Pierre-Yves Lambert, La participation politique des allochtones en Belgique - Historique et situation bruxelloise, Louvain-la-Neuve, Academia-Bruylant (coll. Sybidi Papers), juin 1999, 122p., ISBN 2-87209-555-1 |
avertissement: cette version en ligne ne correspond pas exactement à l'ouvrage publié en 1999, qui reste disponible chez l'éditeur Academia-Bruylant, de même que d'autres dans l'excellente collection Sybidi Papers, elle ne peut donc être utilisée pour les citations |
Sommaire - Introduction -Chapitre I - Chapitre II - Chapitre III - Chapitre IV - Chapitre V - Conclusions - Sources |
(V. a.) Le système politico-électoral bruxellois
Les partis politiques
En Belgique, les partis sont quasiment tous soit néerlandophones soit francophones. En région germanophone, il existe des succursales des partis francophones, plus le Partei der Deutschsprächige Belgen qui compte des élus communaux, provinciaux et communautaires. Pour mémoire, la scission des sociaux-chrétiens (PSC-CVP) a eu lieu officiellement en 1972 (de facto en 1968), celle des libéraux (PLP-PVV) en 1972 également (de facto en 1970), celle des socialistes (PSB-BSP) en 1978.
Dans l'arrondissement électoral de Bruxelles-Hal-Vilvorde, des scissions flamandes avaient vu le jour en 1968 au sein des partis socialiste ("Rode Leeuwen", Lions rouges) et libéral ("Blauwe Leeuwen", Lions bleus). La plupart des libéraux francophones bruxellois avaient quant à eux quitté le PLP-PVV en 1970 pour s'allier au Front Démocratique des Francophones (auquel des membres et élus des trois partis traditionnels avaient également directement adhéré au cours des six années précédentes) au sein du Rassemblement Bruxellois pour les élections au Conseil de l'Agglomération en 1971.
Les partis écologistes, Ecolo et Agalev, se sont créés indépendamment en 1980 et 1982, il n'y a donc jamais eu de parti écologiste "national" ou "fédéral". Néanmoins, la double affiliation est autorisée par Ecolo depuis 1997 et les deux partis ont des groupes parlementaires communs à la Chambre et au Sénat. Ils présentent des listes communes aux élections communales dans la Région bruxelloise (listes Ecolo) et dans les communes "flamandes" de la périphérie bruxelloise (listes Agalev), où Ecolo appelle à voter Agalev pour les élections provinciales et régionales.
Le parti d'extrême droite Front National est officiellement bilingue (FN-NF), mais en réalité quasi exclusivement francophone. Le Vlaams Blok a également ouvert ses rangs dès 1996 à des Bruxellois francophones dans le cadre de sa stratégie visant à capter des électeurs francophones lors des élections régionales.
Les deux petits partis d'extrême-gauche Parti du Travail de Belgique (stalinien) et Parti Ouvrier Socialiste (trotskyste), qui ne comptent chacun qu'un élu communal à Anvers ou dans sa banlieue, sont également bilingues.
Conseils communaux
Aux élections communales, la situation diffère dune commune à lautre (il y en a dix-neuf en tout depuis 1954), mais il ny a pas dobligation légale quant à lhomogénéité des listes de candidats. Il y a donc des listes communes soit entre plusieurs partis flamands (la liste PLU à Saint-Josse regroupait le SP, le CVP, la Volksunie et WOW, le parti des pensionnés), soit entre partis-frères (listes Iris dans plusieurs communes, regroupant le PSC et le CVP, listes PRL-VLD dans dautres communes, liste PS avec candidats SP à Bruxelles-Ville, listes Ecolo avec candidats Agalev dans toutes les communes), soit sous le sigle " Liste du Bourgmestre " (PS-SP et indépendants à Anderlecht, Saint-Gilles et Molenbeek, PSC-CVP à Jette, Berchem et Ganshoren). Théoriquement, chaque parti dispose de sections locales, parfois groupusculaires, dans chacune des dix-neuf commune plus, pour certains, des sections à Laeken et Neder-over-Hembeek, deux communes annexées à Bruxelles-Ville en 1921.
