Pierre-Yves Lambert, La participation politique des allochtones en Belgique - Historique et situation bruxelloise, Louvain-la-Neuve, Academia-Bruylant (coll. Sybidi Papers), juin 1999,  122p., ISBN 2-87209-555-1
avertissement: cette version en ligne ne correspond pas exactement à l'ouvrage publié en 1999, qui reste disponible chez l'éditeur Academia-Bruylant, de même que d'autres dans l'excellente collection Sybidi Papers, elle ne peut donc être utilisée pour les citations 

Sommaire -  Introduction -Chapitre I - Chapitre II - Chapitre III - Chapitre IV - Chapitre V -  Conclusions - Sources

(ceci est une version ultérieure du sous-chapitre IV.2 de l'ouvrage de 1999, mais elle est elle-même dépassée, entretemps il y a eu Resist, le PCP, le PJM et le MDP)

Les tentatives d'autonomisation politique des allochtones en Belgique

Pierre-Yves LAMBERT, 29 août 2002

La question de l'autonomisation politique des Maghrébins de Bruxelles s'est posée tant vis-à-vis d'éventuelles "listes ethniques" qu'à l'égard des candidats de cette origine sur les listes des partis belges, lesquels candidats se sont publiquement (dans les médias belges) défendus d'être des candidats ethniques visant un électorat ethnique, tout en étant largement présents lors de débats ou d'interviews sur les ondes des radios arabes de Bruxelles. Ce double langage persiste d'ailleurs actuellement et peu nombreux sont les élus d'origine maghrébine qui reconnaissent devant des interlocuteurs autochtones leur spécificité et celle de leur électorat.

En fait, on peut considérer que le système électoral belge, qui permet une relative influence des électeurs sur le choix des élus au niveau communal et aux régionales bruxelloises, diminue fortement la frustration de candidats non inclus en place éligible qui peuvent toujours espérer se rattraper grâce à leurs scores personnels, et diminue donc d'autant les velléités de listes autonomes pénalisées par le système de répartition des sièges (Imperiali aux communales, D'Hondt aux législatives), défavorable aux petites listes.

Structures autonomes au sein des partis autochtones

En Allemagne, il existe des associations ethniques ou multiethniques liées aux différents partis politiques allemands, par exemple l'"Association libérale germano-turque", "ImmiGrün" ou la Fédération social-démocrate HDF (créée en 1977).

En Angleterre, la question de l'autonomie interne des minorités ethniques, collectivement désignées comme "Noirs", s'est posée au sein du Parti tavailliste au début des années 1980, quand "près de trente-cinq sections ["noires"] ont été fondées "illégalement" [les Congrès de 1984 et 1985 ayant refusé de reconnaître leur création] dans les principales agglomérations à forte concentration de population immigrée" (Le Monde 1/10/85). Le système électoral britannique, majoritaire à un tour dans des circonscriptions uninominales, même pour les élections municipales, ainsi que le fait que les minorités ethniques sont dans leur quasi-totalité des citoyens britanniques originaires des anciennes colonies, ont probablement rendu possible une telle situation. Par ailleurs, il faut rappeler que l'interpénétration entre le Parti travailliste et les syndicats est totale, ce qui a constitué un facteur d'intégration politique important pour les militants syndicaux issus des minorités ethniques, au contraire de la Belgique où, depuis 1945, les affiliés du syndicat socialiste ne sont plus automatiquement membres du Parti socialiste.

La stratégie de "mobilisation ethnique" en faveur de "candidats ethniques" sur les listes de partis traditionnels a été celle du Parti Démocrate américain depuis plus d'un siècle: les "machines" démocrates (organisations politiques municipales de type clientéliste) des villes du Nord-est ont ainsi permis aux Irlandais de conquérir, puis de conserver le pouvoir dans ces villes dès la seconde moitié du XIXème siècle, notamment en encourageant systématiquement, d'une manière organisée, la naturalisation des immigrants. Les autres groupes ethniques, après avoir montré leurs potentialités de mobilisation ethnique hors des "machines" démocrates, via les associations ethniques et les syndicats ou en soutenant des candidats socialistes ou progressistes, ont obligé par la suite les Irlandais à leur concéder de plus en plus de pouvoir dans les administrations urbaines, voire les ont remplacés, par exemple à New York avec Fiorello La Guardia en mettant sur pied une coalition italo-juive, dans les années 30 (lire à ce sujet Erie 1985)

Structures autonomes au sein des partis autochtones en Belgique

Au sein du FDF, il existe une association baptisée "Francophones sans frontières" regroupant des élus et des militants pour la plupart allochtones. Le PSC avait mis sur pied à Bruxelles une "commission des naturalisés", mais celle-ci n'a plus d'activités, bien qu'un petit groupe de militants d'origine maghrébine se réunisse de temps en temps autour de membres de la section arabe du syndicat chrétien. Au PS, il n'y a pas de groupe spécifique mais certaines associations allochtones officiellement pluralistes comptent parmi leurs responsables une majorité de membres du PS. D'autres font partie de la Confédération des Jeunesses Socialistes via la Fédération des Institutions Socio-Culturelles.

