Pierre-Yves Lambert, La participation politique des allochtones en Belgique - Historique et situation bruxelloise, Louvain-la-Neuve, Academia-Bruylant (coll. Sybidi Papers), juin 1999,  122p., ISBN 2-87209-555-1
avertissement: cette version en ligne ne correspond pas exactement à l'ouvrage publié en 1999, qui reste disponible chez l'éditeur Academia-Bruylant, de même que d'autres dans l'excellente collection Sybidi Papers, elle ne peut donc être utilisée pour les citations 

Sommaire -  Introduction -Chapitre I - Chapitre II - Chapitre III - Chapitre IV - Chapitre V -  Conclusions - Sources

V. 4. Elections communales de 1994

Les tableaux qui suivent doivent être considérés en gardant à l'esprit que:

Toutefois, l'absence totale d'élus ou de suppléants d'origine X dans certaines communes où ce groupe X a pourtant une présence numériquement importante a une signification indubitable sur le plan symbolique quant à la volonté des listes et partis locaux de refléter au conseil communal la diversité de la population. Le cas, évoqué plus haut, de la liste PS à Bruxelles en 1988 est à cet égard révélateur, de même que ceux, également évoqués, des listes du bourgmestre PS-SP à Saint-Gilles, Anderlecht et Molenbeek en 1994.

Il faut à cet égard rappeler qu'un nombre important de listes inclut par contre des candidats flamands, parfois dans des communes (Ixelles, Saint-Gilles) où les néerlandophones représentent une part infime de la population. Mais quasiment chaque parti flamand dispose d'une section, même microscopique, dans chaque commune bruxelloise et peut ainsi négocier le placement d'un ou de plusieurs candidats sur la liste du parti-frère francophone, sur une liste de cartel flamand, sur une "liste du bourgmestre", voire sur une liste de cartel plus originale (IDS-SP à Schaerbeek).

Les suppléants mentionnés sont les X premiers quand la liste a obtenu X sièges.

Tableaux suivants: communes où le groupe national représentait au moins 3% de la population totale au 1.1.1995 (chiffres bruts: INS) et présence d’élus et suppléants de même origine en 1994 (recherche par patronyme dans les données MRB 1998; les données de Saint-Gilles sont celles de 1995)

Tableau 16
Italiens (3,1%)

élus(suppl.) d'origine italienne en 1994

Forest (5,3%)

0 (suppl.: 1 FDF)

Saint-Gilles (5,1%),

1 FN

Anderlecht (4,8%),

0

Molenbeek (3,9%),

0

Saint-Josse (3,6%),

(1 suppl. PS)

Etterbeek (3,4%),

0

Ixelles (3,2%),

0 (1 suppl. PS)

Bruxelles (3%),

0

Schaerbeek (3%)

1 LB

 

En-dehors de ces communes une candidate a été élue à Auderghem (échevine FDF) et une à Koekelberg (Ecolo). La Liste du Bourgmestre à Schaerbeek était composée d’ancien élus (indépendants ou CVP) du groupe NOLS (droite xénophobe, y compris le PRL) et de l’ancienne section PS (dissoute par la fédération bruxelloise du PS).

 

 

Tableau 17
Espagnols (2,5%)

élus (suppl.) d'origine espagnole en 1994

Saint-Gilles (7,8%)

0 (suppl.: 1 PS, 1 FN)

Forest (4%)

1 échevin PS

Anderlecht (3,2%)

0 (0 suppl.)

Bruxelles (3,2%)

0 (0 suppl.)

 

En-dehors de ces communes, un candidat a été élu à Ixelles (Ecolo). L’échevin PS de Forest Diego Escolar, conseiller régional de 1989 à 1995, avait déjà été élu conseiller communal en 1988 grâce à son score personnel, puisqu’il ne figurait pas en ordre utile sur la liste. Ce militant syndical, fils de réfugiés espagnols, a quitté le PS en 1997, a siégé comme socialiste indépendant et a finalement démissionné du conseil communal (Le Soir 20/5/97, 25/5/97, 1/10/98).

Tableau 18
Portugais (1,5%)

élus (suppl.) d'origine portugaise en 1994

Saint-Gilles (6,8%)

0

Ixelles (3,1%)

1 FDF

Etterbeek (1,9%)

0

Koekelberg (1,8%)

0

Forest (1,6%)

0

 

La plupart des Portugais ont immigré depuis l'entrée de ce pays dans la CEE. Il y a donc encore assez peu de Belges d'origine portugaise, en proportion moindre en tout cas que dans d'autres groupes nationaux.