Conseil régional ("Parlement bruxellois")
La Région de Bruxelles-Capitale possède son assemblée élue depuis 1989, date des premières élections régionales. Chaque liste de candidats doit choisir la communauté linguistique qu'elle souhaite représenter. Les candidats d'une même liste doivent tous être du même rôle linguistique, c'est-à-dire qu'ils doivent être enregistrés comme néerlandophones ou comme francophones auprès de leur administration communale au 31 décembre de l'année qui précède les élections. Dès lors qu'il a été candidat lors d'une élection régionale bruxelloise, un individu ne peut plus l'être sur une liste de l'autre communauté linguistique lors d'une autre élection régionale bruxelloise.
Cette mesure fut adoptée pour satisfaire les revendications des partis flamands suite à l'expérience, en 1971, des élections au Conseil de l'Agglomération bruxelloise où le Front Démocratique des Francophones était devenu le premier parti tant dans le groupe des élus francophones que dans celui des néerlandophones.
En raison de cette nouvelle réglementation, un candidat de la liste "flamande" du Parti Ouvrier Socialiste (trotskyste) aux élections régionales bruxelloises de 1989 fut éliminé par la commission de contrôle ad hoc de la liste "francophone" "Gauches Unies" (communistes, trotskystes et autres) qui l'avait inclus parmi ses candidats aux élections suivantes de 1995. Cet incident constitue un paradoxe intéressant: ce candidat a fait ses études dans des établissements néerlandophones, travaille au Centre Bruxellois (francophone) d'Action Interculturelle (ex-"Centre Socio-Culturel des Immigrés"), et son épouse, également candidate sur la liste G.U., est une Belge francophone d'origine turque...
Cmbien d'électeurs allochtones à Bruxelles ?
A Saint-Josse, petite commune du centre de Bruxelles où il y avait au 1.1.1995 42% de Belges, 20% de Turcs et 19% de Maghrébins, les électeurs d'origine non UE constituaient, en avril 1995, 16% de l'électorat total (comptage effectué à partir des listes d'électeurs sur base des patronymes pour le compte d'un candidat aux élections régionales de 1995), soit: 679 électeurs d'origine arabe (9,5%), 340 d'origine turque (4,8%) et 151 (2,1%) d'autres origines non européennes (Africains, Asiatiques, Indo-Pakistanais). Si les droits politiques communaux avaient été fondés non sur la nationalité, mais sur la résidence, lélectorat potentiel de Saint-Josse aux communales d'octobre 1994 aurait inclus environ 46% de "Belges" et 54% de "non-Belges" (15.696 personnes âgées de 17 ans et plus au 31.12.93).
Bruxellois "autochtones" et "allochtones"
Tableau 14. Population bruxelloise par nationalités au 1.1.1995 (chiffres bruts: INS) et changements de nationalité du 1.1.1985 au 31.12.1994 (données brutes: Chambre Q144 8/12/95)
pop.totale |
pop. belge* |
pop. totale** |
||||
Belgique |
665.909 |
70% |
607.164 |
91,2% |
607.164 |
63,8% |
Maghreb (MTA) |
81.398 |
8,6% |
19.868 |
3% |
101.266 |
10,6% |
Maroc |
76.424 |
8% |
17.355 |
2,6% |
93.779 |
9,9% |
France |
30.215 |
3,2% |
2.857 |
0,4% |
33.072 |
3,5% |
Italie |
29.784 |
3,1% |
3.488 |
0,5% |
33.272 |
3,5% |
Espagne |
23.737 |
2,5% |
1.480 |
0,2% |
25.217 |
2,7% |
Turquie |
21.828 |
2,3% |
3.244 |
0,5% |
25.072 |
2,6% |
Portugal |
14.474 |
1,5% |
||||
Grèce |
10.397 |
1,1% |
||||
Royaume-Uni |
7.999 |
0,8% |
||||
Zaïre |
7.295 |
0,8% |
1.500 |
0,2% |
8.795 |
0,9% |
Pays-Bas |
4.771 |
0,5% |
428 |
- |
5.199 |
0,5% |
TOTAL |
951.580 |
100% |
665.909 |
100% |
951.580 |
100% |
* le chiffre de 607.164 correspond à la différence entre le nombre de Belges au 1.1.1995 et le nombre de changements de nationalité pendant la décennie précédente
* et ** les chiffres absolus et les pourcentages dans ces colonnes constituent une simple indication, dans la mesure où ils ne tiennent pas compte des décès parmi les personnes ayant acquis la nationalité belge de 1985 à 1994 ni des acquisitions antérieures de nationalité ni des enfants issus d'un auteur belge nés à partir du 1.1.1985 ou d'un auteur né en Belgique nés à partir du 1.1.1992