"Partis d'immigrés"

Alors que la création en 1995 d'un parti turc en Allemagne, le "Parti Démocrate Allemand", était critiquée par la plupart des politiciens et dirigeants associatifs turcs d'Allemagne, le porte-parole de l'association Turquie-Berlin-Brandebourg soulignait pour sa part que "si les enfants issus de la troisième génération continuent d'être considérés comme des étrangers et ensuite rejetés, si leurs langues et leurs cultures ne sont pas suffisamment soutenues, il ne faudra pas s'étonner que certains individus décident de se raccrocher à leur minorité ethnique" (Cumhuriyet Hafta 1995).

Il y a vingt ans, un membre du conseil consultatif des immigrés de Liège tenait déjà un discours similaire en déclarant que "la volonté d'une liste d'immigrés aux communales existe car aucun parti belge, et je le souligne aucun, n'a jusqu'à maintenant pris en main les problèmes des immigrés dont ils ne se sont d'ailleurs pas rendus compte". Il ajoutait néanmoins aussitôt être "sceptique quant à sa possibilité de réussite" - ce qu'ont confirmé les expériences de ce type aux Pays-Bas, en France ou au Royaume-Uni - mais qu'à défaut de se rassembler dans un tel parti "nous allons nous éparpiller dans tous les partis belges, nous serons, en tant qu'immigrés, noyés dedans et les problèmes immigrés ne ressortiraient pas" (Panciera 1978 t.III: 597 n77).

Partis et listes ethniques dans le contexte belge

L'attitude "républicaine" hostile à la présentation de listes ethniques paraît assez déplacée si l'on considère que tous les grands courants idéologiques (social-chrétien, socialiste, libéral, écologiste) sont dédoublés dans chacune des dix-neuf communes bruxelloises, ainsi que dans certaines communes périphériques, sans compter les partis qui n'existent que dans une des communautés linguistiques. Aux élections régionales bruxelloises d'ailleurs ne peuvent se présenter que des listes "linguistiquement pures", incluant néanmoins des Marocains "francophones" ou des Turcs "néerlandophones", ainsi que des francophones ou des Flamands qui ont choisi l'"autre camp" pour une raison ou pour une autre.

S'il n'est pas actuellement envisageable d'assister à l'émergence de partis (autres que d'éphémères listes de candidats) représentant l'une ou l'autre minorité issue de l'immigration, voire plusieurs d'entre elles, ceux qui en rejettent d'avance la légitimité ignorent l'existence de partis ethniques dans des systèmes démocratiques pluralistes comme en Finlande, avec le Parti Populaire Suédois (SFP), ou dans le Land allemand de Schleswig-Holstein avec l'Alliance des électeurs du Sud-Schleswig (SSW) qui représente les minorités danoise et frisonne. Sans parler des partis juifs, tant le Bund que les religieux orthodoxes, les sionistes ou les folkistes dans la Pologne de l'entre-deux-guerres. De telles listes correspond(ai)ent à une demande de représentation spécifique de la part d'un électorat aux revendications spécifiques non défendues par les autres partis présents sur le marché électoral. Le SFP a fait partie de la plupart des gouvernements finlandais, et le SSW bénéficie d'un statut particulier dans le système électoral allemand, puisqu'il est le seul parti qui peut être représenté dans un parlement régional même quand il n'atteint pas 5% des voix.

Par ailleurs, le système électoral en vigueur en Belgique au niveau communal permet déjà d'associer plusieurs partis sur une même liste, tant en Wallonie (PRL-PSC) qu'en Flandre (SP-VU, SP-Agalev), et surtout en région bruxelloise où des listes associant des représentants de plusieurs partis francophones et flamands ne sont pas rares, notamment dans le cas des "listes du bourgmestre". Quelle serait la différence si, en plus de l'un ou l'autre parti flamand représentant quelques dizaines d'électeurs, une "liste du bourgmestre", ou toute autre liste, intégrait des candidats dans le cadre d'un accord avec un parti marocain, turc, albanais voire italien ou espagnol, ou encore "musulman" ?

