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extrait de Pierre-Yves LAMBERT, "Candidats et élus d'origine extracommunautaire aux élections européennes, communales, régionales et législatives de 1994 et 1995 en région bruxelloise", paru en juillet 1996 dans "L'année sociale 1995", une publication de l'Institut de Sociologie de l'Université Libre de Bruxelles

 

5. Commentaires et perspectives

La Belgique a connu en 1994-95 un phénomène qui avait déjà touché les Pays-Bas aux municipales de 1986, suite à l'extension des droits politiques locaux aux résidents étrangers, et la France aux municipales de 1989, malgré la non extension de ces droits. A l'époque, une cinquantaine d'origine étrangère étaient entrés dans les conseils municipaux néerlandais et cent cinquante en France. Aujourd'hui, des députés d'origine extracommunautaire siègent dans les parlements britannique, néerlandais et allemand, ainsi que dans des assemblées régionales en France, en Allemagne et en Belgique.

 

Nationalité et citoyenneté

L'obstacle de la nationalité a longtemps constitué un frein à la participation politique directe des personnes issues de l'immigration en les cantonnant aux conseils consultatifs et aux organisations politiques des pays d'origine, bien que la plupart des partis belges (à l'exception du PRL et du Front National) n'émettent aucune restriction statutaire à l'affiliation de non-Belges ou à leur élection dans les structures internes, l'article premier des statuts du PS précisant par exemple comme objectif l'organisation de "toutes les forces socialistes dans distinction de race, de sexe, de langue, de nationalité".

Les propositions de loi successives pour étendre les droits de vote et/ou d'éligibilité à certaines catégories de non-Belges n'ont jamais recueilli suffisamment de suffrages au Parlement, et c'est à la suite d'un traité européen que ces droits ont été reconnus aux ressortissants communautaires pour les élections européennes de 1994. Les débats ouverts à propos de l'extension prévue de ces droits pour les prochaines élections communales de l'an 2000 offrent néanmoins aux partisans des droits politiques de tous les non-Belges, extracommunautaires inclus, une nouvelle occasion de se manifester. Bien que seuls Ecolo et Agalev défendent cette position au Parlement, certains élus d'autres partis y sont de plus en plus favorables, y compris au sein du gouvernement flamand comme Anne VAN ASBROECK, ministre SP de l'Egalité des Chances, et Luc MARTENS, ministre CVP de la Culture. Les deux principales organisations syndicales du pays l'ont inscrite dans leurs programmes depuis plusieurs années déjà.

Par ailleurs, ce n'est que depuis 1984 que le législateur a procédé à des réformes successives pour faciliter l'acquisition "automatique" de la nationalité belge, d'abord en fonction de la nationalité belge d'un des parents, puis de la naissance en Belgique du demandeur et d'un de ses parents. Les procédures d'option et de naturalisation ont également été simplifiées et accélérées, la réforme la plus récente datant de mai 1995, d'application dès décembre de la même année. Il faut en outre signaler que, pendant longtemps, la Sûreté de l'Etat a exercé un contrôle sourcilleux et abusif sur les demandes de naturalisation, écartant par exemple de nombreux militants syndicaux ou politiques de gauche et d'extrême-gauche par un anticommunisme primaire qui favorisait plutôt les immigrés d'extrême-droite ("Loups gris" turcs) ou réactionnaires (islamistes pro-séoudiens).

Contrairement aux Français et aux Marocains, les Italiens et les Espagnols perdent leur nationalité quand ils acquièrent celle du pays où ils résident, ce qui constitue un obstacle psychologique à la naturalisation ou à l'option pour nombre d'entre eux. Par ailleurs, la plupart des pays d'origine n'obligent pas leurs ressortissants résidant à l'étranger à effectuer un service national tant qu'ils ne reviennent pas s'y établir; ce qui n'est pas le cas de la Turquie où il peut néanmoins être remplacé par le paiement d'une certaine somme d'argent. Tant que le service national existait en Belgique (jusqu'en 1995), le jeune Italien, Espagnol ou Marocain était par conséquent dispensé de celui-ci et pouvait directement entrer sur le marché du travail ou bénéficier d'allocations d'attente. Cette variable explicative (parmi d'autres) de la non-acquisition de la nationalité belge est néanmoins virulemment rejetée par de nombreux intellectuels d'origine étrangère. Par contre, la liberté de circulation au sein des Communautés européennes pour les ressortissants des états membres n'existant pas pour les résidents extracommunautaires, ceux-ci trouvent un avantage à acquérir la nationalité belge, qui ouvre également les portes de la fonction publique.

