Pierre-Yves Lambert, La participation politique des allochtones en Belgique - Historique et situation bruxelloise, Louvain-la-Neuve, Academia-Bruylant (coll. Sybidi Papers), juin 1999,  122p., ISBN 2-87209-555-1
avertissement: cette version en ligne ne correspond pas exactement à l'ouvrage publié en 1999, qui reste disponible chez l'éditeur Academia-Bruylant, de même que d'autres dans l'excellente collection Sybidi Papers, elle ne peut donc être utilisée pour les citations 

Sommaire -  Introduction -Chapitre I - Chapitre II - Chapitre III - Chapitre IV - Chapitre V -  Conclusions - Sources

(ce chapitre est obsolète, le système électoral a été modifié depuis lors, voir aussi la discussion sur le "stemblok ethnique")

IV. 4. Vote de liste et vote préférentiel

Il faut tout d’abord rappeler que le système électoral belge est un scrutin proportionnel de liste, l’étendue des circonscriptions électorales différant selon le type d’élection. Les systèmes électoraux diffèrent également selon le type d’élection: Imperiali aux communales, Dhondt aux législatives. Aux provinciales et aux législatives, il existe par ailleurs un système d’apparentement entre arrondissements électoraux.

Toutes les personnes résidant en Belgique sont tenues de s'inscrire auprès de l'administration de la commune où ils habitent, et de signaler leur changement d'adresse endéans les huit jours. Toutes les personnes ayant la capacité électorale (âgées de dix-huit ans au jour de l'élection et non privées du droit de vote suite à une condamnation) reçoivent automatiquement une convocation électorale. Rappelons également que le vote est obligatoire. Une telle situation constitue évidemment un encouragement à la participation politique des groupes sociaux défavorisés, dont les personnes d'origine étrangère, au contraire donc de ce qui se passe en France, au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis, où les taux d'inscription sur les listes électorales et de participation effective aux élections des minorités ethniques sont généralement plus faibles que la moyenne nationale.

Avant 1995, il n’était possible de voter que pour un seul candidat, soit un effectif et/ou un suppléant, sauf pour les communales où il n’y a pas de liste distincte de candidats suppléants et où il était déjà possible de voter pour plus d’un candidat, règle à présent valable pour toutes les élections. Au lieu du vote préférentiel pour un ou des candidat(s), il est également possible d’exprimer un "vote de liste" ("case de tête" - kopstem, lijststem), ce qui revient à approuver l’ordre des candidats tel qu’il figure sur la liste.

L’élection de chaque candidat dépend donc du nombre de sièges obtenus par la liste et de sa position initiale sur la liste, mais aussi de son score personnel en votes préférentiels et du nombre de votes de liste, qui sont répartis entre les candidats suivant l’ordre initial selon un calcul complexe (voir infra). Concrètement, de 1919 à 1991, seuls 30 députés sur 4.719, soit 0,64%, et un seul des 2.358 sénateurs élus directs, soit 0,04%, ont été élus hors de l’ "ordre utile" (Bouckaert et al. 1998: 13).

L’ "ordre utile" correspond à la notion de "position éligible" dans les scrutins proportionnels en France, à la différence que des outsiders peuvent "remonter" sur la liste et souffler le siège d’un colistier mieux placé mais qui a obtenu un score personnel moins important que la dévolution des voix de la "case de tête" n’a pu compenser. Aux élections communales et aux régionales bruxelloises, où le nombre de sièges à répartir pour une circonscription unique est plus élevé, il est assez fréquent que des candidats soient ainsi élus alors qu’ils occupent une place parfois très lointaine sur la liste. Les modes de calcul diffèrent selon le type d’élection.

 

élections communales

Avant de procéder à la désignation des élus sont calculés le chiffre électoral, addition de tous les bulletins valables pour la liste (vote de liste ou votes préférentiels), le nombre de suffrages utiles, chiffre électoral multiplié par le nombre de sièges obtenus, le chiffre d’éligibilité, suffrages utiles divisé par le nombre de sièges obtenus plus un, ainsi que le nombre de suffrages complémentaires, nombre de votes de liste multiplié par le nombre de sièges obtenus.

exemple n°1

Une liste a obtenu 6 sièges et 1.000 voix pour la liste plus 1.000 pour un ou des candidats. Le chiffre électoral est donc 2.000, il y a 12.000 suffrages utiles (2.000 X 6), le chiffre d’éligibilité s’élève à 12.000 / (6 + 1), soit 1.714. Il y a 6.000 (1.000 X 6) suffrages complémentaires à transférer aux candidats dans l’ordre de la liste pour qu’ils atteignent le chiffre d’éligibilité.

Les candidats A, B et C sont élus parce qu’ils atteignent le chiffre d’éligibilité avec leurs votes personnels complétés par les voix dévolues de la liste. Le candidat D est élu parce que, bien qu’il n’atteigne pas le chiffre d’éligibilité par l’addition de ses votes personnels et de ce qui reste de votes de liste après dévolution aux trois candidats précédents, ces votes additionnés atteignent un chiffre plus élevé que ceux des cinq autres candidats restants. Les candidats G et I sont élus uniquement par leurs votes personnels.

Tableau 8.

cand.

voix

transferts

Total

élus

suppléants

A

200

1.514

1.714

1er

     

B

150

1.564

1.714

2è.

     

C

20

1.694

1.714

3è.

