande si le gouvernement néerlandais a eu raison de " déclarer la guerre ". " Je pense que le Premier ministre Balkenende doit faire plus pour convaincre les Pays-Bas du sérieux de la situation. Une telle déclaration exige que l'on fasse preuve de leadership, et ne peux être prononcée par un vice-premier ministre. ...Même si l'assassin n'agissait pas à l'instigation d'Al Qaida, il semble certain qu'il s'est inspiré du Jihad mondial déclenché par Oussama Ben Laden. Dans ce sens, il est juste de parler de 'guerre sainte' arrivée maintenant au Pays-Bas. Et il est logique de renforcer l'AIVD et - de façon très ‘a-néerlandaise' - de redoubler de vigilance.Cela implique que les musulmans des Pays-Bas sont des suspects, même si cela fait pousser les hauts cris. Raison de plus pour eux de prendre clairement position contre le terrorisme islamique, et pas seulement si les pouvoirs publics le demandent. La société néerlandaise est en droit d'attendre une loyauté inconditionnelle, même si l'on peut craindre que cela ne se fasse pas sur commande et risque d'augmenter, au début, le venin musulman. Les Pays-Bas ne peuvent pas faire disparaître l'aliénation des musulmans, c'est à eux de le faire. Jusqu'à ce moment-là, c'est la devise du président américain qui s'applique : " ceux qui ne sont pas avec nous sont contre nous. Après la mort de Théo van Gogh s'annoncent des temps terribles et lugubres où les personnalités, à l'ancienne, devront surveiller leurs propos ".

Vrij Nederland s'intéresse pour sa part aux " parents d'Amsterdam Ouest qui perdent le contrôle de leurs enfants : dès qu'ils ont 16 ans, ils ne racontent plus ce qu'ils font."

 


http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3214,36-387014,0.html

Le premier ministre néerlandais plaide pour la tolérance dans une mosquée

LEMONDE.FR | 14.11.04 | 17h13

Depuis l'assassinat du réalisateur Theo van Gogh, dont le meurtrier présumé est un Maroco-Néerlandais de 26 ans qui aurait agi au nom de l'islam radical, une quinzaines d'attentats divers, qui n'ont pas fait de blessés, ont été perpétrés contre des mosquées ou des écoles islamiques, mais aussi des églises.

Alors que les Pays-Bas connaissent depuis deux semaines de vives tensions intercommunautaires, le premier ministre Jan Peter Balkenende s'est rendu, dimanche 14 novembre, dans une mosquée d'Eindhoven, afin d'assister à l'Aïd Al-Fitr, la fête qui marque la fin du Ramadan.

M. Balkenende s'est rendu dans la mosquée Fatih à l'invitation d'un adjoint du maire de la ville, et des membres de la direction de la mosquée, a indiqué le porte-parole du chef du gouvernement, Henk Brons. "Ils ont été très choqués par l'assassinat le 2 novembre de Theo van Gogh, meurtre qu'ils condamnent, et par les tensions qui ont suivi ce meurtre. C'est dans ce contexte qu'ils ont invité le Premier ministre à les rencontrer", a expliqué le porte-parole.

Depuis l'assassinat du réalisateur Theo van Gogh, dont le meurtrier présumé est un Maroco-Néerlandais de 26 ans qui aurait agi au nom de l'islam radical, une quinzaines d'attentats divers, qui n'ont pas fait de blessés, ont été perpétrés contre des mosquées ou des écoles islamiques, mais aussi des églises.

"MAINTENIR LE DIALOGUE"

La reine Beatrix s'était rendue vendredi dans une maison de quartier musulmane pour y rencontrer des jeunes issus de l'immigration et pour réfléchir a des moyens concrets de réaliser la cohabitation.

Dimanche, le chef du gouvernement néerlandais s'est adressé aux fidèles sans discours mais "avec le coeur", selon M. Brons. Devant les membres de la communauté, M. Balkenende a une nouvelle fois condamné la violence dont Theo van Gogh a été la victime, mais aussi celles qui ont suivi.

"Le premier ministre a demandé à tous de serrer les coudes pour notre société, pour condamner l'extrémisme et pour maintenir le dialogue entre les différentes communautés du pays", a encore expliqué M. Brons.

Après ces mots improvisés, M. Balkenende a poursuivi sa visite en se mêlant aux croyants qui fêtaient l'Aïd El-Fitr. Il a reçu un bouquet de tulipes du recteur de la mosquée, "une fleur d'origine turque, mais qui symbolise les Pays-Bas, comme un signe que nous nous sentons ici chez nous", a déclaré celui-ci.

Ce week-end, les agressions contre des bâtiments ont toutefois continué. Dans la nuit de samedi à dimanche, des inconnus ont lancé deux cocktails Molotov contre une école à Heerlen, au sud des Pays-Bas, près de la frontière belge, sans faire de dégâts ni de blessés.

Dimanche, les forces de l'ordre ont indiqué que l'incendie qui a totalement ravagé la mosquée en bois de Helden, au du pays, samedi matin, était probablement d'origine criminelle.

Face à ces troubles, les autorités ont accéléré une série d'enquêtes qui ont abouti à des arrestations de personnes soupçonnées de préparer des actions terroristes aux Pays-Bas. Plusieurs parlementaires connus pour leurs opinions très tranchées sur l'islam ont reçu des menaces et ont été placées sous la protection des autorités.

Mais le gouvernement a assorti ces mesures destinées à renforcer la sécurité d'appels répétés à ne pas diaboliser toute une communauté à cause du crime d'une personne. Les leaders du pays ont en outre insisté sur l'importance du dialogue pour permettre aux communautés de cohabiter harmonieusement.

Avec AFP et Reuters


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Citoyenneté, démocratie, ethnicité et nationalité aux Pays-Bas