 

 

 

 

 

 

Tableau 19
Grecs (1,1%)

élus (suppl.) d'origine grecque en 1994

Saint-Gilles (2,8%)

0

Schaerbeek (1,6%)

0

Forest (1,5%)

1 FDF

Anderlecht (1,5%)

0

Bruxelles (1,3%)

0

 

Autres élus d'origine grecque: 1 échevin FDF (voir ci-dessous) à Ixelles, 1 suppléant FDF à Uccle, 1 élue FDF à Woluwe-Saint-Pierre, 1 suppléante FDF à Woluwe-Saint-Pierre.

Né en 1919 à Bruxelles d'un père lui-même partiellement d'origine grecque originaire de Lille (France) et d'une mère flamande, l'avocat Basile Risopoulos a combattu dans les rangs de la Résistance, puis des troupes alliées. Il fut sénateur, puis député libéral dans les années 1960-70. Président du Parti libéral bruxellois de 1974 à 1976, il rejoignit le FDF en 1978 et siégea ensuite comme député de ce parti jusqu'en 1985. Elu conseiller communal à Ixelles en 1988 et en 1994, il devint échevin des finances de cette commune en 1995. Basile Risopoulos est décédé en mai 1997. (Le Soir 10/2/95 et 6/5/97)

 

Tableau 20
Marocains (8%)

élus (suppléants) d'origine marocaine

Molenbeek (21,1%)

1 Ecolo (suppl.: 1 Ecolo)

Saint-Josse (17,5%)

1 PS, 1 Ecolo

Saint-Gilles (13%)

[1994: 1 Ecolo] 1995: 0

Bruxelles (12,9%)

1PS (suppl.: 1 FDF)

Schaerbeek (11,9%)

1 PS, 1 FDF, 1 Ecolo (suppl.: 1 PS, 1 FDF, 1 Ecolo)

Forest (10,6%)

1 PS

Koekelberg (10,1%)

1 FDF

Anderlecht (9,1%)

0 (suppl.: 1 FDF, 1 Ecolo)

Etterbeek (3,8%)

0

Ixelles (3,6%)

1 Ecolo (suppl.: 2 PS)

Evere (3,6%)

0

Jette (3%)

0 (aucun candidat)

 

En-dehors de ces communes, un conseiller suppléant Ecolo a été appelé à siéger en 1997 à Watermael-Boitsfort (- de 0,5% de Marocains). L'élu FDF de Schaerbeek a été exclu de ce parti en 1997 et a démissionné en 1998 pour s'installer dans une autre commune. Le suppléant FDF d'Anderlecht, par ailleurs conseiller CPAS, a quitté son parti pour siéger comme indépendant, puis a rejoint le PS. L'élu Ecolo ixellois a démissionné et quitté ce parti en 1997.

 

Tableau 21

Algériens (0,2%)

1 élue PS à Bruxelles, 1 suppl. Ecolo à Bruxelles

Tunisiens (0,3%)

1 élu PS à Bruxelles

Dans le cas des Algériens et des Tunisiens, deux groupes nationaux peu nombreux en région bruxelloise et n'atteignant 1% de la population dans aucune commune, il y a lieu de s'interroger sur la catégorie à considérer: soit les "Maghrébins", soit chaque nationalité prise à part. La seconde option nous semble mieux coller à la réalité bruxelloise, ce qui donne pour la commune de Bruxelles 3 élus PS d'origine maghrébine, 1 suppléant Ecolo et 1 suppléant FDF.

Profil de quelques élus communaux d'origine maghrébine (sources: articles de presse, entretiens personnels)

 

Il faut noter que d'autres portraits d'élus, anciens élus ou candidats allochtones tant bruxellois que wallons ou flamands ont par ailleurs été réalisés par le trimestriel bruxellois Nouvelle Tribune dans les numéros 17 (décembre 1997) et 19 (mars 1999), ainsi que dans le numéro 20 (à paraître en juin 1999). Les élus communaux candidats aux élections régionales ou fédérales de 1999 sont décrits plus loin.

Faouzia Hariche, licenciée en philologie romane, est née en Algérie en 1966 et y a vécu jusqu'à l'âge de 7 ans quand, avec sa mère et ses quatre frères et soeurs, elle a rejoint son père qui travaillait à Charleroi. Elle habite Bruxelles depuis 1987 et a rejoint les rangs du PS en 1993 par l'intermédiaire de l'association Jeunesse Maghrébine (Le Soir 13/10/94; La Lanterne 7/11/94). Elle est devenue conseillère communale à Bruxelles en 1994 alors qu'elle ne figurait qu'à la 35ème place sur la liste PS qui avait 7 élus sortants.