"Si les francophones et les Flamands continuent à discuter de fractions de pompier [allusion aux négociations sur les quotas, exprimés en pourcentages avec décimales, de pompiers francophones et néerlandophones en région bruxelloise, qui avaient abouti à la démission d'un secrétaire d'état régional de la Volksunie], on devra peut-être faire des listes ethniques à Bruxelles pour que l'on prenne enfin en compte les attentes d'un quart de la population. Il y a d'ailleurs un danger réel de voir émerger un mouvement aux intérêts non démocratiques qui ferait un tabac dans ces quartiers-là aux prochaines élections communales et régionales." (Chico Kebsi, sportif d'origine tunisienne, in Le Soir 27/11/97)

Toutefois, à diverses reprises depuis 1994 des "listes d'immigrés", c'est-à-dire des listes créées hors des partis politiques existants et composées de candidats majoritairement allochtones, ont été présentées à l'occasion d'élections communales, régionales ou fédérales en Belgique. Elles ont été baptisées Mouvement Européen pour la Reconnaissance des Citoyens issus de l'Immigration - MERCI (Bruxelles-Ville, Etterbeek, Molenbeek, Schaerbeek 1994), le Mouvement d'Action pour une Région Solidaire - MARS (région bruxelloise 1999), Gauche plurielle (région bruxelloise 1999, Ixelles et Schaerbeek 2000), NOOR (Bruxelles-Halle-Vilvorde 1999), Color (Anderlecht 2000), Sociale Belangen (Intérêts Sociaux, Willebroek 2000), Liste Communale Multiculturelle (Visé 2000).

Après les élections communales et infracommunales ("districts") d'octobre 2000 à Anvers, la frustration de certains militants écologistes (Agalev) suite à la non-sélection de Fatima Bali (élue depuis 1988) au poste d'échevin a amené deux élus du district de Borgerhout, Amir El Kebdani et Mohammed Sidi Habibi, à siéger comme indépendants, puis à annoncer la création d'un parti, d'abord sous la dénomination Migrant Plus (août 2001), puis sous celle d'Alliance Unitaire Démocratique (janvier 2002).

Mi-août 2002, deux nouveaux projets de listes de ce type ont concentré pendant plusieurs jours l'attention des médias, que ce soit celui de Diyab Abou Jahjah, président de la Ligue Arabe Européenne, qui aurait pour horizon les communales de 2006 à Anvers, et celui du Centre Islamique de Belgique - Réislamisation des Musulmans de Belgique, baptisé Mouvement Jeunes Musulmans, qui aurait l'intention de se présenter aux législatives de 2003.

Il convient par ailleurs de signaler que le 3 mai 1992 déjà une association fut enregistrée au Moniteur Belge (n° asbl 340592) intitulée "Moslim Volkspartij van Brussel en Vlaanderen" (Parti populaire musulman de Bruxelles et de Flandre). A ma connaissance il n'a jamais participé à la moindre élection mais l'association n'a jamais été formellement dissoute. Le nom "Moslim Volkspartij" renvoie bien évidemment à "Christelijke Volkspartij", le nom du parti social-chrétien flamand CVP (actuel CD&V), un autre parti confessionnel, une manière de rappeler qu'en Belgique ce type de partis existe déjà depuis longtemps. (Je précise que c'est Hassan Bousetta qui m'avait signalé l'existence de cette association, qu'il a découverte dans le Moniteur Belge lors des recherches pour son doctorat)

1994: MERCI

Le Mouvement européen pour la reconnaissance des citoyens, en ce compris ceux issus de l'immigration (MERCI)

Bruxelles-Ville

338 voix

0,6%

Etterbeek

130 voix

0,7%

Molenbeek

220 voix

0,8%

Schaerbeek

137 voix

0,3%

MERCI participait aux élections "afin que figurent, parmi les élus, des élus issus de l'immigration". Ses listes ont obtenu de faibles scores. Sans l'annonce de la présentation de telles listes, en avril et en juillet 1993, les partis traditionnels n'auraient probablement pas recherché aussi activement des candidats d'origine extracommunautaire: la crainte de perdre ce nouvel électorat a beaucoup joué. La "coloration" des listes traditionnelles et le manque d'organisation de MERCI ont abouti à la présentation de listes incomplètes, et même d'une liste à un seul candidat à Schaerbeek, dans seulement quatre communes sur les dix prévues initialement. Les préaccords de cartels avec le FDF à Etterbeek et avec IDS et le SP à Schaerbeek ont été rompus quelques semaines avant les élections. Des rencontres avaient également eu lieu avec Ecolo, à Bruxelles-Ville et Molenbeek notamment, sans résultat. Il semblerait que la section PS de Bruxelles-Ville n'a pas exclu ses membres qui s'étaient portés candidats sur la liste de MERCI.