     

D

35

1.228

 

4è.

transferts

Total

 

E

100

 

100

 

1.614

1.714

1er

F

30

 

30

 

1.684

1.714

2è.

G

165

 

165

6è.

     

H

30

 

30

 

1.684

1.714

3è.

I

270

 

270

5è.

     

Total

 

6.000

         

Exemple n°2

Une liste a obtenu 3 sièges et 1.000 voix pour la liste plus 1.000 pour un ou des candidats. Le chiffre électoral est donc 2.000, il y a 6.000 suffrages utiles (2.000 X 3), le chiffre d’éligibilité s’élève à 6.000 / (3 + 1), soit 1.500. Il y a 3.000 (1.000 X 3) suffrages complémentaires à transférer aux candidats dans l’ordre de la liste pour qu’ils atteignent le chiffre d’éligibilité.

Tableau 9.

cand.

voix

transferts

Total

élus

suppléants

A

200

1.300

1.500

1er

     

B

150

1.350

1.500

2è.

     

C

20

350

370

3è.

transferts

Total

 

D

35

     

1.465

1.500

1er

E

100

     

1.400

1.500

2è.

F

30

     

135

165

4è.

G

165

       

165

5è.

H

30

       

30

6è.

I

270

       

270

3è.

Total

             

Dans ce deuxième exemple, on voit clairement que, quand le nombre d’élus est moins élevé, un outsider a moins de chances de modifier l’ordre initial des candidats, même pour les suppléances. Dans cet exemple, le candidat I a obtenu le meilleur score personnel mais n’est pas élu et ne devient que le troisème suppléant. En cas de parité, c'est l'ordre d'inscription initial qui prévaut.

Dans une hypothèse extrême évoquée par Bouckaert et al. (1998: 10-11), un candidat qui aurait recueilli plus de voix de préférence que le chiffre d'éligibilité mais qui ne figurerait pas en ordre utile ne serait pas élu si les premiers candidats sur la liste enlèvent tous les sièges grâce à l'addition de leurs votes personnels et des votes de liste dévolus.

Une telle situation est évitée par le système en vigueur aux Pays-Bas depuis 1989 (id., pp. 55-57), où il n'y a pas de vote de liste mais où il n'est possible de voter que pour un seul candidat. Les premiers élus sont les candidats qui ont obtenu au moins la moitié du chiffre d'éligibilité (dans ce cas, le nombre de voix de la liste divisé par le nombre de sièges), quelle que soit leurs positions sur la liste et selon leurs scores personnels. Les autres candidats sont élus suivant leur position initiale sur la liste, quel que soit leur score personnel. Le calcul est néanmoins compliqué par le système d'apparentement de listes (lijstgroep).

 

Elections autres que communales

Pour les autres élections, le principe reste le même, mis à part le nombre de suffrages complémentaires qui correspond uniquement au nombre de voix de liste. Pour les provinciales, les suppléants sont désignés suivant le même principe qu’aux communales; aux autres élections, il y a des listes séparées de candidats effectifs et de candidats suppléants, l’ordre des suppléants se calculant donc à partir du premier suppléant. Un suppléant qui obtient plus de voix qu’un candidat effectif reste néanmoins dans la liste des suppléants.

Pour les élections sénatoriales, depuis 1995, il y a trois "circonscriptions", la Flandre (moins l’arrondissement de Hal-Vilvorde), la Wallonie et Bruxelles-Hal-Vilvorde, et deux "collèges électoraux", flamand ou francophone. Seuls les électeurs de la circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvorde peuvent choisir une liste de l’un ou l’autre collège. Contrairement aux élections régionales bruxelloises néanmoins, il n’y a pas de contraintes linguistiques quant aux candidats de ces listes, il y avait d’ailleurs en 1995 une liste "VLAAMS" (à nouveau présente en 1999, cf. Le Matin 22/4/99) et une liste germanophone (PDB) dans la circonscription "francophone". Le nombre d’élus est peu élevé (25 "flamands"et 15 "francophones") par rapport au nombre d’électeurs (respectivement 3.751.285 et 2.267.542), ce qui diminue la possibilité pour un candidat placé au-delà de l’ordre utile d’être élu grâce à ses voix de préférence, seules 5 listes sur 10 représentées au Sénat ayant obtenu entre 5 élus ou plus (7 maximum).

Il en va de même pour les candidats à la Chambre (et au Sénat avant 1995) où, en 1995, il y avait 20 circonscriptions pour un total de 150 sièges et où aucune liste n’a obtenu plus de 5 sièges dans une même circonscription, une seule (PRL-FDF à Bruxelles-Hal-Vilvorde) en a obtenu 5, quatre en ont obtenu 4 dans des circonscriptions différentes.

La situation est sensiblement la même pour les élections régionales wallonnes, avec 75 sièges répartis sur 13 circonscriptions, une seule liste (le PS) disposant de 6 élus dans la même circonscription (Liège, 14 sièges au total), le même parti disposant de 4 élus dans une autre circonscription (Charleroi, 10 sièges au total).

Au Parlement flamand, il y a 118 sièges (sur 124) élus directement dans 11 circonscriptions. Seul une liste (CVP) compte 5 élus dans une même circonscription (le Limbourg), sept autres listes (dont quatre dans la circonscription d'Anvers, qui compte au total 19 sièges) en comptent 4.

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