Pierre-Yves Lambert, La participation politique des allochtones en Belgique - Historique et situation bruxelloise, Louvain-la-Neuve, Academia-Bruylant (coll. Sybidi Papers), juin 1999,  122p., ISBN 2-87209-555-1
avertissement: cette version en ligne ne correspond pas exactement à l'ouvrage publié en 1999, qui reste disponible chez l'éditeur Academia-Bruylant, de même que d'autres dans l'excellente collection Sybidi Papers, elle ne peut donc être utilisée pour les citations 

Sommaire -  Introduction -Chapitre I - Chapitre II - Chapitre III - Chapitre IV - Chapitre V -  Conclusions - Sources

V. 5. Elections fédérales et régionales de juin 1995

A la Chambre dans l'arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde, les deux candidats Ecolo d'origine marocaine, élus conseillers communaux l'année précédente à Ixelles et Molenbeek, ont réalisé de très bons scores, dépassant chacun plusieurs de leurs colistiers, de même pour les 2 candidats de même origine sur la liste du PTB-PVA. Par contre, le candidat PSC d'origine algérienne, face à des colistiers plus connus, a réalisé un score honorable tout en étant dépassé par trois candidats qui le suivaient sur la liste. Aucun de ces candidats ne figurait en ordre utile, et aucun n'a été élu.

Seuls trois partis présentaient des candidats en ordre utile aux régionales: le PS, le PSC et Ecolo. Le candidat Ecolo, Mostafa Ouezekhti, passa sans problème grâce au complément de voix de liste, de même que Sfia Bouarfa pour le PS, rejointe par deux outsiders (voir infra). Par contre, le candidat du PSC fut évincé par le 74ème candidat de la liste, le populaire - et populiste - ex-bourgmestre de Bruxelles, Michel Demaret.

Elections régionales bruxelloises de 1995: le cas du PS

Aux élections régionales bruxelloises, il y a 75 sièges à partager entre les différentes listes, ce qui constitue le nombre de sièges le plus élevé pour une seule circonscription en comparaison avec toutes les autres assemblées élues du pays, des conseils communaux au parlement européen. C'est donc également à l'occasion de ces élections que des outsiders ont le plus de chance d'être élus.

En 1989, la 75ème candidate PS, Raymonde Dury, avait été élue parmi les 18 conseillers de cette liste avec seulement 410 voix. Sept élus PS sur 18 avaient recueilli moins de 500 voix.

Six ans plus tard, un seul élu sur 17 a obtenu moins de 1.000 voix, 19 candidats non élus ont obtenu plus de 500 voix. Le nombre de votes en case de tête (votes de liste) s’est élevé à 25.467. Le candidat de 1995 élu avec seulement 671 voix, Michel Moock, figurait en ordre utile sur la liste, en 11ème position, et a bénéficié d'un apport de voix de la liste (2.352) insuffisant pour atteindre le chiffre d'éligibilité (4.910), mais encore supérieur au score le plus élevé (1.871) parmi les 64 autres candidats qui le suivaient.

Tableau 27. Candidats PS aux élections régionales bruxelloises de 1995
 

votes

dévol.

total

élu

  1. Charles Picqué

42.617

0

42.617

élu

Eric Tomas

4.195

715

4.910

élu

Andrée Guillaume-Vanderroost

1.696

3.214

4.910

élue

Robert Hotyat

1.978

2.932

4.910

élu

Freddy Thielemans

3.840

1.070

4.910

élu

Françoise Dupuis

2.091

2.819

4.910

 

Jacques De Coster

1.096

3.814

4.910

élu

Merry Hermanus

2.024

2.886

4.910

élu

Sfia Bouarfa

2.505

2.405

4.910

élue

Jean Demannez

1.650

3.260

4.910

élu

Michel Moock

671

2.352

3.023

élu

Sylvie Foucart

1.871

 

1.871

élue

Marc Hermans

937

   

non

Victor Rens

629

   

non

Michèle Carthe

1.188

 

1.188

élue

Diego Escolar

801

   

non

Valérie Leyssens

555

   

non

21. Alain Leduc

1.043

 

1.043

élu

24. Mahfoud Romdhani

1.595

 

1.595

élu

46. Fadila Laanan

1.015

   

non

51. Mohamed Daif

1.311

 

1.311

élu

58. Abdelouahed Fargaoui

837

   

non

66. Annie Boisdenghien

904

   

non

75. Ghislaine Dupuis

1.135

 

1.135

élue

 

Dans un système où seules les voix de préférence compteraient pour établir l'ordre des élus, sans dévolution des votes de liste donc, le résultat aurait été quasiment identique à la réalité, seul Michel Moock aurait été éliminé au profit de Fadila Laanan.

Avec le système néerlandais, et en faisant abstraction des votes de liste et de la possibilité de voter pour plus d'un candidat, seuls 4 candidats auraient été élus d'office parce qu'ayant atteint au moins la moitié du chiffre d'éligibilité: Charles Picqué, Eric Tomas, Freddy Thielemans et Sfia Bouarfa. Etant donné que ces 4 candidats figuraient en ordre utile, l'ordre initial de la liste aurait été maintenu pour l'élection des 13 autres conseillers et 4 candidats en ordre utile non élus dans la réalité l'auraient été: Marc Hermans, Victor Rens, Diego Escolar et Valérie Leyssens. N'auraient pas été élus Alain Leduc, Mahfoud Romdhani, Mohamed Daif et Ghislaine Dupuis.

Dans un système néerlandais corrigé où le quart, et non la moitié, du chiffre d'éligibilité, soit 1228 voix dans ce cas, serait pris en considération (proposition émise en 1989, cf. Bouckaert et al. 1998: 57 et 62n7), Mahfoud Romdhani aurait été élu, de même que Mohamed Daif. Les 15 autres élus l'auraient été selon l'ordre préétabli, y compris donc deux non élus dans la réalité, ainsi que Michèle Carthé, élue dans la réalité, mais pas Alain Leduc ni Ghislaine Dupuis.

Ces dernières considérations visent tant à permettre la comparaison avec les Pays-Bas qu'à rendre compte du débat existant en Belgique quant à la suppression soit de l'effet dévolutif de la case de tête, soit de cette dernière, avec l'introduction dans une mesure plus ou moins importante du système électoral néerlandais. Il est par ailleurs question de supprimer la liste des suppléants et d'adopter en la matière le système électoral existant pour les communales.

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