Cartes blanches parues dans Le Soir du 17 octobre 2002

"Critiquer Sharon ne relève pas de l'antisémitisme" (tribune libre de Juifs critiques à l'encontre de la "communauté juive organisée")

Les Juifs sont-ils mal aimés - RTBF - Lieu Public - 5 mars 2002

communiqués de presse de l'Union des Progressistes Juifs de Belgique

les lobbies pro-gouvernements marocain, turc et algérien en Belgique

Les Juifs de France et l'Etat d'Israël


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Les Juifs de Belgique et l'Etat d'Israël

Introduction

Ca fait déjà quelque temps que les organisations sionistes belges et l'ambassade d'Israël mènent une campagne haineuse contre la liberté de la presse en Belgique, relayant les campagnes en Israël tant contre la presse étrangère et ses correspondants, "antisémites", et contre la télévision publique isrëlienne, "antinationale", sans oublier l'infect épisode des documents scolaires sur le conflit "israëlo-palestinien" préparés pour l'enseignement francophone par un groupe principalement composé de Juifs sous la direction d'un militant sioniste notoire, après qu'un groupe plus critique envers Israël ait été écarté par le ministre francophone (PRL) de l'enseignement secondaire.

Comme j'avais déjà eu l'occasion de le souligner récemment dans un mail qui m'a valu quelques réactions peu amènes du style "ça ramollit le cerveau de lire Présent et National-Hebdo" ou "t'as pété un câble", la quasi-totalité des Juifs de France et de Belgique soutiennent, via leurs organisations représentatives (respectivement regroupées au sein du CRIF et du CCOJB) l'Etat d'Israël, seules de petites organisations comme l'UPJB osant tenir un discours dissident, avec pour conséquences qu'elles sont de facto exclues de la communauté organisée. Les cartes blanches parues aujourd'hui dans Le Soir que je reproduis ci-dessous sont assez explicites, chacun se fera une opinion après les avoir lues.

Il y a aussi autre chose dont la presse francophone n'ose pas parler mais qui est abordé sans complexes par les journalistes de la presse flamande: le scandale des naturalisations de membres de la "mafia russo-géorgienne" à Anvers (avec corruption d'un fonctionnaire de la commission des naturalisations de la chambre des représentants). Alors que du côté francophone on parle de Russes et de Géorgiens, De Morgen et De Standaard désignent clairement une mafia juive originaire de Géorgie avec des ramifications en Russie et en Israël (et en Belgique). Quand, il y a quelques mois, la police d'Anvers a osé effectuer des contrôles et des arrestations dans les commerces contrôlés par cette mafia ethnique (au même titre que la mafia chinoise, la tchétchène, l'italienne etc.), nous avons vu à la télévision des Juifs orthodoxes anversois traiter les policiers d'antisémites, c'est tout juste si le mot "gestapo" n'a pas été prononcé (pas devant les caméras en tout cas). Personne n'a osé faire la comparaison avec les réactions des jeunes d'origine marocaine, turque ou autre quand la police effectue une intervention dans certains quartiers et qu'elle est systématiquement traitée de "raciste".

(...)

Pierre-Yves Lambert (18 octobre 2001)


Le Soir du mercredi 17 octobre 2001

Le mécontentement de la communauté juive

Une partie importante de la communauté juive de Belgique est en désaccord avec la manière dont les médias, et " Le Soir " en particulier, couvrent les événements du Proche-Orient. C'est un débat qui nous concerne, qui est tendu, parfois passionnel. Nous lui ouvrons nos colonnes en donnant carte blanche à plusieurs personnalités venant de différents horizons dans cette communauté. Nous y exprimons aussi le point de vue de la rédaction du " Soir ", laquelle peut entendre des critiques, mais également refuser qu'on la soumette à des pressions. Le lecteur sera juge.


Le Soir du mercredi 17 octobre 2001

Pour le dialogue, dans la franchise

PIERRE LEFÈVRE Rédacteur en chef

Le Soir, comme d'autres, mais sans doute plus que d'autres médias, fait l'objet d'un vif mécontentement dans une partie importante de la communauté juive de Belgique. Ce mécontentement se traduit notamment par un courrier abondant, rarement serein, souvent passionnel, quelquefois injurieux. Il s'y ajoute une campagne de diffamation du journal par certains organes d'associations juives, diverses pressions économiques et jusqu'à l'existence d'une " task force " autoproclamée qui mène par courrier une campagne invitant au désabonnement. Cette pression paraît, pour partie en tout cas, orchestrée tant on retrouve des expressions identiques dans certaines revues, certains courriers et autres communiqués.

