Pierre-Yves Lambert, La participation politique des allochtones en Belgique - Historique et situation bruxelloise, Louvain-la-Neuve, Academia-Bruylant (coll. Sybidi Papers), juin 1999, 122p., ISBN 2-87209-555-1 |
avertissement: cette version en ligne ne correspond pas exactement à l'ouvrage publié en 1999, qui reste disponible chez l'éditeur Academia-Bruylant, de même que d'autres dans l'excellente collection Sybidi Papers, elle ne peut donc être utilisée pour les citations |
Sommaire - Introduction -Chapitre I - Chapitre II - Chapitre III - Chapitre IV - Chapitre V - Conclusions - Sources |
(voir aussi la page le droit de vote des étrangers dans le monde)
II. 3. Le droit de vote des étrangers dans dautres pays
Le sociologue belge Dirk Jacobs a récemment présenté une thèse de doctorat sur "le débat parlementaire à propos du droit de vote des étrangers aux Pays-Bas et en Belgique de 1970 à 1997" (Jacobs 1998). Daprès lui, il ne faudrait pas voir dans ladoption de cette mesure aux Pays-Bas en 1985 lexpression dune plus grande ouverture desprit des Néerlandais, mais leffet conjugué dun système politique où les compétitions interpartisanes étaient moins fortes et des prises dotages par des Moluquois apatrides à la fin des années soixante-dix.
En Belgique, une issue positive au débat sur le droit de vote apparaissait encore possible jusquen 1979-80, mais elle fut étouffée par les six années de gouvernement à participation libérale en 1981-87. Parallèlement, la montée de la xénophobie en région bruxelloise, où le PRL avait sa principale base électorale, poussa tous les partis traditionnels à mettre en avant leur opposition radicale au droit de vote des immigrés à l'occasion des campagnes électorales, notamment communales (cf. de Biolley 1994).
En Italie, ce droit de vote a été envisagé à plusieurs reprises depuis une dizaine d'années, notamment en 1997-98 dans le cadre dun ensemble de mesures concernant limmigration, mais le projet a finalement été retiré par le gouvernement et seuls les ressortissants de l'UE auront désormais le droit de vote au niveau municipal.
En France, le candidat Mitterrand lavait également inclus dans ses 101 propositions en 1981, mais il ny a jamais eu dinitiative parlementaire ni gouvernementale concrète dans ce sens par la suite.
Plus récemment, en Allemagne, laccord de coalition entre le SPD et les Verts en 1998 prévoyait le droit de vote des résidents étrangers aux élections locales: "Pour la promotion de l'intégration, les étrangers et étrangères qui vivent ici mais n'ont pas la nationalité d'un Etat membre de l'Union Européenne bénéficieront du droit de vote (Wahlrecht) dans les Kreisen et dans les communes." (site des Verts allemands, notre trad.). La tournure prise par le débat sur la réforme du Code de la nationalité augure cependant mal de la réalisation de ce projet.
Sur les quinze Etats membres de lUnion Européenne, mis à part les Pays-Bas et lIrlande, seuls les pays scandinaves, après une étape où seuls leurs ressortissants respectifs en bénéficiaient, ont étendu le droit de vote et déligibilité au niveau local à tous les résidents étrangers. A présent, les quinze Etats membres (la Belgique en dernier lieu) ont tous intégré dans leurs législations nationales le droit de vote et déligibilité des ressortissants communautaires plus, pour certains (Espagne, Portugal, Royaume-Uni), des mesures spécifiques dans le cadre de la réciprocité.
Parmi les candidats à ladhésion à lUE, lEstonie reconnaît déjà le droit de vote local des résidents étrangers. La Constitution slovène quant à elle prévoit (art. 43) la possibilité doctroyer le droit de vote à des étrangers, mesure déjà effective pour les sénateurs élus par les chefs dentreprises sans distinction de nationalité. Le droit de vote local des résidents étrangers existe également à Malte.
Hors du continent européen, le Vénézuela (art. 86 de la loi électorale), le Burkina Faso et la Nouvelle-Zélande semblent les seuls à avoir adopté de telles mesures, valables pour toutes les élections dans ce dernier pays, pour le vote et non pour léligibilité.
Au Japon, la Cour Suprême a déclaré en 1995 que le droit de vote local des étrangers nest pas en contradiction avec la Constitution (Nakayama 1996), et une proposition dans ce sens a été déposée à la Diète en novembre 1998 (Traces n°4, octobre-décembre 1998).
En Australie, les ressortissants de l'"Ancien Commonwealth" (Royaume-Uni, Nouvelle-Zélande, Canada, Malte) arrivés avant 1982 bénéficient du droit de vote, mais non déligibilité, à tous les niveaux, ce qui semble avoir freiné leur volonté d'acquisition de la nationalité australienne, en particulier pour les Maltais (cf. encadré). En 1998, les autorités ont constaté quune ressortissante britannique ayant récemment acquis la nationalité australienne sans faire abandon de sa nationalité dorigine avait été élue au Parlement du Queensland sous les couleurs de One Nation, un parti virulemment xénophobe, alors que, selon la législation en vigueur, les binationaux nont pas le droit de siéger au Parlement (Traces n°4, octobre-décembre 1998).
Les Maltais et la nationalité australienne (Cauchi 1990: 103-104)
Seuls 17% des immigrés maltais qui résidaient en Australie depuis 12 ans ou moins sont devenus citoyens australiens alors que 60% de ceux résidant depuis plus de 22 ans le devenaient. (...) Les raison principales qui expliquent ce faible taux de nationalité seraient les suivantes:
La perte de la nationalité maltaise. (...)
L'espoir et le désir de retourner s'installer à Malte. (...)
La plupart des immigrés maltais avaient déjà divers droits, dont celui de voter, et il était difficile de voir un quelconque avantage à l'obtention de la nationalité. Ceci est particulièrement valable pour des emplois (généralement les moins bien payés) pour lesquels la nationalité australienne n'est généralement pas exigée.
Avec la reconnaissance de la double nationalité par le gouvernement maltais en 1989, certaines de ces craintes seraient moins valables, et on peut s'attendre à ce que le taux de naturalisation s'accroîtra dans le futur proche.