 

"Devenir belge"?

Il paraît en vérité difficile à beaucoup d'observateurs de considérer que l'acquisition de la nationalité belge peut encore avoir des motivations et/ou des effets autres qu'utilitaires, étant donné le degré de fractionnement ethnonational et de fédéralisation de la Belgique: on "devient français", mais peut-on "devenir belge"? A titre d'illustration, alors que les journalistes belges francophones se permettent d'user et d'abuser du douteux vocable "nouveaux Belges", on imagine difficilement leurs confrères d'outre-Quiévrain parler de "nouveaux Français", à moins qu'ils n'écrivent dans "National-Hebdo" ou dans "Présent"... De même quand un grand quotidien flamand parle de "Belges d'une autre couleur de peau", de "colorés".

Peut-être faut-il chercher dans le passé colonial la différence d'attitude: Félix HOUPHOUËT-BOIGNY ou Léopold SEDAR SENGHOR ont fait partie du gouvernement français dans les années cinquante en tant que citoyens français, alors que la Belgique n'autorisait même pas le séjour en métropole aux Congolais, auxquels toute activité politique était interdite. Beaucoup d'"immigrés" d'origine arabe ou africaine ont d'ailleurs réintégré la nationalité française, puisqu'ils étaient nés citoyens français, même outre-mer. Contrairement à ce que prétendent certains "immigrés honteux" ou les politiciens de droite, le racisme "à la belge" existe bien, et se manifeste clairement dans cette attitude paternaliste et méprisante vis-à-vis des Belges d'origine étrangère plus ou moins lointaine, comme naguère vis-à-vis des Congolais.

Le parallèle est d'autant plus frappant quand on se rappelle la volonté du colonisateur belge de limiter la scolarisation du colonisé au minimum nécessaire pour rentabiliser l'investissement sans pour autant planter les germes de son émancipation. Ainsi, l'aiguillage quasi-systématique des enfants d'origine étrangère vers l'enseignement professionnel ou "spécial" par les centres psycho-médico-sociaux assure le maintien de la stratification socio-ethnique, qui n'est pas sans conséquences politiques dans un pays qui a longtemps vécu sous un système politique où le vote était réservé à une élite riche et éduquée, et où l'absence de diplôme supérieur ou universitaire constitue un handicap pour une carrière politique, y compris dans un parti "non traditionnel".

 

Communautaires

Les succès électoraux du socialiste Elio DI RUPO, universitaire d'origine italienne, aux législatives de 1987, puis aux communales de 1'année suivante, provoquèrent une grave polémique à relents fortement xénophobes au sein du PS local à propos de l'attribution du poste de bourgmestre à Mons. Finalement non désigné au mayorat, il fut élu au Parlement européen quelques mois plus tard, à nouveau avec un score exceptionnel. Après un parcours ministériel communautaire, puis fédéral, il assume actuellement la charge de vice-premier ministre au gouvernement fédéral. Cette ascension fulgurante d'un fils d'immigré italien a probablement marqué un tournant dans la vie politique belge où les phénomènes ethnopolitiques étaient jusqu'alors limités aux clivages francophones/néerlandophones.

En 1991, le PSC a adopté le principe de l'affiliation automatique pour les membres de la Démocratie Chrétienne italienne vivant en Belgique. Dans certaines sections wallonnes du PS, un siège était déjà réservé au sein du comité local pour le représentant du PSI, et la double affiliation a été admise avec le PDS (ex-Parti communiste italien) après son admission à l'Internationale socialiste.

Trois ans plus tard, la faculté accordée aux communautaires de s'inscrire sur les listes électorales belges pour les élections européennes n'a été utilisée que par un nombre très restreint d'électeurs potentiels, donnant l'impression, à tort ou à raison, que cette partie de la population s'intéressait plus à la politique du pays d'origine qu'à celle de la Belgique. Il faut néanmoins souligner le fait que les administrations locales belges n'ont, à deux ou trois exceptions près, pas rempli leur rôle d'information vis-à-vis des populations concernées. Plusieurs partis belges présentaient sur leurs listes des candidats non-belges d'origine communautaire, tous à des places non éligibles.

La problématique citoyenneté des communautaires non-belges a été remise à l'avant-scène à l'occasion du débat sur l'extension des droits politiques locaux suite aux accords de Maastricht, mais l'aspect le plus médiatisé en a été la crainte flamande de voir modifier à son désavantage la donne politique en périphérie bruxelloise par une alliance entre francophones et communautaires.