La revue du cercle Ben Gourion, " Contact J ", nous consacrait voilà peu une pleine page sous le titre : " Le Soir s'en prend maintenant aux enfants ". On retrouve la même formule et les mêmes arguments dans le courrier électronique que diffuse cette " task force ".

" Contact J " confie le plus rude à son courrier de lecteurs, notamment pour accuser " Le Soir " de mener " une campagne antisémite ", de " distiller le poison antisémite " et pour menacer de " venir à bout de ce journal et d'autres médias... qui sont devenus des organes palestiniens de haine et de rejet ".

On jette parfois pêle-mêle dans le même sac la presse quotidienne en général, la télévision et les diplomaties occidentales. Une lettre du Comité de coordination des organisations juives de Belgique (CCOJB) à ses membres, datée de juin 2001, commençait : " Israël est agressé dans les médias de notre pays ".

Nous devons faire la différence entre la critique et la diffamation

Nous comprenons, et nous relatons d'ailleurs largement, l'émotion et l'angoisse qui étreignent la population d'Israël, notamment depuis qu'elle a été victime d'attentats aveugles, meurtriers et inacceptables. Nous comprenons aussi bien la solidarité de la communauté juive de Belgique envers Israël. Nous acceptons volontiers la critique permanente de la part de ses lecteurs à l'égard d'un journal. Nous devons cependant faire la différence entre le désaccord, la critique, l'affirmation même vive d'une sensibilité, d'une part, et une campagne de diffamation et de pression, d'autre part.

Nous souhaitons le dialogue avec la communauté juive, dans la franchise, la transparence. Nombre de ses membres ont du reste un large accès à nos colonnes. Nous voulons le débat, même s'il nous concerne directement. D'où cette rubrique Forum consacrée à la question. Nous y donnons la parole à l'ambassadeur d'Israël auprès de l'Union européenne, qui nous a écrit spontanément, ainsi qu'à quatre personnalités dirigeantes des organisations juives de Belgique qui ont le plus de visibilité politique, cartes blanches, celles-là, que nous avons sollicitées. Il ne s'agit pas de nous soumettre à une quelconque pression, mais de tenter de clarifier le débat, publiquement.

Que nous oppose-t-on ?

De rapporter une réalité déplaisante ? Quand nous citons les paroles de membres de la famille d'un chauffeur de bus palestinien qui a lancé son véhicule contre des soldats israéliens, nous montrons une réalité qui a conduit un homme tranquille à " disjoncter ". Nous tentons d'en comprendre et d'en faire comprendre le pourquoi. C'est du reportage. Et si un membre de cette famille accuse, même injustement, Israël d'avoir inutilement amputé son prisonnier, nous montrons une facette de l'immense et subjective suspicion qui habite cette population. Nous avons souligné nous-même à cet égard que notre interlocutrice ne veut pas savoir qu'il puisse y avoir des raisons médicales à cette amputation.

La partie palestinienne pourrait aussi bien nous reprocher d'avoir rapporté, dans un autre article de reportage, des propos d'intellectuels israéliens prêtant à Arafat l'intention de jeter leur peuple à la mer. C'est une autre facette de cette réalité des esprits, regrettable sans doute, mais qu'on ne peut occulter sous peine de ne plus comprendre.

On reproche au " Soir Junior " d'avoir écrit, il est vrai dans un raccourci, qu'à Durban, Israël a été qualifié d'Etat raciste, et d'avoir souligné la pauvreté des enfants palestiniens. Quand cet article fatalement court fut bouclé, Israël et les Etats-Unis venaient de quitter la conférence sur le racisme où l'Etat hébreux fut de fait l'objet d'attaques nombreuses. La diplomatie européenne n'avait alors pas encore ramené le balancier en son juste milieu. Faut-il voir en cela que notre journal s'en prendrait désormais aux enfants ? " Le Soir " fut d'ailleurs à cette occasion le plus explicite à démontrer que le sionisme ne peut en rien être assimilé à du racisme.

Quand nous évoquons les sept années d'un processus qui n'a pas apporté la paix et qu'en ouverture, nous rappelons la tuerie provoquée par Barouch Goldstein, n'est-ce pas un fait que ce geste d'un fou fut le premier acte important de terreur qui suivit Oslo ? Nous n'avons pas caché pour autant les nombreuses tueries provoquées par les attentats suicide palestiniens ni, dans le même article, les incitations à la haine dont débordent les médias palestiniens.