Il faut préciser que les initiateurs de ce mouvement étaient des militant(e)s du PS, du PRL, du FDF et d'Ecolo, pour la plupart issus de "Belgique Plus", une scission de "Démocratie Plus", clone belge francophone de "France Plus".

Sans la crainte de perdre ce nouvel électorat au profit de Merci, dont la création avait été annoncée en 1993 (La Lanterne 23/4/93, Le Soir 7/7/93), certains partis traditionnels n'auraient peut-être pas inséré des candidats d'origine maghrébine sur leurs listes. Un phénomène du même type s’était produit à Bron (banlieue lyonnaise) en 1989, où le socialiste Jean-Jack Queyranne avait placé in extremis une candidate d’origine maghrébine sur sa liste suite à la présentation d’une liste "Jeunes Objectif Bron", "animée principalement par des acteurs issus de l’immigration maghrébine" (Geisser 1997: 137).

A Saint-Josse, un sondage avait d’ailleurs été réalisé huit mois avant les élections par le bourgmestre socialiste pour évaluer l’impact électoral qu’aurait soit une liste du type Merci soit la présence d'un ou plusieurs candidats allochtones sur une liste traditionnelle, par exemple... la Liste du Bourgmestre. Ce sondage mentionnait MERCI dans 4 questions sur 7:"si demain il y avait des élections communales, pour quel parti voteriez-vous?" (8 possibilités, dont "liste présentée par des Belges d'origine étrangère, liste "MERCI"), "si la liste que vous avez choisie comportait 1 ou 2 candidats étrangers naturalisés belges, voteriez-vous pour elle?", "Si les autres listes comportaient des candidats étrangers naturalisés belges, voteriez-vous pour une de ces listes? Pour laquelle?" et enfin "Pour quelles listes ne voteriez-vous certainement pas?".

D'après des informations recueillies auprès de membres du PS local, ce sondage répondait également aux craintes, exprimées par certains militants socialistes (comme en 1988), de perdre des voix d'électeurs autochtones au cas où la liste du bourgmestre aurait comporté un ou des candidats d'origine maghrébine ou turque.

La "coloration" des listes traditionnelles et le manque d'organisation de Merci ont abouti à la présentation de listes incomplètes, et même d'une liste à un seul candidat à Schaerbeek, dans seulement quatre communes sur les dix prévues initialement. Les préaccords de cartels avec le FDF à Etterbeek et avec IDS (liste locale d'anciens dissidents du FDF) et le SP à Schaerbeek avaient été rompus quelques semaines avant les élections. Des rencontres avaient également eu lieu avec Ecolo, à Bruxelles-Ville et Molenbeek notamment, sans résultat.

1999: MARS

Khalil Zeguendi, né en 1950 au Maroc, est arrivé en Belgique en 1968, initialement dans l'intention d'y étudier la pharmacie, puis est entré à la STIB (transports en commun bruxellois) en 1970. Cet ancien militant de l’extrême-gauche marocaine a été à l'origine de la création de diverses associations immigrées, notamment de Démocratie Plus, initialement dénommée "Belgique Plus", sur le modèle de France Plus. Il a notamment été membre non élu du dernier CCCI de Saint-Josse (1982-84), administrateur de la Ligue des Familles (1986-89), puis attaché au cabinet du Ministre-Président (PS) de la Communauté Française (1988-91) et enfin responsable du service communal de la jeunesse à Saint-Josse (1991-94).

Constatant que sa demande de figurer sur la liste soutenue par le PS aux élections communales à Saint-Josse n'avait pas plus de chance d'être acceptée en 1994 qu’en 1988 (parce que, à l'époque, le PS craignait de perdre des électeurs autochtones s'il intégrait un "Arabe" sur sa liste !), il a quitté le PS pour le FDF et s’est installé dans la commune voisine de Schaerbeek début 1994 et a été élu en octobre de la même année au conseil communal. Il figurait également à la trente-cinquième place sur la liste PRL-FDF aux élections régionales de 1995 mais ne fut pas élu. En 1997, accusé de vouloir passer au PRL, il a été exclu de son parti, a siégé quelques mois comme indépendant, puis a déménagé à Molenbeek, abandonnant ainsi son mandat.

