Pierre-Yves Lambert, La participation politique des allochtones en Belgique - Historique et situation bruxelloise, Louvain-la-Neuve, Academia-Bruylant (coll. Sybidi Papers), juin 1999,  122p., ISBN 2-87209-555-1
avertissement: cette version en ligne ne correspond pas exactement à l'ouvrage publié en 1999, qui reste disponible chez l'éditeur Academia-Bruylant, de même que d'autres dans l'excellente collection Sybidi Papers, elle ne peut donc être utilisée pour les citations 

Sommaire -  Introduction -Chapitre I - Chapitre II - Chapitre III - Chapitre IV - Chapitre V -  Conclusions - Sources

II. 4. Le droit de vote des étrangers dans des systèmes fédéraux

Systèmes fédéraux existants

A plusieurs reprises, durant les débats autour du droit de vote des non Belges en 1996-98, l'idée de régionaliser la loi communale, et parallèlement d'instaurer un droit de vote différencié selon les régions, fut lancé tant en Flandre, pour le limiter, qu'en Wallonie, pour l'étendre (voir e.a. Louis 1998). D'après les constitutionnalistes toutefois, la capacité électorale ne peut être réglé par d'autres instances que le parlement fédéral, à moins de réviser la Constitution.

Avant 1926, certains Etats des Etats-Unis, dont l'Arkansas fut le dernier, accordaient encore le droit de vote aux résidents étrangers pour les élections non fédérales. Plusieurs arrêts de la Cour Suprême ont confirmé la compétence des Etats fédérés en ce qui concerne le droit de vote local, arrêts qui ont notamment été utilisés en 1997 comme argument juridique par un indépendantiste portoricain qui entendait bénéficier du droit de vote local dans son île (Etat associé aux Etats-Unis) tout en renonçant volontairement à la nationalité américaine (Bras 1997).

Concrètement, il existe au moins une municipalité (Takoma, dans le Maryland) qui accorde ce droit depuis 1991, une seconde (Amherst, dans le Massachussets) s’est prononcée favorablement en 1998 sous réserve d'approbation par l’assemblée de son Etat. Des propositions du même type ont été rejetées à Los Angeles et San Francisco, une des inquiétudes souvent exprimées étant que des immigrés clandestins, très nombreux en Californie, votent également. Néanmoins, le droit de vote des étrangers est reconnu par les villes de Chicago et de New York pour les élections aux conseils scolaires (McLaughlin 1998)

Le système suisse est encore plus complexe, étant donné qu’il existe (en simplifiant) trois niveaux de citoyenneté, fédéral, cantonal et communal (Garrone 1996: 18-19, 76-77). Le droit de vote communal des étrangers existe dans le canton de Neûchatel depuis 1849 (20 ans de résidence, puis 10 ans, réduit en 1982 et 1984 à 5 ou 10 ans en fonction du pays d'origine, cf. Ireland 1994: 235-236) et dans celui du Jura depuis 1979 (Art. 73 de la Constitution jurassienne du 20 mars 1977: "La loi définit et règle le droit de vote et les autres droits politiques des étrangers"). Des votations allant dans le même sens ont eu lieu dans d'autres cantons, notamment à Genève, sur ce sujet, mais les électeurs y ont majoritairement marqué leur opposition.

En Allemagne, deux Länder ont tenté, en 1989, d’adopter unilatéralement le droit de vote des résidents étrangers, mais la Cour constitutionnelle de Karlsruhe a estimé l'année suivante que cette compétence relevait exclusivement de la législation fédérale.

Systèmes fédéraux en devenir

A l'inverse, des constructions fédératives ou confédératives d'Etats indépendants comme la Communauté Economique Européenne et l'actuelle Union Européenne, mais aussi le Commonweath britannique, la Communauté française (voir encadré) ou la Communauté des Etats lusophones, ont prévu par réciprocité multilatérale la reconnaissance de droits politiques, en ce compris de vote et /ou d'éligibilité à des degrés divers, aux ressortissants de leurs Etats respectifs. La plupart des Etats membres de l'Union centroaméricaine par contre ont adopté dans leurs constitutions respectives des mesures favorisant l'acquisition de la nationalité du pays de résidence aux ressortissants d'un autre pays membre avec préservation de la nationalité d'origine et dans des conditions nettement plus favorables que pour les ressortissants d'Etat tiers, ce qui leur permet de maintenir le lien entre nationalité et citoyenneté, souvent vigoureusement affirmé dans les constitutions latino-américaines (à l'exception du Vénézuela), tout en posant les jalons d'une intégration politique plus poussée.

"(...) la notion de citoyenneté de la Communauté [entre la France et douze de ses ex-colonies africaines] permet à chaque Etat d'assurer certains droits politiques aux citoyens des autres Etats qui sont établis sur son territoire; c'est ainsi que sont éligibles, élus et parfois même investis de mandats publics importants, des ressortissants d'un Etat de la Communauté sur le territoire d'un autre Etat. (...) des rapports institutionnels continus sont établis entre les Etats de la Communauté par la participation de représentants de certains Etats aux institutions d'autres Etats." (Nera 1960:115)

suite (chapitre III)