L'élection de candidats d'origine communautaire dans les diverses assemblées locales, provinciales, régionales ou fédérales en 1994-1995 n'a que rarement été soulignée par la presse francophone, sauf pour les deux élus saint-gillois du Front National, alors qu'en Flandre la presse et les partis ne font pas la distinction, toutes les personnes issues de l'immigration (même... néerlandaise!) entrant dans la catégorie sémantique des "allochtones", également utilisée dans des documents bilingues émanant du gouvernement fédéral, par exemple à propos du recrutement spécifique dans les forces de l'ordre.

Depuis le début des années nonante, les médias et certains partis francophones ont emprunté à la terminologie de la droite et de l'extrême-droite le vocable "nouveaux Belges" pour désigner les Belges d'origine extracommunautaire et réservent l'appellation "immigrés" aux seuls étrangers extracommunautaires, l'"immigration" désignant de plus en plus les nouvelles migrations de candidats réfugiés ou de clandestins. Cette situation est d'autant plus étonnante que, en Belgique, plus des trois quarts des résidents étrangers sont des ressortissants d'états membres de l'Union Européenne, notamment l'Italie et la France et que plus du tiers des non-Belges sont nés... en Belgique! Ce phénomène est également observable en France, où quand on parle de "seconde génération", on se réfère presque exclusivement à l'immigration maghrébine, "alors que l'immigration portugaise, la plus nombreuses en France, comporte aussi ses secondes générations".

 

Extracommunautaires

La progression continue prévisible du nombre d'électeurs d'origine extracommunautaire et les résultats de ces élections vont-ils avoir un effet d'entraînement sur les partis politiques traditionnels? Au-delà de l'élection de quelques personnes et de l'apport en voix de pas mal d'autres, ces partis vont-ils modifier certaines de leurs positions, par exemple par rapport à l'élargissement du droit de vote et d'éligibilité à des non-Belges non ressortissants de l'Union Européenne, aux droits culturels des minorités ethniques et à la représentation démocratique des croyants musulmans au sein des instances qui sont censées gérer leur culte?

L'absence d'un organisme "chef de culte" légitime et reconnu par l'Etat belge permet à ce dernier de réaliser de substantielles économies au détriment de la communauté musulmane alors que les prêtres chrétiens et les rabbins sont rémunérés avec l'argent des contribuables, y compris musulmans. Rappelons par ailleurs que, au niveau communal, la question des "carrés musulmans" au sein des cimetières ou des "fabriques de mosquées", sur le modèle des fabriques d'églises, n'a toujours pas été évoquée, même dans des communes où plus d'un habitant sur cinq est musulman. Et quid de l'accès des musulmans à l'audiovisuel public, à l'instar des autres communautés religieuses ou philosophiques reconnues, ou du statut des radios libres de la Fréquence arabe à Bruxelles, régulièrement menacées de suspension ou de reprise en main par la Communauté française?

L'existence d'élus d'origine extracommunautaire peut de toute façon constituer un atout pour les autorités exécutives belges, dans la mesure où elle instaure enfin des médiateurs démocratiquement désignés entre cette population et les autorités, et non des conseils consultatifs ou de "sages" composés de la clientèle des partis traditionnels. Ces élus ne sont néanmoins aucunement des représentants ni des leaders de telle ou telle communauté dont les membres, même quand ils exercent des responsabilités associatives, ignorent parfois leur existence, comme nous avons pu le constater pour la commune de Forest lors d'un débat public sur la participation politique en mars 1996, soit un an et demi après l'élection d'un candidat d'origine marocaine dans cette commune.

 

Echecs des stratégies d'autonomisation politique

La tentation des "partis d'immigrés", souvent diabolisée par les opposants à l'extension des droits politiques aux non-Belges (dont le socialiste bruxellois Charles PICQUE), a connu une première concrétisation aux communales de 1994 dans quatre communes bruxelloises avec les listes "MERCI". Le résultat, moins de 1% des voix, a été décevant pour ses initiateurs, tous issus des partis "autochtones" existants (PS, PRL, FDF et Ecolo). Aucune liste de ce type n'était présente le 21 mai, que ce soit à Bruxelles ou ailleurs, contrairement aux rumeurs qui évoquaient la participation d'un "parti islamique". Toutefois, dans un pays où les quatre principales familles politiques sont divisées chacune en deux partis selon des critères ethnolinguistiques et où subsistent des partis se référant au christianisme, il peut paraître quelque peu hypocrite de ne fustiger cette tendance que quand elle est le fait d'"allochtones"... Signalons à cet égard qu'une liste "VLAAMS" présentée en 1995 dans la circonscription francophone au Sénat a recueilli un certain nombre de voix en Wallonie, de même que la liste du "Partei der Deutschschprächiger Belgen" en-dehors des "cantons de l'Est", y compris à Bruxelles.