Qu'il s'agisse de l'intifada ou des attentats suicide, faut-il nous accuser de les justifier du simple fait que nous tentons de les expliquer ? Chercher des explications à un acte terrible ne revient pas à l'applaudir. Analyser les facteurs d'une crise n'est en rien inciter à la haine. C'est en démonter les mécanismes pour mieux la comprendre.

Il y a aujourd'hui une situation inacceptable

Nous avons à cet égard condamné avec la même constance tous les actes de terrorisme ou de violence qui prennent des civils pour victimes. Il n'y a pas pour nous, à cet égard, deux poids, deux mesures. D'autres nous reprochent, du reste, de ne pas souligner assez les centaines de victimes que la répression de l'intifada a faites dans la population palestinienne.

Il n'en est pas moins une réalité que nous ne voulons pas cacher. Si Israël peut craindre pour sa sécurité, le peuple palestinien fait l'objet d'une occupation. Il est humilié et étranglé économiquement. Une partie de sa terre est colonisée et nombre de ses biens sont détruits. Certes, l'histoire de cette région est extrêmement complexe, elle peut être lue de façons contradictoires et les responsabilités sont largement partagées. Mais il y a aujourd'hui une situation inacceptable au regard du droit international, du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, des droits de l'homme et tout simplement de l'humanisme, que les attentats commis par une faction ne peuvent justifier. Quels que soient les antécédents, cette situation est génératrice de haine et de violence. Et si difficile et lointaine paraisse l'issue, nous sommes en droit dans une ligne éditoriale d'attendre d'Israël, pays démocratique et culturellement proche des nôtres, qu'il engage la région dans un cercle vertueux au lieu de se laisser entraîner dans l'escalade.

Même après de terribles attentats, même en situation de guerre, et encore moins au nom d'une histoire tragique, on ne peut accepter de quelque Etat démocratique que ce soit qu'il occupe et colonise le territoire d'un autre peuple, qu'il pratique des exécutions extrajudiciaires, des incarcérations sans jugement ou ces " pressions physiques modérées " qu'on appelle ailleurs de la torture, qu'il tire à balles réelles sur des enfants lanceurs de pierres, fussent-ils endoctrinés, ou qu'il détruise maisons et plantations.

Ces actes, que d'autres médias de qualité ont qualifiés de " terrorisme d'Etat ", sont dénoncés non par " Le Soir ", mais par l'ensemble des dirigeants européens et nord-américains. Les mots, à propos des Palestiniens, de " déplacement, occupation, blocus et aujourd'hui exécutions extrajudiciaires " ne sont pas de la rédaction du Soir, mais de la bouche de Kofi Annan, secrétaire général de l'ONU. C'est Hubert Védrine, ministre français des Affaires étrangères, qui a dit que le peuple palestinien est " assiégé, pris en otage, asphyxié ". Et c'est le département d'Etat américain qui a récemment qualifié une incursion israélienne dans les territoires de " provocation ".

On peut certes nous faire des reproches, critiquer la sensibilité de journalistes à une situation dramatique ou des positions éditoriales tranchées, mais nous revendiquons de ne pas tordre les faits, de les rapporter aussi complètement et objectivement que possible, quels qu'ils soient et quels que soient leurs auteurs ou leurs victimes. Cela ne nous prive en rien de les juger. Et les juger n'a rien à voir avec l'antisémitisme. Le racisme n'appartient pas à nos catégories. La politique israélienne actuelle n'a d'ailleurs en rien l'exclusivité de nos critiques. Fi donc de cet amalgame grossièrement instrumentalisé et qui ne peut conduire qu'à l'isolement de ceux qui le pratiquent. Place, plutôt, à un dialogue fait de tolérance et de compréhension.·


Le Soir du mercredi 17 octobre 2001

Communiqué de la SJPS

La Société des journalistes professionnels du Soir (SJPS) est dépositaire du capital intellectuel de la rédaction. A ce titre, elle se doit de veiller à l'image et la crédibilité du " Soir ".

C'est pourquoi elle regrette que les relations entre une partie de la communauté juive de Belgique et " Le Soir " aient pris au fil des derniers mois un tour à ce point conflictuel qu'il débouche sur la dure controverse exposée en ces pages.

La SJPS ne peut que réfuter les accusations de partialité et d'inobjectivité avancées dans la plupart des textes publiés dans ce " Forum ". Elle ne peut accepter que de tels soupçons pèsent sur quelques-uns de ses journalistes. Son rôle est de réaffirmer le devoir des journalistes du " Soir " de pratiquer un journalisme critique, responsable, inspiré par les valeurs démocratiques qui fondent sa tradition et son identité.

Néanmoins, la SJPS souhaite que le débat reste possible et se poursuive au-delà des arguments échangés aujourd'hui.·


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