Hassane Mokhtari est né en 1963 au Maroc. Ce moniteur de sport a été élu au conseil communal de Forest en 1994 malgré une place en ordre non utile sur la Liste du Bourgmestre (PS).

Mohamed Ouriaghli, technicien et président des Jeunes Socialistes de Bruxelles, a été élu conseiller communal PS à Bruxelles, malgré une place en ordre non utile sur la liste.

Abdesselam Smahi est né en 1953 au Maroc et arrivé en Belgique en 1971 comme menuisier. Animateur au service social de la commune dans les années 70-80, puis employé communal, il fut également membre élu du CCCI de Saint-Josse. Il a récolté 3,1% de tous les suffrages valables aux élections communales de 1994 à Saint-Josse et obtenu plus de voix que tous les échevins sortants, à l'exception d'un seul. Cet élu socialiste d'origine marocaine figurait à l'avant-dernière place sur la liste PS-PSC.

 

Tableau 22
Turcs (2,3%)

élu(s) d'origine turque en 1994

Saint-Josse (18,1%)

0 (aucun candidat)

Schaerbeek (9,6%)

0 (aucun candidat)

 

A elles seules, ces deux communes représentent 63% de la population turque bruxelloise. Il n’y avait que trois candidats originaires de Turquie sur l’ensemble des 19 communes. L’une d’entre eux, Gülcan Onder, issue de la minorité assyrienne, est devenue suppléante FDF à Etterbeek. Un des deux autres candidats (Antoine Akayyan, PS, Bruxelles) est un Arménien d'Istanbul, ce qui signifie qu'il n'y avait en fait qu'une seule candidate d'origine turco-musulmane (Müseref Camoglu, Volksunie, Bruxelles) sur l'ensemble de la région.

 

Tableau 23

Autres (patronymes ou lieu de naissance)

Albanais

1 suppl. Ecolo à Schaerbeek (a siégé de 1995 à 1997)

Hongrois

1 suppléant PRL à Schaerbeek (né à Budapest), 1 suppléante FDF à Watermael-Boitsfort (née à Budapest), 1 suppléante Ecolo à Watermael-Boitsfort (née en Colombie)

Polonais

1 suppléante FN à Anderlecht (appelée à siéger; a quitté le FN)

Roumains

1 suppléante PS à Saint-Josse (appelée à siéger en 1995)

Russes

1 suppléant FN à Koekelberg, 1 suppléant PRL à Schaerbeek

Parmi les absents de ce dernier tableau, les Vietnamiens et autres Indochinois, pourtant quasiment tous devenus belges dans les années 1980-90. La seule candidate issue de ces communautés figurait en ordre non utile sur la liste PSC à Ixelles.

 

Candidats PS d’origine arabe ou berbère aux communales de 1994

Tableau 24. A: nombre de conseillers sortants du parti; B: position du candidat sur la liste; C: position du candidat suivant son score personnel; D: nombre d'élus du parti après élection; E: gain du candidat (élu ou Xième suppléant)
candidat (commune)

A

B

C.

D.

E.

BENABID Ali (Schaerbeek)

4

19

10

4

-

BOUARFA Sfia (Schaerbeek)

4

4

1

4

élue

CHAMMASSE Ghazal (Ixelles)

6

22

15

6

-

EL KHADEM Hassan (Berchem)

(5)

22

12

4

-

ENNAY Mohamed (Schaerbeek)

4

33

13

4

-

FARGAOUI Abdel (Ixelles)

6

31

9

6

sup 4

GHALI Mohamed (Ixelles)

6

40

6

6

sup 3

HOUIMLI Mahmoud (Woluwe-St-P.)

1

10

8

0

-

HARICHE Faouzia (Brux.)

7

35

6

9

élue

LAHLALI Mohamed (Schaerbeek)

4

29

6

4

sup 4

MOKHTARI Hassan (Forest)

11

25

6

9

élu

OURIAGHLI Mohamed (Bruxelles)

7

24

5

9

élu

ROMDHANI Mahfoud (Bruxelles)

7

10

4

9

élu

SMAHI Abdesselam (Saint-Josse)

16

25

3

16

élu

 

Sur 14 candidats originaires du Monde arabe (10 du Maroc, 1 d'Algérie, de Tunisie, de Syrie et d'Egypte) présentés par le PS dans 7 communes sur 19, 6 ont été élus alors qu'une seule figurait en ordre utile; 3 autres sont devenus suppléants. Sans le système de dévolution des voix de la case de tête, un septième candidat (Mohamed Ghali) aurait été élu à Ixelles.