Dès son exclusion du FDF, il a tenté de mettre sur pied un groupe politique en vue de se présenter aux élections régionales de 1999. Ce projet s'est concrétisé fin 1998, en association avec Mohamed Chater (ancien cofondateur de Démocratie Plus, de Trait d'Union et de Merci) et Abdeslam Kaouass (dont la revue Horizons Magazine avait activement soutenu l'initiative MERCI), mais Khalil Zeguendi a finalement décidé de jouer cavalier seul début 1999 en présentant à la presse son projet de liste "MARS" (Mouvement d'Action pour une Région Solidaire), en compagnie notamment d’autres anciens membres du FDF.

Aziz Ben Otmane, né en 1956 au Maroc, a été élu conseiller provincial Ecolo en novembre 1991, premier élu d'origine maghrébine en région bruxelloise donc. Devenu conseiller communal à Ixelles en 1994, il est à nouveau candidat à la Chambre en mai 1995 et, un an plus tard, abandonne son mandat et quitte Ecolo (Le Soir 4/9/96). Cet ancien étudiant étranger avait quitté le PS après les émeutes de mai 1991 pour protester contre les déclarations de certains dirigeants de ce parti, dont Charles Picqué, qui avaient fustigé le "noyau dur inintégrable [des jeunes d'origine immigrée]" et préconisé des mesures de nature principalement policières pour répondre à ces problèmes. En 1999, il travaillait comme médiateur scolaire à Molenbeek. Par ailleurs, il a fait partie, comme Ghezala Cherifi, du conseil d'administration de "Radio de la Communauté Maghrébine", une association qui demande, depuis 1992, à être reconnue comme unique radio de la "Fréquence Arabe de Bruxelles", occupée actuellement par quatre radios distinctes (Al Manar, Médi 1, Al Watan et As-Salaam). En avril 1999, il a publiquement annoncé son ralliement à "MARS" (Le Soir 13/4/99).

1999: Gauche Plurielle

1999: NOOR

NOOR ("liste islamique")

 

effectif

 

1. AHROUCH Redouane (tél. 0476/79.43.87)

765 voix

suppléants

 

1. BENADEN Hassan

373 voix

2. SCHEPPERS Marie-Dominique

192 voix

3. MADAMO Jawe

164 voix

Les listes "allochtones" aux régionales ont obtenu des scores dérisoires: 546 voix pour MARS (0,1%), 412 pour la Gauche Plurielle (0,1%). L'échec des listes MERCI aux communales de 1994 se répète donc. La "liste islamique" NOOR (un seul candidat effectif et trois suppléants, alors que la circonscription compte 22 sièges) a quant à elle recueilli 1.244 voix à la Chambre (moins de 0,1%).

Le second parti musulman créé fut NOOR, à l'occasion des législatives de juin 1999 (et non des régionales). Ce parti est dirigé par un certain Redouane Ahrouch, qui serait d'après certaines sources affilié à un mosquée chiite (bien que lui-même d'origine marocaine), ce qu'il dément vigoureusement. Le programme de NOOR ressemble fort à ceux de partis d'extrême-droite belge comme feu le Parti Libéral Chrétien (le reliquat de l'aile d'extrême-droite du Parti Social Chrétien qui n'avait pas adhéré au Parti Réformateur Libéral), mélange de conservatisme religieux, de poujadisme et de sécuritarisme. Ce parti n'a été capable que de présenter un unique candidat à la Chambre (au lieu de 22 !) en 1999, plus trois suppléants, dont une femme ("belge de souche"), et n'a recueilli que 1.244 voix, soit 0,2% du total (sur 820.936 votants dans l'arrondissement électoral de Bruxelles-Hal-Vilvorde). A ces mêmes élections, dans le même arrondissement, neuf candidats originaires de pays musulmans (Maroc, Algérie, Egypte, Turquie) sur des listes de partis traditionnels (Ecolo, PS, PRL-FDF, PSC) avaient recueilli chacun sur leur nom un nombre supérieur de votes que l'ensemble de la liste NOOR. Aux communales de 2000, NOOR n'a pas été capable de rassembler suffisamment de candidats et surtout de signatures d'électeurs pour pouvoir présenter des listes dans un nombre suffisant de communes bruxelloises, et a finalement décidé de jeter l'éponge et d'appeler à l'abstention.

