Pierre-Yves Lambert, La participation politique des allochtones en Belgique - Historique et situation bruxelloise, Louvain-la-Neuve, Academia-Bruylant (coll. Sybidi Papers), juin 1999,  122p., ISBN 2-87209-555-1
avertissement: cette version en ligne ne correspond pas exactement à l'ouvrage publié en 1999, qui reste disponible chez l'éditeur Academia-Bruylant, de même que d'autres dans l'excellente collection Sybidi Papers, elle ne peut donc être utilisée pour les citations 

Sommaire -  Introduction -Chapitre I - Chapitre II - Chapitre III - Chapitre IV - Chapitre V -  Conclusions - Sources

I. 6. Combien y a-t-il de Belges d'origine étrangère ?

Tant l'extrême-droite que certains candidats allochtones s'interrogent fréquemment quant au nombre de Belges d'origine étrangère, en particulier d'origine maghrébine.

Pour une raison que nous ignorons, l’Institut National de Statistiques n'a pas dépouillé la question du recensement de 1991 portant sur la nationalité à la naisssance qui aurait permis d’avoir une idée de l’importance numérique des naturalisés et optants, nés à l’étranger ou en Belgique. Il n’est pas certain qu’un nouveau recensement décennal ait lieu en 2001 tant en raison du coût d’une telle opération que d’une éventuelle fédéralisation de l’I.N.S. (note de 2005: En 1991 a eu lieu le dernier recensement décennal, le premier ayant eu lieu en 1947 à l'initiative du savant belge Quételet. Pour ce qui concerne l'origine nationale et la nationalité, les résultats de 1991 ont été dépouillés et analysés par des démographes, mais la publication de 1999 - pourtant officielle - n'existe qu'en néerlandais, "De allochtone bevolking in België")

Par ailleurs, il faut nuancer les concepts d'autochtones et d'allochtones en rappelant que les personnes issues de couples "mixtes" et leurs descendants constituent une part importante de la population belge. Il est rare de rencontrer un Belge "de souche" qui n'a pas au moins un ancêtre étranger connu de la mémoire familiale, que ce soit dans les grandes villes ou dans les communes frontalières.

Selon les individus, cette caractéristique est soit minimisée voire passée sous silence, soit mise en avant tant pour se défendre d'attitudes racistes ("ma grand-mère était polonaise, vous pensez !") que dans le cadre d'activités spécifiques à l'un ou l'autre groupe ethnique (l'élection de "Miss Italia Belgio", les festivals de chanson italienne). Le mensuel Qui Italia a récemment (mars 1999) publié un article intitulé "Rencontre avec Paul Martens, juge d'origine italienne à la Cour d'Arbitrage" ! L'intéressé est en effet d'origine italienne par sa mère, dont les parents sont arrivés en Belgique... au début du siècle.

Dans le tableau 4, il faut souligner que les Belges nés à l'étranger (notamment au Congo belge) ne sont pas nécessairement tous des allochtones, loin de là: le premier ministre Jean-Luc Dehaene est lui-même né à Montpellier en 1940 ! Les personnes nées en Belgique qui ont acquis la nationalité belge par la suite n'ont pas été comptabilisés. Comme nous l'avons déjà signalé plus haut, il y a également des femmes autochtones qui ont perdu la nationalité belge en épousant un étranger.

 

Tableau 4. Résultats du recensement de 1991 (Lambert 1996: 267)

Région de Bruxelles-Capitale

Royaume de Belgique

Belges nés à l'étranger

65.760

6,9%

339.184

3,4%

étrangers nés à l'étranger

182.912

19,2%

588.655

5,9%

étrangers nés en Belgique

87.301

9,2%

308.354

3,1%

B.N.E.+ E.N.E. + E.N.B.

335.973

35,2%

1.226.193

12,3%

On le voit dans le tableau 5., les chiffres diffèrent considérablement selon les statistiques italiennes et belges (Qui Italia mai 1998 et INS 1998). Ce type de comparaison doit néanmoins être envisagé avec prudence, étant donné que les ressortissants étrangers - et leurs descendants - ne se signalent pas systématiquement auprès de leurs autorités consulaires dans le pays d'accueil, lesquelles ne tiennent pas toujours compte des changements de nationalité, même quand ils signifient la perte de la nationalité d'origine suivant la Convention de Strasbourg déjà mentionnée. Des Belges d'origine italienne reçoivent ainsi de temps en temps des convocations électorales du Consulat. A l'inverse, de telles convocations sont souvent envoyées à des adresses obsolètes, voire à des personnes décédées, ce qui jette le discrédit sur les statistiques de l'AIRE (Anagrafe degli Italiani residenti all'estero).

Tableau 5. Les Italiens de Belgique au 31/12/1997 - 1/1/1998
 

AIRE / Consulat

INS

Belgique

285.568

205.782

Région bruxelloise

43.455

29.646

Brabant wallon

9.858

6.167

Brabant flamand

7.434

5.444

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