 

Tableau 25. Relations entre le pourcentage de la population marocaine par commune et

Marocains

communes

A

B

C

D.

E.

10% -

Molenbeek

Saint-Josse

Saint-Gilles

Bruxelles

Schaerbeek

Forest

Koekelberg

NON

OUI

NON

OUI

OUI

OUI

NON

-

NON

-

NON

OUI

NON

-

-

1 ELU

-

3 ELUS

1 ELUE

1 ELU

-

MAJ

MAJ

MAJ

MAJ

OPP

MAJ

OPP

PS

PS

PS

PSC

DVD

PS

PRL

3 - 9,9%

Anderlecht

Etterbeek

Ixelles

Evere

Jette

NON

NON

OUI

NON

NON

-

-

NON

-

-

-

-

0 ELU

-

-

MAJ

MAJ

MAJ

MAJ

MAJ

PS

PRL

PRL

PS

PSC

- de 3%

Berchem

Woluwe St.P

OUI

OUI

NON

NON

0 ELU

0 ELU

OPP

OPP

CVP

PRL

 

On peut constater d'après le tableau ci-dessus que sur douze communes où il y avait au moins 3% de Marocains au 1.1.1995, six étaient dirigées avant les élections par des bourgmestres PS, dont deux seulement avaient intégré un "candidat arabe" sur leur liste.

Dans certaines sections du PS bruxellois, le problème du racisme s'est posé aux candidats maghrébins à l’adhésion. "Militant antiraciste, Mohamed [Daif, député régional PS bruxellois depuis 1995] voulait s'affilier au PS mais la section molenbeekoise n'acceptait pas les étrangers: "(...) Je me suis inscrit dans la mouvance progressiste proche du PS. Il a fallu attendre l'arrivée de Philippe Moureaux pour que je sois accepté." " (Le Soir 26/6/97). Talbia Belhouari, candidate au Sénat en 1995 et à la Chambre en 1999, avait initialement dû adhérer à la section PS d'Ixelles, une section considérée comme non xénophobe, alors qu'elle a toujours vécu à Molenbeek. Comme M. Daif, elle a néanmoins finalement rejoint la section de Molenbeek.

En janvier 1991, en pleine guerre du Golfe, une campagne avait été menée au sein de la fédération bruxelloise du PS par les Jeunes Socialistes pour ouvrir ce parti aux "progressistes bruxellois d'origine immigrée, en particulier ceux qui font déjà partie de notre famille par l'entremise du syndicat ou des mutualités". Sur onze responsables régionaux des JS, cinq étaient nés de père étranger: deux Espagnols, un Libanais, un Italien et un Français (l'auteur du présent document). Seuls six élus socialistes bruxellois (un député, un bourgmestre, trois conseillers régionaux et un seul conseiller communal) avaient osé soutenir cette initiative à l'époque, alors que Charles Picqué, (e.a.) président du PS de Saint-Gilles, avait interdit aux élus socialistes de cette commune d'adhérer à cette campagne.

A des militants syndicaux turcs venus demander l'adhésion au PS de Saint-Gilles quelques mois plus tôt, deux responsables de cette section avaient proposé d'organiser des réunions séparées pour les Turcs, ou de s'inscrire dans une autre section, par crainte de réactions xénophobes de la part des membres de base de la section. Des incidents de ce type avaient notamment eu lieu lors d'une assemblée générale de la section en octobre 1989, à propos de l’ouverture d’une école musulmane à Bruxelles, et lors d'une manifestation officielle organisée en septembre 1990 par les sections PS et PRL de Saint-Gilles et de Forest pour commémorer le centième anniversaire du "Serment de Saint-Gilles", une date marquante du combat ouvrier pour le suffrage universel en Belgique. Des invectives comme "Pas de macaques dans le parti !" et "Retournez en Irak" y furent lancées par des membres et élus du PS à l’encontre de militants socialistes (du parti ou du syndicat) d’origine maghrébine et turque. Ce sans que la direction locale du parti n'entreprenne de procédures d'exclusion à l'égard des auteurs de ces propos xénophobes.

Près de la moitié des habitants de cette commune sont de nationalité étrangère, principalement des Européens communautaires. A plusieurs reprises d'ailleurs, dans les années 1970-80, des opposants au droit de vote des étrangers brandirent la terrible menace d'un futur bourgmestre... grec à la tête de Saint-Gilles !

 

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