Des expériences électorales de "partis d'immigrés" ont déjà été tentées par le passé dans des pays voisins, sans succès. L'"Alliance des Immigrés 1986" qui participait à Rotterdam aux premières élections communales accessibles aux non-Néerlandais n'obtint même pas un seul siège en 1986. De même, l'"Islamic Party of Great Britain", créé en 1989, présenta des candidats aux législatives de 1992 dans quatre circonscriptions, sans jamais dépasser 1% des suffrages, comme le Parti des Français Musulmans aux élections cantonales dans le Nord-Pas-de-Calais dans les années quatre-vingts. Enfin, les quelques listes pluriethniques présentes lors du scrutin municipal français de juin 1995 n'ont pas réussi à franchir le cap du premier tour, ni même à atteindre 5% des voix. Même un parti prétendant mobiliser une communauté aussi importante que les Mexicains-Américains du Sud des Etats-Unis, "La Raza Unida", fondé en 1970 au Texas, n'a connu qu'un succès éphémère et limité à un conseil municipal et à un conseil de comté, malgré un score de 6% à l'élection du gouverneur du Texas en 1972.

Plus récemment, un parti communautaire turc est apparu dans le paysage politique allemand, le "Parti Démocrate Allemand". Un député régional d'origine turque a caractérisé cette initiative de "symbolique et caduque", voire" contre-productive", rappelant notamment que "le nombre de Turcs ayant obtenu la nationalité allemande est évalué à environ cinquante mille", y compris des jeunes de moins de dix-huit ans, alors que le seuil d'éligibilité est de 5%, ce qui présage mal de l'avenir électoral de ce parti. Un autre leader turc d'Allemagne a néanmoins souligné à ce propos que "si les enfants issus de la troisième génération continuent d'être considérés comme des étrangers et ensuite rejetés (...), il ne faudra pas s'étonner que certains individus décident de se raccrocher à leur minorité ethnique".

Il y a vingt ans, un membre du conseil consultatif des immigrés de Liège avertissait déjà que "la volonté d'une liste d'immigrés aux communales existe car aucun parti belge, et je le souligne aucun, n'a jusqu'à maintenant pris en main les problèmes des immigrés dont ils ne se sont d'ailleurs pas rendus compte". Il se déclarait néanmoins "sceptique quant à sa possibilité de réussite".

 

Le "virage à droite": une étape vers l'intégration politique?

Les élections municipales françaises de juin 1995 ont par ailleurs marqué une évolution politique dont on distingue déjà les prémisses en Belgique. En effet, que ce soit par désillusion ou par opportunisme, un certain nombre d'anciens candidats ou de militants membres ou proches du Parti socialiste se sont cette fois tournés vers les politiciens de centre-droit et de droite là où ceux-ci n'avaient pas joué la surenchère avec le Front national, et certains ont été élus sous des étiquettes RPR, UDF ou divers droite. Le ministre RPR de l'intégration, Eric RAOULT, avait d'ailleurs exhorté les listes municipales à s'ouvrir à "des Fodé, des Soraya, des Abdel", et compte lui-même dans son cabinet ministériel Zaïr KEDADOUCHE, conseiller régional (Génération Ecologie) .

Il est à cet égard significatif que, à Anvers et dans deux communes bruxelloises, des candidats d'origine maghrébine ont été élus sur des listes de centre-droit virulemment opposées à l'extrême-droite xénophobe, qu'elle se présente sous son vrai visage (Vlaams Blok, Front National, Agir) ou sous ceux, plus respectables, des "libéraux". Dans deux cas, aux régionales bruxelloises et aux communales à Fléron, des candidats d'origine maghrébine figuraient même sur des listes de cartel à participation libérale, mais sur le quota d'un autre parti. Bien que le PRL et le VLD comptent quelques membres d'origine extracommunautaire, aucun ne figurait sur une de leurs listes en 1994 ou en 1995. Le FDF, actuellement fédéré au PRL, maintient néanmoins sa tradition d'ouverture qui l'avait déjà conduit, dans les années septante, à promouvoir la mise en place de conseils communaux consultatifs d'immigrés dans plusieurs communes bruxelloises, à l'instar du PSB et du PCB en Wallonie.