2000: COLOR (Anderlecht)

2000: Sociale Belangen (Willebroek)

Une liste "Sociale Belangen" (Intérêts Sociaux) a été déposée en dernière minute à Willebroek, entre Malines et Anvers. Menée par un acteur flamand qui s'est fort engagé en faveur de l'accueil des candidats réfugiés, elle se compose de vingt candidats, dont près de la moitié d'origine turque, le reste étant d'origine flamande, marocaine ou autre. Sur les listes des partis traditionnels dans cette commune, il y a également des candidats d'origine turque ou maghrébine sur les listes Agalev (2) et VLD-VU-ID (2), aucun sur celles du SP, du CVP et du Vlaams Blok.

2000: Liste Communale Multiculturelle (Visé)

2001: Migrant Plus - Alliance Unitaire Démocratique (Anvers)

L'écologiste Fatima Bali a été réélue triomphalement au conseil communal d'Anvers pour un troisième mandat, mais son parti a désigné d'autres élus pour ses deux échevinats au sein de la majorité VLD-CVP-SP-Agalev, ce qu'elle a très mal pris, cette déconvenue venant après d'autres. Au point que la presse a annoncé, début novembre, son probable départ d’Agalev. Quoiqu’elle ait dénoncé ces rumeurs (De Standaard 6/11/00), elle n’en a pas moins rappelé qu’un certain nombre de personnes estiment qu’elle devrait avoir des responsabilités dans la nouvelle équipe scabinale, et que "mes électeurs ne comprendraient pas que leur voix soit à nouveau mise sur une voie de garage".

L’affaire a pris une tournure plus inquiétante pour Agalev fin novembre, quand deux conseillers écologistes d'origine marocaine du district de Borgerhout [les districts, une nouvelle institution existant déjà dans les grandes villes aux Pays-Bas, correspondent à Anvers aux anciennes communes fusionnées, des mairies d’arrondissement en quelque sorte comme à Paris, Lyon ou Marseille] - l’un étant d’ailleurs le suppléant de Fatima Bali -, annoncèrent qu’ils siégeraient comme indépendants et mettraient sur pied un mouvement politique immigré au cas où Fatima Bali ne deviendrait pas échevine (De Morgen 22/11/00). Au même moment, l'Union des Mosquées et Associations Musulmanes d'Anvers (UMIVA), qui rassemble pas moins de 26 mosquées, a pris publiquement position en faveur de l'attribution d'un échevinat à Fatima Bali, précisant que "si les élus immigrés ne sont pas pris au sérieux et doivent se contenter de servir d'attrape-voix, nous devrons en tirer les conclusions la prochaine fois"… En fin de compte, Fatima Bali n'est pas devenue échevine, elle n'a pas non plus quitté Agalev, mais les deux conseillers de district ont mis sur pied un nouveau mouvement politique autonome, d'abord (août 2001) baptisé Migrant Plus, puis (janvier 2002) Alliance Unitaire Démocratique.

2002: la "liste arabe" à Anvers

2002: le Mouvement Jeunes Musulmans

Le Centre Islamique Belge regroupe autour du "cheikh" Bassam Ayachi (un Français d'origine syrienne) quelques dizaines de militants, dont un certain nombre de "Belges de souche" convertis. La presse, d'abord flamande (Humo, Knack) puis francophone (Le Vif, RTL-TVI) s'est beaucoup focalisée sur le CIB depuis le 11 septembre 2001, lui prêtant une importance quelque peu démesurée par rapport à la réalité. Personnellement, je lis souvent avec intérêt la partie de leur site concernant les diables, leur alimentation, leur sexualité etc. Pour se faire une idée des débats sur leurs forums: l'ancien et l'actuel.

Un "poème" intitulé "Déchirons le voile" avait été distribué par les militants du CIB sous forme de tract lors d'un colloque sur le port du foulard à l'école (auquel j'assistais) il y a deux ans et reproduit sur leur site (il n'en a disparu que depuis peu), la fin est sans ambiguïté et plutôt inquiétante quant à l'état d'esprit de certains bassamistes:

À vos discours pontifiants
D'un laïcisme édifiant
ne répond que le cri des bombes
Et le silence de la tombe.
Si notre lutte est sans espoir,
La vôtre n'aura pas de fin.
Notre ombre, il vous la faudra voir
Toujours planer sur vos desseins.

suite