 

Citoyenneté multiforme et leadership communautaire

Un certain nombre de personnes d'origine extracommunautaire sont intégrées aux appareils des différents partis, que ce soit au titre de responsables élus ou de permanents, sans parler des attachés et conseillers travaillant dans les cabinets ministériels, dont certains étaient d'ailleurs candidats en 1994 ou 1995. D'autres, y compris des non-Belges, exercent des responsabilités au sein des organisations syndicales ou ont été élus comme délégués par leurs collègues, parfois dans des secteurs où la majorité, voire la quasi-totalité, des travailleurs sont des "autochtones". Ces derniers modes de participation civique apparaissent peut-être moins souvent dans les médias, mais ils se situent parfois à des niveaux décisionnels plus élevés que ceux d'élus communaux par exemple.

L'éventuelle émergence des élus et des cadres politiques d'origine extracommunautaire comme leaders ethniques semble par contre assez peu probable dans l'immédiat, car ils entrent en compétition à la fois entre eux et avec avec des élites plus traditionnelles, religieuses, culturelles ou entrepreneuriales par exemple, sans parler de la différence de modes de vie (dans de nombreux cas, mariages mixtes et/ou indifférence religieuse), et souvent de parcours migratoire (anciens "étudiants étrangers" plutôt que "main d'oeuvre immigrée" ou "deuxième génération"), qui les séparent fondamentalement de la plupart de leurs compatriotes originaires du même pays. Le secteur social, dont sont issus une bonne part de ces élus et de ces cadres, n'est de toute façon pas socialement valorisé, tant aux yeux des "autochtones" que des "allochtones", en raison principalement des faibles rémunérations et des statuts précaires et dépendants qui y prédominent. Rappelons qu'un seul élu bruxellois sur dix-sept était, avant son élection, à la tête d'une entreprise privée, cumulant avec cette qualité une scolarisation totalement effectuée en Belgique, un diplôme universitaire et le respect affiché des normes religieuses de sa communauté d'origine.

 

Compétition et ascension politiques

Par ailleurs, les résultats des dernières élections ont suscité de nombreuses vocations politique parmi les travailleurs socio-culturels issus de ces communautés, qui s'inscrivent en nombre au Parti socialiste principalement. Ce faisant, ils s'insèrent encore plus dans le système de pilarisation clientéliste qui contrôle déjà le secteur associatif subsidié et ses ersatz communaux, créés dans le cadre des"contrats de sécurité" par exemple. Ces nouveaux affidés des partis autochtones entrent progressivement en compétition avec les élus, candidats et cadres politiques de même origine, dont la sélection pour des postes à responsabilités ou des candidatures électorales reste le privilège des partis, où une élite "autochtone" conservent le contrôle. La logique politique veut que les éléments sélectionnés ne seront pas les plus remuants, les plus revendicatifs, mais les plus soumis à la ligne et aux directives du Parti, comme c'est le cas pour les cadres issus des mouvements de jeunesse politique. Et l'accroissement du nombre de candidats potentiels ne fera qu'agraver cette tendance, à moins de postuler des tendances suicidaires et autodestructrices des élites politiques "autochtones" actuellement en place.

En 1990, malgré une succession ininterrompue de scores électoraux exceptionnels, mais incontrôlables et non souhaités par les instances locales, fédérales et nationales de son parti, Elio DI RUPO ne fut pas élu parmi les 41 membres du bureau politique du PS, de même qu'un vieux rebelle, Ernest GLINNE. Rappelons également que l'ascension ministérielle fulgurante du même DI RUPO quelques années plus tard a été le fruit d'une série d'inculpations et de démissions qui ont décapité l'élite ministérielle et ministériable du PS, créant un vide qui devait être rempli dans le plus brefs délais, compte tenu des autres postes à assumer aux niveaux régional wallon et bruxellois, et à la Communauté française. Pour le moment, les élus bruxellois d'origine extracommunautaire sont encore loin de la première étape d'un tel parcours politique, le plus proche en étant probablement Mahfoud ROMDHANI, malgré son attitude non conformiste à l'égard de l'Islam, suivi par Sfia BOUARFA. Les élus d'Ecolo sont handicapés par le confinement de ce parti dans l'opposition au niveau régional et le faible nombre d'échevinats (trois) qu'il détient actuellement, le FDF par son association avec un PRL bruxellois qui n'acceptera pas de sitôt de voir confier des responsabilités, même locales, à un "nouveau Belge". Quant au PSC, la non percée électorale de ses candidats d'origine extracommunautaire en région bruxelloise risque de dissuader son électorat potentiel dans ces communautés et de diminuer l'intérêt de telles candidatures pour sa direction régionale.

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